Réflexions sur le Community Planning à San Francisco

Reflections on Community Planning in San Francisco

Venez vous promener avec nous dans le quartier de la Mission à San Francisco au tournant des années 2010 et vous vous sentirez probablement entraîné dans deux directions. D’un côté, vous avez les mamans de la classe ouvrière avec des poussettes et des sacs de courses pleins à craquer de platanos[1]  et de yucca[2]. De l’autre, entre les bodegas[3] et les taquerias[4] de cette communauté autrefois dominée par les Latinos, émerge ce qu’on appelle la Nouvelle Mission. Avec ses nouveaux restaurants clinquants et ses galeries aux devantures vitrées, la Nouvelle Mission est le produit des forces culturelles et économiques liées au boom Internet des années 1990 et a elle continué de se développer – avec de nouveaux commerces haut de gamme surgissant subitement dans tout le quartier. Ces nouveaux lieux rappellent à l’observateur attentif la grande transformation économique et spatiale qui a forcé des centaines de familles, d’artistes et de travailleurs de la communauté à quitter la ville durant la dernière décennie, dans le cadre de la réorganisation massive de la vie urbaine (Beitel, 2003 ; Walker, 2006).

Take a walk with us through San Francisco’s Mission District at the end of the ‘oughts, and you’re likely to feel pulled in two directions.  On the one hand, there are working-class moms with strollers, and shopping bags bursting with platanos[1] and yucca[2]. On the other hand, peeking out between the bodegas[3] and taquerias[4] of this once Latino-dominated community is what we call the New Mission. Represented by new shiny eateries and glass-fronted galleries, the New Mission is a cultural and economic force that took hold during the dot-com boom of the 1990s, and continues to expand – with new high-end businesses appearing, popcorn-like, all over the neighborhood.  The sight of these new places reminds the sharp observer of the larger economic and spatial transformation that has forced thousands of families, artists and community workers to leave the city over the last decade as part of a wholesale reorganization of urban life (Beitel 2003; Walker 2006).

Un changement spectaculaire s’est opéré à la fin des années 1990, lorsque la vague de l’Internet a submergé le quartier, le modifiant pour toujours en un instant. Il y a eu une accalmie lorsque la crise économique de 2000-2001 a asséché la ville de ses touristes et des dollars tirés de l’économie Internet. Pourtant, alors même que le reste de la région de la Baie de San Francisco, le pays – et finalement le monde – chancelaient sous les effets de la crise économique, certaines parties de la ville, dont le quartier de la Mission, ont continué tranquillement de se gentrifier. En 2011, alors que le nombre de saisies immobilières grimpait dans la région de la Baie et que la crise conduisait des milliers de personnes à occuper Wall Street et des centres-villes un peu partout dans le pays, une série de nouvelles galeries d’art au design tape à l’œil – majoritairement fréquentées par des blancs – ont fleuri dans la Mission alors que le Wall Street Journal rapportait que le prix moyen des maisons dans le quartier avait augmenté de 45 % (Keates & Fowler, 2011).

A dramatic shift was visible in the late 1990s, when a dot-com flush economy flooded the neighborhood, changing it forever in an instant. There was a lull as the 2000-01 economic crash sucked the city dry of tourist and internet-economy dollars.  Yet, even as the rest of the San Francisco Bay Area, the nation – and indeed world – reeled with the economic crash, parts of the city, including the Mission District, quietly continued to gentrify. In 2011, as the number of Bay Area foreclosures climbed and the economy catalyzed thousands to Occupy Wall Street and downtowns everywhere, a batch of new art galleries, decked out with New Economy glitz – and predominantly white patrons – populated the Mission while the Wall Street Journal reported that neighborhood median home prices had grown forty-four percent (Keates & Fowler 2011).

Et pourtant, à quelques pâtés de maison de là, les taquerias aux menus à quatre dollars sont toujours plus nombreuses que les établissements servant des cafés à 4 dollars la tasse. Les restaurants et galeries pour la nouvelle élite de San Francisco sont installés de façon relativement inconfortable, encore aujourd’hui, au sein de ce mélange de riches et de pauvres qui reste identifié comme un quartier latino. Malgré l’invasion, dans le quartier, de bus « web 2.0 » – navettes privées transportant quotidiennement les employés d’Apple et de Google vers la Silicon Valley – ce qui reste de la communauté ouvrière de couleur continue, contre toute attente, de déborder de vitalité. Les camions de tacos, les restaurants latinos, les festivals culturels, les fresques murales, et toute une série de magasins bon marché permettent la survie de la classe ouvrière. Les danseurs aztèques continuent de diriger la procession annuelle du Dia de los Muertos[5] à travers les rues du quartier, les parties de futbol[6] – et non de football – retentissent à travers les radios et les télévisions des bars, et les habitant débattent de politique sur les perrons et dans les cours des maisons en buvant des verres de horchata[7]  maison. Comment peut-on expliquer cela ?

And yet, along a few core blocks, taquerias with $4 meals still outnumber cafes with hand-poured $4 cups of coffee. The eateries and galleries for the new elite of San Francisco sit somewhat uneasily, even now, in the multi-ethnic mixture of rich and poor that is still recognizably a Latino place. In spite of the overflowing of “web 2.0” buses into the area – private shuttles that cart Apple and Google employees to Silicon Valley each day – the remnant working class community of color, against all odds, has remained vibrant. Taco trucks, pan-Latin restaurants, cultural festivals and murals, and a string of budget stores enable working-class survival. Aztec dancers still lead the annual Dia de los Muertos[5] procession through neighborhood streets, games of futbol[6] – not football – blare from radios and barroom televisions, and political debates take place on stoops and in back yards over glasses of homemade horchata[7]. How can this be?

Une partie importante de la population de la Mission a été déplacée par les expulsions vers la périphérie de la ville et au-delà (Beitel, 2003 ; Olsen, 2004 ; Solnit & Schwartzenberg, 2000 ; Walker, 2006). Cependant, au même moment, une coalition se faisait jour entre habitants de longue date, leaders de la communauté et quelques urbanistes clés intéressés par la création d’une alliance de community planning qui ne soit pas focalisée en premier lieu sur la croissance pour la croissance. Faire de l’aménagement urbain pour le futur en pleine crise économique n’était pas une tâche aisée, cependant, de même que le boom de l’Internet, cet activisme est l’un des phénomènes les plus marquants de cette période (Chion, 2013). Cet article défend l’idée que la récente vague économique n’a pas entièrement anéanti les qualités du quartier, en grande partie grâce aux efforts des community planners, des leaders et des habitants qui ont développé une expertise de l’aménagement urbain par les habitants, en luttant contre les vagues d’expulsions tout en élaborant leur propre vision pour le quartier. Derrière ces efforts, nous reconnaissons que les qualités d’un quartier découlent de la convergence de processus multiples qui incluent la résilience de ses réseaux sociaux, l’expansion des commerces locaux, la poursuite de l’immigration des Latinos, l’intensité de la production culturelle et la valeur économique croissante des loisirs. Les urbanistes de San Francisco se sont beaucoup impliqués dans le quartier de la Mission, considérant qu’il était central pour l’aménagement d’un ensemble de quartiers à l’est de la ville. Les quartiers de Mission, South of Market (SoMa), Showplace Square-Potrero Hill, Central Waterfront et Bayview-Hunter’s Point occupent environ un tiers du territoire de la ville (voir carte 1). Historiquement, ces « quartiers de l’est » jouaient un rôle singulier à San Francisco car ils concentraient un mélange d’industries (relevant des secteurs de la production, de la distribution et de la réparation, tels que les urbanistes les définissent), des ateliers d’artistes et des logements à prix abordable. Ils étaient aussi une base locale de fort soutien communautaire pour la classe ouvrière et les populations d’immigrants, bien que cette position ait toujours été contestée politiquement ; depuis les années 1990, les pressions dues au développement immobilier ont amoindri cette fonction.

Significant sectors of the Mission’s residential population dispersed as displacement swept Mission residents further to the city’s fringes and beyond (Beitel 2003; Olsen 2004; Solnit & Schwartzenberg 2000; Walker 2006). Even so, as this shift occurred, a coalition emerged between longtime residents, community organizers, and a few key planners who were interested in crafting a planning-community alliance that was not primarily focused on growth for the sake of growth. Planning for the future amid economic crisis was no small task, yet, like the dot-com boom itself, such activism was one of the dominant stories of the time (Chion 2013). This paper contends that the recent economic wave has not entirely bulldozed the qualities of the neighborhood largely because of the efforts of community planners, leaders, and residents who developed street-level planning expertise, fighting waves of evictions while drawing up their own vision for the neighborhood.  Beyond these efforts, we recognize that the qualities of a neighborhood are produced at the convergence of multiple processes including the resilience of its social networks, the expansion of local businesses, the continuing in-migration of Latinos, the strength of cultural production, and the increasing economic value of entertainment. San Francisco’s urban planners have been heavily involved in the Mission, and have viewed the neighborhood as central to a city planning process that looked at several adjacent neighborhoods on the eastern side of the city.  The Mission, South of Market (SoMa), Showplace Square-Potrero Hill, the Central Waterfront, and Bayview-Hunter’s Point neighborhoods occupy approximately one third of the city’s land (see Map 1).  Historically these “Eastern Neighborhoods” played a unique role in San Francisco as home to a mix of industry (production, distribution, and repair, as defined by city planners), artists’ workshops, and affordable housing. They were also home-base for strong community support for working class and immigrant populations, although that position has always been politically contested; since the 1990s, development pressures have eroded this role.

Nous nous intéressons ici au quartier de la Mission car il est devenu un centre politique clé du community planning pour les quartiers de l’est dans leur ensemble. La Mission a également une longue histoire d’organisation communautaire si l’on remonte à l’époque de la rénovation urbaine. Les commerces locaux, les habitants et les organisations communautaires dans ces quartiers répondaient aux effets urbains de la désindustrialisation et de l’appauvrissement de l’Etat, travaillant pour améliorer leurs communautés à travers des actions de réduction du crime et des tensions sociales, renforçant les commerces et mettant en place des institutions et des événements culturels (Castells, 1985 ; Mirabal, 2009).

We focus here on the Mission because it became a key political center for active community planning for the Eastern Neighborhoods as a whole. The Mission also carries a long history of community organizing, going back to the era of urban renewal.  Local businesses, people, and community organizations in these neighborhoods responded to the urban effects of deindustrialization and government divestment, working to improve their communities through actions reducing crime and social tensions, strengthening businesses, and establishing cultural institutions and events (Castells 1985; Mirabal 2009).

 

Dans les années 1990, des changements dans la politique d’occupation des sols favorisèrent le développement de lofts à usage mixte logement-travail, donnant lieu à des constructions haut de gamme, ce qui encouragea les expulsions, rendues possibles par une commission d’urbanisme dominée par les promoteurs. La mise à l’écart des petites entreprises industrielles devint, elle aussi, une banalité. Les organisations communautaires commencèrent alors à apprendre le langage officiel de l’urbanisme et à essayer de s’imposer au sein du processus d’aménagement mis en place par la municipalité. Les leaders communautaires, en lien avec les urbanistes et les hommes politiques, créèrent de nouveaux processus formels et informels de community planning, modifiant le processus de prise de décision auparavant dominé par les promoteurs. Ils essayaient de sauver leur communauté, un bastion de la classe ouvrière latino depuis les années 1960, qui avait nourri des marges culturelles et politiques ethniquement diversifiées (Sandoval, 2011 ; Solnit & Schwartzenberg, 2000). Malgré les grands bouleversements économiques qui ne purent être ralentis dans les années qui suivirent – si bien que la Mission continua de se gentrifier alors même que l’économie s’effondrait, comme cela a été mentionné plus haut -, l’intervention de la communauté dans le processus d’aménagement du territoire joua un rôle important en empêchant une transformation massive du quartier.

In the 1990s changes in land-use policy supported live-work loft development, allowing an influx of high-end development that incentivized evictions, enabled by a developer-dominated city planning commission. The dislocation of blue-collar employers also became commonplace. Community organizations began to learn the language of formal urban planning, and to muscle into the City Hall process. Community leaders, working with city planners and politicians, created formal and informal community planning paradigms, forcing the shift away from developer-centered decision making. They were trying to save their community: a Latino working-class stronghold since the 1960s that had nurtured an ethnically diverse cultural and political fringe (Sandoval 2011; Solnit & Schwartzenberg 2000). In spite of the great economic shifts that could not be slowed in the years that followed – such that the Mission continued to gentrify even as the economy collapsed, as mentioned above – community intervention in the planning process was instrumental in preventing a wholesale transformation of the Mission.

Lors de la conférence Just Metropolis qui s’est tenue à l’Université de Californie, Berkeley, en juin 2010, des urbanistes et des militants se sont réunis pour réfléchir à cette période et faire le bilan sur plus d’une décennie de militantisme dans les quartiers de l’est. L’objectif était d’avoir une discussion publique qui fasse ressortir certaines des tensions et des succès de cette période, dans le cadre d’un échange d’idées sur les possibilités d’un urbanisme centré sur la communauté. Parmi les participants, se trouvaient la leader communautaire Ada Chan, qui a organisé et fait travailler ensemble de nombreuses associations contre les abus des décisions et des réglementations du gouvernement local, et Oscar Grande, qui a travaillé avec des familles et des jeunes Latinos et a défendu des locataires contre des expulsions. Chan et Grande étaient tous deux des leaders de la MAC, (Mission Anti-Displacement Coalition)[8]. L’ancien urbaniste en chef de la ville, Amit Ghosh, défendait les politiques de la ville et mettait en place les règles de zonage ; il faisait également partie de la table ronde. Enfin, une membre de la commission d’urbanisme (et co-auteure de cet article), Lisa Feldstein, s’est jointe au débat afin de parler de son rôle dans le vote – souvent du côté minoritaire – des réglementations et des projets controversés d’occupation du territoire.

At the Just Metropolis Conference held at the University of California, Berkeley in June 2010, planners and activists reunited to reflect on this time and take stock of more than a decade of organizing in the Eastern Neighborhoods. The objective was a public conversation that brought out some of the tensions and successes of the time, as part of a discussion about the possibilities for community-centered planning. Participants included community leader Ada Chan, who organized and convened multiple grassroots organizations against the abuses of local government decisions and regulations, and Oscar Grande, who worked with Latino families and youth and defended tenants against eviction. Chan and Grande were both leaders in MAC, the Mission Anti-Displacement Coalition.[8] The city’s onetime Chief Planner, Amit Ghosh, defended city policies and crafted zoning rules; he joined the panel as well. Finally, Planning Commissioner (and co-author of this article) Lisa Feldstein joined the panel to discuss her role in voting – often in the minority– on controversial land-use regulations and projects.

La table ronde incluait aussi les deux autres auteures de cet article. Ancienne journaliste de presse spécialisée dans les questions d’aménagement du territoire, Rachel Brahinsky modérait la table ronde qui avait été réunie par Miriam Chion, une des urbanistes ayant mené le processus de community planning des quartiers Est de San Francisco de 1998 à 2004. Toutes trois, Brahinsky, Chion et Feldstein, nous avons ensuite évolué vers des postes universitaires ; nous tentons, en écrivant cet article, de mieux articuler notre travail intellectuel, notre pratique professionnelle et nos vies quotidiennes.

The panel also involved the two other authors of this article. Rachel Brahinsky, a former newspaper reporter on planning issues, moderated the panel, which had been convened by Miriam Chion, a lead city planner for San Francisco’s Eastern Neighborhoods Community Planning process from 1998 to 2004. The three of us, Brahinsky, Chion, and Feldstein, subsequently moved towards academic positions; we write this piece as part of an effort to better integrate our intellectual work, professional practice, and everyday lives.

Nos intervenants étaient alors des acteurs clés appartenant à un système plus vaste de forces qui déterminaient quelles populations pouvaient rester dans la ville, gagner leur vie ou élever une famille. Dans une certaine mesure, ils décidaient la manière dont la culture du quartier allait se transformer et qui la transformerait. Ce faisant, ils traitaient avec les promoteurs et avec un régime politique largement financé et inspiré par le capital des promoteurs. Cet article présente le dialogue parfois difficile qui s’est développé entre nos intervenants alors qu’ils réfléchissaient aux dynamiques politiques qui ont modelé les évolutions urbaines des dernières années.

Our panelists were key actors, part of a larger system of forces that influenced who could remain in the city, make money, or raise a family. To an extent they shaped how – and by whom – the neighborhood culture would transform. In doing so, they negotiated with developers and with a political regime largely financed and inspired by development capital. This article collects some of the difficult dialogues that ensued amongst our panelists as they reflected upon the political dynamics that shaped the recent urban changes.

Avant de se plonger dans ces riches discussions, nous souhaitons revenir sur notre conception de l’évolution urbaine et présenter le contexte de San Francisco en examinant  la notion de communauté, la gouvernance locale et les politiques d’urbanisme. L’objectif est de situer notre analyse et d’aider les lecteurs internationaux à comprendre le contexte de l’urbanisme local.

Before delving into these rich dialogues, we provide our approach to urban development as well as an overview of San Francisco’s community, government and planning contexts.  The purpose is to situate our analysis and help international readers make sense of the local city-planning context.

 

 

1- Approche du développement urbain

1-Approach to urban development

Les tensions urbaines que nous avons observées à San Francisco sont souvent analysées sous l’angle de la gentrification, qui désigne grosso modo le processus par lequel les petits commerces et la population pauvre d’un quartier (souvent majoritairement des gens de couleur) sont remplacés par une couche sociale supérieure. Conceptuellement, la gentrification permet d’étudier la violence politique, économique et même physique contre les populations à faibles revenus contraintes de déménager en raison des transformations économiques ou culturelles de leurs territoires (Beauregard, 2006 ; Lees, Slater & Wyly 2008 ; Redfern, 2003 ; Slater, 2009 ; Smith, 1996 ; Smith, 2002).

One common analytical framework through which to discuss the urban tensions we have witnessed in San Francisco has been gentrification, which we understand broadly as the replacement of low-income or working class businesses or residents – often disproportionately people of color – by wealthier ones.  Gentrification conceptually helps explore the political, economic, and even physical violence, against low-income populations that are forced to relocate as their homes are reconfigured via market-economics or cultural turns (Beauregard 2006; Lees, Slater & Wyly, 2008; Redfern 2003; Slater 2009; Smith 1996; Smith 2002).

Souvent cependant, les conceptualisations de la gentrification ne tiennent pas compte des dynamiques propres au territoire local. Des images romantiques de territoires sous-utilisés voués à la construction immobilière, d’une part, ou d’une classe ouvrière prise dans un engrenage de pauvreté dont elle ne peut s’échapper, d’autre part, ne rendent pas justice aux dynamiques urbaines complexes qui donnent naissance à la mobilisation communautaire (Goldsmith & Blakely, 2010 ; Massey & Denton, 1993 ; Wilson, 1987). Présenter les quartiers et les populations de couleur comme les victimes malheureuses des investissements immobiliers revient à ignorer la vitalité de ces quartiers et à nier le rôle des communautés existantes à la fois dans la production de la vitalité urbaine et dans la revendication de choix de développement (Chion, 2013). Nous nous sommes intéressées ici à la complexité de ces tensions urbaines et au pouvoir de la communauté pour concevoir ses propres choix de développement. A travers les témoignages de nos intervenants, nous explorons donc l’organisation de la communauté – comme contre-mouvement aux forces du marché – en tant que dimension essentielle du développement urbain.

Often, however, conceptualizations of gentrification elide important dynamics on the ground. Romanticized images of underutilized land ripe for development, on the one hand, or of a working class caught in poverty cycles they cannot escape, on the other, do not do justice to complex urban dynamics that give rise to community organization (Goldsmith & Blakely 2010; Massey & Denton 1993; Wilson 1987). Positioning neighborhoods and residents of color as hapless victims of real estate investments ignores the vitality of the neighborhoods and obscures the role of the existing communities in both producing urban vitality and negotiating their development choices (Chion forthcoming).  We are concerned with the complexities of these tensions and the power of the community to shape their development choices.  Through our panelists’ words, we thus explore community organization –counter movements to market forces – as an essential dimension of urban development.

Notre article s’appuie sur trois grandes approches du processus de développement urbain du quartier de la Mission. Tout d’abord, nous considérons que les quartiers sont constamment en transformation : des magasins ouvrent et ferment, des habitants déménagent – de nouveaux artistes, de nouvelles populations et de nouvelles institutions émergent (Lefebvre, 1991). Les dynamiques de lutte des classes et des flux de capitaux jouent un rôle fondamental dans l’accélération de ces changements (Smith, 1996). Notre étude est centrée sur la manière dont elles changent, et plus particulièrement sur la manière dont les leaders de la communauté et les acteurs du gouvernement négocient ces changements.

We consider three perspectives that frame our inquiry into the urban development process of the Mission District. First, we acknowledge that neighborhoods are constantly changing: shops come and go, residents move – new artists, new demographies, and new institutions emerge (Lefebvre 1991). Structural forces of class struggle and capital flows play a foundational role in catalyzing this change (Smith 1996). Yet our inquiry focuses on how they are changing, and particularly how community organizers and government actors negotiate these changes.

Deuxièmement, nous reconnaissons l’importance de la résilience du quartier. Parmi les études consacrées aux systèmes sociaux écologiques, Nystrom et Folke (2001) définissent la résilience des systèmes spatiaux comme « la capacité dynamique de surmonter les perturbations et de revenir à un fonctionnement ou un développement normal à des échelles plus larges que celle d’un écosystème particulier. » Ce processus suppose une perturbation par rapport aux conditions normales, de même qu’une capacité à aborder le changement. Nous souhaitons étudier comment, malgré les fortes pressions qu’ils ont subies pour faire de la place aux habitants et aux commerces haut de gamme, les organisations communautaires et les agences d’urbanisme ont maintenu les qualités urbaines existantes et permis la résilience des systèmes sociaux et spatiaux (Irazabal, 2005).

Second, we recognize the resilience of neighborhood vitality.  Borrowing from the literature on social ecological systems, we take Nystrom and Folke’s (2001) definition of spatial resilience as “the dynamic capacity to cope with disturbance and avoid thresholds at scales larger than individual ecosystems.”  This process acknowledges disturbance to existing conditions as well as the capacity to address change. We explore how, despite strong pressures to make room for upscale residents and businesses, community organizations and city-planning agencies supported the retention of existing urban qualities, the social and spatial resilience of places (Irazabal 2005). 

Troisièmement, nous considérons que le dialogue intercommunautaire permet de comprendre la complexité des relations de pouvoir (Bell et Binnie, 2004 ; Castells, 1996 ; Massey, 2005). Cette réflexion sur les politiques, les règles et les décisions est un moyen de comprendre les tensions sociales et les rapports entre les multiples activités qui donnent leurs qualités aux quartiers. Les témoignages et les moyens d’expression sont pour nous des données essentielles pour comprendre le changement urbain.

Third, we focus on the cross-community dialogue as data to understand the complexity of power relations (Bell and Binnie 2004, Castells 1996; Massey 2005). We see this conversation about policies, rules, and decisions as a vehicle for understanding social tensions and the convergence of multiple activities shaping the qualities of the neighborhoods. We recognize the value of statements and expressions as essential knowledge in our understanding of urban change.

A partir de ces différentes approches, nous avons étudié les liens entre les organisations communautaires et le gouvernement local dans leur combat pour maintenir les conditions de vie des habitants et commerçants qui ont fait la Mission, et les quartiers de l’Est plus largement, depuis plusieurs décennies. Notre approche ne consiste pas à « découvrir » la vitalité ou le potentiel de ces territoires. Nous voulons comprendre comment les organisations communautaires sont parvenues à transformer les quartiers malgré, ou en collaboration avec, les autres acteurs en présence dans le processus d’évolution urbaine.

Using this framework, we focus on the intersections between community organizations and local government in their work to support the livelihoods of residents and businesses that have been constructing the Mission, and the Eastern Neighborhoods more broadly, for several decades. Our approach is not to “discover” the vitality or potential of these places. We want to understand how community organizations managed to shape and change neighborhoods in spite of, or in collaboration with, the other forces at work in urban transformation.

 

 

La communauté, le gouvernement et l’aménagement urbain à San Francisco

Community, Government and Planning in San Francisco

Le concept de communauté est délicat, il fait l’objet d’appropriations et de revendications changeantes. Dans cet article, il fait référence à plusieurs notions imbriquées qui ont défini l’espace de contestation. En premier lieu, il désigne l’espace géographique auquel la classe ouvrière majoritaire se trouvait et se trouve toujours fortement identifiée. Les frontières de la Mission sont moins nettes que celles indiquées sur notre carte (carte 1), mais le quartier atteste – ou attestait –  d’une certaine homogénéité visuelle et évoque une forte identité territoriale. L’histoire de sa classe ouvrière est inscrite dans le mélange des usages : les bâtiments au style victorien vivement coloré où logent les travailleurs modestes côtoient les entrepôts du 19ème siècle, les petites entreprises de production et les bodegas qui acceptent de faire crédit jusqu’au jour de paye. Ce territoire est délimité par des lieux de rassemblement : places, écoles, bodegas, églises. Ces lieux s’imbriquent avec les espaces dédiés à la nouvelle économie, que nous avons mentionnés plus haut.

The concept of community is tricky, subject to appropriation and shifting claims. In this article we use community to signify several interlocking factors that defined the area of contestation. First, there is the geography within which the predominantly working-class Mission was, and continues to be, closely identified. The lived boundaries of the Mission are less sharp than those in our map (Map 1), but the neighborhood is – or was – visually cohesive and evokes a strong sense of place. Its working class history is inscribed in the mix of uses: brightly colored Victorian-style buildings of modest workers’ apartment housing are walking distance to 19th Century warehouses, small-scale manufacturing companies, and bodegas that might extend credit until payday. The places that delineate this spatial community are the gathering points: plazas, schools, bodegas, churches. These places are intermingled with the new economic trends we mentioned earlier.

La communauté désigne aussi les habitants, mais ici notre définition est plus restrictive. Les membres de cette communauté, telle que nous la définissons, sont ceux qui sont engagés directement dans la construction du quartier. Nous nous intéressons à ceux qui ont été menacés par les transformations : par la perte de leurs voisins, la perte de leur maison, la mise sur le marché de leur espace de vie. La classe ouvrière et les membres de la communauté, immigrants pour la plupart, avaient des traditions et des cultures en commun. Plusieurs vagues d’im/migration de populations latinos ont subi des épreuves politiques et économiques tels que le programme Bracero des années 1950 ou la violence de régimes militaires dans les années 1980 dans des pays comme le Guatemala, le Nicaragua, le Salvador, le Honduras, le Chili et le Pérou.

The community also refers to the residents, but here our thinking is more restrictive. As we define this community, its members are those directly engaged in the production of the neighborhood.  We focus on those who were threatened with displacement: the loss of neighbors, the loss of home, the renting of the fabric of their lives. Working class, and with a large immigrant component, community members were bound by shared traditions and a hybrid of cultures.  Several im/migration waves of Latino population shared political and economic challenges such as the Bracero program of the 1950s, or the military regime violence of the 1980s in places like Guatemala, Nicaragua, El Salvador, Honduras, Chile and Peru.

La communauté a évolué au fur et à mesure des années vers un ensemble multiethnique et multiculturel. Propriétaires de boutiques locales, avocats pour les questions d’immigration, enseignants, directeurs de théâtre ou directeurs d’ONG ; ils étaient blancs, noirs et asiatiques, remplaçant souvent la population immigrante du milieu du siècle, principalement irlandaise. Les habitants se sont engagés dans la construction du quartier et – étant eux-mêmes de la classe ouvrière – il leur semblait important de permettre à cette couche sociale ouvrière et aux habitants de différentes origines de continuer à habiter en ville. Ainsi, notre définition de la communauté comprend les personnes menacées par les transformations ou concernées par celles qui sont menacées ; dans cette définition, nous assumons l’idée que la vitalité d’une ville résulte du mélange et du respect entre classes sociales et entre cultures (Chion, 2013)[9]

The community evolved over the years as a multi-ethnic and multi-cultural agglomeration.  Local store owners, immigration lawyers, teachers, theater managers, or NGO directors; they were white, black and Asian, often replacing the largely Irish-immigrant mid-century population.  Residents engaged in the production of the neighborhood and – themselves part of the working class – often had an appreciation for the importance of making it possible for working class populations and diverse cultures to remain in the city. In this context, our definition of community includes people at risk of displacement, or concerned about those at risk; the community we study is linked by an understanding that the vitality of a city derives from cross-class and cross-cultural mixing and respect (Chion forthcoming).[9]

L’engagement de cette communauté dans le processus municipal d’aménagement du territoire est au centre de notre analyse. Les Etats-Unis n’ont pas de Ministère ou de Direction d’urbanisme au niveau national ou fédéral : l’urbanisme est une fonction locale (Fulton, 2005). Les questions d’urbanisme de San Francisco sont gérées par une grande Direction de la ville supervisée par une commission de sept citoyens nommés. Cette commission a autorité en appel concernant les décisions mineures et a un rôle consultatif auprès de la législature, le Conseil Municipal, lorsqu’il s’agit d’opérations plus vastes comme par exemple sur les quartiers de l’est (Charte de la ville et du comté de San Francisco, 1996). Le maire, dont le rôle se limite officiellement à nommer le chef de la Direction et une majorité des membres de la commission, dispose en pratique d’un important pouvoir politique sur l’aménagement urbain de San Francisco. Cela a été le cas en particulier entre 1996 et 2004, lors du mandat de Willie Brown Jr en tant que maire, période où de nombreux combats ont été menés par les quartiers de l’est (King, 1996).

The engagement of this community in the government and formal planning process is central to our story. The US does not operate under a centralized or federal planning structure: city planning is a local function (Fulton 2005). A large city department overseen by an appointed commission of seven citizens manages San Francisco’s planning efforts. This commission has appellate authority over small decisions, and is advisory to the city’s legislative body, the Board of Supervisors, for larger efforts like the Eastern Neighborhoods (Charter of the City and County of San Francisco 1996).  The mayor, whose official involvement is limited to selecting the department head and a majority of the commissioners, in practice can wield great political power over planning in San Francisco. This was especially so in the 1996-2004 period, during Willie Brown Jr.’s tenure as mayor, when many of the Eastern Neighborhoods’ battles were fought (King 1996).

La situation socio-économique de ceux qui gèrent les processus d’aménagement urbain contraste de manière saisissante avec celle de la population de la Mission sur lesquels ils ont une influence directe. Le quartier de la Mission, qui héberge environ 8 % des 800 000 habitants de la ville, est essentiellement composé de Latinos et d’ouvriers ayant de plus faibles revenus, de plus forts taux de pauvreté et un plus faible taux de réussite scolaire que la population de San Francisco dans son ensemble[10]. Le personnel en charge de l’aménagement urbain atteste un niveau d’études élevé, d’un bon salaire, et est le reflet d’une profession historiquement et majoritairement composée d’hommes blancs.

 The socio-economic composition of those who manage the city planning processes is in stark contrast to those in the Mission District whom they most directly impact. The Mission District, housing about eight percent of the city’s approximately 800,000 residents, has a dominant Latino and working class composition with lower incomes, higher poverty rates, and less educational attainment than San Francisco at large.[10] The City’s planning staff are highly formally educated, well compensated, and have historically reflected the profession’s white-male majority.

 

 

2- Dialogues sur le Community Planning

2-Community Planning Dialogues

Les extraits suivants de discussions avec nos intervenants font apparaître les dynamiques politiques créées par les échanges entre les organisations de la communauté et les agences municipales venues travailler dans la communauté pour l’aménager, de même que la difficulté de faire communiquer les langages officiels de l’urbanisme et de la vie de tous les jours[11].

In the following excerpts from conversations with our panelists we tease out the political dynamics of the interactions between community organizations and government agencies in their efforts to work in and plan for the community, as well as the complexity of communication across the languages of formal planning and everyday life.[11]

 

 

L’urbanisme en temps de crise

Planning amid crisis

Lors de la Conférence « Just Metropolis », les participants à notre table ronde se sont attelés à la question du défi que représente l’aménagement du territoire pour l’avenir des communautés alors que ces quartiers étaient déjà en pleine tourmente, comme au moment du boom Internet. Les intervenants ont présenté leurs différentes perspectives sur  la crise que traversait ce territoire en mutation rapide, alors que les personnes et le capital affluaient massivement.

At the Just Metropolis Conference, our panel began with the challenge of planning for the future of communities when those places were already in turmoil, as was the case during peak moments of the dot-com boom. Panelists presented multiple ways to understand the crisis in a shifting terrain as people and capital flowed in at top speeds.

Ils ont exposé les dimensions multiples de cette crise urbaine profonde, qui dépasse la question du logement. En clair, l’accès au logement représente des défis énormes : deux tiers des habitants de San Francisco louent un logement (Recensement des Etats-Unis, 2000). En 2000, le loyer moyen pour un appartement deux pièces était de 2 750 dollars, alors que le prix de vente moyen pour une maison était de 540 000 dollars. Les prix de location et de vente ont augmenté de plus de 70 % entre 1997 et 2000 (Direction de l’urbanisme de San Francisco, 2005). L’augmentation de valeur de l’immobilier a fait grimper la spéculation et les déplacements se sont intensifiés, aggravant le manque permanent de logements abordables à San Francisco. Ainsi, selon les militants sur le terrain, la crise était probablement à son apogée en matière d’expulsions.

Our panelists unfolded the multiple dimensions of the broader urban crisis, beyond housing.  To be clear, housing affordability presented enormous challenges: two-thirds of San Franciscans rent housing (US Census, 2000).In 2000 the average rent for a two-bedroom apartment was $2,750, while the median sales price for a home was $540,000. Sales and rental prices increased by more than 70 percent between 1997 and 2000 (San Francisco Planning Department, 2005).  Rising property values increased speculation and displacement, exacerbating San Francisco’s perpetual lack of sufficient affordable housing. Thus, for activists on the ground, the crisis in the lives of evictees felt perhaps the most intense.

Oscar Grande : « Aménager le territoire en temps de crise, nous le faisons chaque jour. Mais la crise offre aussi l’opportunité de dépasser les différences et d’entrer en contact avec des personnes avec lesquelles vous ne vous voyiez pas forcément travailler, des gens qui ne fréquentent pas nécessairement votre église ou vos écoles. Notre communauté étant concentrée et dense, [ces alliances sont] nécessaires afin de construire un mouvement social qui lutte contre les maux dus à cette promotion immobilière endémique. »   

Oscar Grande: “Planning in crisis. We do it every day. But crisis also brings an opportunity to reach across the aisle, and reach out to people that you don’t necessarily see yourself working with, people who don’t necessarily go to your church or to your schools. Because of the compactness of our community and the density of our community, [these alliances are] necessary in order to build a social movement that addresses some of the wrongs that this reckless development created.”

Ada Chan : « J’ai fait l’expérience de la crise plutôt sur le front culturel. Le quartier disparaissait mais les gens s’en rendaient-ils compte ? Ou bien étaient-ils simplement excités de voir qu’un Slanted Door [restaurant] avait ouvert dans la Mission et qu’un [ancien] président [Clinton] venait y manger ? C’est ainsi que j’ai vécu la crise, en observant qui dominait l’espace public, qui dominait les trottoirs. »

Ada Chan: “I experienced crisis more on the cultural front. The neighborhood disappeared, but did anyone notice? Or were they just excited that the Slanted Door [restaurant] was there and that [former US] President [Clinton] came to eat there in the Mission? That’s how I experienced it, in terms of who dominated the public space, who dominated the sidewalks.”

Lisa Feldstein : « Ma nomination au sein de la Commission d’urbanisme était en fait en partie une conséquence de cette crise. Les électeurs de San Francisco étaient suffisamment inquiets du rôle du maire dans la Direction de l’urbanisme de la ville pour modifier la composition de la Commission d’urbanisme, si bien que le maire a perdu le niveau de contrôle qu’il avait auparavant sur elle. Cela dit, le président du Conseil municipal avait aussi la possibilité de placer des gens dans cette commission et c’est ainsi que j’y suis arrivée. Il s’agissait d’une crise politique. Le problème était en fait de savoir qui contrôlait la ville, et quel type de contrôle exerçaient ces personnes. Par exemple, les urbanistes mirent en place des contrôles intermédiaires qui incluaient certains critères concernant l’accès au logement. Mais le procureur de la République dit aux promoteurs d’ignorer ces critères – bien qu’ils fussent légaux. Vous commencez alors à vous demander qui a le contrôle. Si on nous dit que les lois ne s’appliquent pas – alors, à quoi bon avoir des lois ? »

Lisa Feldstein: “The reason I was appointed to the Planning Commission was actually a result of some of this crisis. The voters of San Francisco were concerned enough about the role of the mayor in directing development in the city that they actually changed the composition of the Planning Commission so the mayor did not have the level of control over it that he had previously. Now, the president of the Board of Supervisors also had the opportunity to put people on that commission, and that’s how I ended up there. It was a political crisis. The problem was who actually controlled the city, and what kind of control those people had. For example planners installed interim controls that included certain requirements around housing affordability. But the city attorney told developers to ignore those requirements – even though they were law. You start to question who is in charge. If we’re saying that the laws don’t apply – do we have any laws?”

Amit Ghosh : « Si vous vous demandez à qui Oscar [Grande] a dû tendre la main malgré les divisions et avec qui il a dû composer, la réponse est : avec nous. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis, mais tout a commencé par une danse sur une table. Oscar et les autres sont venus à la Direction de l’urbanisme et ont secoué le cocotier [dans le cadre d’une manifestation politique d’action directe]. Ils ont défilé et ont sauté d’un bond sur le bureau de l’administrateur de l’urbanisme !

Amit Ghosh: “If you were wondering who Oscar [Grande] was referring to when he had to reach out across the divide and embrace – it was us. We have broken a lot of bread since, but it all started with a dance on the table. Oscar and others walked into the Planning Department and shook the rafters [as part of a direct-action political demonstration]. They marched and jumped up on the Zoning Administrator’s desk!

« Mais du point de vue des urbanistes professionnels, San Francisco représentait une opportunité énorme. Le marché était tendu. A San Francisco, il y a plus de contrôles du marché que partout ailleurs, et plus il y a de contrôles, plus le marché trouve des manières d’échapper à ces contrôles. [Ce que nous avons vu à la fin des années 1990 ce sont des promoteurs] cherchant à cueillir les fruits les plus accessibles, c’est-à-dire à viser les zones industrielles à bas prix et non réglementées. C’était le début des ordinateurs à cette époque – et très vite, nous avons été capables d’aller de parcelle en parcelle pour comprendre comment le terrain était utilisé et ce qui était important pour les urbanistes ».

“But from the perspective of professional planners, there was a huge opportunity in San Francisco. The market was hot. In San Francisco, there are more controls on the market than anywhere else, and yet the more controls there are, the more the market figures out ways to spin circles around the controls. [What we saw in the late ‘90s was developers] going for the lowest hanging fruit, which was the low-cost, unregulated industrial zones. We had the use of computers for the first time then – and very quickly we were able to go parcel by parcel to figure out exactly how the land was being used and what made sense to planners.”

Les points de vue contrastés et complémentaires des intervenants nous fournissent un aperçu de leur positionnement par rapport à la Mission et au processus d’aménagement urbain. Oscar Grande considère la crise comme faisant partie d’un processus ontologique pour la classe ouvrière, comme une situation inévitable au sein du capitalisme à partir de laquelle trouver des opportunités de ressources pour la communauté. Chan et Feldstein se focalisent sur l’influence et l’abus de pouvoir, depuis des perspectives culturelle, politique et juridique. Des rues aux réglementations, une puissante classe aisée s’est appropriée ces domaines. En même temps, cette appropriation était considérée comme injuste et contestée par le pouvoir de la communauté. Face à ces tensions, Ghosh s’intéresse particulièrement aux outils institutionnels et aux dilemmes d’une pratique de l’urbanisme à la fois assistée et contrainte par la technologie et l’accès aux données.

The contrasting and complementary perspectives of the panelists provide insights into their positionality vis-à-vis the Mission and planning processes.  Grande takes crisis as an ongoing ontological condition for the working class, an unavoidable position within capitalism from which to find opportunities that will bring resources to the community. Chan and Feldstein focus on the force and abuse of power, from cultural, political and legal perspectives.  From the streets to regulations, those domains were appropriated by a powerful class with resources.  At the same time, that appropriation was recognized as unfair and challenged by the power of the community.  Confronting these tensions, Ghosh is particularly concerned with the institutional tools and the dilemmas of a planning practice supported and trapped by technology and data.

Les commentaires de Ghosh reflètent les défis des urbanistes, pris entre le devoir de se conformer aux désirs d’un maire puissant, la prédominance de l’approche technocratique dans le champ de l’urbanisme, et les voix de plus en plus revendicatrices des militants et des habitants. C’était une époque exaltante.  Le pouvoir politique croissant des promoteurs provoqua la colère de la communauté et entraîna la prise de pouvoir du Conseil municipal par la gauche progressiste. Ce bouleversement politique modifia la dynamique de pouvoir qui avait permis au maire Brown de prendre le contrôle sur les questions de promotion immobilière. Les intérêts de la communauté trouvèrent une ouverture dans le processus d’aménagement urbain grâce à des membres de la commission comme Feldstein, nommée par le nouveau Conseil.

Ghosh’s comments reflect the challenges of city planners caught between serving at the pleasure of a strong mayor, dealing with the dominant technocratic approach of the planning field, and listening to the increasingly powerful voices of activists and residents.  It was a heady time. The growing political power of developers engendered deep community anger, which led to a progressive-left takeover of the Board of Supervisors. This political sweep transformed the power dynamic that had enabled Mayor Brown’s control over development decisions. Community concerns found an opening in the planning process through commissioners like Feldstein, appointed by the new Board.  

 

 

Au croisement de multiples voix

Intersections of multiple voices

Durant cette période de crise politique et économique, une cacophonie de voix animait le processus d’aménagement urbain : elles venaient des nouveaux habitants et des promoteurs immobiliers, des travailleurs et des artistes, des leaders de la communauté et des dirigeants d’entreprises. Avec l’expérience de la crise vécue quotidiennement, ce processus évolua selon des voies nouvelles et inattendues pour les urbanistes et les décideurs locaux. Cela devint particulièrement compliqué lorsque les leaders de la communauté passèrent des manifestations anti expulsions à des ateliers proactifs d’occupation de terrains. Cet engagement de la communauté fit évoluer le processus d’aménagement urbain hors de son champ technique et administratif traditionnel.

In this moment of political and economic crisis, the planning process was infused with a cacophony of voices from new residents and developers, workers and artists, community leaders and business leaders. The lived experience of crisis in everyday life shaped the planning process in ways that were new and unexpected for planners and local decision-makers.  This became particularly complicated as community organizers shifted their engagement from reactive anti-eviction demonstrations to proactive land-use workshops.  This community engagement pushed the planning process outside its traditional technical and administrative domain. 

La participation des habitants et des propriétaires de biens immobiliers au processus d’aménagement urbain était jusque là directement motivée par les gains et les pertes économiques qu’il entraînait. Les leaders de la communauté, sans influence économique, devaient forcer le passage dans le processus public afin d’être entendus. La MAC commença à organiser ses propres ateliers de community planning en préalable aux ateliers coordonnés par la ville. Grâce à leurs réseaux populaires et à leur action sociale bilingue auprès des habitants locataires, ils réussirent à recruter pour les ateliers des gens que les employés de la Direction de l’urbanisme avaient été incapables de toucher.

Participation in planning had been, typically, directly linked to economic gains and losses for residents and property owners. Community leaders without economic sway had to force their way in to the public process in order to be heard.  MAC started organizing its own community planning workshops as a preamble to the city-run workshops. Their grassroots networks and bilingual outreach to tenants brought members of the public to the workshops that the Planning Department staff had been unsuccessful in reaching.

Grande : « Les gens de notre communauté ne vont pas à la Direction de l’urbanisme pour faire des extensions à leurs [balcons], ajouter un deuxième étage ou demander à rajouter 60 centimètres à leur sous-sol. Ces gens ne sont pas propriétaires ; nous sommes des locataires pour la plupart. Nous n’avions donc jamais eu d’expérience avec la Direction de l’urbanisme, et encore moins avec l’aménagement, le processus d’aménagement urbain. »

Grande: “A lot of our community isn’t going to the Planning Department, making additions to their [balconies], adding a second floor, or asking to add two feet to their basement. These folks don’t own; we’re renters, for the most part. So we’d never had the experience with the Planning Department, and much less planning, the planning process.”

Chan : « En fin de compte, les gens qui viennent aux réunions sur l’aménagement urbain sont des gens qui sont là pour s’assurer que leur patrimoine, leurs investissements immobiliers, vont prendre de la valeur… Amit [Ghosh] a fait quelque chose d’intéressant à l’une des réunions… Il a demandé : « Combien de personnes ici sont dans l’industrie de l’immobilier ? » Et nous nous sommes rendus compte que les personnes dans l’assemblée étaient soit des promoteurs, soit des avocats spécialistes de l’occupation des sols, des architectes, des étudiants ou des futurs urbanistes – je pense que nous étions les trois seules personnes de couleur dans l’assemblée qui étions venues de la Mission pour y participer. C’était tellement fort de montrer simplement où étaient les intérêts à cette table. … En somme, si je suis un avocat en droit de l’urbanisme et que je suis payé à l’heure, je peux me montrer dans des meetings pendant dix ans ; je facturerai [mes clients] en continu. Mais si vous avez vos enfants, vous revenez du travail et vous devez leur donner à manger, allez-vous aller à cette réunion pour parler de ce qui ce passe au 333 rue Harrison ? Ou allez-vous plutôt aider vos enfants à faire leurs devoirs après l’école ? C’est différent, vous n’en tirez pas de valeur, vous n’en retirez pas d’avantage personnel. Oh, mais quand les valeurs de l’immobilier grimpent, votre propriétaire commence à devenir un peu cupide, considérant qu’il ne tire pas suffisamment de valeur de son immeuble. Selon moi, ces dynamiques sur la manière dont nous fonctionnons, en tant que leaders de la communauté, sont donc importantes. De quelle manière voyons-nous ceux qui ont la parole et leurs intérêts ? Qu’est-ce que le processus d’aménagement urbain selon nous? Et quelle est notre responsabilité publique dans ce processus ? »

Chan:  “Ultimately the people who come to the planning meetings are people who are there to make sure that their assets, their land investments, increase in value… Amit [Ghosh] did something interesting at one of the meetings… He asked: ‘How many people here are in the real estate industry?’ And every single person in that meeting was a developer, a land use lawyer, an architect, a student, future planner – and I think there were three of us, the three people of color in the audience, that had come from the Mission to sit there. It was so powerful to just show what were the interests at that table. … So if I am a land use lawyer and I’m paid per hour I can show up to ten-year’s-worth of meetings; endlessly I will bill [my clients]. But if you’ve got your kids and you’re coming home from work, and you have to feed them, are you going to this meeting to talk about what happens at 333 Harrison St.? Or are you going to do homework with your kids after school? It’s a different thing, you don’t get a value, there’s no asset accrued to you personally from that. Oh, but as land values go up your landlord is starting to get a little greedy because he’s not realizing as much value out of his building. So I think those dynamics of how we as people who lead the community processes are important. How are we thinking about who’s speaking and what their interests are? What do we believe the planning process is? And what is our public responsibility in the process?”

Dans les quartiers, les habitants regardaient les millionnaires de l’économie Internet s’approprier leur territoire. Dans les salles d’audience de l’Hôtel de Ville, cependant, les membres de la communauté accédaient à des espaces et à des processus desquels ils avaient jusque là été absents ; comme les promoteurs dans leurs quartiers, ils s’introduisirent avec détermination dans les espaces publics. Quelques inégalités fondamentales apparurent durant ces audiences. Les consultants et les avocats étaient rémunérés en centaines de dollars l’heure pour leur présence, comme Chan l’a mentionné, mais lorsque la MAC fournissait un dîner de tamales[12] pour les habitants de la Mission qui étaient venus témoigner, on avait le droit à des accusations scandalisées selon lesquelles ce repas constituait un acte de corruption politique. Quand la salle d’audience de la mairie devenait trop bondée, les membres de la communauté étaient déplacés dans une salle annexe d’où ils pouvaient suivre la procédure sur un écran vidéo, mais les habitués de l’urbanisme n’avaient pas à quitter la salle d’audience.

In the neighborhoods, residents watched as dotcom millionaires appropriated their communities. In the hearing rooms at City Hall, however, community members entered spaces and processes from which they had previously been absent; like the developers in their neighborhoods, they inserted themselves into public spaces with force. Some fundamental disparities emerged during these hearings. Consultants and lawyers were compensated hundreds of dollars an hour for their presence, as Chan mentioned, but when MAC provided a tamale[12] dinner for Mission residents who had come to testify, there were outraged accusations that the meal constituted political bribery. When the city’s hearing room became too crowded, community members were relocated to an overflow room where they could watch the proceedings on a video monitor, yet the planning regulars were not displaced from the hearing room.

 

Figure 1 : Pendant le premier boum internet, la Mission Anti-Displacement Coalition (MAC) a lancé une campagne visuelle dans la communauté pour appuyer leurs revendications : les résidents étaient encouragés à afficher des posters comme celui-ci aux fenêtres de leur logement. Produite par le collectif San Francisco Print, cette série d’affiches, distribuées gratuitement, critiquaient l’accélération du processus de gentrification. Ici, le poster revendique, en espagnol et en anglais, le sentiment d’appropriation des habitants et de la permanence dans le quartier.

Figure 1: During the first dot-com boom the Mission Anti-Displacement Coalition (MAC) illustrated its support visually through the community by encouraging residents to put signs like this in apartment windows. Produced by the San Francisco Print Collective, which created a set of freely accessible posters that commented in the rise of gentrification, the set of images here raised claims of ownership and permanence, in Spanish and English.

La capacité des leaders de la communauté à comprendre de nombreux contextes culturels et politiques contraste souvent avec l’espace restreint et technique dans lequel opèrent les urbanistes. Au lieu de penser aux activités quotidiennes des habitants – et aux réels obstacles à leur participation – il est bien plus facile pour les urbanistes de se concentrer sur le développement d’outils techniques pouvant être appliqués de manière systématique dans de multiples quartiers. Connecter ces deux manières d’appréhender le monde est souvent un défi. Le plus intéressant était d’identifier les différents langages et espaces de communication qui allaient au-delà de la simple traduction des dépliants portant sur une zone précise des projets, qui constituent l’outil habituel des urbanistes pour accroître leur action.

Community leaders’ ability to understand multiple cultural and political contexts often contrasts with the narrow and technical space in which city planners operate. Rather than think about the everyday activities of residents – and the real obstacles to their participation – it is far easier for planners to focus on developing technical tools that can be applied consistently across multiple neighborhoods. Connecting these epistemologies is often a challenge. Most interesting was the recognition of different languages and spaces for communication that went beyond the simple translation of flyers placed within a particular radius of each project, which is the usual planners’ tool for increasing outreach.

Grande : « Ce dont nous nous sommes rendus compte très vite c’est que [pour les urbanistes] il y a une liste de choses à faire, et du moment que vous suivez la liste et que vous envoyez des notifications aux gens dans un rayon de 100 mètres autour du lotissement, en prenant soin d’avoir les écoles et les églises, c’est suffisant… Mais en réalité, cela va bien plus loin que la simple traduction d’un dépliant : il s’agit aussi de démystifier [le processus d’aménagement urbain], il s’agit également de parler dans des termes qui résonnent pour la communauté. Il s’agit aussi apprendre les nuances de nos communautés, et savoir qu’on ne peut pas se fier à une liste qui dit : nous avons fait ça dans un quartier afro-américain, utilisons la même liste pour un quartier latino – et ici nous avons une communauté gay, sortons notre liste, et hop c’est réglé ! Nous nous sommes dit « Pourquoi ne pas faire de la traduction inversée ? » Nous avons donc organisé plusieurs réunions d’urbanisme en espagnol, traduites vers l’anglais – parce que je ne sais pas si vous savez comment on se sent quand on s’assoit avec ces écouteurs dans cet espèce de coin et qu’on entend murmurer : « c’est la table en espagnol… » On ne se sent pas bien, on se sent comme du bétail, on a l’impression que les gens vous regardent. Les gens vous regardent et disent : « Bon sang, cette réunion va lentement parce qu’on doit traduire ». C’est cette arrogance et ce droit que beaucoup de gens revendiquent lors de ces réunions. Il ne s’agit pas pour eux d’aller à ces réunions pour construire la communauté ; il s’agit d’aller à ces réunions pour vérifier que leurs intérêts sont satisfaits, parce que c’est ce à quoi ils sont habitués. Et ce sont les choses que nous devons combattre sans cesse, et c’est ce que vous tous en tant qu’urbanistes ou urbanistes en herbe allez devoir combattre dès que vous allez mettre le pied dans le secteur de l’urbanisme. »

Grande: “What we found real quick is that, [for planners], there is a check list, and as long as you go through that check list and you send your outreach [notification] to people within a 300 foot radius of the development, and make sure you get the schools and churches, that’s enough… But really it goes way beyond just translating a flyer. It’s also demystifying [the planning process], it’s also speaking in terms that resonate with the community, it’s also learning the nuances of our communities, and that we can’t rely on a check list that says we did this in an African American neighborhood, let’s use the same check list for the Latino neighborhood – and here is the queer community, here’s our check list, we’re done! I did it! We said, ‘Hey, why don’t we do a reverse translation.’ So we’ve had several planning meetings held in Spanish, translated to English – because I don’t know if you know how it feels to sit with those headphones and kinda be in that corner, where they whisper, ‘That’s the Spanish table…’ It doesn’t feel good, you feel like cattle, you feel like people are looking at you. People look at you and say ‘Man this meeting is going slow, because we gotta translate.’ It’s that arrogance, and that entitlement, that a lot of folks going to these meetings bring. They’re not about going to these meetings to build community; it’s really about going to these meetings to see that their self-serving needs are met, because that’s what they’re used to. And those are the things that we have to struggle with and continue to struggle with, and that’s what you all as planners or budding planners are gonna fight with once you get into the planning system.”

Grande et d’autres ont canalisé la colère de la communauté face à sa marginalisation en une vague de protestations qui a renversé la notion de community planning. Un bon exemple fut la visite inattendue de militants de la communauté à la Direction de l’urbanisme avec des instruments de percussion; ils défilèrent entre les bureaux des urbanistes en plein milieu de la journée, perturbant les employés de la Direction. Ils réclamèrent la promesse immédiate de financer la procédure d’analyse environnementale des plans des quartiers de l’Est. Sans cette procédure, la MAC pensait que le projet serait démantelé et que les décisions continueraient d’être prises de manière autocratique. Le directeur intérimaire (nommé par le maire) ayant refusé de s’engager à financer cette procédure, les manifestants refusèrent de quitter les locaux ; finalement, la police arrêta 17 manifestants (Hoge, 2003). Bien sûr, tous les urbanistes ne s’émurent pas de la démonstration de force de la communauté – on dut même en empêcher certains d’entre eux de rejoindre les manifestants.

Grande and others channeled the community’s rage at its marginalization into a wave of protests that flipped the notion of community planning on its head. A case in point was the unexpected visit of community activists to the Planning Department with loud percussion instruments; they marched around planners’ desks in the middle of the workday, unnerving many department staff members. They demanded an immediate commitment to fund the environmental review for the Eastern Neighborhood plans. Without the environmental review, MAC believed the plan would be dismantled and decisions would continue to be made autocratically.  When there was no commitment to fund such review from the interim director (a mayoral appointee), the demonstrators refused to leave the building; ultimately police arrested 17 demonstrators (Hoge 2003). Of course, not all planners were panicked by the show of community force – some had to be restrained from joining the protest themselves.

Finalement, la MAC rassembla des fonds importants, dont celui sollicité auprès de la Direction de l’urbanisme, afin de réaliser l’analyse environnementale des plans de la communauté. Les efforts de la communauté confirmèrent son engagement dans le processus de prise de décision. Les leaders finirent par diriger des ateliers officiels de la ville et par atteindre des positions de leadership lors d’audiences publiques. La stratégie, comme l’avait énoncée Grande, était « d’entrouvrir » le processus de prise de décision.

Ultimately MAC accrued multiple gains, actually obtaining the funding requested to complete the environmental review for community plans. Community efforts embedded community engagement into the decision-making process. Organizers eventually guided formal city workshops and wedged their way into leadership positions in public hearings. The strategy, as Grande put it, was to “crack open” the decision making process.

Grande : « Nous avons dit : dessinons une stratégie, non pas en cachette mais qui fasse l’objet d’une négociation autour d’une table. Portons les débats dans le quartier ; portons-les dans le barrio[13]  afin que tout le monde puisse y participer ; afin que nous soyons face à vous et puissions vous dire : voici nos revendications, voici nos problèmes, voici les manières de les résoudre et voici le type de ressources dont nous avons besoin de votre part en tant qu’urbanistes. Nous ne sommes ni des promoteurs ni des architectes, nous sommes des organisateurs. Nous organisons la communauté, [mais] nous devenons très vite des urbanistes, nous devenons des urbanistes des quartiers défavorisés, des urbanistes de ghetto, des urbanistes de barrio. Je pense que, pour nous, c’était comme si nous démystifiions le système. Il s’agissait donc de comprendre très vite de quelle information nous avions besoin pour vraiment mobiliser les gens, pour faire que les gens viennent vraiment à ces sessions sur l’aménagement urbain, qu’ils se rendent à la Direction de l’urbanisme et qu’ils s’invitent aux sessions. Nos tactiques – certaines échouèrent, beaucoup fonctionnèrent : [nous avons] fait du porte à porte, rencontré des gens dans la rue, fait des pachangas[14] [où nous discutions de détails techniques d’urbanisme]. Il n’y rien de mieux qu’une fête, rien de mieux que de partager un verre d’horchata – et de parler des questions d’urbanisme. »

Grande:  “We said: let’s figure out a strategy that’s not behind some sort of closed door, where we’re negotiating around some table. Let’s bring the negotiations out into the neighborhood; let’s bring it out into the barrio[13] so everybody can be part of the negotiation; so we can be in your face and tell you these are our demands, these are our problems and these are ways to fix them and these are the type of resources that we need from you as planners. We’re not developers or architects, we’re organizers. We organize the community, [but] we become planners really quick, we become ‘hood planners, we become ghetto planners, barrio planners. I think for us it was like how to demystify the system. So it’s figuring out real quick what’s the information we need to really mobilize people, to really get people to these planning sessions, to really get these people to go to the Planning Department, and to charge in uninvited. Our tactics – some flopped, many of them worked. [We went] door-to-door, meeting people on the street, having pachangas[14] [where we would discuss planning technicalities]. There is nothing like a party, nothing like sharing a cup of horchata – and talking about planning issues.”

Très peu d’urbanistes professionnels mélangeraient des discussions sur l’aménagement urbain et une ambiance de fête dans laquelle les participants siroteraient leur horchata et grignoteraient des tamales pendant que leurs enfants joueraient ensemble à côté. Mais l’intégration des idées de la communauté dans le processus d’aménagement urbain a en fait donné lieu à la création de nouveaux types d’espaces politico-culturels.

Very few professional city planners would combine zoning discussions with a party atmosphere where participants sipped horchata and nibbled tamales, while their children played together nearby. But the infusion of community input into the planning process actually resulted in the creation of new kinds of cultural-political spaces.

Les ateliers d’aménagement urbain de la Mission pouvaient mobiliser près de 300 personnes au sujet des problèmes d’aménagement du territoire, générant des discussions qui allaient bien au-delà des ateliers traditionnels. Les leaders de la communauté formèrent les urbanistes au langage et à la communication. Tous les urbanistes de la Mairie n’acceptèrent pas cela ; beaucoup refusèrent d’être formés par des gens qui avaient reçu une éducation moins poussée qu’eux. Cependant, plusieurs s’enthousiasmèrent pour la proposition et ils travaillèrent non seulement dans un langage nouveau adapté aux non-initiés et spécifique à la Mission, mais ils prirent également soin d’intégrer ce langage dans les supports et les pratiques officiels d’urbanisme, de réaliser des annonces dans un langage adapté, de demander aux magasins et aux centres communautaires de faire passer le mot, et d’aider à fournir la nourriture, la musique et les gardes d’enfants lors des événements.

City planning workshops in the Mission eventually would draw around 300 people to discuss zoning issues in dialogues that went well beyond traditional workshops. Community organizers trained city planners on language and communication. Not all planning staffers welcomed this; many refused to be instructed by people who were less formally educated than themselves. However, several were excited about the proposition and not only worked on a new layperson-friendly, and Mission-specific, language, but also took on the tasks of turning that language into official planning materials and practice, crafting announcements in accessible language, asking grocery stores and community centers to pass the word around, and helping to secure food, music, and childcare for events.

Dans les sessions préparatoires aux ateliers, les organisateurs mettaient l’accent sur les principales raisons pour lesquelles il fallait intervenir au premier stade des décisions de développement immobilier – ainsi, la MAC ne serait pas simplement réduite à réagir aux annonces d’expulsion. Des marimbas guatémaltèques et des danseurs de bambou philippins inauguraient les ateliers ; des restaurants locaux offraient de grands plats de riz et haricots ou de nouilles de riz. Les urbanistes et les habitants se partageaient la garde des enfants.

In pre-workshop sessions organizers emphasized core reasons for intervening at the early stage of development decisions – so MAC would not be consigned to merely reacting to eviction notices. Guatemalan marimbas and Pilipino bamboo dancers opened the workshops; local restaurants donated big pots of rice and beans or rice noodles. Planners and residents shared childcare duties.

 

 

Le community planning, une expérience soutenable ?

Sustainability of Community Planning

Nos intervenants ont réfléchi aux défis posés par la gestion de réalités sociales, de niveaux de pouvoir et de cadres temporels différents dans un processus de community planning ouvert. Bien qu’il soit conscient des dynamiques de pouvoir inégales, comme cela a été mentionné plus haut, Ghosh pense que l’organisation communautaire n’amène pas nécessairement les meilleurs résultats pour une ville ; il aborde l’urbanisme comme un espace neutre dans lequel mettre en équilibre des intérêts multiples, et comme un outil technique. Au contraire, nos autres intervenants considèrent l’urbanisme comme un outil d’arbitrage politique sur la distribution du pouvoir et des ressources, et ils soutiennent que même la proposition d’une distribution plus équitable n’existerait pas sans la pression des militants.

Our panelists reflected on the challenge of dealing with different social realities, levels of power, and time frames in an open community planning process. Though he is aware of uneven power dynamics, as mentioned above, Ghosh believes community organizing does not necessarily achieve the optimum result for a city; he approaches planning as a neutral ground for balancing multiple interests and as a technical tool. By contrast, our other panelists approach planning as a tool for political decisions on the distribution of power and resources, and maintain that even the proposal of more equitable distribution would not exist without activism’s pressure.

Chan : « Durant le boom, les problèmes de la communauté n’auraient jamais été pris en considération [sans la pression des leaders de la communauté]. Les personnes à bas revenus ne constituent pas un type « d’utilisation optimale de l’espace » pour les urbanistes. Il est toujours bien plus sexy de vendre à un promoteur… Pour moi, nous avons de réels effets chaque jour sur la vie des gens. Quand vous êtes dans un bureau d’urbanisme, vous travaillez sur un calendrier qui s’étend sur 20-30 ans, si bien que la notion d’urgence [est totalement différente]. Pour les gens dans la rue, quand nous voyons une parcelle vide, il ne s’agit pas d’y réfléchir pendant 20 ans à partir d’aujourd’hui, c’est pour maintenant. »

Chan: “During the boom, community issues would never have been considered [without pressure from community organizers]. Low-income people are not the ‘highest and best use,’ for planners. The sexiness of selling to a developer is always first… For me, we have real impacts every day in the lives of people. When you sit inside the planning office you work on a 20-30 year timeline, so the sense of urgency [is totally different]. For people on the street, when we saw that empty lot, we weren’t thinking about it for 20 years from now, but for NOW.”

Feldstein : « Le pouvoir ne cède rien sans qu’il n’y ait de combat. A San Francisco, il y a beaucoup d’exemples de questions qui ont été ignorées jusqu’à ce qu’elles fassent l’objet d’une mobilisation, ou bien pour lesquelles la mobilisation est ce qui a fait pencher la balance. Certaines trouvent des issues extrêmement positives. Par exemple, PODER [People Organizing to Demand Environmental and Economic Rights (Mobilisation citoyenne pour la revendication de droits environnementaux et économiques), l’organisation de Grande] et d’autres groupes militants de la Mission ont vraiment réussi à faire évoluer [la discussion] sur l’occupation du territoire. Il s’agissait d’une énorme victoire. Même si les gens n’ont pas eu exactement ce qu’ils voulaient, la discussion n’aurait pas pris la tournure qu’elle a prise sans ce travail. En somme, on dit que les promoteurs et les politiciens contrôlent tout mais en fait, selon moi, c’est l’organisation qui détermine comment se déroulent les discussions et quelles questions sont abordées. »

Feldstein: “Power concedes nothing without struggle. In San Francisco there are a lot of examples of issues either being ignored until they were organized around, or of organizing being what tipped the balance. Some of those have had remarkably good outcomes. For example, PODER [People Organizing to Demand Environmental and Economic Rights, Grande’s organization] and other activist groups in the Mission were able to really change [the conversation] about land use. That was a huge victory. Even if people did not get exactly what they wanted, the conversation would not have gone in the direction it did if it weren’t for that work. So I think that we talk about the developers and politicians having all of the control, but in fact it is organizing that defines how the conversations happen and what the issues are that are part of these conversations.”

Feldstein et Chan ont mis l’accent sur les dimensions de temps et de pouvoir dans les processus de community planning, en opposition à l’espace neutre de Ghosh. Nous avons interrogé Grande sur l’impact à long terme du militantisme en urbanisme ; il a observé que les objectifs d’impact immédiat n’étaient pas forcément compatibles avec la durée du processus à long terme.

Feldstein and Chan highlighted the dimensions of time and power in community planning processes, as opposed to the neutral ground contended by Ghosh.  We asked Grande about the long-term impact of planning activism; he noted that the goals of immediate impact and long-term sustainability were in tension with each other.

Grande : « Même quand nous gagnons des batailles, les changements concrets n’apparaissent que bien après… Cela a toujours été un défi. Il est difficile de soutenir les gens sur un combat de longue durée. Les projets prennent beaucoup de temps, [10 ans voire plus ne serait-ce que pour commencer dans certains cas. Depuis la crise de l’Internet,] la MAC a cessé d’exister (en pratique) ; la communauté est différente ; dans la Mission, il y a toute cette nouvelle bourgeoisie  qui ne se soucie pas de justice raciale ; ils veulent s’amuser. Il est difficile de mobiliser notre communauté désormais. Il y a beaucoup d’autres problèmes ; l’effondrement de l’économie est considérable, les gens sont en lutte. Il est plus difficile de mobiliser dans ces conditions, d’autant plus sur des questions d’urbanisme de long terme. Où est l’élément de justice sociale là-dedans, l’égalité raciale ? Cela manque. Comment sensibiliser les gens par rapport à cela ? C’est dur.

Grande: “[Even when we win,] the material changes aren’t happening until well into the future. That has always been a challenge. It’s hard to sustain people to fight for the long haul. Projects take a long time, [10 years or more to even begin in some cases. Since the dot-com crash,] MAC ceased to exist (in effect); the community is different, we’ve got all this new gentry in the Mission who don’t care about racial justice; they want to have a good time. It’s hard to mobilize our community now. There are a lot of other problems; the [down-turn in the] economy is huge, people are struggling. It is harder to organize under these conditions, especially on long-term urban planning issues. Where’s the social justice piece in that, the racial equity in that? It’s missing. How do we mobilize people to care? It’s tough.

Avant, nous voulions juste faire partie du jeu. Maintenant, nous sommes davantage conscients. Maintenant, nous réfléchissons en profondeur, non plus simplement sur la question du logement. Nous réfléchissons aux besoins des sans-papiers, des jeunes, etc. – sur l’agriculture urbaine par exemple – dans le cadre de notre réflexion sur le type de territoire que nous voulons. Nous sommes plus centrés désormais sur le contrôle de la communauté, sur la question de l’autonomie. »

Before, we just wanted to be in the game. Now, our consciousness has matured. Now we’re thinking deeply, not just about housing. Thinking about needs for undocumented people, for youth, etc – urban agriculture is a part of that– in our thinking about what kinds of spaces we want. We’re more focused now on community control, issues of autonomy.”

Chan, qui a continué à travailler sur des questions d’urbanisme à Oakland, juste de l’autre côté de la Baie de San Francisco, insiste sur le fait qu’en ce qui concerne l’implication de la communauté, la Mission est plus active que beaucoup d’autres endroits – et que cela est dû aux nombreuses années d’organisation politique.

Chan, who moved on to work on planning questions in Oakland, just across the San Francisco Bay, insists that the Mission is in a better position, in terms of community involvement, than many other places – and that this is the accumulation of years of political organizing.  

Chan : « La différence entre la Mission et Chinatown à Oakland est que Chinatown attendait de la Direction de l’urbanisme qu’elle leur facilite le processus. La Mission avait une expérience en matière d’organisation. Ses leaders travaillaient en dehors du secteur de l’urbanisme afin de développer leur propre vision, non seulement concernant l’aménagement urbain, non seulement pour en faire profiter le processus d’aménagement urbain mais également la communauté dans son ensemble. Les gens de Chinatown [ont participé à] un atelier communautaire qui ne fournissait pas de [services de] traduction. La Mission n’aurait jamais toléré cela ; ils auraient fermé un atelier sans traduction. »

Chan: “The difference between the Mission and Oakland Chinatown is that Chinatown expected the Planning Department to facilitate the process for them. The Mission had a history of organizing. The Mission organizers worked outside planning to develop their own vision, not just for planning, not just to be used in the planning process, but for the community as a whole. Chinatown folks [sat through] a community workshop that did not provide translation [services]. The Mission would have never tolerated that; they would have shut down a workshop without translation.”

Au sujet du rôle de Grande dans la mise en place du community planning et du processus d’aménagement urbain dans la Mission, Feldstein assimile l’éducation à une tactique.

Addressing Grande’s role in shaping the community planning and development process in the Mission, Feldstein identified education as a tactic.

Feldstein : « Notre stratégie [dans la Mission] était d’éduquer les gens que la Direction de l’urbanisme était incapable ou n’avait pas la volonté d’éduquer. Il ne leur serait jamais venu à l’esprit d’entrer [à l’Hôtel de Ville]. Vous les ameniez là et ils racontaient leurs histoires et ils expliquaient pourquoi cette chose avait une importance d’un point de vue que la commission [d’urbanisme] n’aurait jamais envisagé autrement. Vous vous disiez ces gens sont importants, ils habitent ici donc ils doivent faire partie du processus. Nous avons appris auprès de la communauté que vous avez éduquée. »

Feldstein: “Your strategy [in the Mission] was to educate people that the Planning Department was unable or unwilling to educate. It would never have occurred to them to enter [City Hall]. You brought them in there, and they told their stories and they explained why this stuff mattered in a way that the [planning] commission would never have heard otherwise. You said these people matter, they live here, so they have to be part of this process. We learned from the community that you educated.”

Aujourd’hui, Grande, avec PODER, et d’autres organisations communautaires poursuivent ce processus d’éducation à la justice sociale à travers des ateliers et des conférences auprès d’urbanistes. Cependant, Grande estime que beaucoup reste à faire – à la fois dans les consciences et sur le terrain – pour institutionnaliser les changements dans le processus de community planning.

Today Grande at PODER and other community organizations continue this education process on social justice through workshops and lectures for city planners. However, Grande argues that much work remains to be done – both in consciousness and in process – to institutionalize changes in the community planning process.

 

 

En guise de conclusion

Closing thoughts

Les dialogues que nous avons analysés dans cet article laissent entrevoir deux issues : des changements dans le processus d’aménagement du territoire et des changements dans les plans d’urbanisme. Sous la pression continue de l’augmentation des loyers, les dynamiques communautaires ont continué de se modifier au fur et à mesure que les familles déménageaient, que les commerces fermaient et que les artistes quittaient leurs studios ; ainsi la crise se poursuivait. Cependant, la communauté conservait en partie sa vitalité. A travers les témoignages de nos intervenants, nous avons découvert que le combat pour intégrer les besoins de la communauté dans les plans et les processus officiels d’aménagement du territoire se poursuit et une nouvelle phase pourrait se dessiner.

The dialogues we reviewed in this piece suggest two outcomes: changes in the planning process and changes in plans.  Under the ongoing pressures of rising rents, community dynamics continued to shift as families moved out, businesses closed, and artists left their studios; thus the crisis continued.  Yet the vitality of the community was not entirely erased. In our panelists’ stories we find that the ongoing struggle to embed community needs into official planning plans and processes has not died, and may be entering a new stage.

Les dialogues de nos intervenants ont révélé à quel point l’engagement éclairé de la communauté a transformé le processus d’aménagement urbain. L’engagement de la MAC dans l’univers de l’urbanisme technique a élargi ce domaine. Nous assistons à une évolution du dialogue officiel sur l’urbanisme, l’engagement de la communauté ayant conduit à reconnaître les besoins en logements à prix abordables, les valeurs culturelles et le patrimoine du quartier. Bien qu’il s’agisse encore d’un processus fragmentaire, le domaine technocratique et exclusif de l’urbanisme s’est inspiré des idées sociales et territoriales de la communauté qui permettent de reconnaître au quartier des qualités qui dépassent la valeur monétaire du terrain. Grâce au processus de community planning, les urbanistes du barrio et les employés municipaux se sont rencontrés et les membres de la commission d’aménagement ont découvert de nouveaux moyens de parvenir à la justice spatiale.

Our panel’s dialogue revealed how sophisticated community engagement transformed the planning process.  MAC’s engagement in the realm of technical planning opened this domain. We identify a transformation of the official planning dialogue, in which community engagement forced acknowledgement of affordable housing needs, cultural values, and neighborhood assets. While still a fragmented process, the technocratic and exclusive domain of planning was infused with social and spatial community insights that allow the recognition of neighborhood qualities beyond monetary land value.  The community planning process merged barrio planners with municipal employees, and introduced planning commissioners to new processes of seeking spatial justice.

Les plans et les réglementations ont été modifiés pour prendre en compte les intérêts de la communauté qui étaient pour la plupart invisibles pour les urbanistes au début du processus. Avec d’autres, la MAC a produit collectivement son propre « Plan Citoyen » qui s’intéressait directement aux problèmes de la communauté et qui a influencé l’adoption finale du plan et des réglementations officiels de la ville. Le zonage industriel a été conservé en partie, protégeant un grand nombre d’entreprises pourvoyeuses d’emplois ouvriers locaux stables. Le zonage logement/travail qui permettait l’aménagement en masse d’appartements de luxe sous couvert de l’art et d’espaces de travail a été supprimé. Un programme d’allocations communautaires a été mis en place dans le cadre de la construction de tours d’habitations à Rincon Hill. Les limitations de hauteur des bâtiments sur la rue Mission, l’artère centrale du quartier, ont été réduites afin d’éviter le remplacement en masse des petits commerces par des immeubles de luxe en copropriété et des magasins haut de gamme.

Plans and regulations were transformed to address community concerns that were essentially invisible to planners at the beginning of the process. With others, MAC collectively produced its own “People’s Plan,” which directly addressed community concerns and influenced the final adoption of the City official plan and regulations.  Industrial zoning was partially retained, protecting a wide range of businesses that supported stable, local, blue-collar jobs.  Live/work zoning that allowed a mass influx of luxury apartments under the aegis of art and work space was removed.  A community benefits program was created as part of the development of high rise residential development in Rincon Hill. Height limits on Mission Street, the core neighborhood artery, were reduced to prevent a wholesale replacement of small stores by luxury condominiums and upscale stores.

Ces changements dans les plans et les processus ont aussi conduit au développement de nouvelles stratégies. Pueblote, qui signifie « grand village », communauté forte ou peuple fort, est une stratégie communautaire émergente introduite par l’organisation de Grande, PODER, en 2009. Le terme associe pueblo (peuple) et lote (parcelle) pour désigner une nouvelle sorte d’engagement communautaire. Pueblote est une stratégie d’organisation avec un objectif de développement clair et global : « Se (ré)approprier des parcelles pour les habitants afin de mettre en valeur les terrains détenus par la ville dans le centre-ville, leur trouver un nouvel usage, et présenter la vision de PODER en matière de création de solutions locales dans le climat mondial de crise »[15]. Nous faisons la distinction entre Pueblote et le Nouvel Urbanisme Latino (Rojas, 1993, 2000), qui cherche à incorporer des formes de construction du modèle culturel latino dans des processus d’aménagement urbain traditionnels, ainsi qu’entre Pueblote et des modèles de community planning plus traditionnels, qui intègrent des idées de la communauté sans essayer de modifier l’équilibre des pouvoirs ou les justifications économiques de l’urbanisme (Loh, 2012). Au contraire, Pueblote reflète une tentative des membres de la communauté de définir leurs propres propositions de développement – plutôt que d’attendre de réagir aux propositions dessinées par les promoteurs et qui excluent les intérêts communautaires. Les leaders de la communauté travaillent de façon stratégique, tout d’abord pour identifier des parcelles urbaines vides ou sous-utilisées et réunir la communauté pour proposer de nouveaux usages de manière préventive. C’est devenu une manière concrète de mobiliser une communauté stressée dans une période économique difficile, tout en luttant pour intégrer des considérations communautaires dans le langage de tous les jours et la structure de l’aménagement urbain. Cet effort est basé sur la prise de conscience de l’importance d’une reconnaissance institutionnelle de long terme du community planning – et non pas seulement de la contribution de la communauté dans le processus d’aménagement urbain mené par la ville. Fondamentalement, Pueblote utilise la connaissance de l’aménagement urbain détenue par la communauté, forgée au fur et à mesure des luttes que nos intervenants ont décrites et qui ont visé à relier les espaces communautaires et les rues dans lesquelles les habitants évoluaient.

These changes in plans and processes have also led to the development of new strategies.  Signifying a “big little town,” a strong community, or strong people, Pueblote is an emergent community strategy introduced by Grande’s organization, PODER, in 2009.  The term assembles pueblo (people) with lote (lot), to suggest a new type of community engagement. Pueblote is an organizing strategy with a clear, comprehensive development purpose: “(Re)Claiming Lots for the People to reclaim and repurpose city-owned lands in the inner-city, and advance PODER’s vision of creating local solutions to the global climate crisis.”[15]  We distinguish Pueblote from Latino New Urbanism (Rojas, 1993, 2010), which seeks to incorporate culturally responsive Latino built forms into traditional planning processes, as well as from more traditional community planning models, which incorporate community input without attempting to shift the balance of power or economic rationales of planning (Loh, 2012). Instead, Pueblote reflects an attempt by community members to define their own development proposals – rather than waiting to react to developer-designed proposals that exclude community interests. Community leaders work strategically first to identify empty or underutilized urban lots and gather the community together to proactively suggest new uses. It became a concrete way to mobilize a stressed community in hard economic times, while fighting to insert community considerations into the everyday language and structure of city planning. This effort is built upon awareness of the importance of long-term institutional recognition of community planning – not just community input into city-led planning.  Essentially, Pueblote utilizes community-scale planning knowledge forged through the struggles that our panelists described to knit together community spaces and the streets that they walk upon.

Nous terminons en revenant à notre point de départ, par une promenade à travers le quartier de la Mission aujourd’hui, avec un extrait d’une pièce de Feldstein sur la cérémonie de commémoration en hommage à Eric Quezada, leader principal de la communauté durant les évènements décrits dans cet article. C’est en nous promenant que nous prenons conscience des qualités spatiales de la dynamique du quartier. C’est en nous promenant qu’apparaissent des lueurs d’espoir pour une justice spatiale au croisement de multiples voix de la rue, héritage d’une organisation communautaire qui se poursuit :

We end by returning to where we began, on a stroll through today’s Mission. We close with an excerpt from a piece that Feldstein wrote about the memorial service for Eric Quezada, a central community leader in the events described in this article. It is through the stroll that we acknowledge the dynamic spatial qualities of the neighborhood. It is through the stroll that we see glimmers of hope for spatial justice in the convergence of multiple voices in the streets, one of the legacies of ongoing community organizing:

« Le mémorial d’Eric était aussi un hommage à l’utilisation de l’espace urbain et au multiculturalisme homogène que représente San Francisco. L’orchestre nous conduit au milieu d’une Seconde Ligne  au bas des larges trottoirs le long de la rue Valencia… La rue elle-même témoigne de l’influence d’Eric. Nous dépassons en dansant des magasins de livres d’occasion et des restaurants branchés qui se préparent pour le service du soir, des épiceries du coin et des boutiques qui vendent des curiosités à prix fort, des parcs minuscules et un magasin qui fait commerce dans les objets de pirates tels que les bandeaux d’œil et les jambes de bois. Un DJ en train de mixer devant sa boutique éteint sa musique alors que nous passons ; un groupe de musiciens en pleine jam-session à un coin de rue se joint à l’orchestre de cuivres. Les gens arrêtent ce qu’ils font pour regarder, certains bouche bée, d’autres contents, comme s’ils s’attendaient au passage d’une Seconde Ligne ou à tout autre spectacle improbable – n’est-ce pas cela, la Mission ?... Les meilleurs espaces urbains sont presque infiniment adaptables. C’est le parcours d’une Seconde ligne qui intègre naturellement et sans heurt les innombrables influences culturelles qui façonnent San Francisco. » (Feldstein, 2011).

“Eric’s memorial was also an homage to the use of urban space and the seamless multiculturalism that is San Francisco.  The band leads us in a Second Line[16] down the wide sidewalks along Valencia Street… The street itself testifies to Eric’s impact.  We dance past used bookstores and trendy restaurants getting ready for evening service, past corner bodegas and stores selling expensive curios; tiny pocket parks and a shop which trades in pirate goods such as eye patches and peg legs. A DJ spinning records outside one business turns off his music as we pass; a group of musicians jamming on a corner join the brass band’s song. People stop what they are doing to watch, some gawking, some looking satisfied, as though they expected a Second Line or some other equally unlikely spectacle – isn’t that what the Mission is all about? …The best urban spaces are almost infinitely adaptable. It is the route of a Second Line that seamlessly, naturally, encompasses the multitudinous cultural influences that make up San Francisco.” (Feldstein 2011).

 

 

A propos des auteurs 

About the Authors

Rachel BRAHINSKY, Faculty Director, Graduate Program in Urban Affairs, University of San Francisco

Rachel BRAHINSKY, Faculty Director, Graduate Program in Urban Affairs, University of San Francisco

Miriam CHION, Director of Planning and Research, Association of Bay Area Governments

Miriam CHION, Director of Planning and Research, Association of Bay Area Governments

Lisa M. FELDSTEIN, Adjunct Assistant Professor, San Francisco State University, Doctoral Candidate, UC Berkeley, Dept. Of City & Regional Planning

Lisa M. FELDSTEIN, Adjunct Assistant Professor, San Francisco State University, Doctoral Candidate, UC Berkeley, Dept. Of City & Regional Planning

 


Pour citer cet article : Rachel Brahinsky, Miriam Chion, Lisa M. Feldstein,  “Reflections on Community Planning in San Francisco”, [« Réflexions sur le Community Planning à San Francisco », translation : Guénaëlle Marquis], justice spatiale | spatial justice, n° 5, déc. 2012-déc. 2013 | dec. 2012-dec. 2013, http://www.jssj.org/

To quote this paper: Rachel Brahinsky, Miriam Chion, Lisa M. Feldstein, “Reflections on Community Planning in San Francisco”, [« Réflexions sur le Community Planning à San Francisco », translation : Guénaëlle Marquis], justice spatiale | spatial justice, n° 5, déc. 2012-déc. 2013 | dec. 2012-dec. 2013, http://www.jssj.org/

 

 

[1] Platano: Mot espagnol pour banane plantain, fruit ressemblant à la banane, qui se mange généralement cuit.

[1] Platano: Spanish for plantain, a banana-like fruit that is generally eaten cooked.

[2] Yucca: Racine tubéreuse, riche en amidon ; aussi appelée manioc.

[2] Yucca: A starchy, tuberous root; also known as manioc or cassava.

[3] Bodega: Petite épicerie.

[3] Bodega: A small grocery store.

[4] Taqueria: Restaurant bon marché servant des tacos, des burritos et autres plats mexicains.

[4] Taqueria: An inexpensive restaurant serving tacos, burritos, and other Mexican food.

[5] Dia de los Muertos : 1er novembre. Fête de la Toussaint au Mexique ; les familles rendent hommage à leurs proches décédés.

[5] Dia de los Muertos: November 1. The Mexican celebration of All Saints’ Day; families celebrate the memories of loved ones who have died.

[6] Futbol : football, à ne pas confondre avec le football américain.

[6] Futbol: Soccer, rather than American football.

[7] Horchata : boisson sucrée à base de riz.

[7] Horchata: A sweet rice-based drink.

[8] Fondée en 1999, la Mission Anti-Displacement Coalition (Coalition de Mission contre les déplacements) réunissait des individus et des organisations communautaires dont l’objectif commun était de mettre fin au déplacement de la population active de San Francisco (voir : http://missionantidisplacement.blogspot.com/).

[8] Founded in 1999, the Mission Anti-displacement Coalition (MAC) comprised a group of community organizations and individuals who joined forces with the shared goal of stopping the displacement of working people from San Francisco (see http://missionantidisplacement.blogspot.com/).

[9] Notre définition de la communauté, dans cet article, exclut les promoteurs et les nouveaux professionnels engagés dans le quartier essentiellement en tant que consommateurs. D’autres auteurs ont beaucoup écrit sur les jeunes professionnels urbains. Ils considèrent les adeptes du shabby-chic, les bourgeois-bohêmes et les hipsters branchés comme des sortes de gentrifiers universels (Florida, 2002 ; Howell, 2005). D’autres se sont intéressés au rôle fondamental du capital des promoteurs dans la gentrification (Smith & Hackworth, 2001). Nous tenons compte de ce champ conceptuel mais nous ne reviendrons pas dessus ici.

[9] Our definition of community in this piece excludes developers and new professional residents who engaged in the neighborhood essentially as consumers. Others have written much about young urban professionals, envisioning the shabby-chic, bourgeois bohemians, and hipster interlopers as a sort of universal gentrifier (Florida 2002; Howell 2005). Still others have focused on the structural role of development capital in gentrification (Smith & Hackworth 2001). We acknowledge but do not re-tread this conceptual ground here.

[10] Si on le compare à San Francisco dans son ensemble, le revenu moyen par ménage dans la Mission était inférieur de 80 % ; les taux de pauvreté étaient supérieurs de plus de 50 %, et la part des habitants n’ayant pas atteint le lycée était supérieure de 15 %. Ces chiffres comprennent la plupart des secteurs de recensement : 201, 202, 207, 208, 209, 210, 177, 228 et 229 (Recensement des Etats-Unis, 2000).

[10] Compared with San Francisco at large, median Mission household income was less than 80 percent; poverty rates were more than 50 percent higher, and the share of residents with less than a high school education was 15 percent higher. This geography includes most of the following Census Tracts: 201, 202,207, 208, 209, 210, 177, 228, and 229 (U.S. Census 2000).

[11] Les extraits de la table ronde de la conférence « Just Metropolis » ont été enrichis par des entretiens complémentaires.

[11]  Excerpts from the Just Metropolis Conference panel were supplemented with follow-up interviews.

[12] Tamales : Plat d’Amérique latine : sorte de quenelle à base de farine de maïs fourrée de viande épicée, de légumes ou de fromage, et cuite à la vapeur dans des feuilles de maïs.

[12] Tamale: Cornmeal dumplings stuffed with spiced meats, vegetables or cheese and steamed in cornhusks.

[13] Barrio : Bien que le terme signifie simplement quartier, dans le contexte des Etats-Unis, le barrio fait typiquement référence à un quartier latino.

[13] Barrio: Though the term simply means neighborhood, in the U.S. context barrio typically signifies an urban Latino neighborhood.

[14] Pachangas : rassemblements, fêtes.

[14] Pachangas: Gatherings, parties.

[15] https://ioby.org/project/pueblote-transforming-underutilized-public-lots-public-benefits

 

[16] The “Second Line” is a tradition from the jazz culture of New Orleans. A “First Line” funereal parade of friends and family, celebrating the life of the deceased, wends its way to the gravesite for burial, led by a brass band. The “Second Line” comprised of brightly dressed dancers of all ages, follows behind. Contemporary iterations of the Second Line take place seasonally in New Orleans as a community-scale parade, without reference to particular funerals.

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