Récits de conflit et territoire

Conflict and territory narratives

Introduction : Police et Territoires

Introduction: Police and Territories

En uniforme ou en civil, lors de patrouilles ou de missions spécifiques, les pratiques policières contribuent à la production de l’espace – et plus particulièrement à la production de l’espace urbain (Fyfe, 1995). En effet, l’activité policière[1] consiste en partie à surveiller et à contrôler l’espace ainsi qu’à mettre en place des stratégies spatiales : l’espace est un instrument au service de la mission particulière qui lui est dévolue. Les questions stratégiques et organisationnelles de la répartition des forces de sécurité, de la délimitation des circonscriptions et de la localisation des commissariats  dessinent une géographie propre à la police, dont le travail est très territorialisé (Fyfe, 1991). Les différenciations spatiales ainsi introduites par la police tendent à distinguer espaces menaçants et espaces menacés – tout comme à distinguer dans la population entre personnes menacées et menaçantes du seul fait de leur appartenance apparente à un groupe social. Au nom de l’espace public, des personnes identifiées comme déviantes sont bannies de certains lieux (Belina, 2007). En outre, des comportements discriminatoires de la part de la police sont observés en particulier dans les quartiers défavorisés des grandes villes dans le travail policier : en Amérique du Nord (cf. Herbert, 2003) mais également en Europe (cf. Loader, 2002) et aussi en France (cf. Goris et al., 2009).

Whether in uniform or civilian clothes, on patrol or specific assignments, police practices are a contributing factor to the production of space – and more specifically, the production of urban space (Fyfe, 1995). Policing[1] activity consists in part of monitoring and controlling space as well as establishing spatial strategies: the space is an instrument in the service of the specific mission it has been assigned. The strategic and organizational issues of the distribution of security forces, the delineation of districts and the location of police stations delineate a geography that is specific to the police, whose work is very territorialized (Fyfe, 1991). The spatial differentiations thus introduced by the police tend to identify threatening spaces and threatened spaces – just as there is differentiation in the population of individuals who are threatening and those who are threatened based solely on their apparent belonging to a social group. In the name of public space, individuals identified as deviant are banned from certain places (Belina, 2007). Moreover, discriminatory behaviours on the part of the police are observed particularly in disadvantaged neighbourhoods of major cities: in North America (cf. Herbert, 2003) but also in Europe (cf. Loader, 2002) and in France (cf. Goris et al., 2009).

La connaissance et la maîtrise de l’espace social sont des conditions du travail policier qui, réciproquement, contribue à la production de l’espace urbain. En France, le terme territoire est récurrent tant dans l’organisation police que dans les discours sur la police – on peut en distinguer deux acceptions différentes. Le territoire de compétence, première acception, désigne la circonscription de police, un maillage du territoire national. Même si l’utilisation du terme territoire est courante dans le domaine de l’action publique locale en France, elle exprime dans le cas de la police plus que la seule spatialisation de l’action institutionnelle, plus que l’attribution de responsabilités et de missions sur un espace donné – elle connote également le contrôle, la surveillance et la maîtrise de l’espace. La circonscription, le territoire local « confié » à l’autorité de la police par l’Etat, est en quelque sorte une synecdoque du territoire national. Une deuxième acception du terme territoire met l’accent sur le travail policier lui-même, le territoire étant (ou devant être) approprié par les pratiques policières : cette acception connote alors l’expérience, la connaissance des lieux et des habitants et la capacité à s’imposer. De telles utilisations du terme territoire en ce qui concerne la police rappellent que le territoire n’est pas n’importe quel espace, mais l’aire d’une souveraineté : le terme évoque l’appropriation (violente ou non), la maîtrise, la légitimité, le droit – et éventuellement leur contestation.

Knowledge of and control of social space are the working conditions for the police, while at the same time, police work contributes to the production of urban space. In France, the term territoire [territory] is recurrent in the police organization and likewise in the discourse on the police – and two different meanings of the word can be distinguished. The first meaning, the territory of jurisdiction, refers to the district belonging to the police as part of the national territory network. Even if the use of the term territory is current in the general domain of local public action in France, in the case of the police, it expresses more than simply the spatialization of institutional action or the attribution of responsibilities and assignments over a given space – it also implies control, surveillance and mastery of the space. The district, the local territory “entrusted” to police authority by the State, is something of a synecdoche of the national territory. A second meaning of the term territory emphasizes police work itself, the territory being (or supposed to be) appropriated by policing practices; this meaning implies the experience, knowledge of the site and the inhabitants and the ability to impose itself. Such uses of the term territory with regard to the police are a reminder that the territory is not just any space, but a sovereign area: the term calls to mind appropriation (violent or otherwise), control, legitimacy, law – and potentially, protests against the same.

 

 

Police, Etat et violence

Police, the State and violence

Le but de cette contribution est de participer à l’étude des relations entre Etat et violence et de proposer une interprétation géographique des réflexions menées en sciences sociales et en philosophie politique sur la police, grâce au concept de territoire. La police est en effet souvent conçue par rapport à l’Etat et à l’idée de violence légitime. En contrepoint de la violence cruelle d’un état de nature, en contrepoint de la violence arbitraire d’une société sans pouvoir, an-archique, l’Etat distingue la violence illégitime et la défense légitime et institue ainsi son propre pouvoir coercitif. L’usage de la force par la police est un exercice légitime de violence dont le but est de contrevenir à la violence (cf. Bittner, 1980). Selon la conception wébérienne pour laquelle l’Etat est caractérisé par le monopole de la violence, la police représente une des institutions permettant l’exercice de cette violence. La police ainsi est souvent problématisée comme relevant d’un paradoxe dans le contexte d’Etats de droit et de régimes démocratiques (cf. Herbert, 2003). Cependant, la définition de l’objet « police »[2] est confrontée aux problèmes épistémologiques de la construction de la police comme objet de recherche. Si les descriptions de l’appareil policier qui font abstraction de son rôle social sont quasi unanimement rejetées, l’ensemble des chercheurs ne se réunissent pourtant pas derrière une « sociologie des usages sociaux (légitimes) de la force » (Monjardet, 1996). En effet, la recherche sur la police peut être certes un moyen de s’interroger sur les relations étroites entre violence et Etat – mais ce serait oublier que le recours à la violence est, de fait, rare dans le quotidien policier, et qu’une définition de la police par la légitimité de la violence ne saurait rendre compte de la diversité de ses missions et de ses pratiques (Brodeur, 1994). Cependant, dissocier la recherche sur la police des rapports ambigus et complexes qu’elle entretient en termes conceptuels avec la violence et l’Etat n’est pas non plus une solution satisfaisante. Il ne peut pas être fait abstraction de la conception répandue selon laquelle la police, investie de pouvoirs délégués par l’Etat, le représente, en est le symbole même. Cette conception est justement le fondement de la légitimation de la police : son travail (potentiellement coercitif ou intrusif – cf. Herbert, 2003) est légitimé par l’Etat. Elle repose sur deux présupposés : premièrement, l’Etat protègerait d’une violence préexistante ; deuxièmement, la police serait issue de l’Etat. Or, la violence n’est pas en-dehors de l’Etat, elle n’est pas ce à quoi il s’oppose, elle est également la légitimation de son droit et l’instrument de sa puissance (Gros, 2006). Par ailleurs, l’antériorité de l’Etat sur la police est elle aussi discutable : l’Etat n’est pas une institution, mais une abstraction, dont la fonction est de légitimer une organisation sociale et politique, c’est-à-dire des institutions et leurs pratiques. Ce sont les pratiques quotidiennes, institutionnelles et les discours qui constituent l’Etat (cf. Painter, 2006 et 2010).

The purpose of this contribution is to participate in the study of the relationships between the State and violence and to propose a geographic interpretation of the considerations in the social sciences and political philosophy on the police, based on the concept of territory. The police are in fact often thought of in relationship to the State and the idea of legitimate violence. In counterpoint to the cruel violence of nature or the arbitrary violence of a powerless, an-archical, society, the State distinguishes illegitimate violence from legitimate defence and thus institutes its own coercive power. The use of force by the police is a legitimate exercise of violence, the purpose of which is to contravene violence (cf. Bittner, 1980). According to Weber’s concept that the State is characterized by the monopoly of violence, and the police represent one of the institutions making the exercise of this violence possible. The police thus are often raised as an issue as coming under a paradox in the context of constitutional states and democratic regimes (cf. Herbert, 2003). However, the definition of the object “police”[2] is compared to the epistemological problems of the construction of the police as a research topic. If the descriptions of the police apparatus that make an abstraction of its social role are nearly unanimously rejected, researchers as a whole are not however united behind a “sociology of social (legitimate) uses of force” (Monjardet, 1996). Research on the police may of course be a means for examining the close relationship between violence and the State – but this would be forgetting that resorting to violence is in fact rare in day-to-day police work and that defining the police through the legitimacy of violence would not account for the diversity of policing assignments and practices (Brodeur, 1994). However, separating the research on the police from the ambiguous and complex relationships they entertain in conceptual terms with violence and the State is not a satisfactory solution, either. It is impossible to ignore the wide-spread concept that the police are invested with powers by the State, that they represent the State and that they are even the very symbol thereof. This concept is precisely the foundation of the legitimization of the police: their work (potentially coercive or intrusive – Herbert, 2003) is legitimized by the State. The concept is based on two assumptions: first, that the State would provide protection from pre-existing violence; second, that the police would stem from the State. Now, violence is not apart from the State, it is not what the State is against; violence is also the legitimization of the State’s right and the instrument of its strength (Gros, 2006). Moreover, the State’s precedence over the police is also questionable. The State is not an institution but an abstraction, whose function is to legitimize social and political organization, i.e. institutions and their practices. These day-to-day, institutional practices and discourses are what form the State (Painter, 2006 and 2010).

 

Le territoire : souverainetés et appropriations

Territory: Sovereignties and appropriations

Au lieu de considérer que l’Etat produit un ou des territoire(s) qui seraient les contenants et les structure de l’action policière, nous considérons que ce sont bien plutôt les pratiques policières quotidiennes et institutionnelles qui à la fois produisent un territoire et contribuent à constituer l’Etat. L’Etat (re)produit par la police le serait, entre autres, par le moyen du territoire – de techniques et de pratiques pour l’établissement d’espaces de souveraineté. Souvent controversé pour la multiplicité de ces acceptions possibles  la notion de territoire est pourtant fondamentale pour la géographie sociale francophone et pour la géographie politique anglophone – même si les significations en sont différentes. Dans le contexte francophone, territoire est le plus souvent conçu comme un espace approprié, support d’une identification – processus politiques, historiques, économiques ; individus et groupes sont concernés (Di Méo, 1998). Contre le risque de réification spatiale, le terme de territorialité permet de désigner les processus d’appropriation et d’identification spatiale – sans pour autant risquer de postuler la production d’une « chose-territoire » (Aldhuy, 2008). Ces notions permettent de penser les relations de pouvoir nouées dans l’espace (Ripoll et Veschambre, 2006), ainsi que la dimension concrète et symbolique des conflits qui s’expriment dans l’espace. Dans le contexte anglophone, territory renvoie souvent au (seul) territoire de la souveraineté politique  et la notion est très souvent étroitement liée à l’Etat. La constitution de territoires étatiques, l’histoire des concepts et des techniques territoriales, l’évolution récente de la (dé/re)territorialisation des Etats sont les principaux domaines de recherches, où le territoire est conçu comme le moyen d’un pouvoir.

Rather than considering that the State produces one or more territories which would be the containers and structures of police action, we deem instead that the day-to-day and institutional police practices are what simultaneously produce a territory and contribute to forming the State. The State (re-)produced by the police would be produced in part by means of territory – methods and practices for the establishment of sovereign spaces. Often controversial due to the its many possible meanings, the concept of territory is, however, fundamental for Francophone social geography and Anglophone political geography, even if its meanings are different. In the Francophone context, territoire is most often conceived as an appropriated space, supporting an identity – political, historic and economic processes; individuals and groups are affected (Di Méo, 1998). Against the risk of spatial reification, the term territoriality makes it possible to refer to the processes of spatial appropriation and identity – without however running the risk of assuming the production of “territory as a thing” (Aldhuy, 2008). These concepts make it possible to think about the power relationships that are entered into in the space (Ripoll and Veschambre, 2006), as well as the concrete and symbolic aspect of the conflicts that are expressed in the space. In the Anglophone context, territory often refers to the territory (alone) of political sovereignty and the concept is very often closely tied to the State. The constitution of state territories, the history of territorial concepts and methods, and the recent evolution of States’ (de-/re-) territorialization are the main areas of research where territory is conceived of as a means of power.

De l’acception francophone de territoire[3] comme concept opératoire, nous retenons l’idée que le territoire est construit par de multiples pratiques sociales – et qu’il est un instrument de pouvoir et de luttes entre groupes sociaux aux intérêts divergents. Autour du territoire, la constitution d’un nous s’accompagne de la démarcation d’un eux : l’appropriation par est également une appropriation contre. De l’acception anglophone de territory comme objet historique spécifique, nous retenons l’idée de l’« espace de la souveraineté étatique » comme instrument du contrôle de la population. Des multiples questionnements sur la validité du terme territoire nous retenons également qu’il n’existe pas un (ni même des) territoire(s) produit(s), mais plutôt des processus de territorialisation, complexes et ambivalents.

From the French meaning of territoire[3] as an operative concept, we recall the idea that territory is constructed by multiple social practices – and that it is an instrument of power and struggles between social groups with diverging interests. Around territory, the forming a “we” goes together with the demarcation of a “them”: appropriation by is also an appropriation against. From the English language meaning of territory as a specific historic object, we recall the idea the “space of state sovereignty” as an instrument for controlling the people.  From the great deal of questioning on the validity of the term territory, we also recall that a (or even many) territory/ies is/are not produced, but instead, there are complex and ambivalent territorialization processes.

 

 

Les banlieues françaises : un discours[4] policier ?

The banlieues in France: A policing discourse[4]?

Le but de cette recherche est, à partir de la notion de territoire, d’étudier le discours policier sur les « quartiers sensibles » de la politique de la ville en France, sur les espaces réputés pour leurs « problèmes sociaux »[5].  Les sciences sociales analysent les dimensions urbanistiques et architecturales de ces problèmes (cf. Dufaux et Fourcaut, 2004), leur histoire socio-économique – liée à l’industrialisation et à la constitution de classes ouvrières urbaines, puis, avec la désindustrialisation (Duchêne et Morel-Journel, 2000 ; Beaud et Pialoux, 2003), aux phénomènes de désaffiliation identitaire (Bacqué et Sintomer, 2001). En ce qui concerne les politiques publiques, le « quartier en difficulté » fut créé comme un objet spatial par les textes, les institutions et les politiques, pour devenir une catégorie de l’action publique et servir à la réification de multiples problématiques sociales (Tissot, 2007). Les banlieues font également l’objet de représentations qui se sont révélées très puissantes dans les institutions politiques et administratives, parmi les « habitants » mêmes ou encore dans l’opinion publique (Fourcaut, 2000). Les médias jouent un rôle fondamental dans la production et la diffusion de telles représentations : le travail journalistique de production de la catégorie banlieue  (cf. Sedel, 2009) reflète les rivalités pour l’imposition d’un récit sur les banlieues – les causes de leurs problèmes et les esquisses de solutions. Malgré ces rivalités, émerge un discours hégémonique qui les associe quasi-invariablement à l’insécurité (Germes et al., 2010) – et qui explique en grande partie qu’elles fassent depuis plusieurs décennies l’objet de mesures répressives prenant la forme de dispositifs policiers spécifiques et territorialisés et de politiques locales de sécurité (cf. Dikeç, 2007 : 93-204 ; Bonelli, 2008). Par ailleurs, ces espaces qualifiés également de « zones de non-droit » font également l’objet de pratiques policières particulières : les interlocuteurs identifiés comme appartenant aux quartiers défavorisés (d’autant plus lorsqu’ils sont identifiés comme appartenant à une minorité visible ou ayant un faible capital social), deviennent plus facilement des cibles d’un travail policier plus répressif – ce qui tient en partie au pouvoir discrétionnaire des policiers (relatif à l’interprétation d’une situation et à la décision des modalités de l’intervention – cf. Herbert, 2003). Tout se passe comme si un « autre » droit règlementait les pratiques policières dans les quartiers sensibles (cf. l’analyse proposée par Jobard, 2005).

The purpose of this research is to study the policing discourse of city policy in France on “sensitive neighbourhoods”, spaces that are known for their “social problems”[5], on the basis of the concept of territory. The social sciences analyze the urban planning and architectural aspects of these problems (Dufaux and Fourcaut, 2004), their socio-economic history – related to industrialization and the creation of urban working classes, then later with deindustrialization (Duchêne and Morel-Journel, 2000; Beaud and Pialoux, 2003), the phenomena of identity disaffiliation   (Bacqué and Sintomer, 2001). With regard to public policies, the neighbourhood “in trouble” was created as a spatial object by texts, institutions and policies to become a category of public action and to be used for the reification of multiple social issues (Tissot, 2007). France’s banlieues are also subject to representations that have been shown to be very powerful in political and government institutions among the “inhabitants” themselves or alternatively, in public opinion (Fourcaut, 2000). The media play a crucial role in the production and dissemination of such representations; journalism’s work in producing “banlieue” as a category ( Sedel, 2009) reflects rivalries for imposing a narrative on the banlieues – the causes of their problems and outlines for their solutions. Despite these rivalries, a hegemonic discourse emerges which associates the banlieue almost invariably with insecurity (Germes et al., 2010) – and which explains in great part that for a number of years, they have been subject to repressive measures taking the form of specific and territorialized policing devices and local security policies (Dikeç, 2007: 93-204; Bonelli, 2008). Furthermore, these spaces, described as well as “no-man’s land” are also subject to particular policing practices: subjects identified as belonging to disadvantaged neighbourhoods (the more so when they are identified as belonging to a visible minority or a minority with low social capital), are more easily targeted for police repression, which is in part at the discretion of the police officers (with regard to the interpretation of a situation and determining how to intervene – Herbert, 2003). Everything occurs as if a “different” law governed policing practices in sensitive neighbourhoods (the analysis proposed by Jobard, 2005).

A quoi tiennent les différenciations spatiales du travail policier et quel rôle joue l’espace ? Nous formulons l’hypothèse que tant les dispositifs mis en place que les représentations réaffirmées sont des éléments distincts faisant pourtant partie d’un même discours. Le discours est défini comme  une manière de donner sens au monde, de le déchiffrer, de le comprendre, au-delà de la diversité des positions et des opinions particulières (cf. Glasze et Mattissek, 2009). L’espace fait l’objet de multiples discours : le focus porte ici sur le discours policier à propos des « quartiers sensibles », et sur la construction discursive des banlieues comme territoire policier.  L’appropriation par la police est pensée comme une appropriation contre (des adversaires), au nom de (l’Etat) : nous interrogerons sur le rôle du conflit et de la violence dans le discours de l’appropriation territoriale.

What causes the spatial differentiations in police work and what role does space play? We formulate the hypothesis that both the devices put in place and the reaffirmed representations are separate components of the same discourse. “Discourse” is defined as a way of giving meaning to the world, to decipher it, to understand it, beyond the diversity of positions and individual opinions (Glasze and Mattissek, 2009). Space is the topic of multiple discourses; here, the focus is on the policing discourse regarding “sensitive neighbourhoods”, and on the discursive construction of the banlieues as police territory. Appropriation by the police is thought of as appropriation against (adversaries), in the name of  (the State). We will investigate the role of conflict and violence in the appropriation discourse as related to territory.

De manière à étudier une partie du discours policier sur les banlieues françaises, une dizaine d’entretiens semi-directifs ont été menés en 2008 et 2009 avec des acteurs étatiques locaux de la sécurité, parmi lesquels des membres de la police nationale à l’échelon du commissariat, de la direction départementale et de la direction centrale ainsi que des chefs de polices municipales[6]. Les communes concernées par ces entretiens comprennent au moins une Zone Urbaine Sensible. Il était d’abord demandé aux interlocuteurs de présenter et d’expliquer les dispositifs mis en place dans leur zone de compétence ; par la suite ils étaient questionnés plus particulièrement sur les quartiers sensibles et les UTEQ (Unités Territoriales de Quartier). Les textes recueillis ont permis d’étudier les discours des acteurs locaux (membres de la police) sur l’espace social. Ce corpus d’entretiens n’est pas considéré comme représentatif : il s’agit, grâce à cette étude exploratoire, d’identifier des discours possibles sans prétendre restituer le discours policier. L’analyse des entretiens a montré la mise en œuvre de récits de conflits qui s’appuient fortement sur des identifications territoriales. Comment un tel discours territorial est-il produit et à quelles fins ?

As a way of examining a portion of the police discourse on the French banlieues, about ten semi-directive interviews were conducted in 2008 and 2009 with local state security stakeholders, among which were some members of the national police at the precinct level, departmental headquarters, and central headquarters as well as municipal chiefs of police[6]. The communes affected by these interviews include at least one “Sensitive Urban Zone”. Speakers were first requested to present and explain the mechanisms in place in their jurisdiction; then, they were questioned more specifically on the sensitive areas and the UTEQs [territorial neighbourhood units]. The texts gathered made it possible to examine the discourses of local stakeholders (members of the police) on the social space. This corpus of interviews is not considered representative; thanks to this exploratory study, possible discourses are identified without claiming to reconstruct the police discourse. The analysis of the interviews showed the implementation of narratives of conflict heavily supported on territorial identifications. How is this type of territorial discourse produced and to what ends?

 

 

1.    Constitution des territoires dans le récit policier

1. The Formation of Territories in the Police Narrative

Le principe de l’analyse des discours est l’attention portée aux répétitions au-delà de la diversité des énoncés et des prises de position, afin de mettre en évidence, dans un corpus de textes particuliers, un discours commun – c’est-à-dire les « manières de dire » (et non « ce qui est dit »). Les méthodes utilisées permettent l’identification des structures énonciatives, des désignations spatiales ou spatialisations et de l’expression des conflits dans les entretiens (cf. Glasze et Mattissek, 2009). L’étude des structures énonciatives repose sur l’attention portée aux noms propres ou communs, aux pronoms personnels ou possessifs (ou encore aux formulations elliptiques et implicites) désignant personnes, groupes ou institutions. Cette étude permet d’analyser les positions de sujet constituées dans le discours. Dans un deuxième temps, l’étude des désignations spatiales repose sur l’inventaire des noms propres ou communs désignant des lieux ou des formes spatiales mais également des prépositions ou adverbes spatiaux, ou encore des verbes connotant le mouvement. L’identification des espaces permet de mettre en évidence des relations de correspondance ou d’appartenance établies entre espaces et sujets dans le discours. Dans un troisième temps, l’étude de l’expression des conflits repose sur le relevé des formes syntaxiques de la négation et des formes lexicales connotant le l’opposition, le pouvoir, l’empêchement et l’évitement. A l’issue de cette troisième analyse qui complète les deux premières, la constitution de territorialisations dans le discours peut être étudiée : le discours de la territorialisation est en effet une imbrication de sujets, d’espaces et de conflits. Un choix de citations particulièrement significatives et exemplaires (pour le corpus d’entretiens) seront analysées au fil du texte : les mots qui, selon notre analyse, font référence aux sujets, aux espaces ou aux conflits seront accentués par la typographie respectivement en petite capitale, en caractère gras ou soulignés. L’analyse d’abord formelle deviendra au fur et à mesure plus interprétative.

The principle of discourse analysis is the attention given to repetitions beyond the diversity of statements and positions in order to draw attention to a common discourse in a corpus of particular texts; i.e. the “how” things are said (and not “what” is said). The methods used make possible the identification of enunciative structures, spatial designations or spatializations and the expression of conflicts in the interviews (Glasze and Mattissek, 2009). The study of enunciative structures is based on the attention given to proper and common nouns, personal and possessive pronouns (or alternatively, elliptical or implied formulations) designating individuals, groups or institutions. This study makes it possible to analyze the subject positions formed in the discourse. Second, the study of spatial designations is built on the inventory of proper and common nouns designating the places or spatial forms, as well as spatial prepositions and adverbs, but also verbs of motion. The identification of spaces makes it possible to highlight relationships of correspondence or belonging established between spaces and subjects in the discourse. Third, the study of the expression of conflicts is built on the reading of syntactical forms of negation and lexical forms implying opposition, power, impediment and avoidance. At the end of this third analysis, which completes the first two, the formation of territorializations in discourse can be studied: the territorialization discourse is in fact, an interweaving of topics, spaces and conflicts. A selection of especially significant and typical quotes (for the corpus of interviews) will be analyzed throughout the text; the words that, based on our analysis, refer to the subjects, to the spaces or to conflicts will be emphasized respectively through the use of small capitals, bold face or underscoring. The initially formal analysis will gradually become more interpretative.

 

 

1.1  Une place pour chacun, chacun à sa place

1.1  A place for everyone and everyone in his/her place

La structure énonciative peu rigoureuse est typique des textes résultant de la transcription d’entretiens : tant la première, la deuxième et la troisième personne ne renvoient pas systématiquement aux mêmes sujets (tantôt le locuteur, tantôt la police, tantôt un groupe ou un autre) ; les sujets ne sont pas systématiquement désignés mais souvent sous-entendus (cf. citations 4 et 5[7]). Il a cependant été possible d’identifier la construction de trois sujets différents. Premièrement, le locuteur (le plus souvent, un membre d’une police nationale ou municipale) s’identifie à « la police », qu’il désigne tantôt à la troisième personne (cf. 1 et 6 : « … signaler l’arrivée de la police » ; « ils ont vu la police »), tantôt à la première personne du pluriel  (cf. 3 et 5 : « on peut pas » ; « On n'y va pas »), voire même en interpellant l’auditeur, à la deuxième personne (cf. 3 : « Quand vous rentrez …»). En interaction avec le sujet policier, se dessine le sujet qui fait l’objet principal des actions policières et qui est quasi-exclusivement désigné par la troisième personne du pluriel, au masculin (cf. 5 et 6 : « ils se sauvent » ; « c’est chez eux » ; exception cf. 3 : « on vous met »). Le vocabulaire « bande »,  « caïd », « leaders délinquants », « individu guetteur [dont le rôle est de signaler] » (cf. 2, 1, 6 et 7), constitue ce second sujet d’abord comme un groupe organisé autour de meneurs, ensuite par son opposition aux (ou sa contestation des) règles et lois présupposées par le sujet policier. « Ils », adversaire anonyme, renvoie à la figure discursive du jeune homme de banlieue, potentiellement délinquant et potentiellement menaçant (cf. Hancock, 2008). Enfin, un troisième sujet moins fréquent, celui de la ‘population qui aspire à la tranquillité’, est distingué de la ‘minorité’ des délinquants par laquelle il est menacé. Les trois sujets identifiés sont ainsi structurés par des relations d’opposition.

The not very strict enunciative structure is typical of texts resulting from the transcription of interviews: the first, second and third persons do not systematically refer back to the same subjects (now the speaker, now the police, now one group or another); the subjects are not systematically designated but are often implied (cf. quotes 4 and 5[7]). It was however possible to identify the construction of three different subjects. First, the speaker (more often than not a member of the national or municipal police) identifies himself with the “police” which he’ll sometimes designate in the third person (cf. 1 and 6: “…to signal the arrival of the police ; “they  saw the police “), sometimes in the first person plural (cf. 3 and 5: “We can’t;We don’t go there.”), indeed, even directly addressing the listener, in the second person (cf. 3: “When you go back…”). In interaction with the police, the subject emerges as the main object of the police actions and which is almost exclusively designated by the third person plural in the masculine (c.f 5 and 6: “They take off”; “it’s their place”; exception cf. 3: “They put you[8]”). The vocabulary “gang”, “gang leader”, “delinquent leaders”, “the look-out” [whose role is to give a signal]” (cf. 2,1,6 and 7), make up this second subject, first as a group organized around leaders, and second by its opposition to (or its protest against) the rules and laws presupposed by the police-subject. “They”, an anonymous adversary, refers to the discursive figure of the young male of the banlieue who is potentially delinquent and potentially threatening (Hancock, 2008). Finally, a third less frequent subject is the ‘peace-loving population’; this population is distinguished from the ‘minority’ of delinquents that threaten it. The three subjects that have been identified are thus structured by relationships of opposition.

Les désignations spatiales construisent autour d’une structure très claire une géographie un peu plus complexe, dont la cité, le ou les quartier(s) sont le premier référent[8] (cf. citations 3, 2 : « là, cette cité-là …» ; « Quand vous allez dans les quartiers …»). Ces espaces sont décrits comme des espaces fermés (cf. 3 et 1 : « vous tombez dans un cul-de-sac » ; « qu'un seul accès »), qui ont leurs annexes (cf. 5 : « ils se sauvent dans les bois ! ») ou leurs replis (cf. 5 : « ils vont (…) dans les caves »). Ces espaces sont construits en opposition avec un dehors, un espace environnant qui n’est pas plus spécifiquement désigné ni qualifié (cf. 6 : « les policiers, c’est en dehors de [la cité] »). Les verbes connotant le mouvement impliquent également l’existence de cet espace d’où l’on « rentre » dans le quartier, ou bien vers lequel on retourne lorsqu’on « court » ou lorsqu’on est « chassé » hors du quartier (cf. respectivement 3 et 6) : non seulement ils répètent la dichotomie spatiale, mais ils montrent que cette dernière est une structure signifiante efficace du discours. L’espace est signifiant. Cette démarcation réitérée entre intérieur et extérieur joue un rôle discursif fondamental en ce qu’elle recoupe et ainsi confirme l’opposition construite entre les deux principaux sujets.

The spatial designations construct a slightly more complex geography around a very clear structure, of which the housing projects, the neighbourhood or neighbourhoods are the first referent[9] (cf. quotes 3, 2: “there, that project there…”; When you go into the neighbourhoods…”). These spaces are described as closed spaces (cf. 3 and 1: “you hit a dead-end”; “just one way in), with their attached areas (cf. 5: “They take off to the woods!”)” or their hideouts (cf. 5: “They goto the cellars).” These spaces are constructed in opposition with an “outside”, a nearby space that is not more specifically designated or described (cf. 6:, “The police, they’re outside [the project]”). The verbs imply movement, also implying the existence of this space from which one “comes home” to the neighbourhood or indeed, towards which one returns when “running” or “hunted” outside the neighbourhood (cf. 3 and 6 respectively): Not only do they repeat the spatial dichotomy, but they show that this dichotomy is an effective signifying structure of the discourse. The space is meaningful. This reiterated demarcation between inside and outside plays a fundamental discursive role in that it tallies with, and thus confirms, the opposition constructed between the two main subjects.

En effet, le sujet policier appartient au « dehors », de même que l’autre sujet, le sujet adverse appartient au quartier, à la banlieue (cf. 6 : « Ils ont une logique de territoire, c’est chez eux, et puis les policiers, c’est en dehors de [la cité] »). Cette distribution extrêmement claire des sujets et des espaces est basée sur un réseau d’équivalences et d’oppositions discursives, où seulement deux éléments sont clairement et distinctement évoqués : la police et la banlieue. Les deux éléments complémentaires (les adversaires de la police d’une part et l’extérieur de la banlieue d’autre part) font l’objet de désignations beaucoup plus floues – tout en étant pourtant, dans le registre du non-dit, impliqués par les structures discursives étudiées (voir également Germes et Glasze, 2010). La mise en évidence de ce procédé montre bien comment la catégorie spatiale (ici, le quartier, la cité) permet de désigner des groupes sociaux sans avoir besoin de les nommer – ou comment le nom de lieu peut se substituer à la désignation d’un groupe social. Sur la base de ce discours socio-spatial se greffent de multiples expressions conflictuelles, qui seront étudiées en détail dans les paragraphes suivants.

In fact, the police subject belongs to the “outside”, by the same token as the other subject, the adversary, belongs to the neighbourhood, the banlieue (cf. 6: “They have a territorial mind-set, they’re at home, and the police, they’re from outside [the project.”]). This extremely clear distribution of the subjects and spaces is based on a network of discursive equivalencies and oppositions, where only two elements are clearly and distinctly evoked: the police and the banlieue. The two additional elements (the adversaries of the police on the one hand, and the area outside the banlieue on the other) are described much more vaguely – while also, however, being unsaid, implied by the discursive structures examined (see also Germes and Glasze, 2010). This clarification procedure points out how the spatial category (in this case the neighbourhood, the projects) makes it possible to refer to social groups without having to name them – or how the name of the place can replace the reference to a social group. Numerous expressions of conflict are grafted onto the base of this socio-spatial discourse; they will be studied in detail in the following paragraphs.

 

 

1.2  Conflits spatiaux

1.2  Spatial conflicts

Le texte des entretiens recours massivement à des expressions syntaxiques (comme les négations) et lexicales connotant un conflit. L’expression du conflit se base sur le réseau d’équivalences et d’oppositions que l’on vient de mettre en valeur. Le conflit est toujours étroitement lié au territoire qui en fait l’objet : il s’agit le plus souvent d’éviter de pénétrer ou de rester dans le « territoire des autres » (pour éviter un affrontement ou une épreuve de force).

The text of the interviews resorts overwhelmingly to syntactical (like negations) and lexical expressions implying conflict. The expression of conflict is based on the network of equivalencies and oppositions that have just been highlighted. Conflict is always closely tied to the territory subject to it: more often than not, this is avoidance of entering or remaining in “the others’ territory” (to avoid a confrontation or a test of strength).

(1) Quand il n'y a qu'un seul accès qui permet d'accéder au quartier, il suffit de mettre un individu guetteur à l'entrée pour signaler l'arrivée de la police. – (Direction d’une police municipale).

(1) When there is only one way into the neighbourhood, it’s enough to post a single lookout at the entrance to signal the arrival of the police. – (Municipal police department).

(2) Quand vous allez dans les quartiers, c'est bien d'y aller à pied, mais à pied vous faites une interpellation, vous en faites quoi du type. Et s’il y a une bande juste à côté, hostile, ils vous cassent la tête des deux policiers intervenant. – (Direction d’une police municipale).

(2) When you go into the neighbourhoods, it’s fine to go on foot, but on foot you, if you question someone, what are you going to do with the guy? And if there’s a hostile gang nearby, they’re going to give these two police butting in a hard time. – (Municipal police department).

(3) Quand vous rentrez, vous tombez dans un cul-de-sac, comment vous faites si on vous met une voiture en travers ? Vous sortez pas, vous abandonnez votre voiture et vous courez. […] Et là, cette cité-là, c'est... on peut pas y mettre un pied parce que... on peut même pas rentrer avec le véhicule […] C'est chez eux,... – (Direction d’une police municipale).

(3) When you go in, and end up in a dead-end, what are you going to do if they block you in with a car? You can’t get out, you abandon your vehicle and you run….And that project, there, you can’t set foot in there because… you can’t even go in with the vehicle …It’s their  turf… –  (Municipal police department).

Ces propos déclinent les conflits (possibles) liés à l’entrée de la police dans les « quartiers » : la police fait l’objet d’une surveillance (ce qui constitue une inversion des rapports de force par rapport à sa mission de surveiller et contrôler elle-même) ; elle doit faire face à l’adversité (cf. 2 : « s’il y a une bande juste à côté, hostile »). Le récit de l’évitement constitue le tracé d’une limite et ainsi la production d’une frontière (cf. 3 : « ... on peut pas y mettre un pied »). Ces propos font référence à la configuration architecturale et urbanistique des grands ensembles, qui est systématiquement considérée comme une difficulté à laquelle la présence et la surveillance policière sont confrontées (cf. Romieux 2007; Landauer 2009). Les cheminements privilégiant les piétons, parfois « sans issue » et difficilement accessibles aux voitures de police, sont mis en cause, tout comme les coursives et toits qui peuvent être des postes d’observation voire d’agression. L’évitement n’est pas seulement le fait de la police ; il est raconté comme réciproque : la police éviterait les quartiers tout comme les « bandes » fuiraient ces derniers lorsque la police y a pénétré.

These remarks set out the (possible) conflicts related to the police entering the “’hoods”. The police are subject to surveillance (which is a reversal of the power relationships with regard to its own mission to keep under surveillance and control); the police have to deal with adversity (cf. 2: “if there’s a hostile gang nearby”). The narrative of avoidance constitutes drawing a line and thus, produces a border (cf. 3 : you can’t set foot in there ). These remarks refer to the architectural and urban planning configuration of the large complexes which is automatically considered a problem facing police presence and surveillance (Romieux 2007; Landauer 2009). The occasionally “dead-end” pedestrian-friendly traffic flows are difficult for police cars to access, and are challenged, as are the alley ways and roofs that can be used as look-out posts, not to mention attack points. The police aren’t the only ones practicing avoidance; it’s said to be reciprocal. The police apparently avoid the “‘hoods” just as the gangs supposedly flee them when the police penetrate the area.

(4) Ils se sont mis à courir quand ils ont vu la police. – (Direction d’une police municipale).

(4) The took off running when they saw the police. – (Municipal police department).

(5) A chaque fois, ils se sauvent dans les bois ! On va pas les chercher dans les bois. Ou alors ils vont dans les parties communes, dans les caves, etc. On n'y va pas hein. – (Direction d’une police municipale).

(5) Every time, they take off into the woods! We’re not going to look for them in the woods. Or, they go into the common areas, into the cellars, etc. We’re not going in there, uh-uh! – (Municipal police department)

Il est pourrait être paradoxal d’interpréter le récit de ces évitements (cf. 5 : « on n’y va pas » ; « ils se sauvent ») comme le récit d’un conflit. C’est justement parce que la raison de l’évitement est d’empêcher que le conflit que le premier sous-entend la possibilité du dernier, la possibilité d’un affrontement. Ainsi, l’affrontement est évité au profit d’un statuquo de part et d’autre d’une limite négociée au gré des évènements. Chaque loi a son espace et chaque espace sa loi :

Interpreting the narrative of these avoidances could be surprising (cf. 5 : “We’re not going in there” ; “they take off”) as a narrative of conflict. This is precisely because the reason for avoidance is to prevent the conflict, that the former connotes the possibility of the latter, the possibility of a confrontation. Thus, the confrontation is avoided to the benefit of a status quo on both parts of a negotiated limit at the mercy of the events. Every law has its space and every space, its law:

(6) [Il s’agit] de leaders délinquants qui font un peu régner leur loi, et quand ils voient des véhicules de police, qui font tout pour les discréditer, les policiers, qui font tout pour les chasser du territoire. Ils ont une logique de territoire, c’est chez eux, et puis les policiers, c’est en dehors de [la cité]. – (Direction d’une police municipale).

(6) [It is the]  gang leaders who more or less rule by their own law, and when they see police vehicles, the police who do everything they can to discredit them, the police who do everything to chase them out of the territory. they have a territorial mind-set, they’re at home, and the police, they’re from outside [the projects.”]. – (Municipal police department).

(7) Il y a un quartier qui n’est plus tout à fait sous les lois de la République, qui est tenu par un caïd. – (Direction d’une police municipale).

(7) There’s a neighbourhood that is no longer completely under the laws of the Republic, controlled by a gang leader. – (Municipal police department).

Les deux appropriations sont concurrentes et s’excluent mutuellement, elles réfèrent à la souveraineté de l’un ou de l’autre. Le territoire est l’instrument du conflit, en ce qu’il permet de formaliser les appropriations et de tracer les limites, et ainsi, de de concrétiser, de  matérialiser l’existence de l’autre. L’analyse discursive montre bien comment les conflits ne sont pas issus d’une rivalité territoriale préexistante, mais comment le récit du conflit produit des territorialisationsIl est intéressant de remarquer que la constitution discursive du territoire repose essentiellement sur l’omniprésence du conflit – sans évoquer les interactions non conflictuelles et l’interconnaissance.

Both appropriations are concurrent and mutually exclusive, they directly refer to the sovereignty of one or the other. The territory is the instrument of the conflict, in that it makes it possible to formalize the appropriations and mark the boundaries and thus, to make tangible, to materialize, the existence of the other. The discursive analysis shows that the conflicts are not the result of a pre-existing territorial rivalry but that the narrative of conflict produces territorialization. It is valuable to note that the discursive make-up of the territory relies essentially on the omnipresence of conflict, without reference to non-conflict-related interactions or inter-knowledge.

 

 

2.    Les Unités Territoriales de Quartier : un discours de violence

2. Territorial Neighbourhood Units: A Discourse of Violence

La mise en place de dispositifs policiers particulièrement orientés vers les quartiers sensibles apparaît comme la conséquence de ce discours. Dès les années 1990, les services de renseignements de la police créent des unités particulières destinées à la surveillance des quartiers sensibles – dont le but serait de prévoir et de désamorcer les « violences urbaines » (Bonelli, 2001 ; Dikeç, 2007). Dans les années 1990 sont également instaurées des brigades en civil dont le but est l’intervention rapide et le flagrant délit : les Brigades Anti-Criminalité sont très mobiles sur une circonscription voire un département, elles travaillent beaucoup de nuit, mais se concentrent particulièrement sur les quartiers sensibles parmi d’autres « points chauds ». Entre 1999 et 2002, des unités de police de proximité sont déployées en priorité dans les quartiers sensibles : le but est d’améliorer le dialogue entre police et habitants et de prévenir la criminalité (Mouhanna, 2008). Les quartiers sensibles font donc l’objet de dispositifs policiers particuliers qui sont également accompagnés d’une certaine municipalisation des politiques de sécurité : au sein des Contrats Locaux de Sécurité (CLS) et des Conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) associent municipalité, Etat et administrations publiques pour déterminer quelles sont les aires « sensibles » d’une commune, pour faire établir un diagnostic de sécurité, réunir l’ensemble des acteurs concernés (police nationale, municipale, justice, mais également au sens large : écoles, hôpitaux, entreprises…) et mettre en place des actions concertées de prévention. Le but est l’implantation de systèmes communaux « sur mesure » de prévention de la délinquance (Bonelli, 2008). Les spatialisations des dispositifs policiers sont en grande partie basées sur les zonages de la Politique de la Ville (Dikeç, 2007), c’est-à-dire sur un découpage en « quartiers sensibles », construit à partir de critères socio-économiques (par exemple : emploi, population, logement, enseignement…).

The implementation of police devices specifically directed toward sensitive neighbourhoods appears as the consequence of this discourse. Since the 1990s, police intelligence services have created special units for the surveillance of sensitive neighbourhoods, for the purpose of foreseeing and defusing “urban violence” (Bonelli, 2001; Dikeç, 2007). During the 1990s, plain-clothes squads were also instituted. Their purpose was rapid intervention and catching criminals in the act: the anti-crime squads are very mobile over a jurisdiction, not to say a department, work a great deal at night particularly concentrating on the sensitive neighbourhoods and other “hot spots”. Between 1999 and 2002, community police units were also deployed in sensitive neighbourhoods for the purpose of improving dialogue between the police and local residents and preventing crime (Mouhanna, 2008). Therefore, the sensitive neighbourhoods are subject to special police devices which are also accompanied by a certain municipalisation of security policies. Local security contracts (CLS) and local security and criminality prevention councils (CLSPD) link the municipality, State and government administrations to determine the “sensitive” areas in a commune, to have a security assessment done, to bring together all the stakeholders involved (national police, city police, the courts, but also in the broader sense, schools, hospitals, businesses, etc.) and implement concerted preventive actions. The purpose is implementation of “made to measure” communal criminality prevention systems (Bonelli, 2008). The spatializations of police devices are in great part based on city zoning policy (Dikeç, 2007), i.e. cutting the area into “sensitive neighbourhoods” constructed on the basis of socio-economic criteria (e.g.: employment, population, housing, level of education, etc.).

En 2008, deux nouveaux dispositifs policiers sont conçus pour répondre à l’objectif de « sécuriser » les quartiers sensibles : la présence policière quotidienne et visible dans des quartiers très restreints (UTEQ) est complétée par l’existence d’unités policières mobiles à l’échelle départementale, prêtes à des interventions ponctuelles de maintien de l’ordre (CS, Compagnies de Sécurisation). Ces deux types d’unités, travaillant de manière complémentaire à des échelles et des temporalités différentes, sont inaugurés en Seine-Saint-Denis en 2008. Les premières UTEQ sont introduites dans les quartiers « les plus sensibles », avant d’être ouvertes progressivement dans de nombreuses autres agglomérations françaises[9].

In 2008, two new police devices were designed to meet the objective of “securing” sensitive neighbourhoods – the daily, visible presence of the police (UTEQ) in very limited areas of sensitive neighbourhoods, completed by department wide police mobile units ready for rapid response for maintaining order (CS, security companies). These two types of units, working on different scales and timelines, were launched in Seine-Saint-Denis in 2008. The first UTEQs were introduced in the “most sensitive” neighbourhoods before being gradually expanded to many other French agglomerations[10].

L’objet de cette deuxième partie n’est pas d’analyser les UTEQ en tant que dispositif, mais d’analyser le discours mené sur les UTEQ par la police. Les UTEQ constituent plus qu’une localisation du travail policier : le territoire (espace de souveraineté, à la fois lieu et loi) fait explicitement l’objet du dispositif, qui prend sens uniquement dans le cadre du discours territorial antagoniste explicité ci-dessus. Cependant, l’étude des discours policiers sur les UTEQ montrent que celles-ci transgressent justement les limites territoriales définies dans le premier cas. L’analyse plus interprétative des entretiens étudiera le discours policier sur les UTEQ pour montrer en quoi elles transgressent les territoires construits et comment elles traitent le conflit.

The objective of this second part is not to analyze the UTEQs as a device but to analyze the discourse conducted on the UTEQs by the police. The UTEQs are more than a positioning of police work: the territory (sovereign space, simultaneously the place and the law) is explicitly subject to the device, which takes on meaning solely in the context of the antagonistic territorial discourse expressed above. However, the study of police discourses on the UTEQs show that the UTEQs in fact infringe the territorial limits described in the former case. The most interpretative analysis of the interviews will study the police discourse on the UTEQs to show how they infringe the territories constructed and how they handle conflict.

 

 

2.1  Des « secteurs criminogènes »

2.1 “Criminogenic areas”

Les UTEQ sont d’abord définies par l’espace de leur compétence : elles relèvent d’un territoire institutionnel très précis, en deçà des circonscriptions (cf. 8) :

To begin with, the UTEQs are defined by the space under their jurisdiction. They come under a very specific institutional territory, below the district level (cf. 8):

(8) Disons que l'UTEQ par exemple, on va parler de l'UTEQ de S., elle est cantonnée à un secteur particulier. Donc son secteur d'investigation c'est la cité de F. […] Pourquoi ?… parce que c'est une cité particulièrement criminogène de la circonscription et du département. – (Police nationale, commandement local).

(8) Let’s say that the UTEQ for example, let’s talk about the UTEQ in S., [this UTEQ] is confined to a particular area. So, its investigation area is the F. project. …Why?… because it’s an especially criminogenic project in the district and the department. – (National police, local command).

Le « secteur » de l’espace urbain est abstrait de son contexte et limité à quelques blocs d’immeubles, à quelques rues. Il s’agit en grande majorité de grands ensembles et de quartiers déjà qualifiés en Zone Urbaine Sensible dans le contexte de la Politique de la Ville – pourtant, selon les entretiens, la principale raison de la délimitation est porte sur la criminalité. Le dispositif repose ainsi sur le postulat d’une relation d’immanence de la criminalité à l’espace. Ce postulat a été mis en question par les travaux de criminologie critique montrant comment fonctionne la série de réductions logiques qui consiste à qualifier un individu par son comportement (criminel), puis à qualifier un groupe social (celui auquel l’individu appartient) de criminel, et enfin à qualifier un espace (celui auquel le groupe est associé) de criminel (Belina, 2006). La conséquence de ce raisonnement par analogie est la territorialisation de l’action policière. Le tel contrôle d’un espace « criminel » s’exerce, à l’inverse, sur des groupes d’individus indépendamment de leur comportement effectif (id.).  Les secteurs criminogènes où les UTEQ doivent travailler appartiennent par définition au territoire « des autres » : les policiers sont donc conduits à traverser les frontières établies dans le discours sur les banlieues.

The “area” of urban space is abstracted from its context and limited to a few apartment blocks, a few streets. The vast majority are housing projects and neighbourhoods already qualified as being in a Sensitive Urban Zone in the context of City Policy – and yet, according to the interviews, the main reason for the demarcation pertains to crime. The device thus is based on the assumption of crime being inherent to the space. This assumption was challenged by research in critical criminology showing how the series of logical reductions works which consists of describing an individual by his or her (criminal) behaviour, then describing a social group (that to which the individual belongs) as criminal and finally, describing the space (with which the group is associated) as criminal (Belina, 2006). The result of this reasoning by analogy is the territorialization of police action. This control of a “criminal” space is exercised, conversely, over groups of individuals independently of their actual behaviour (idem.). The criminogenic areas where the UTEQs must work belong by definition to territory belonging to “the others”: the police are therefore led to cross borders established in the discourse on the banlieues.

 

 

2.2  Maîtriser et représenter

2.2 Control and representation

La description du travail policier met l’accent sur la maîtrise de ce nouveau territoire.

The description of police work emphasizes the control of this new territory.

(9) Les UTEQ ont même une formation encore plus poussée sur la connaissance de leur quartier. […] Ce sont des territoires limités pour qu'ils puissent bien les connaître et qu'ils puissent être connus des habitants du quartier. […] Les UTEQ ont la même formation sur la sociologie, la topographie des quartiers dans lesquels ils interviennent. – (Police nationale, direction départementale).

(9) The UTEQs have even more in-depth training on knowing their neighbourhood….These are small territories so that they’re able to really know them and be known by the neighbourhood’s residents….the UTEQs are even trained in the sociology and topography of the neighbourhoods they operate in– (National police, departmental headquarters).

(10) Donc concrètement on va avoir dix fonctionnaires à pied qui patrouillent dans un secteur. – (Police nationale, commandement local).

(10) So, in concrete terms, we’re going to have ten public employees on foot, patrolling an area. – (National police, local command).

(11) Là, ils ont une vocation plus répressive quand même. On occupe le terrain. On pacifie. Et on prend contact avec la population, on rend service à la population, on sécurise, on noue des contacts avec la population.  –  (Police nationale, commandement local).

(11) They have a more repressive mission, at any rate. We occupy the ground. We pacify. And we make contact with the population, we serve the population, we make it safe, we make contact with the population.  –  (National police, local command).

La maîtrise du territoire consiste en plusieurs éléments : la formation préalable des policiers, l’information permanente au contact avec la population et  la présence manifeste. Le discours policier sur la pratique de l’UTEQ, reposant bien sûr sur la réaffirmation de l’exceptionnalité du territoire, a souvent recours au troisième sujet identifié plus haut, à celui qui n’est ni la police ni son adversaire, mais la « population », majorité pacifique (cf. 9, 10 et 14 : « tout le monde »). Les habitants sont non seulement d’éventuels informateurs, mais également les spectateurs de la réappropriation policière : « patrouiller à pied » (10), « occuper le terrain » (11) est justement l’inverse de la stratégie d’évitement évoquée plus haut, une affirmation de la tentative de repousser les limites de son propre territoire. Du fait de cette transgression, l’UTEQ est constituée comme un signe : là où la souveraineté de l’Etat serait menacée, elle se montre comme en étant le représentant, le symbole. L’occupation de l’espace public de la cité (défavorisée) par l’UTEQ peut être interprétée comme une stratégie visant à repousser les « indésirables » de l’espace public.

Control of the territory consists of a number of components: prior training for the police, continuous information in contact with the population and obvious presence. The police discourse on UTEQ practices, based of course on the reaffirmation of the exceptional nature of the territory, often resorts to a third subject identified above, one that is neither the police nor the adversary but the “population”, by and large peaceful (cf. 9, 10 and 14: “everyone”). The inhabitants are not only potential informers but also spectators of police re-appropriation: “foot patrol” (10), “occupying the ground” (11) is quite the opposite of the avoidance strategy referred to previously, an affirmation of the attempt to push back the limits of one’s own territory. Because of this infringement, the UTEQ is a sign: wherever the State’s sovereignty is threatened, the UTEQ will be seen as being its representative, its symbol. The occupation of the (disadvantaged) projects’ public space by the UTEQ can be interpreted as a strategy to drive back the “undesirables” from the public space.

 

 

2.3 Une violence ambiguë

2.3 Ambiguous violence

Le discours policier sur les UTEQ entretient en outre un rapport bien particulier à la violence :

The police discourse on the UTEQs moreover maintains a quite particular relationship with violence:

(12) Parce que voilà il y a beaucoup de criminalité et puis il fallait que la police… que la police d'abord fasse partie des..., arrive à s'imposer dans le secteur pour que la population puisse mieux vivre tout simplement. – (Police nationale, commandement local).

(12) Because, you see, there is a great deal of crime and the police had to … the police first of all belong to…, manage to impose itself in the area so that the population could quite simply live better. – (National police, local command).

(13) Au départ on a eu pas mal de soucis. Puisque le premier jour de la mise en place de l’UTEQ on a eu deux fonctionnaires blessés. Mais depuis la situation s'est normalisée. – (Police nationale, commandement local).

(13) At the beginning we had plenty to worry about. Because the first day the UTEQ was in place, we had two public officials injured. But the situation has since normalized. – (National police, local command).

(14) C'est-à-dire pour nous, une UTEQ qui prend des cailloux, ça veut dire qu'elle dérange. Parce qu'elle prend des cailloux d'un côté et tout le monde est content qu'elle soit là de l'autre. – (Police nationale, direction centrale).

(14) In other words, for us, if a UTEQ [officer] is hit with stones this means they’re a disturbance. Because stones are being thrown on the one hand, but on the other everyone is glad the officer is there. – (National police, headquarters).

Le deuxième des trois sujets évoqués au début du texte, le sujet adverse, ici, celui qui commet des actes violents, est omniprésent (impliqué par les verbes conjugués, cf. 13 : « blessés », 14 : « prend des cailloux »), mais n’est pas désigné. Les faits de violence en quelque sorte sans auteur sont donc plus étroitement liés avec « le secteur », « le territoire » de l’UTEQ, comme si la violence était immanente à l’espace, comme elle si appartenait au territoire. C’est la présence policière (« soit  » ; « s’imposer dans le secteur ») qui semble être  le déclencheur d’actes de violence présentés comme normaux voire nécessaires, car cathartiques. La violence fait ainsi partie du dispositif territorial. Le rapport de force est présenté comme la finalité du dispositif qui doit permettre d’éradiquer la violence préexistante dans le but de de redéfinir le rapport de force et l’ordre symbolique. Le discours sur les UTEQ normalise paradoxalement une violence qui ne devrait pas cesser d’être illégitime. Les relations ambigües entre Etat et violence se cristallisent dans les discours policiers et dans le territoire qu’ils instituent. Alors même qu’il est construit par le conflit, le rôle qui échoit à (la notion de) territoire est de légitimer un affrontement qui semble être la condition du « retour à l’ordre ».

The second of the three subjects evoked at the beginning of the text, the adversary here, the individual who commits violent acts, is omnipresent (implied by the conjugated verbs, cf. 13: “injured”, 14:  “is hit with stones,”) but is not named. The violent acts, that in a way are committed by no one in particular, are therefore more closely linked to “the area”, “the territory” of the UTEQ, as if violence were inherent to the space, as if it were part of the territory. It’s the police presence (“be there”; “impose itself on the area”) that seems to trigger the violent acts presented as normal, indeed necessary, because they are cathartic. Violence thus is part of the territorial device. The power relationship is presented as the purpose of the device, which must make it possible to eradicate the pre-existing violence for the purpose of redefining the power relationship and symbolic order. The discourse on the UTEQs paradoxically normalizes a violence that should always be illegitimate. The ambiguous relationship between the State and violence crystallizes in the police discourse and in the territory they establish. So just as it is constructed by conflict, the role that falls to (the concept of) territory is to legitimize a confrontation that seems to be the condition for a “return to order.”

 

 

Conclusion

Conclusion

Le discours policier sur les quartiers sensibles en France recourt premièrement de manière récurrente au récit d’un conflit fortement territorialisé. Le territoire, l’espace de légitimité ou de souveraineté des uns est contesté par les autres – et réciproquement. Fuites et stratégies d’évitement sont signifiantes : elles sont les limites que chacun  pose à son territoire. Cependant et deuxièmement, la transgression de ces frontières fait partie du dispositif policier : il s’agit alors de démonstrations de force qui entretiennent un rapport ambigu avec la violence, considérée comme nécessaire à la « réappropriation » policière des quartiers sensibles[10]. Ce résultat de l’enquête entre en résonnance avec l’idée formulée en introduction selon laquelle l’Etat est également fait de violence : elle légitime son droit et est l’instrument de sa puissance (Gros, 2006).

The police discourse on sensitive neighbourhoods in France repeatedly resorts to the narrative of a highly territorialized conflict. Legitimate space, or the sovereignty over the territory by some, is contested by the others – and this goes both ways. Get-aways and avoidance strategies are significant: they are the boundaries that each places on his territory. However, and secondly, infringing these borders is part of the police device; this is a demonstration of strength, which maintains an ambiguous relationship with the violence that is considered necessary for the police to “reappropriate” sensitive neighbourhoods[11]. This investigation finding echoes the idea formulated in the introduction according to which the State is also made of violence; violence legitimizes its right and is the instrument of its power (Gros, 2006).

Ces discours policiers font des quartiers populaires français des territoires d’exception, qui sont, d’une certaine manière, pensés pour la violence. La portée symbolique de ces discours est d’autant plus forte que les « banlieues » sont, par ailleurs dans les discours dominants souvent considérées comme des badlands of the Republic (Dikeç, 2007), comme des espaces qui ne sont pas seulement dangereux pour eux-mêmes mais également pour les valeurs de la société majoritaire et pour l’Etat (et son autorité). La banlieue est un espace qui dans le discours hégémonique acquiert une dimension symbolique (Germes et Glasze, 2010) : « l’anti », le contraire et presque l’adversaire de la République, ou de l’Etat ou de la Nation. Le déni de l’appartenance au collectif politique, au « nous » rassembleur de la communauté politique représente dans ce contexte une injustice symbolique. L’utilisation du terme « banlieue » fut souvent critiquée du fait qu’il procède à la fois d’une spatialisation (quasi-causale) abusive des problèmes sociaux et d’une réduction de la diversité des enjeux – ce terme contribue également à faire passer pour spécifiquement française une combinaison de problématiques en grande partie communes à d’autres sociétés contemporaines. Même si la question des discours policiers sur les quartiers sensibles présente des spécificités notables en France, celles-ci ne constituent pas le cœur du problème, mais plutôt l’une de ces déclinaisons : la prise en compte de la profondeur historique montre comment la question des quartiers sensibles en France est ancrée dans les problématiques de la ségrégation socio-spatiale des villes postindustrielles (et dans la continuité avec les villes industrielles) et de la discrimination des sociétés postcoloniales (dans la continuité avec l’époque coloniale).  De même, les injustices liées aux pratiques dans et aux discours policiers sur les quartiers en difficulté ne sont pas spécifiques au cas français, mais sont étroitement liées à une conception contemporaine d’un Etat répressif.

These police discourses present France’s working class neighbourhoods as the exception, that are thought to be somehow in favour of violence. The symbolic impact of these discourses is all the greater as the “banlieues” are moreover, in dominant discourses often considered as badlands of the Republic[12] (Dikeç, 2007), as spaces that are not only dangerous in and of themselves but also for the values of the majority society and the State (and its authority). The banlieue is a space that in the hegemonic discourse acquires a symbolic dimension (Germes and Glasze, 2010): the “anti”, the contrary and nearly the adversary of the Republic or the State or the Nation. In this context, the denial of belonging to the political collective, to the “us” that gathers the political community together, depicts a symbolic injustice. The use of the term “banlieue” has often been criticized for the fact that it springs from both an excessive (quasi-causal) spatialization of the social problems and an over-simplification of the issues. This term also contributes to making a combination of issues that are in great part common to other contemporary societies appear as specific to France. Even if the issue of police discourses on sensitive neighbourhoods presents appreciable specificities in France, they do not represent the core of the problem but instead one of these manifestations: the consideration of the historic depth shows how the issue of sensitive neighbourhoods in France is anchored in issues of the socio-spatial segregation of post-industrial cities (and in the continuity with industrial cities) and the discrimination of post-colonial societies (in continuity with the colonial era). By the same token, the injustices tied to the practices in neighbourhoods in difficulty and police discourses about the same are not specific to the situation in France but are closely tied to a contemporary conception of a repressive State.

 

 

[1] Le travail policier est extrêmement varié : surveillance de la circulation, enquêtes judiciaires, renseignements, police aux frontières… (cf. Monjardet, 2002 ; Brodeur, 2003: 350-353). Monjardet explique comment s’établit une relation différente au territoire (de compétence) selon les fonctions et les missions de chaque type de police : il affirme que les forces d’intervention mobiles (comme les CRS) ont un rapport de circonstance avec le territoire ; que la police criminelle est marquée par le jeu entre la  géographie judiciaire (des zones de compétences) et   la géographie propre des pôles et des réseaux de la criminalité. La police urbaine, en revanche, requiert une plus grande adaptation au terrain ainsi qu’une meilleure compréhension des spécificités locales comme une capacité à l’intégration dans la société locale (Monjardet,1996 : 135). La recherche proposée ici s’intéresse uniquement à cette police urbaine (nationale ou municipale).

[1] Police work is extremely varied: traffic monitoring, court investigations, information, border police, etc. (cf. Monjardet, 2002; Brodeur, 2003: 350-353). Monjardet explains how a different relationship is established with the territory (jurisdiction) based on the duties and assignments of each type of police: he states that mobile response forces (like the CRS [Compagnie républicaine de sécurité; tr.: Republican Security Company]) have a circumstantial relationship with the territory; that the crime police are distinguished by the play between geographic jurisdiction (areas of jurisdiction) and the geography proper of hubs and networks of criminal activity. Urban police, however, require greater adaptation to the field as well as a better understanding of the local specificities like an ability to fit into local society (Monjardet, 1996: 135). The research proposed here is concerned solely with urban police (state and municipal).

[2] Une définition nuancée de la police comme « une institution de contrôle social dotée d'une relative latitude de définition des situations qui appellent son intervention et qui peut alors mettre en œuvre les moyens de coercition dont elle est dotée. Nous voulons dire, en premier lieu, que l'activité policière est moins répressive qu'organisatrice : la police sans cesse négocie les conditions de son intervention, la police participe plus que d'autres à la définition collective du tolérable et de l'intolérable et elle contribue fortement à organiser un ordre social à laquelle elle est non pas extérieure mais partie prenante ». (Favre et Jobard , 1997 :207)

[2] A nuanced definition of the police as “[translation] an institution of social control equipped with a relative latitude for defining the situations that call for its intervention and which may then implement the means of coercion that it is equipped with. We mean that first, the activity of policing is less repressive than organizational; the police endlessly negotiate the conditions of their intervention, the police participate more than others in the collective definition of what is tolerable and what is intolerable, and the police make a major contribution to organizing a social order to which it is not external but a stakeholder.” (Favre and Jobard , 1997 :207)

[3] L’usage courant du terme territoire dans les discours policiers introduit une certaine polysémie. Il désigne en effet un objet unique et univoque, l’espace de compétence et de travail. Pour plus de clarté, les termes espaces et spatialisation seront utilisés pour désigner ces territoires et territorialisations.

[3] The current use of the term “territory” in the police discourses introduces a certain polysemy. It means indeed a unique and unambiguous object, the space of competence and work. For clarity, the terms “space” and “spatialization” and spatial terms are used to designate these territories and territorialisations.

[4] Au lieu de considérer que les représentations (individuelles ou collectives) sont en quelque sorte des empreintes de la perception du monde réel, la notion de discours (rapportée à des sujets qui ne sont ni des individus ni des groupes, mais des institutions ou encore des positions énonciatives) permet de concevoir en quoi les conceptions du monde socialement négociées  modèlent l’action.

[4] Instead of considering that representations (individual or collective) are in some way impressions of the real world’s perception, the concept of discourse (in relation to topics that are neither individuals or groups but institutions or, alternatively, statement positions) makes it possible to imagine how the socially negotiated conceptions of the world shape the action.

[5] Il est avec raison reproché à l’utilisation des désignations génériques « banlieue »  et « quartier sensible » le fait de contribuer à une représentation unifiée de situations extrêmement différentes et de produire ainsi une catégorie spatiale réifiée et support de la stigmatisation. Or, ces notions ne permettent pas de concevoir la complexité et l'imbrication de problématiques concernant, entre autres, la précarisation du travail, les inégalités de genre, les discriminations raciales quotidiennes, un habitat délabré, des conditions de logement insalubres, le manque d’accessibilité, la gentrification par le fait du marché ou par le fait de la rénovation urbaine, etc.

[5] Criticism is justified of the generic designations such as “banlieues” and “sensitive neighbourhood”, which in fact contributes to the unified representation of extremely different situations and thus producing a reified spatial category and support of the stigmatiziation. These concepts do not allow the conception of the complexity and overlapping of issues concerning, in part, precarious employment situations, gender biais, racial discrimination on a daily basis, run-down housing, unhealthy living conditions, lack of accessibility, gentrification due to  market factors or urban renewal, etc.

[6] De manière à respecter l’anonymat des personnes rencontrées, les municipalités ne sont pas désignées. Seule une référence à la position institutionnelle du locuteur sera faite.

[6] In order to protect the identity of the individuals met with, the municipalities are not indicated. The speaker’s position in the institution will be the only reference made.

[7] Les citations complètes sont reproduites discutées dans le paragraphe 1.2 ci-dessous.

[7] The complete quotations are reproduced and discussed in paragraph 1.2 below.

 

[8] Translator’s note: The French construction using “on” – a 3rd person impersonal singular wihich is given the attributes of 1st person plural in the previous sentence – is indicated as an exception because this construction was associated with the police in other instances in the interviews. However, in the instance cited as an exception, “on” takes on the 3rd person impersonal sense and makes the “criminal” element the subject, and not the 1st person plural (i.e. self reference by the police) referred to above.SWM

[8] Ce qui est tout simplement dû au fait que les dispositifs et le travail de la police dans les « quartiers en difficulté » ; « quartiers à problèmes » étaient l’un des thèmes principaux de l’entretien.

[9] This is quite simply due to the fact that the police devices and work in the “troubled neighbourhoods”, or “problem neighbourhoods” were one of the main themes of the interview.

[9] Les UTEQ sont de petites unités, compétentes sur des espaces restreints, dans les quartiers défavorisés – malgré ces points communs, elles sont conçues par opposition à l’ancienne police de proximité : il s’agit de « faire respecter l’autorité de l’Etat et  le respect de la loi, là où il le faut et à l’heure où il le faut » (M. Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur, 14.01.2008).

[10] The UTEQs are small units with jurisdiction over small areas in disadvantaged neighbourhoods. Despite these points in common, they are designed in contrast to the former community police: the UTEQ is for “[translation] ensuring that State authority is respected and respect for the law wherever and whenever necessary” (M. Alliot-Marie, France’s Minister of the Interior, 14.01.2008)

[10] Nos résultats présentent deux motifs discursifs complémentaires: le discours de l’évitement (première partie) est dans notre corpus caractéristique des propos tenus par des polices municipales, alors que le discours de la confrontation (deuxième partie) est plutôt caractéristique de la police nationale.

[11] Our findings present two complementary discursive motives: the avoidance discourse (first part) is in our characteristic corpus of remarks by city police, while the confrontation discourse (second part) is instead characteristic of the national police.

 

[12] Translator’s note: In English in the French text. SWM

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