Quand la durabilité rencontre le situationnisme en ville : une histoire de détournement et la résurrection d’une Ecotopie juste et rebelle

Sustainability meets Situationism in the City: A tale of détournement and the resurrection of a just and rebellious Ecotopia

Poser des questions d’urbanisme utopique, c’est être dans la critique plutôt que seulement dans la recherche de compensations, et que simplement proposer des données consolatrices pour ranimer des esprits fatigués par le cynisme politique contemporain. Il faut donc souligner le potentiel perturbateur et transgressif des questions d’urbanisme utopique. Un tel esprit nous permettrait de retrouver la puissance provocatrice du terrain (Pinder, 2002, p. 239).

If a turn to questions of utopian urbanism is to be critical rather than compensatory, and to avoid simply providing consoling figures to revive spirits wearied by contemporary political cynicism, then its disruptive and transgressive qualities need to be emphasized. Such a spirit can return us to the provocative power of the field (Pinder, 2002, p. 239).

Pour être vraiment transgressives, au lieu de sombrer dans des fantasmes rétrogrades, les Ecotopies doivent mettre l'accent sur des espaces et des processus heuristiques, plutôt que d'établir des plans ; elles doivent être enracinées dans les relations sociales et économiques existantes, plutôt que d'être de pures formes abstraites, sans lien avec les processus et les situations à l'œuvre dans le ‘vrai’ monde d'aujourd'hui (Pepper, 2005, p. 18)[1].

To be truly transgressive, rather than lapsing into reactionary fantasy, ecotopias need to emphasise heuristic spaces and processes rather than laying down blueprints, and must be rooted in existing social and economic relations rather than being merely a form of abstraction unrelated to the processes and situations operating in today’s ‘real’ world’ (Pepper, 2005, p. 18).

La Ville Durable est morte. Sa nécrologie a été écrite (Whitehead, 2011). La Ville Durable laisse derrière elle un paradigme utopique, le Développement Durable, incapable de survivre sans son cœur urbain. Avec, en plus, la mort de l'urbanisme durable, disparaît une conception géographique de la justice, qui avait le potentiel de transcender les frontières temporelles, spatiales et matérielles (Bullen and Whitehead, 2005). Assurément, la Ville Durable ne doit pas entrer sans violence dans cette douce nuit. Nous devrions donc nous révolter contre la mort de la lumière (Thomas, 1937) ? Comment faire revenir la Ville Durable d’entre les morts ? Comment en faire un espace permettant une approche politique participative du bien commun (Sandel, 2010), un espace de justice et de durabilité environnementale (Agyeman et al, 2003), mais aussi un espace de liberté, d’affirmation des différences, de dissensus, d'ironie et de plaisir (voir respectivement, par exemple, Chatterton 2006, Mouffe 2005, Szerszynski 2007, Merrifield, 2011) ? S’il s’agit de tenter de ressusciter la ville durable, peut-être un tout nouveau « paradigme de l’éco-développement urbain » est-il nécessaire (contrairement à ce qu’affirme Whitehead, 2011) ? Peut-être la ville durable est-elle une notion toujours déjà trop engluée dans les relations de domination, d'exploitation et d’assujettissement ? Même en tant que forme de résistance à l'autorité et à l'érosion de ses principes fondamentaux par les entreprises, la ville durable n’a-t-elle pas dépassé sa date de péremption, n’est-elle pas trop mûre théoriquement ?

The Sustainable City is dead. Its obituary has been written (Whitehead, 2011). The Sustainable City leaves behind a utopian paradigm, Sustainable Development, unable to survive without its urban heart. With the passing of sustainable urbanism too, passes a geographic conception of justice with the potential to transcends borders in time, space and materiality (Bullen and Whitehead, 2005). Surely, the Sustainable City should not go gentle into that good night, we must rage against the dying of the light? (Thomas, 1937) So, how to bring the Sustainable City back from the dead? How to make it a space for a participative politics of the common good (Sandel, 2010), a space of justice and of environmental sustainability (Agyeman et al., 2003); but also a space of freedom, difference, dissensus, of irony and fun? (see respectively, for instance, Chatterton, 2006, Mouffe, 2005, Szerszynski, 2007, Merrifield, 2011). Whether to try to resurrect the sustainable city at all – maybe a wholly new ‘paradigm of urban eco-development’ is needed? (contra Whitehead, 2011). Maybe the sustainable city was a notion always already too entangled in power relations of domination, exploitation and subjection? Even as a form of resistance to authority and corporate erosion of its core principles, the sustainable city might be past its sell-by date, theoretically over-ripe?

Capten Cyboli traça une carte de sa dérive [2] à travers Christiania (voir Figure 1) dans les résidus de bière sur la table qu'il occupait au Woodstock, le bar au cœur de la sociabilité sauvage de la ville libre. La légende veut que lorsque Bob Dylan a joué à Den Grå Hal[3], il y a commandé un cocktail fantaisie et on lui a dit que l’on servait seulement de la bière. Mais pourquoi Capten Cyboli était-il ici, dans cette enclave de Christiania, encerclée par l’antipathique « Hopenhagen », assiégée par un État danois hostile[4] ? Etait-ce un endroit approprié pour un combattant entré dernièrement au service de la Clandestine Insurgent Rebel Clown Army[5] contre les forces oppressives du même Etat déployées au service du capital[6] ? Pourquoi s’abritait-il dans un coin sombre de ce bar, sirotant sa bière et rêvant vaguement à la mort et à la possible résurrection de la Ville Durable?

Capten Cyboli traced a map of his drift[1] through Christiania (see Figure 1) in the beer slops on the table he occupied in Woodstock, the bar that was the feral sociable heart of the Freetown. Legend has it that when Bob Dylan played Den Grå Hal[2] he ordered a fancy cocktail here and was told there was beer. But why was Capten Cyboli here in this enclave of Christiania, surrounded by antipathetic ‘Hopenhagen’, beleaguered by a hostile Danish state?[3] Was this a fitting place for a combatant lately serving in the Clandestine Insurgent Rebel Clown Army[4] against the coercive forces of the same state deployed in the service of capital[5]? Why was he harbouring in a shadowed corner of this bar nursing his own beer and musing on the death and potential resurrection of the Sustainable City?

 

Tu es à la recherche de traces d’écotopie, lui rappela la mouche du coche[7], en atterrissant sur la table et aspirant des restes de bière. Apparemment, c’est du moins ce que tu me dis dans tes rares moments de lucidité, ta prémisse est que l'Utopie, considérée en tant qu’imaginaire radical, doit transcender l’anthropocentrisme pour se faire Écotopie, ça doit être une vision pour œuvrer non seulement en faveur du genre humain, mais aussi pour une nature au sens plus large. En outre, tu affirmes que la « ville » est un élément-clé non seulement pour l'habitat de l'humanité présente et future, mais aussi en tant que plaque tournante à partir de laquelle formuler une politique prenant plus largement en compte la nature. Ainsi, les lieux les plus importants d’Écotopie ne seront pas des éco-villages ou des communes rurales, mais Écopolis, la ville verte du futur. Toutefois, Écopolis sera différente de l’imaginaire actuel de la ville durable, parce que cette vision est limitée par la logique du capitalisme, de la gouvernance, de la bureaucratie et du scientisme : la réflexion en termes de modernisation écologique, utilisée dans les conceptions officielles de la ville durable, la dépouille de la justice sociale (voir par exemple : Buttel 2000, Huber, 1985, Murphy, 2000, Mol et Spaargaren, 2000, Mol et al., 2010, Fisher et Freudenburgh, 2001). Elle ne peut être ni véritablement verte du point de vue environnemental, ni équitable. Je crois que ‘récupération’ est le terme que tu choisis (voir Debord, 1983) pour contester cette corruption. Écopolis devrait s'appuyer sur les logiques impossibles des situationnistes pour attaquer de front la rationalité oppressive dominant l'aménagement du territoire, l'architecture et même le choix des matériaux de construction. Ainsi, tu vas t’appuyer sur l'urbanisme unitaire des situationnistes et la Nouvelle Babylone de Constant Nieuwenhuys, l'artiste néerlandais devenu architecte situationniste, afin de réimaginer la ville durable dans sa matérialité. Mais, rappelles-moi, comment  y figure précisément la justice?

You are looking for traces of ecotopia, The Gadfly[6] reminded him, landing on the table and sucking at the beer slops. Apparently, so you tell me in your rare lucid moments, your premise is that utopia, viewed as a radical imagining, must transcend the anthropocentric and be Ecotopia, it must be a vision to work towards for not just humankind but also for a wider nature. Moreover, you assert ‘the city’ is key to not only the habitation of humanity now and in the future but also in being the hub from which a politics that includes care for a wider nature emanates. Thus, the most significant places in Ecotopia will not be eco-villages or rural communes but Ecopolis, the Green city of the future. Ecopolis will be unlike current imaginings of the Sustainable City, though, because that vision is constrained by the logics OF capitalism, governance, bureaucracy and scientism: The ecological modernisation thinking employed in official conceptions of the Sustainable City strips it of social justice (see for instance Buttel, 2000, Huber, 1985, Murphy, 2000, Mol and Spaargaren, 2000, Mol et al., 2010, Fisher and Freudenburgh, 2001); it can be neither Green in a meaningful environmental sense nor equitable. To challenge this corruption, I believe ‘recuperation’ is your chosen term (see Debord, 1983), Ecopolis should draw on the impossible logics of the Situationists to confront head-on the oppressive rationality that dominates spatial planning, architecture, and even the choice of building materials. So, you will draw on the situationists’ unitary urbanism and the New Babylon of Constant Nieuwenhuys’s, the Dutch artist turned Situationist architect, to reimagine the sustainable city through its materiality. But, remind me, how exactly does justice figure?

La lacune dans les conceptualisations de la ville durable est un espace que la justice doit occuper, proposa Cyboli. En adoptant une perspective situationniste sur Écopolis, je cherche à mettre en lumière cet espace et, surtout, à proposer comment il pourrait être construit - pas dans des variantes de l'imagerie utopique, déconnectées de la réalité, mais plutôt construit dans tous les « ici et maintenant » de nos villes des pratiques quotidiennes, de citoyens qui revendiquent le droit d'être des activistes et des artistes, des constructeurs et des farceurs, et qui peuvent écrire des points d'interrogation concrets dans le tissu même des villes dites durables, en revendiquant : « Où est la justice ? ». Et qui trouvent un début de réponse à leur propre question, en commençant à construire la justice à la fois socialement et matériellement dans le tissu de la ville. Par exemple ? Eh bien, je propose que nous construisions des bâtiments de paille pour les sans-abri devant les mairies, que nous construisions selon les standards des maisons passives[8], avec zéro émission de CO2 et zéro déchet. Et ensuite, laissons les autorités de la Ville Durable les démolir, faisant de ces gens de nouveau des sans-abri, et détruire une architecture qui contribue à répondre au défi du millénaire : le changement climatique[9]. A la recherche de visions d’Écotopie, j’examinerai à la fois des exemples littéraires et des exemples du monde réel d’Ecopolis. C’est pourquoi je fais cette dérive dans Christiania, pour la percevoir ; c’est pourquoi je prendrai en compte les Camps Action Climat en Grande-Bretagne, et la protestation de Brian Haw devant le Parlement à Londres. Dans la limite de l’espace disponible, j’irai encore plus loin : des centres sociaux, des squats, des villages de tentes, les graffitis, la subversion, et des actions telles que Reclaim the Streets… Et, bien sûr, il y a eu le mouvement Occupy et les Printemps arabes, tout spécialement la place Tahrir comme point focal de la Révolution égyptienne en 2011. Je ne fais aucune distinction spatiale entre l’action politique et l’habitat, et j’évoque la contrainte étatique comme un obstacle empêchant leur co-extension. Comme le suggère Stuart Hodkinson à propos de la lutte pour des alternatives dans le logement :

The gap in conceptualisations of the Sustainable City is a space that justice must occupy, Cyboli proposed. By taking a Situationist perspective on Ecopolis I seek to highlight this space and, most importantly, propose how it might be constructed – not in some variety of utopian imaging that is disconnected from reality, but rather constructed in all the here-and-nows of our cities from the everyday practices of citizens who claim the right to be activists and artists, builders and practical jokers; who can construct material question marks in the very fabric of so-called sustainable cities, demanding: ‘Where’s the justice?’ And beginning to answer their own question, beginning to build justice both socially and materially into the fabric of the city. Example? Well, I propose we construct straw-bale housing for the homeless on the doorsteps of city halls; that we build to Passivhaus standards[7], make it zero carbon and zero waste. Then, let us dare the authorities of the Sustainable City to tear it down, to make people homeless again, to destroy an architecture which contributes to meeting the millenarian challenge of climate change[8]. In search of visions of Ecotopia, I will look to both literary and real world examples of Ecopolis. That’s why I’m drifting through Christiania, feeling it; That’s why I’ll consider urban Camps for Climate Action in the UK, and Brian Haw’s protest outside the Houses of Parliament in London. Space permitting, I would go further: social centres, squats, tent cities, graffiti, subvertising, and actions such as Reclaim the Streets… And, of course, there was the Occupy movement and the Arab Spring, especially Tahrir Square as the focal point of the Egyptian uprising in 2011. I make no spatial distinction between political actions and habitation, citing the coercion of the state as the obstacle preventing their coextension. As Stuart Hodkinson proposes of the struggle for housing alterity:

« L’objectif à long terme d’une telle stratégie serait de créer une masse critique de diverses interventions stratégiques et tactiques, depuis le blocage de la privatisation et de la gentrification, l’arrêt de la fermeture d’équipements collectifs, l’occupation de terres, jusqu’à la conquête de sièges d’élus dans les conseils locaux. Ces tactiques forceraient des concessions régulières de l’Etat et du capital, et aideraient à revivifier la campagne pour l’accès au logement et à la faire vivre jusqu’au moment où elle atteindrait un futur encore indéfini, seulement guidé par les principes du bien commun » (Hodkinson, 2010).

‘The long-term aim of such a strategy would be to create a critical mass of diverse strategic and tactical interventions, from blocking privatisation and gentrification, stopping the closure of community facilities, and occupying land to winning seats on the local council. These tactics would force periodic concessions from the state and capital, and help re-energise the housing campaign and keep it going until such point as it reached an as-yet undefined future guided only by principles of the commons’ (Hodkinson, 2010, p. 254).

 

 

Une dérive dans la méthodologie

Drifting into methodology

Soyons clairs, l’interrompit la mouche du coche, ton hypothèse est que le concept et les pratiques de la durabilité, tout particulièrement la Ville Durable, sont dépolitisés par les logiques de la modernisation écologique, y compris les notions plus récentes de résilience et de capacité d’adaptation (cf. par exemple Gallopin, 2006). L’esprit radical de la durabilité, lue comme un mode de vie plus équitable dans l’ici et maintenant, et même dans le là-bas et dans un temps lointain, a été détourné par le capitalisme néolibéral. La Ville Durable en tant que projet a été dépouillée de la liberté : cela devient un lieu d’où sont absents la justice ou une véritable communauté, sans espace public pour le politique – et aussi pour le jeu. Et tu penses que le Situationnisme peut ressusciter la Ville Durable via une participation passionnée, qui va même bien au-delà de la défense par Agyeman et Evans du principe de subsidiarité, par lequel les décisions sont prises aussi près que possible du citoyen (Agyeman et Evans, 2004) : tu penses que la décision doit être prise par[10] le citoyen. Mais, attends un peu, situationnisme et durabilité ne sont-ils pas antithétiques ? L’urbanisme unitaire ne s’oppose-t-il pas à l’urbanisme durable ? La Nouvelle Babylone pourrait-elle vraiment être une ville durable, votre Ecopolis ?

Let us be clear, The Gadfly interrupted, ‘your hypothesis is that the concept and practices of sustainability, most particularly the Sustainable City, are depoliticised by the logics of ecological modernisation, including more recent notions of resilience and adaptive capacity (see for instance Gallopin, 2006). The radical spirit of sustainability, read as a more equitable way of living in the here-and-now, and indeed the there-and-then, has been misappropriated by neo-liberal capitalism: The Sustainable City as a project is being stripped of freedom; it becomes a place without justice or real community, devoid of public space for politics – as well as for play. And you think Situationism can resurrect the Sustainable City via a passionate participation which goes far beyond even Agyeman and Evans’ advocacy of the subsidiarity principle, whereby decisions must be taken as closely as possible to the citizen (Agyeman and Evans, 2004): You believe decision must be taken by the citizen. But hold on, aren’t situationism and sustainability antithetic? Doesn’t unitary urbanism run counter to sustainable urbanism? Could New Babylon really be a sustainable city, your Ecopolis?

La littérature courante considère la Ville Durable principalement comme un type de gouvernance, dit Cyboli, sa planification spatiale et son architecture sont conçues à l’intérieur de structures politiques et administratives existantes, ou modérément réformées (voir par exemple Evans et al., 2005). Toutefois, si l’on veut faire face au défi d’une transformation sociale, économique et environnementale de l’espace urbain, je soutiens que le paradigme de l’urbanisme durable doit être re-radicalisé. Une participation démocratique pleine et entière – un cadre politique normatif pour le bien commun – est décisive pour concevoir et construire une Ecopolis juste. Pour analyser la rencontre du situationnisme et de la durabilité en ville, j’aborde donc la théorie d’Henri Lefebvre sur la production de l’espace (Lefebvre, 1991). Lefebvre part de « trois processus de production dialectiquement interconnectés » (Schmid, 2008, p. 42) :

Current literature views the Sustainable City principally as a realm of governance, Cyboli said, its spatial planning and architecture is conceived within existing or moderately reformed political and administrative structures (see for instance Evans et al., 2005). If it is to meet the challenge of transforming urban space socially, economically and environmentally, however, I argue that the paradigm of sustainable urbanism must be re-radicalised. Full democratic participation – a normative politics of the common good – is critical to the conception and construction of a just Ecopolis. To analyse the meeting of situationism and sustainability in the city I turn to Lefebvre’s theory of the production of space (Lefebvre, 1991). Lefebvre proceeds from ‘three dialectically interconnected processes of production’ (Schmid, 2008, p. 42):

- i. Les représentations de l’espace (le conçu) – des abstractions rationnelles et scientifiques : l’espace du capital, conçu par des gens comme les aménageurs, les architectes, les géographes et les spéculateurs, « qui trouvent une expression objective » dans des monuments, des tours, des usines, des immeubles de bureaux et « l’autoritarisme bureaucratique et politique immanent à un espace répressif » (Merrifield, 2002).

1. Representations of space (le concu) – rational and scientific abstractions; the space of capital, conceived by the likes of planners, architects, geographers and property speculators, ‘finding ‘objective expression’ in monuments, towers, factories, office blocks, and the ‘bureaucratic and political authoritarianism immanent to a repressive space’’ (Merrifield, 2002, p. 174).

- ii. Les espaces de représentation (le vécu) – les espaces vécus, débordant de passion ; intuitifs, fragmentés et dynamiques, les espaces quotidiens de l’expérience, et de situations, d’imaginaires, de fantaisie, et de potentiels de transgression, des espaces contingents et créatifs, « maintenus vivants par les arts et la littérature » (Shields, 2009).

2. Representational space or spaces of representation (le vecu) – lived spaces, brimming with passion; intuitive, fragmented and dynamic, the everyday spaces of experience and of situations, of imagination, fantasy and transgressive possibility; contingent and creative spaces ‘kept alive and accessible by the arts and literature’ (Shields, 2009, p. 210).

- iii. Les pratiques spatiales (le perçu) : l’espace perçu, accessible aux sens corporels, matériels – « les pratiques spatiales structurent la réalité quotidienne et une réalité sociale et urbaine plus large, incluant des itinéraires, des réseaux et des modes d’interaction qui relient les lieux réservés au travail, au jeu et au loisir » (Merrifield, 2002).

3. Spatial practices (le percu) – perceived space, accessible to the physical senses, material – ‘spatial practices structure everyday reality and broader social and urban reality, and include routes and networks and patterns of interaction that link places set aside for work, play and leisure’ (Merrifield, 2002, p. 175).

Selon Christian Schmid, poursuivit Cyboli, après une lampée de bière bien méritée, « Lefebvre intègre les catégories de ville et d’espace en une théorie sociale unique, globale, permettant de comprendre et d’analyser les processus spatiaux à différents niveaux » (Schmid, 2008). Pour Lefebvre, l’espace n’est pas passif, ce n’est pas une surface sur laquelle les activités sont reproduites. Au contraire, l’espace est lui-même produit et, à ce titre, c’est un acteur dans la reproduction de la vie sociale, ou même dans sa production autre : la production de l’espace est continue, fluide et vivante. La participation au processus de production de l’espace recèle un potentiel d’émancipation, la possibilité de perturber la reproduction du spectacle du capitalisme. Les espaces de représentation sont des lieux où des idées progressistes nouvelles, sur la société et sur l’avenir, peuvent être produites, des espaces depuis lesquels, comme le suggère Andy Merrifield, nous pourrions « reconquérir l’espace de nos villes pour leurs citoyens » (Merrifield, 2002). La médiation de l’espace de représentation et des représentations de l’espace par les pratiques sociales, concrètement, le potentiel des pratiques citoyennes de l’architecture et de la protestation à perturber « le plan » et à produire des espaces aux possibles plus ouverts, m’intéressent donc tout particulièrement.

According to Christian Schmid, Cyboli continued after a much needed swig of beer, ‘Lefebvre integrates the categories of city and space in a single, comprehensive social theory, enabling the understanding and analysis of spatial processes at different levels’ (Schmid, 2008, p. 27, emphasis in the original). For Lefebvre, space is not passive, not a surface upon which activities are reproduced. Rather, space is itself produced, and as such it is a player in reproducing social life, or indeed producing it differently: The production of space is constant, fluid and alive. Participation in the production of space holds emancipatory potential, the chance to disrupt the reproduction of the spectacle of capitalism. Representational spaces are where progressive new ideas about society and the future can be produced, spaces from where, as Andy Merrifield suggests, we might ‘reclaim, for its citizens, the space of our cities’ (Merrifield, 2002, p.181). So, I am particularly interested in the mediation of representational space and representations of space by social practices, explicitly the potential for practices of citizen architecture and protest to disrupt ‘the plan’ and produce spaces of enhanced possibility.

 

 

De l’Utopie à l’Ecotopie : un passage critique

From Utopia to Ecotopia: A critical passage

Traînant près d’un brasero brûlant lors d’une froide soirée sur Pusher Street[11], Cyboli griffonna sur son carnet (en papier recyclé, avec une couverture en vieux pneu de voiture) : Là où la durabilité rencontre les situationnistes en ville, leur terrain commun est la pensée utopique. Il y a eu un regain d’intérêt pour la notion d’utopie, tout particulièrement pour les utopies urbaines et transgressives concrètes de l’ici et maintenant (Miles, 2005, Spannos, 2008, Carlsson, 2008, Coverley, 2010, Carlsson et Manning, 2010). Dans Defence of Utopian Urbanism, David Pinder soutient qu’ « une perte des perspectives utopiques dans leur intégralité a des conséquences politiques et culturelles préoccupantes, dont la moindre n’est pas le rétrécissement de la pensée critique et la mise à l’écart du moment anticipateur de la critique » (Pinder, 2002). Il interprète cette perte comme une paralysie bloquant le débat intellectuel (Jacoby, 1999) et plaide contre l’abandon des perspectives des utopies urbaines, prônant plutôt de repenser leur potentiel critique. Pinder considère l’impulsion utopique comme une part irrépressible de l’esprit humain, et fait le lien entre la répression contemporaine de cette impulsion et l’échec du socialisme, et aussi avec le déclin de l’urbanisme moderne (suivant en cela Sandercock, 1998). Il s’appuie sur les travaux de David Harvey, en particulier pour affirmer le potentiel de la pensée urbaine créative à transformer progressivement les villes et les processus d’urbanisation, plutôt que de les saisir comme dystopiques, des espaces à ignorer dans les conceptions d’un futur désirable, et de les étudier seulement en termes de pratiques élitistes d’une évasion depuis et à l’intérieur de la ville de l’ici et maintenant. La pensée urbaine créative, suggère Pinder, signifie de poser la question vitale de John Gold : « Quelle ville pour quelle société ? »[12].

Loitering around a burning brazier in the chill evening on Pusher Street[9], Cyboli scribbled in his notebook (recycled paper with a cover made from old car tyres): Where sustainability meets the situationists in the city the common ground is utopianism. There has been an upsurge of interest in the notion of utopia, particularly urban and transgressive material utopias of the here and now (Miles, 2005, Spannos, 2008, Carlsson, 2008, Coverley, 2010, Carlsson and Manning, 2010). In Defence of Utopian Urbanism, David Pinder claims that ‘a loss of utopian perspectives in their entirety has disturbing political and cultural consequences, not the least of which is a narrowing of critical thought and a moving away from the anticipatory moment of critique’ (Pinder, 2002, p. 230). He connects this loss with a crippling paralysis in intellectual debate (Jacoby, 1999) and argues against abandoning urban utopian perspectives, advocating instead rethinking their critical potential. Pinder views the utopian impulse as an irrepressible part of the human spirit, linking contemporary suppression of this impulse with the failure of socialism and also the decline of modernist urbanism (following Sandercock, 1998). He draws on the works of David Harvey in particular to assert the potential for creative urban thinking to progressively transform cities and processes of urbanisation, rather than accepting these as dystopian, spaces to be ignored in conceptions of the desirable future, studied only in terms of elitist practice of escape from and within the city in the here and now. Creative urban thinking, Pinder suggests, means asking John Gold’s vital question: ‘What sort of city for what sort of society?’[10]

Pinder porte un regard historique sur les urbanismes utopiques qui ont ouvert des perspectives sur comment la ville pourrait être autrement. Il cite le point de vue de Kevin Robbin, selon lequel la crise de la ville et de l’urbanité est associée à l’ampleur des problèmes physiques et sociaux, « y compris la manière dont les inégalités, la fragmentation et l’aliénation ont été inscrites dans les paysages urbains contemporains » (Pinder, 2002). Pinder examine l’utopie dans l’histoire et dans la littérature, soulignant l’autoritarisme dont elle peut être investie et, de ce fait, ses manifestations dystopiques. Il soutient qu’un urbanisme utopien critique peut contrer le pessimisme politique et le cynisme dominants, cela par ses qualités potentiellement perturbatrices et transgressives : l’urbanisme utopien n’a besoin ni de compenser, ni d’être autoritaire. Pinder suggère le potentiel du développement de « modes d’urbanisme critique et transformateur, qui sont ouverts et dynamiques, et qui, loin de viser à corriger l’existant, cherchent à prendre leurs distances avec ce qui est tenu pour acquis, à être en rupture spatiale et temporelle, et à ouvrir des perspectives sur ce qui pourrait être » (Pinder, 2002). Loin de considérer l’urbanisme utopique comme une vision unificatrice ou un projet émancipateur singulier, Pinder propose de rechercher le possible dans les conditions du présent, comme moyen pour effectuer des interventions multiples dans l’espace et dans le temps.

Pinder takes a historical view of utopian urbanisms that have opened up visions of how the city might be otherwise. He cites Kevin Robbins’ view that the crisis of the city and urbanity is associated with both the scale of physical and social problems, ‘including the ways in which inequality, segmentation and alienation have been inscribed in contemporary urban landscapes’ (Pinder, 2002, p. 232). Pinder reviews utopianism in history and in literature, pointing out the authoritarianism with which it can be invested and, therefore, its dystopian manifestations. He claims that a critical utopian urbanism can counteract prevailing political pessimism and cynicism via its potentially disruptive and transgressive qualities: utopian urbanism need be neither compensatory nor authoritarian. Pinder suggests the potential of developing ‘modes of critical and transformative urbanism that are open, dynamic and that, far from being compensatory, aim to estrange the taken for granted, to interrupt space and time, and to open up perspectives on what might be’ (Pinder, 2002, p. 229). Viewing utopian urbanism not as a unifying vision or a singular emancipatory project, Pinder suggests seeking out the possible in the conditions of the present as means of making multiple interventions in space and time.

David Pepper soutient que l’utopisme imprègne les discours environnementaux contemporains, tant radicaux que réformistes, lorsque ces termes se rapportent respectivement au capitalisme dominateur et au capitalisme compensateur (Pepper, 2005). Pepper envisage le caractère transgressif de la notion d’utopie, c'est-à-dire sa capacité à avancer vers une « société écologique ». A la suite de Callenbach (Callenbach, 1975), il nomme l’utopisme environnemental ‘écotopisme’, et relève qu’« il y a un consensus remarquable parmi diverses perspectives utopistes sur ce qu’on devrait mettre dans ‘écotopie », peu de choses étant encore en débat ou provisoires. » (Pepper, 2005). S’appuyant sur A Blueprint for Survival (Goldsmith, 1973), Pepper affirme que les principes sous-jacents de ce consensus sont : des perturbations minimales des processus écologiques, la préservation maximale de l’énergie et des matières premières, un renouvellement de la population où les pertes sont équilibrées, sans augmentation, un système social dans lequel les gens acceptent ces trois premiers principes (Pepper, 2005, p. 8).

David Pepper argues that utopianism permeates contemporary environmental discourses both radical and reformist where these terms relate respectively to the supplanting and mitigating capitalism (Pepper, 2005). Pepper considers the ‘transgressiveness’ of the notion of utopia, i.e. its potential in helping towards an ‘ecological society’. Following Callenbach (Callenbach, 1975) he dubs environmental utopianism ‘ecotopianism’, and notes that: ‘There is a remarkable consensus amongst ideologically diverse ecotopian perspectives about what should be in ecotopia, leaving relatively little as provisional and reflexive’ (Pepper, 2005, p. 18). Drawing on A Blueprint for Survival (Goldsmith, 1973), Pepper claims the underlying principles of this consensus are: minimal disruption of ecological processes; maximum conservation of energy and materials; population recruitment (that) must equal and not exceed loss; a social system in which people will accept the first three principles (Pepper, 2005, p. 8).

A la suite de Sargisson (Sargisson, 2000a, Sargisson, 2000b), Pepper soutient que l’utopisme constructif doit aiguiser notre critique de la société existante, en créant des « espaces libres » qui catalysent le changement social. L’écotopisme transgressif est défini comme un espace de remise en cause du statu quo. Pour penser différemment, il ne décrit pas un modèle universel pour l’utopie. Pepper distingue entre utopies abstraites et utopies concrètes, ces dernières l’emportant sur le domaine de l’imaginaire parce qu’elles dérivent de la théorie sociale critique. Il estime que le situationnisme est un mouvement radical qui comprend un élément utopique. Après avoir formulé les principes fondateurs de l’écotopie, la critique par Pepper des écotopies livresques met en évidence un certain nombre de leurs caractéristiques potentiellement réactionnaires, notamment le manque de possibilités de coexistence entre différentes croyances et pratiques[13], une tendance luddite à un « primitivisme de l’avenir », c'est-à-dire un retrait vers le prémoderne, un écocentrisme venu de l’écologie profonde, qui tend à construire les écotopies comme synonymes d’une dystopie humaine, dans laquelle l’humanité périrait pendant que (le reste de) la nature prospèrerait, un post-matérialisme qui ne parvient pas à créer un espace pour les déshérités et les opprimés du temps présent. Pour Pepper, ces caractéristiques « suggèrent que l’écotopisme manque d’un ancrage dans les conditions socio-écologiques réelles, et que cette limitation nuit à son potentiel transgressif. » (Pepper, 2005, p. 11). La critique par Pepper de la modernisation écologique fait valoir qu’elle est écotopienne seulement dans un sens abstrait, non transgressif : « l’utopie sociale-démocrate d’une diffusion de la richesse et du pouvoir par l’intermédiaire d’économies de marché régulées entre en contradiction avec les dynamiques du capitalisme de concentration de la richesse et du pouvoir » (Pepper, 2005, p. 17). Citant en particulier l’échec significatif de Kyoto, Pepper soutient que l’idéal social-démocrate de régulation globale de l’environnement n’est pas applicable sous le capitalisme[14]. Pour Pepper, « les tentatives sociales-démocrates et de troisième voie pour réaliser un capitalisme écologiquement rationnel, humain, inclusif et égalitaire sont au final vouées à l’échec » (Pepper, 2005, p. 18). Suivant l’idée d’Harvey, pour qui le socialisme a besoin d’un « optimisme de l’intelligence » (Harvey, 2000), Pepper suggère que l’environnementalisme radical souffre d’un déficit du même ordre. Il reconnaît « beaucoup de points communs » entre certaines utopies socialistes et l’écotopisme radical, l’écotopisme radical se distinguant en ce qu’il entre en résonnance avec le scepticisme postmoderne par son approche plus circonspecte de la science et de la « perfectibilité sociale ». Pepper conclut que le potentiel transgressif de l’écotopisme est limité par son idéalisme et par des évaluations irréalistes des dynamiques socio-économiques réelles.

Following Sargisson (Sargisson, 2000a, Sargisson, 2000b), Pepper argues that constructive utopianism must sharpen our critique of existing society, creating ‘free spaces’ that catalyse social change. Transgressive ecotopianism is defined as a space for questioning the status quo and thinking differently; it outlines no universal blueprint for Utopia. Pepper differentiates between abstract and concrete utopias, the latter transcending the realms of fantasy because it is derived from critical social theory. He considers situationism to be a radical movement with a utopian aspect. Having proposed the underlying principles of ecotopia, Pepper’s critique of written ecotopias highlights a number of potential reactionary traits, including: a lack of scope for coexistence with different beliefs and practices[11]; a ‘Luddite’ tendency towards ‘future primitivism’, i.e. a retreat to the premodern; a deep-ecology ecocentrism which tends to construct ecotopia as synonymous with a human dystopia wherein humankind perishes while (the rest of) nature thrives; a post-materialism which fails to create space for the contemporary dispossessed and oppressed. For Pepper these traits ‘suggest that ecotopianism lacks a grounding in actual material socio-ecological conditions, and that this limitation detracts from its transgressive potential’ (Pepper, 2005, p. 11). Pepper’s critique of ecological modernisation argues that it is ecotopian in the abstract, non-transgressive sense: ‘the social democratic utopian ideal of diffusing wealth and power via regulated market economies contradicts capitalism’s dynamic of concentrating wealth and power’ (Pepper, 2005, p. 17). Citing the significant failure of Kyoto in particular, Pepper asserts that the social democratic ideal of global regulation of the environment is not enforceable under capitalism[12]. For Pepper, ‘social-democratic and ‘third-way’ attempts to realise an environmentally sound, humane, inclusive and egalitarian capitalism are ultimately headed for failure’ (Pepper, 2005, p. 18). Following David Harvey’s notion that socialism needs an ‘optimism of the intellect’ (Harvey, 2000), Pepper proposes that radical environmentalism has a parallel deficit. He acknowledges ‘much common ground’ between some socialist utopianism and radical ecotopianism, distinguishing radical ecotopianism as resonating with postmodern scepticism in its more circumspect approach to science and ‘social perfectibility’. Pepper concludes that idealism and unrealistic assessments of existing socio-economic dynamics limits the transgressive potential of ecotopianism.

 

 

La Ville Durable et l’urbanisme durable

The Sustainable City and sustainable urbanism

Cyboli quitta Woodstock après avoir passé une heure avec un habitant de Christiania[15], rencontré par hasard, qui l’avait abreuvé des mérites du système d’épuration de la Ville Libre, apparemment creusé par les « colons » des débuts, dans les années 1970 et 1980, et utilisant maintenant un traitement par roselières, et de combien Copenhague devrait en être envieuse. Qui a besoin des autorités et de leurs plans directeurs ? Cyboli s’interrogea sur la pertinence du paradigme de l’urbanisme durable pour Christiania, et réciproquement. Emergeant dans les années 1960 et 1970, l’urbanisme durable pouvait être considéré comme une réponse à la fois aux dégâts écologiques causés par l’industrialisation rapide et à une dégradation générale de la qualité de la vie urbaine et des environnements provoquée par une urbanisation tout aussi rapide (Whitehead, 2011). L’urbanisme durable, pratiquement synonyme des paradigmes de l’aménagement que sont le « nouvel urbanisme » et la « croissance intelligente », se caractérise par le fait qu’il travaille avec les systèmes urbains existants, et qu’il est fortement lié à l’autonomisation locale (voir par exemple Giradet, 1999, Giradet, 2004, Whitehead, 2007). En plus de l’inclusion, certains des éléments communs à l’urbanisme durable sont : un aménagement de l’espace fondé sur la marche plutôt que sur l’automobile, une architecture et une construction plus en harmonie avec la nature (Blassingame, 1998, voir aussi Guy et Moore, 2007, Wines, 2000), un engagement moral envers la justice, l’équité intra- et intergénérationnelle, relevées par la commission Bruntland (WCED, 1987). Graham Houghton postule que cinq principes d’équité sont au cœur du développement durable, et donc de l’urbanisme durable : « l’équité intra-générationnelle et intergénérationnelle, la responsabilité transfrontalière (les coûts écologiques ne sont donc pas transférés à travers les frontières), l’équité inter-espèces, et l’équité procédurale » (dans Satterthwaite, 1999, p. 10).

Cyboli left Woodstock having spent an hour with a random Christianite[13] regaling him on the merits of the Freetown’s sewage system, apparently dug by early ‘settlers’ in the 1970s and 80s, now utilising reed-bed treatment, and the should-be envy of Copenhagen: Who needed the authorities and their master-plans? Cyboli wondered about the relevance to Christiania of the sustainable urbanism paradigm, and vice versa. Emerging from the 1960s and 1970s, sustainable urbanism could be viewed as a response to both the ecological damage caused by rapid industrialisation and a widespread deterioration in the quality of urban life and environments caused by similarly rapid urbanisation (Whitehead, 2011). Virtually synonymous with the planning paradigms of ‘new urbanism’ and ‘smart growth’, sustainable urbanism is characterised by working with existing urban systems and strongly associated with community empowerment (see for instance Giradet, 1999, Giradet, 2004, Whitehead, 2007). Apart from inclusion, some common elements of sustainable urbanism are: spatial planning based on walking rather than automobiles; architecture and building more in harmony with nature (Blassingame, 1998, see also Guy and Moore, 2007, Wines, 2000); a moral commitment to justice, the intra- and intergenerational equity flagged up by the Brundtland Commission (WCED, 1987). Graham Houghton posits five equity principles central to sustainable development and hence sustainable urbanism: ‘intergenerational and intragenerational equity, transfrontier responsibility (so environmental costs are not transferred across boundaries), interspecies equity and procedural equity’ (in Satterthwaite, 1999, p. 10).

L’urbanisme durable voit les villes non comme l’origine de tous les maux sociaux et écologiques, mais comme le gage nécessaire du développement durable : « la forme et la qualité des rapports sociaux, économiques et environnementaux en ville définira de plus en plus la forme et la qualité de la vie humaine elle-même » (Whitehead, 2009, p. 109). A la recherche d’une conciliation gagnant-gagnant-gagnant entre développement économique, justice sociale et protection de l’environnement, l’urbanisme durable présente des caractéristiques nettement utopiques. De plus, assumer la responsabilité de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux, dans l’espace et dans le temps, marque le fait que la ville durable entre en relation, qu’elle est une partie de l’Ecotopie, plutôt que d’être une Ecopolis[16] isolée, élitiste, et donc en contradiction avec elle-même. La densification et l’intensification sont de plus en plus considérées comme des qualités urbaines, certains analystes regardant même des ‘bidonvilles’ tels que Dharavi à Mumbai comme des modèles pour le fonctionnement communautaire, l’activité locale et le recyclage (Pearce, 2006, McCloud, 2010). L’urbanisme durable reconnaît également que les villes sont diverses et qu’il n’y a pas un modèle unique de solution technologique (voir ainsi Whitehead, 2009). Pour la plupart des auteurs, la « bonne gouvernance » est toujours au cœur des propositions de l’urbanisme durable. Evans et al. soulignent que « gouverner » est le concept-clé, le définissant comme l’interaction entre gouvernement et gouvernance, entre autorités locales et société civile (Evans et al., 2005).

Sustainable urbanism views cities not as the root of all ecological and social evils, but necessarily as the key to sustainable development: ‘the form and quality of urban social, economic, and environmental relations will increasingly define the form and quality of human life itself’ (Whitehead, 2009, p. 109). Seeking a win-win-win accommodation between economic development, social justice and environmental protection, sustainable urbanism displays markedly utopian features. Taking responsibility for its economic, social and environmental impacts in space and time, moreover, marks the sustainable city as relational, a part of Ecotopia rather than being an isolated, elitist and so self-contradictory Ecopolis[14]. Densification and intensification are increasingly viewed as urban virtues with some commentators turning to ‘slums’ such as Dharavi in Mumbai for models of community, localised industry and recycling (Pearce, 2006, McCloud, 2010). Sustainable urbanism is also recognising that cities differ and there are no one-size-fits-all technological solutions (see for instance Whitehead, 2009). For most proponents, though, ‘good governance’ is always at the heart of formulations of sustainable urbanism. Evans et al highlight ‘governing’ as the key concept, however, defining it as the interaction between government and governance as respectively the provinces of local authorities and civil society (Evans et al., 2005).

Ecrivant une nécrologie de la ville durable en manière de provocation, Mark Whitehead soutient que l’engagement rhétorique de beaucoup de villes en faveur du développement durable contraste fortement avec des pratiques visant à la croissance économique, qui l’emportent toujours sur les considérations environnementales et sociales (Whitehead, 2011). Il cite Erik Swyngedouw, qui va jusqu’à laisser entendre que l’urbanisme durable aggrave les méfaits d’un développement urbain néolibéral sans entrave, et bride les approches radicales (Swyngedouw, 2010). Pour analyser cela à partir de concepts situationnistes, l’urbanisme durable a été l’objet d’une récupération : la marchandisation de la ville durable (Debord, 1983). Examinant les avantages et les inconvénients d’un dépassement du paradigme de l’urbanisme durable, Whitehead suggère que la menace émane de trois doctrines : l’hyper-libéralisme, le néo-localisme et le pragmatisme municipal. Il étudie Mesa en Arizona en termes d’hyper-libéralisme, estimant que « la voie de sortie de la récession urbaine est celle qui met en premier l’expansion économique par rapport aux éventuelles conséquences environnementales » (Whitehead, 2011). Totnes, dans le Devon sert comme exemple de néo-localisme, Whitehead concluant que l’urbanisme dans de telles initiatives de villes en transition ne répond pas intrinsèquement à l’ambition utopique de l’urbanisme durable : la résilience remplace le développement durable comme figure majeure d’un mouvement millénariste qui se prépare au pire, en l’occurrence le pic pétrolier et le changement climatique (voir aussi Mason et Whitehead, 2012b). Meridian Gap, dans les Midlands occidentales, est l’exemple que donne Whitehead du pragmatisme municipal, qui s’incarne dans les arbitrages entre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux du développement durable, reconnaissant implicitement l’impossibilité d’un utopique gagnant-gagnant-gagnant.

Writing an obituary for the sustainable city as a provocation, Mark Whitehead argues that the rhetorical commitment of many cities to sustainable development stands in stark contrast to practices geared to economic growth which always outweigh environmental and social considerations (Whitehead, 2011). He cites, Erik Swyngedouw who goes so far as to suggest that sustainable urbanism is exacerbating the ills of unfettered neo-liberal urban development and mitigates radical approaches (Swyngedouw, 2010). To draw on situationist concepts, sustainable urbanism has been subject to recuperation, the sustainable city commodified (Debord, 1983). Considering the pros and cons of moving beyond the paradigm of sustainable urbanism, then, Whitehead proposes that the threat emanates from three doctrines: hyper-liberalism, neo-localism and municipal pragmatism. He studies Mesa in Arizona in terms of hyper-liberalism, finding that ‘the way out of urban recession is one that places economic expansion ahead of potential environmental consequences’ (Whitehead, 2011, p.?). Totnes in Devon is used as an example of neo-localisation with Whitehead concluding that the urbanism of such Transition Town initiatives intrinsically falls short of the utopian ambition of sustainable urbanism: Resilience replaces sustainable development as the master trope of a millenarian movement preparing for the worst, i.e. peak oil and climate change (see also Mason and Whitehead, 2012b). The Meridian Gap in the West Midlands is Whitehead’s example of municipal pragmatism, which manifests in trade-offs between the economic, social and environmental goals of sustainable development, tacitly acknowledging the utopian impossibility of win-win-win.

 

 

L’urbanisme unitaire et la Nouvelle Babylone

Unitary urbanism and New Babylon

Cyboli se dirigea vers le Månefiskeren, un café-bar, pour prendre un café et observer l’exécution symbolique d’une des nombreuses patrouilles de police à pied imposées par les autorités danoises. On avait dit à Cyboli que chaque patrouille était saluée par une musique reggae assourdissante, des morceaux comme Legalize it, de Peter Tosh, et que le personnel avait diligemment inscrit à la craie sur le tableau d’affichage à l’extérieur : « Nous ne laisserons pas ces salauds nous imposer leur loi ! ». Si l’urbanisme constitue l’urbain comme spatialement distinct, alors l’urbanisme critique a en son cœur une préoccupation envers les effets néfastes liés à l’urbanisation sous les logiques de la modernité capitaliste. On pourrait donc s’attendre à ce que l’urbanisme écologique mette l’accent non seulement sur les habitants humains des villes, mais aussi sur une nature saisie plus largement, à l’intérieur des espaces urbains, et à leur service. A la possibilité d’espaces de transformation écologique, l’urbanisme moderne substitue de la pseudo-nature : des fragments-alibis verts, limités, gérés et manucurés. Constant Nieuwenhuys, l’artiste hollandais devenu architecte situationniste, a rejeté l’idée moderne de la « ville verte » comme élitiste, prônant la conquête de la nature plutôt qu’une fausse unité, limitée à des espaces attitrées, tels que les parcs[17].

Cyboli headed for the café-bar Månefiskeren to drink coffee and watch the symbolic logging of one of the frequent foot-patrols of posses of police imposed by Danish authorities. Each patrol was heralded with blaring pro-cannabis reggae music, tracks such as Peter Tosh’s Legalise It, and chalked up on the exterior scoreboard by diligent staff: ‘We won’t let the bastards grind us down,’ Cyboli was told. If urbanism signals the urban as spatially distinct, then critical urbanism has at its heart a concern with the distinctive ill-effects associated with urbanisation under the logics of capitalist modernity. Environmentalist urbanisms could, then, be expected to focus on the exploitation of not only human urban dwellers but a wider nature within – and for the provisioning of – urban areas. Modernist urbanism substitutes the possibility of transformative ecological space with pseudo nature: measured, managed and manicured tokens of green(ery). Constant Nieuwenhuys, the Dutch artist turned Situationist architect, rejected this modernist idea of the ‘green city’ as elitist, advocating the conquest of nature rather than a faux unity restricted to designated places such as parks[15].

Pour Constant, « la ville a produit les masses, seules les masses peuvent donner forme à la ville », « une poésie faite par tous »[18] (Sadler, 1999, p. 134). Cependant, la vie des masses était dominée par le capitalisme, si bien qu’elles étaient empêchées de donner forme à la ville au-delà de sa simple reproduction. En conséquence, si l’urbanisme unitaire des situationnistes devait dépasser l’abstraction pour se concrétiser, il devrait intégrer un paradoxe, ce qu’apparemment Constant a tenté avec son projet de la Nouvelle Babylone. La première réalisation de l’urbanisme unitaire devait donner forme à une ville qui serait, d’une part, un lieu de création à vivre par les masses et, dans le même temps, servirait à faire de ces masses des êtres créatifs neufs ; l’architecture de la Nouvelle Babylone devait inciter à la transgression par la mise en forme consciente de situations. Constant a conçu sa ville en priorité comme un espace social, avec des murs mobiles, que les habitants peuvent déplacer comme ils le souhaitent. Sadler affirme que les Situationnistes étaient convenus que « la création de la ville situationniste passerait de son avant-garde de pères fondateurs à ses citoyens » (Sadler, 1999, p. 120). « Constant n’a jamais manqué de rappeler qu’en fin de compte, la Nouvelle Babylone ne pouvait être qu’un projet social collectif, et que son travail devait être considéré comme rien de plus que le cadre prévu pour la construction de situations » (Sadler, 1999, p. 222). Cherchant à écarter toute accusation d’avant-gardisme, il présente la Nouvelle Babylone comme :

Constant states that ‘The city has produced the masses, only the masses can give shape to the city’ (p. 115): ‘a poetry made by all[16]’ (Sadler, 1999, p.134). Yet, the lives of the masses were dominated by capitalism so that they were inhibited from giving shape to the city, beyond prosaically reproducing it. If the situationists’ unitary urbanism was to move beyond the abstract into practice, therefore, it had to embrace a paradox, which is seemingly what Constant attempted with his New Babylon project. The initial practice of unitary urbanism had to give shape to a city that would, on one hand, be a creative place to live for the masses, and at the same time serve to produce those same masses as newly creative beings; the architecture of New Babylon had to inspire transgression via the conscious shaping of situations. Constant conceived his city as predominantly social space with moveable walls to be rearranged by the inhabitants as they wished. Sadler claims the Situationists were agreed that: ‘the creation of the situationist city would pass from its avant-garde city fathers to its citizens’ (Sadler, 1999, p.120): ‘Constant never failed to reiterate that ultimately New Babylon could only be a collective social project, and that his work should be understood as nothing more than the projected framework for the construction of situations’ (Sadler, 1999, p.222). Seeking to deflect any charge of vanguardism, Constant presents New Babylon as:

« Un projet imaginaire ; il anticipe l’histoire ; c’est un projet futuriste ; il est fondé sur un déroulement désirable de l’histoire, et il est donc aussi en un sens un projet utopique. Néanmoins, je préfère le qualifier de projet réaliste parce qu’il prend ses distances avec la condition actuelle, qui a perdu le contact avec la réalité, et parce qu’il est fondé sur ce qui est techniquement possible, sur ce qui est souhaitable du point de vue humain, sur ce qui est inévitable du point de vue social » (McDouough, 2009, p.116).

‘(A)n imaginary project; it anticipates history, it is a futuristic project; it is based on a desirable course of history and it is therefore also in a sense a utopian project. Nonetheless, I prefer to call it a realistic project because it distances itself from the present condition that has lost touch with reality, and because it is founded on what is technically feasible, on what is desirable from a human viewpoint, on what is inevitable from a social viewpoint’  (McDouough, 2009, p. 116).

Simon Sadler met en lumière la dette de l’urbanisme unitaire envers l’ « architecture unitaire » du « sociologue utopiste » Charles Fourier. « Tout comme l’architecture unitaire de Fourier, l’urbanisme unitaire situationniste était une vision de l’unification de l’espace et de l’architecture avec le corps social, tout autant qu’avec le corps individuel » (Sadler, 1999, p. 118). L’urbanisme unitaire marque le rejet de la vision moderne - incarnée pour les situationnistes par Le Corbusier - de la vie comme « participation bien huilée au processus de production » (McDouough, 2009, p.114). Selon Constant, au cœur de l’urbanisme unitaire se trouve « la fonction englobant toute la vie : la créativité, le besoin de se manifester, de faire de la vie un évènement unique, de réaliser la vie en tant que telle. L’urbanisme n’est pas une conception industrielle, la ville n’est pas un objet fonctionnel, sain esthétiquement ou autrement ; la ville est un paysage artificiel construit par des êtres humains, dans lequel l’aventure de nos vies se déploie » (McDouough, 2009, p.114).

Simon Sadler highlights unitary urbanism’s debt to the ‘unitary architecture’ of ‘utopian sociologist’ Charles Fourier: ‘Like Fourier’s unitary architecture, situationist unitary urbanism was a vision of the unification of space and architecture with the social body, and with the individual body as well’ (Sadler, 1999, p.118). Unitary urbanism is a rejection of the modernist view, exemplified for the situationists by Le Corbusier, of life as ‘well-oiled participation in the production process’ (McDouough, 2009, p. 114). For Constant, at the heart of unitary urbanism lay ‘the all-embracing function of life: creativity, the urge to manifest oneself, to turn life into a unique event, to realise life as such. Urbanism is not industrial design, the city is not a functional object, aesthetically “sound” or otherwise; the city is an artificial landscape built by human beings in which the adventure of our life unfolds’ (McDouough, 2009, p.114).

La vision situationniste de la nature, du moins telle qu’elle est représentée par Constant dans la Nouvelle Babylone, peut être difficile à comprendre dans une perspective écologiste contemporaine. Un peu de géographie historique nous éclaire : écrivant en 1960, Constant a conçu l’urbanisme unitaire dans une société qui se percevait pour sa grande majorité comme en possession de ressources naturelles infinies. Le futur, en conséquence, serait une époque de déplacements sans limites, surtout en voiture et en avion. De ce fait, Constant présente une vision extrêmement moderniste de la nature « utilisée comme un simple matériau brut, contrôlée par les humains, conformément à leurs besoins » (McDouough, 2009, p.117). La nature est transformée en culture et remplacée par la technologie. Constant croyait que la croissance démographique et l’urbanisation signifieraient que « la ville pourrait finalement s’étendre pour recouvrir toute la surface de la Terre », mais aussi que cette surface devrait être bien plus intensément utilisée (McDouough, 2009, p.117) : « pour le transport motorisé et pour l’agriculture, la nature sauvage et les monuments » (Sadler, 1999, p. 129). La Nouvelle Babylone serait fondée sur « une stricte séparation de la circulation et des bâtiments industriels d’une part, et de l’espace résidentiel et social de l’autre » (McDouough, 2009, p.120). La ville serait surélevée, sur pilotis[19], les usines seraient construites sous terre[20], la circulation s’écoulerait librement en surface. Cette uber-ville serait pour l’essentiel éclairée et ventilée. Constant a adopté les technologies structurelles les plus récentes, et son architecture était, dans la tradition utopique, fantastique, flottante, suspendue, inspiratrice plutôt que normative ; elle nécessitait des matériaux de haute technologie, avec des propriétés mécaniques supérieures. Constant, de manière fascinante, construit ses maquettes, ses modèles préliminaires, à partir de déchets industriels, par exemple en recyclant les pare-brise d’une voiture-bulle[21] pour sa salle de concert de musique électronique.

The situationist view of nature, at least as represented by Constant in New Babylon, may be difficult to comprehend from a contemporary environmentalist perspective. A little historical geography is enlightening: Writing in 1960, Constant conceived unitary urbanism in a society that largely perceived itself as possessed of infinite natural resources. The future would, consequently, be one of unlimited travel, particularly by car and aeroplane. Thus, Constant presents an extreme modernist view of nature as ‘played out; simply raw material, controlled by human beings and used in accordance with their needs’ (McDouough, 2009, p.117). Nature is transformed into culture and replaced by technology. Population growth and urbanisation, Constant believed, would mean that ‘the city might eventually expand to cover the entire surface of the earth’, but also that this surface will have to be far more intensively used (McDouough, 2009, p.117): ‘for motorized transport and agriculture, wild nature and historical monuments’ (Sadler, 1999, p.129). New Babylon would be based ‘on a strict separation of traffic and industrial space on one hand and residential and social space on the other’ (McDouough, 2009, p. 120). The city would be raised, supported on pilotis[17]; factories would be built underground[18]; traffic would flow freely on the surface of the earth. In the main, this uber-city would be artificially lit and ventilated. Constant embraced the latest structural technology and his architecture was, in the utopian tradition, fantastic, floating, suspended, inspirational rather than prescriptive; it required high-tech, lightweight materials with superior engineering properties. Fascinatingly, Constant constructed his maquettes, his preliminary models, from industrial waste, for instance recycling the windshields of a bubble car[19] for his Concert Hall for Electronic Music.

Constant indique que l’urbanisme moderne a eu une grande influence sur la culture mais en un sens négatif, étant principalement préoccupé par les technologies superficielles de la gestion du trafic et du logement, fétichisant tout particulièrement les géographies de la voiture individuelle, avec pour principe central l’efficacité de la production. Considérant que c’est un échec, Constant pose que l’urbanisme moderne est une menace pour l’existence même de la culture, une menace en particulier pour les espaces sociaux dans lesquels pourraient émerger une nouvelle culture. Il suggère que l’urbanisme unitaire à des dimensions liées, mais distinctes : (i) une transformation de nos habitudes, de notre mode de vie ou de notre style de vie, et (ii) un changement profond dans la façon dont notre environnement matériel est produit. L’urbanisme unitaire repose sur l’affirmation de vies créatives ; Constant le définit plus précisément comme

Constant identifies modernist urbanism as highly influential on culture but in a negative sense, concerning itself mainly with superficial technologies of managing traffic and housing, fetishising particularly geographies of the private car, with the central tenet of efficient production. Judging it a failure, Constant posits modernist urbanism as a threat to the very existence of culture, a threat specifically to social spaces in which a new culture could arise’. He proposes that there are connected but distinct aspects to unitary urbanism: (i) a transformation of our habits, our way of life or lifestyle, and (ii) a profound change in how our material environment is produced. Unitary urbanism is founded on fostering creative lives and Constant further defines it as:

"une intervention délibérée dans la pratique de la vie quotidienne et dans l’environnement quotidien ; une intervention visant à mettre nos vies en harmonie durable avec nos vrais besoins et avec les possibilités nouvelles qui surgiront et qui, à leur tour, transformeront ces besoins… C’est l’objectivisation de l’élan créateur, la collectivisation de l’œuvre d’art, la matérialisation d’un mode de vie en mouvement » (McDouough, 2009, p.115).

‘a deliberate intervention in the praxis of daily life and in the daily environment; an intervention aimed at bringing our lives into lasting harmony with our real needs and with new possibilities that will arise and that will in turn transform these needs…. it is the objectification of the creative urge, the collectivisation of the artwork, the materialisation of a dynamic lifestyle’ (McDouough, 2009, p.115).

 

 

La matérialité des utopies et des écotopies littéraires et concrètes

The materiality of literary and literal utopias and ecotopias

Des faits concrets venus de la fiction

Hard facts from fiction

Se frayant un chemin pour revenir à Den Blå Karamel, la maison de bois où il logeait avec des amis, Cyboli pris le chemin sans lumière, par les bois, au bord de l'eau, à travers la zone créée comme défense contre l'invasion suédoise à la fin du XVIIe siècle. Par un heureux hasard, les XVIe et XVIIe siècles ont aussi produit de nombreux textes utopiques, dont l'influence a résisté à l'épreuve du temps, la remise en question de leur « véritable » signification n’en étant pas une des moindres raisons. Ici, ce qui nous intéresse, c'est ce qui survit à l'épreuve de l'espace, en particulier la matérialité du lieu. L'Utopie de Thomas More (More, 2008/1516) était précurseur de La Cité du Soleil de Tommaso Campanella (Campanella, 1981/1623), de la Nouvelle Atlantide de Francis Bacon (Bacon, 2008/1627) et de L’Ile des pins d’Henry Neville (Neville, 2008/1668). La matérialité de l'Utopie de More préfigure de manière troublante une aspiration moderniste pour le cadre bâti, ou bien alors reflète une étrange stagnation de la technologie des matériaux de construction grand public. Dénigrant les ‘cottages indépendants’ faits de bois grossier, de murs de torchis et de toits de chaume comme pauvres, de faible qualité et appartenant au passé, More décrit la matérialité d'Amaurote, la capitale de l'Utopie, ainsi:

Making his way back to Den Blå Karamel, the wooden house where he was staying with friends, Cyboli took the unlit woodland path along the water’s edge, through the area created as a defence against Swedish invasion in the late seventeen century. Serendipitously, the sixteenth and seventeenth centuries also produced a number of utopian texts whose influence survives the test of time, not least due to continued contestation of their ‘true’ meanings. Herein, we are interested in what survives the test of space, specifically the materiality of place. Thomas More’s Utopia (More, 2008/1516) was a precursor to Tommaso Campanella’s The City of the Sun (Campanella, 1981/1623), Francis Bacon’s New Atlantis (Bacon, 2008/1627) and Henry Neville’s The Isle of Pines (Neville, 2008/1668). The materiality of More’s Utopia prefigures an almost uncanny modernist aspiration of the built environment, or else reflects an uncanny stasis in mainstream building materials technology. Disparaging ‘homely cottages’ made with rude timber, mud walls and straw thatch as ‘poor’, ‘low’ and belonging to the past, More describes the materiality of Amaurote, Utopia’s capital city, thus:

« Les rues et les places sont convenablement disposées, soit pour le transport, soit pour abriter contre le vent. Les édifices sont bâtis confortablement ; ils brillent d'élégance et de propreté, et forment deux rangs continus, suivant toute la longueur des rues, dont la largeur est de vingt pieds. Derrière et entre les maisons se trouvent de vastes jardins. (…) Les maisons aujourd'hui sont d'élégants édifices à trois étages, avec des murs extérieurs en pierre ou en brique, et des murs intérieurs en plâtras. Les toits sont plats, recouverts d'une matière broyée et incombustible, qui ne coûte rien et préserve mieux que le plomb des injures du temps. Des fenêtres vitrées (on fait dans l'île un grand usage du verre) abritent contre le vent. Quelquefois on remplace le verre par un tissu d'une ténuité extrême, enduit d'ambre ou d'huile transparente, ce qui offre aussi l'avantage de laisser passer la lumière et d'arrêter le vent. »[22]

‘The streets be appointed and set forth very commodious and handsome, both for carriage and also against the winds. The houses be of fair and gorgeous building, and on the street side they stand joined together in a long row through the whole street without any partition or separation. The streets be twenty foot broad. On the back side of the houses, through the whole length of the street, lie large gardens…. the houses be curiously builded after a gorgeous and gallant sort, with three storeys one over another. The outsides of the walls be made either of hard flint or of plaster, or else of brick, and the inner sides be well strengthened with timber work. The roofs be plain and flat, covered with a certain kind of plaster that is of no cost, and yet tempered that no fire can hurt or perish it, and withstand the violence of the weather better than any lead. They keep the wind out of their windows with glass, for it is here much used, and somewhere also with fine linen cloth dipped in oil or amber, and that for two commodities, for by this means more light cometh in, and the wind is better kept out’ (More, 2008/1516, p. 54-55).

De même, les résidents de la Nouvelle Atlantide de Bacon vivent dans des maisons en brique avec des vitres aux fenêtres. Ces deux auteurs assimilent l'entrée de la lumière dans les logements au progrès. Alors que More imagine un plâtre qui a à peu près les qualités du ciment Portland ordinaire (OPC)[23], bien que fondamentalement différent en ce qu'il ne coûte rien, les ‘Chambres de santé’ de Bacon pourraient être vues comme préfigurant les préoccupations actuelles en matière de qualité de l'air intérieur (QAI), notamment la conception de projets de l’architecture durable contemporaine à l'épreuve des courants d’air, comme les maisons passives. A l'inverse, le patriarche protagoniste de L'Île des Pins assemble rapidement une cabane de poteaux de bois brut, plaquée de planches récupérées de son naufrage et couverte de toile à voile, avant de passer aux choses sérieuses : la création de ce que Susan Bruce qualifie de ‘pornotopie’- un lieu « où les bancs moussus des rivières et les arbres fournissent tous les abris nécessaires » (Bruce, 2008, p XXXIX).

Similarly, residents of Bacon’s New Atlantis live in brick-built houses with glass windows. Both authors equate the ingress of light into dwellings with progress. While More imagines a plaster that performs something like Ordinary Portland Cement (OPC)[20], though fundamentally different in being ‘no-cost’, Bacon’s ‘Chambers of Health’ could be read as prefiguring concerns with indoor air quality (IAQ), particularly as contemporary sustainable architecture looks to increasingly draught-proof designs such as Passivhaus. By contrast, the patriarch protagonist of The Isle of Pines quickly knocks together a cabin of unhewn timber poles clad with boards recovered from his shipwreck and roofed with stretched sail-cloth, before getting down to the serious business of creating what Susan Bruce dubs ‘pornotopia’  – a place ‘where mossy banks and trees provide all the shelter that one needs’ (Bruce, 2008, p. xxxix).

 

En passant par Bananhuset[24] (Figure 2), Cyboli sourit de son architecture ludique et de son cow-boy découpé qui monte la garde. Tommaso Campanella, un dominicain, impliqué dans une conspiration contre la domination de Naples par les Espagnols, purgeait une peine de prison de 27 ans quand il écrivit La Cité du Soleil (Civitas Solis). Malcolm Miles parle de la relation entre architecture de la Civitas Solis et accès au savoir de sa population :

Passing by Bananhuset[21] (Figure 2), Cyboli smiled at its playful architecture, its cut-out cowboy standing guard. Tommaso Campanella, a Dominican, was serving a 27 year prison sentence, implicated in a conspiracy against the rule of Naples by the Spanish, when he wrote The City of the Sun (Civitas Solis). Malcolm Miles writes of the relationship between the architecture of Civitas Solis and the knowledge of its society:

« La ville que Campanella décrit est radiale, divisée en sept anneaux… Chaque cercle de murs porte tant sur sa face intérieure que sur sa face extérieure un sous-ensemble complet de connaissances : le premier, des figures mathématiques et la Terre, le deuxième, les minéraux et les zones géographiques, le troisième, la flore et les poissons, le quatrième, les oiseaux et les bêtes qui rampent, le cinquième, les animaux, des deux côtés du mur, le sixième, les arts mécaniques et leurs instruments... La Cité du soleil se distingue, dès lors, d'une transposition d'un ordre monastique dans un espace géométrique, en ce que la connaissance est rendue publique, et non enfermée dans une communauté scientifique sauvegardant ses textes latins et protégeant leur interprétation; chaque génération de la population de la ville est amenée dans le circuit de ces peintures murales pour son éducation » (Miles, 2005, p. 17).

‘The city Campanella describes is radial, divided into seven rings…. Each circuit of walls carries on both its inner and outer faces a sub-set of an already-complete knowledge: first, mathematical figures and the Earth; second, minerals and geographies; third, flora and fish; fourth, birds and crawling beasts; fifth, animals on both sides; sixth, mechanical arts and their instruments…. The solar city again differs, then, from a transposition onto a geometric space of a monastic order, in that knowledge is made public, not enclosed in a scholarly community which guards its Latin texts and hence safeguards its interpretation; each generation of the city’s population is taken around the circuit of the murals in their education’ (Miles, 2005, p. 17).

Le savoir d’une société qui serait constitutif de l’espace public et toujours ouvert à l’interprétation publique : ça a certainement l’attrait d’une transgression épistémologique ! Cyboli s’interrogea sur les murs eux-mêmes, en tant que porteurs du savoir : dans quelle mesure leur matérialité était-elle signifiante, pouvaient-ils transmettre autant sur les savoirs d’une société que les textes écrits sur eux ? Quelles interprétations tirer de tels murs faits, disons, de béton armé, par rapport à des murs de balles de paille, finis avec de l’enduit à la chaux et au chanvre ? De telles questions avaient une signification particulière pour l’Ecotopie : si un mur de la Civitas Solis était consacré à la connaissance de la durabilité environnementale, ce à partir de quoi il avait été fabriqué (et d’ailleurs comment il avait été fabriqué, dans quelle mesure le travail avait été équitable) aurait une profonde importance.

A society’s knowledge being constitutive of public space and always open to public interpretation surely has transgressive epistemological appeal. Cyboli wondered about the walls themselves as carriers of knowledge: How significant was their materiality, could it convey as much about the knowledge of a society as the texts written upon them? What could be interpreted from such walls made of, say, steel reinforced concrete compared to walls of straw-bales rendered with hemp-lime plaster? Such questions have particular significance for Ecotopia: If a wall of Civitas Solis was dedicated to knowledge of environmental sustainability, what it was made from (and indeed how it was made, how equitably labour was employed) would matter profoundly.

Publié pour la première fois en 1975, la description la plus notable d'une Écotopie de la modernité tardive est le roman éponyme d'Ernest Callenbach (Callenbach, 1975). Écotopie est une Californie transformée écologiquement, qui a pris son indépendance, fragile, du reste des États-Unis, désastreux pour l'environnement (Callenbach, 2004). Dans Écotopie, bien que Callenbach soit séduit par l’idée d’un logement de masse construit avec des tubes extrudés en matière plastique dérivée du coton, le matériau de construction dominant est le bois, avec lequel les Ecotopiens entretiennent une relation spirituelle, qui équivaut presque au culte de l'arbre :

First published in 1975, the most notable late-modern account of an Ecotopia is Ernest Callenbach’s eponymous novel (Callenbach, 1975). Ecotopia is an ecologically transformed California which has gained an uneasy independence from an environmentally disastrous United States (Callenbach, 2004). In Ecotopia, though Callenbach flirts with the notion of mass housing constructed with extruded tubing made of a plastic derived from cotton, the dominant building material is wood, with which Ecotopians have a spiritual relationship, almost tantamount to tree worship:

« L'autre jour, je me suis arrêté pour regarder des charpentiers travaillant sur un bâtiment. Ils ont marqué et scié le bois avec soin (en utilisant leur force musculaire, plutôt que nos scies). J'ai remarqué que leurs clous étaient magnifiquement placés ; le rythme du marteau semblait tranquille, presque paisible. Quand ils mettaient des morceaux de bois en place, ils les maintenaient avec soin et les assemblaient (en plus de clous, beaucoup de leurs assemblages sont faits en tenons et mortaises). Ils semblaient presque coopérer avec le bois, plutôt que de le contraindre dans la forme d'un bâtiment » (Callenbach, 1975, p. 47).

‘The other day I stopped to watch some carpenters working on a building. They marked and sawed the wood lovingly (using their own muscle power, not our saws). Their nail patterns, I noticed, were beautifully placed, and their rhythm of hammering seemed patient, almost placid. When they raised wood pieces into place, they held them carefully, fitted them (they make many joints by notching as well as nailing). They seemed almost to be collaborating with the wood rather than forcing it into the shape of a building’ (Callenbach, 1975, p. 47).

Callenbach « rapporte » plus tard que cette relation empathique avec le bois est favorisée par le fait que les gens sont obligés de travailler dans la foresterie avant de pouvoir acheter le bois pour construire leur maison, replantant pour remplacer le bois qu'ils vont utiliser, ce qui facilite la gestion durable des forêts. C'est la règle dans Écotopie « que tous les bâtiments doivent être faits de matériaux renouvelables et biodégradables» (Callenbach, 1975, p. 97). Les Ecotopiens de Callenbach ont également hérité de l'environnement bâti et des éléments matériels du capitalisme, mais ils effectuent des choix quant à leur usage, choix qui étonnent William Weston, le journaliste-narrateur de Callenbach : « Les grands gratte-ciel du centre-ville, autrefois sièges de sociétés éloignées, ont été transformés en appartements ! […] Des milliers d'habitations à bon marché dans les quartiers les plus récents (baptisées avec mépris "boîtes d’allumettes" par mes interlocuteurs) ont été dépouillées de leur câblage, de leur verre et leurs éléments métalliques, et rasées au bulldozer (Callenbach, 1975, p. 13-14). Une caractéristique dominante d'Écotopie est d'être un environnement bâti qui a laissé l'automobile derrière lui. Dans Soul City, un quartier noir volontairement ségrégé d’Écotopie, des « architectes élevés dans les ghettos ont été les principaux promoteurs d’une reconstruction des villes écotopiennes centrée sur les gens plutôt que sur la voiture » (Callenbach 1975, p.99).

Callenbach later ‘reports’ that this empathetic relationship with wood is fostered by people being obliged to work in forestry before they can buy the lumber to build a house, helping manage the forest lands sustainably, replanting to replace the wood they will use. It is policy in Ecotopia ‘that all buildings must be of renewable and biodegradable materials’ (Callenbach, 1975, p. 97). Callenbach’s Ecotopians have also inherited the built environment and materials of capitalism, but they make choices as to their utility, choices that astound Callenbach’s journalist narrator, William Weston: ‘the great downtown skyscrapers, once the headquarters of far-flung corporations, have been turned into apartments!…. Thousands of cheaply built houses in newer districts (scornfully labeled “ticky-tacky boxes” by my informants) have been sacked of their wiring, glass and hardware, and bulldozed away’ (Callenbach, 1975, p. 13-14). One dominant feature of Ecotopia is of a built environment moving beyond the automobile. In ‘Soul City’, Ecotopia’s voluntarily segregated black area, ‘architects bred in the ghettoes, have been leading proponents of rebuilding Ecotopian cities on people-centered rather than car-centered principles’ (Callenbach, 1975, p.99).

 

 

Christiania: ville libre (Fristad), port franc (Frihavn)

Christiania: Freetown (Fristad), Free Haven (Frihavn)

« Derrière les nuages de fumée, les regards soupçonneux et les caresses passagères, Christiania, le port franc, est encore en train de prendre forme... avec ses organisations alternatives, sans leadership, un sens unique de la communauté, et une acceptation de l'humanité sous toutes ses formes (Lauritsen, 2002, p. 8).

‘Behind clouds of smoke, suspicious gazes, and fleeting caresses, The Free Haven, Christiania is still taking form… alternative organisations without leadership, the unique sense of community, and the acceptance of humanity in all its forms (Lauritsen, 2002, p.8)

Il est ironique que le qualificatif de Port Franc de Christiania dérive de la traduction littérale de son appartenance géographique au port franc (Frihavn) de Copenhague - une appellation qui à l'origine était commerciale, marquant l'absence de droits de douane. Dans la même veine ironique, étant donnée la fière revendication de Christiania d’une ‘architecture sans architecte’, l'Ecole royale danoise d'architecture est une proche voisine. Abritant environ un millier de personnes, principalement des émigrés et des réfugiés de l'Etat danois, Christiania accueille les visiteurs avec le panneau: « Vous quittez maintenant l’UE ». Incluant la zone des fortifications - des remparts - bâtis pour repousser l'invasion suédoise, Christiania englobe plus de 85 hectares de ce qui seraient autrement sûrement des biens immobiliers de premier choix à Copenhague (Figure 3). Le cœur - ou les couilles[25] - du site (Figure 1) était auparavant une caserne et un arsenal. Divers groupes ont envahi et ont commencé à squatter le complexe abandonné au début des années 1970, notamment des sans-abri, et des ‘verts’ ou des hippies à la recherche d'un endroit pour mettre en pratique leur Ecotopie rêvée. Avec ses combats politiques nombreux et continus, Christiania est parvenue à un compromis avec l'État danois sur certains services, notamment la fourniture d'électricité[26], et le Port Franc se proclame  communauté autonome. Elle est autonome avec des discussions et des débats dans les espaces publics et privés de tous les jours, organisés en un réseau de réunions : des réunions domestiques pour les habitants des maisons partagées ; des réunions locales pour chacune des quinze zones géographiques de Christiania, pour traiter des questions locales; des réunions spécialisées pour les finances, l'économie, les affaires et la construction, et la Réunion commune, le forum ultime, constitué sur des principes participatifs, qui arbitre les questions litigieuses, organise les "négociations" avec le gouvernement danois, et sert comme forme de pouvoir judiciaire. Les maisons ne peuvent être détenues, héritées ou autrement transmises, et le bail est, dans un premier temps, accordé par les Assemblées locales. Christiania gère son économie, perçoit les loyers et administre une ‘caisse commune’ (le Trésor). Sans voiture, elle produit ses propres vélos, fameux par leur design, fabrique des poêles à bois, utilise une technologie naturelle de traitement des eaux usées, composte et recycle, Christiania se qualifie elle-même de « poumon vert de Copenhague ».

It is nicely ironic that Christiania’s ‘Free Haven’ title is derived from a literal translation of its geography in the frihavn (free harbour) area of Copenhagen – a designation that was originally commercial, denoting no customs duties. In the same ironic vein, given Christiania’s proud claim to ‘architecture without architects’, a near neighbour is the Royal Danish School of Architecture. Harbouring around one-thousand people, mainly émigrés and refugees from the Danish state, Christiania welcomes visitors with the sign: ‘You are now leaving the EU’. Including the area of fortifications – ramparts – built to repel Swedish invasion, Christiania enfolds more than 85 acres of what would otherwise surely be prime Copenhagen real estate (Figure 3). The heart – or balls[22] – of the site (Figure 1) was formerly a military barracks and arsenal. Diverse groups invaded and began to squat the abandoned complex in the early 1970s, notably a movement of both homeless people and ‘greens’ or hippies looking for a place to put their imagined ecotopia into practice. Among its many and continuing political struggles, Christiania has come to an accommodation with the Danish state over some services, notably the provision of electricity[23], and the Free Haven lays claim to being an autonomous community. It is self-governing with the discussions and debates of everyday private and public spaces mediated in a network of meetings: House Meetings for inhabitants of shared dwellings; Area Meetings for the fifteen designated geographic areas of Christiania to deal with local matters; Specialist Treasurer’s, Economy, Business, and Building meetings; and The Common Meeting, the ultimate forum, constituted on participatory principles, which arbitrates on contested issues, informs ‘negotiations’ with the Danish government, and serves as form of judiciary. Houses cannot be owned, inherited or otherwise passed on and tenure is decided by Area Meetings in the first instance. Christiana runs its own economy, collects rents[24] and administers a ‘common purse’ (treasury). Car-free, producing its own famous designs of bicycle, fabricating wood-burning stoves, using natural sewage treatment technology, composting and recycling, Christiana brands itself as ‘the green lungs of Copenhagen’.

La perception de Christiania par Cyboli est celle d’un lieu qui le fait frissonner - de plaisir, d'attente, de douceur, avec une touche de peur… Être ici lui donne l'impression d’être vraiment vivant. Les chemins de Christiania serpentent et s'entrecroisent, les orientations sont incertaines, il n'y a pas de panneaux. La nuit, loin du cœur nomade et palpitant du lieu, flamboyant et éclatant, toujours en fête, c'est le silence et l'obscurité - pas d'éclairage de rue, mais les étoiles; on se perd fréquemment, on va à la découverte. De l'odeur de haschich des bars, en passant par une brise fraîche qui vient de l'eau, à la fragrance de feu de bois des maisons… Les bâtiments vont de l'ancienne caserne aux briques sombres, toutefois égayée et revigorée par les graffiti encourageant à la résistance, en passant par les différentes constructions en bois érigées par les Christianites au fil des décennies - des cabanes et des formes semblables à des navires, et des logements construits à partir de matériaux de récupération, magnifiques et paraissant parfois structurellement irréalisables, des logements construits sur l'eau ou cachés dans les bois, jusqu'à la Bananhuset, ludique mais technologiquement sophistiquée. Malgré plusieurs décennies de développement, des aspects de la vie quotidienne dans Christiania restent rudimentaires pour beaucoup. La pauvreté économique dans le paradis des « perdants » est la norme et la « plongée dans les poubelles » est autant une nécessité pour se nourrir qu'elle répond à l’idéologie du gratuivorisme. Selon les normes modernes, la plupart des maisons sont froides et pleines de courants d'air, souvent chauffées uniquement avec un seul poêle à bois. Certaines habitations dans la forêt partagent une toilette extérieure, un voyage incommode par tous les temps. Mais, pour Cyboli, ces sensations moins agréables soulignaient également sa propre vitalité - elles faisaient partie de la vie - et de plus, le forceraient à l'action : au moins, couper du bois de chauffage ou s'assurer que les toilettes sèches étaient propres et bien fournies en sciure. Pour les résidents de longue date, le choix était le leur de savoir où faire porter leurs énergies : à l’isolation ou bien dans des installations sanitaires à l'intérieur (ou, à la place, à faire de la musique et savourer un peu de primitivisme). Et les compensations étaient un vrai plaisir : par exemple une visite à la maison de bains publics, pleine de vapeur, durant un mois de novembre glacé, faisait plus que compenser l'absence d'une douche intérieure. Et ensuite, une bière et les commérages à l'extérieur d'Inkøbcentralen, la boutique de la communauté… Il y avait aussi les actions politiques fréquentes de divers groupes, qui ouvraient Christiania à un Danemark plus large et un plus vaste monde, en critiquant et s'engageant. Il y avait une tradition inaugurée par les célèbres incursions du groupe de théâtre militant Solvognen, qui se déguisait par exemple en Pères Noël et distribuait les marchandises des grands magasins à Noël, ou venait à cheval, en Amérindiens, dans les fêtes des entreprises qui célébraient le Jour de l'Indépendance américaine.

Cyboli perceives Christiana as a place that makes him tingle – with pleasure, expectation, mellowness, and a touch of fear… Being here makes him feel very alive. Christiania’s paths wind and criss-cross, directions are unsure, there are no signs. At night, away from the blazing, flashing, always-partying, nomadic throbbing heart of the place, there is silence, darkness – no street lighting, stars; frequent getting lost, discovering. From the hash-smoke smell of the bars, through the fresh breeze blowing off the water, to the wood-smoke aroma of the houses… Buildings ranged from the grim brickwork of the old barracks, often though cheered and empowered by the vibrant graffiti of resistance, through the various wooden constructions erected by Christianites over the decades, shacks and ship-like forms, and housing built from scrap materials, beautiful and sometimes seeming structurally impossible, dwellings built in the water or hidden in the woods, to the playful but technologically sophisticated Bananhuset. Despite decades of development, aspects of everyday life in Christiania remain rough and ready for many. Economic poverty in ‘the losers’ paradise’ is the norm and ‘dumpster-diving’ for food is as much a necessity as it is ideological freeganism. Most houses are cold and draughty by modern standards, often heated only with a single woodstove. Some places in the forest share an outdoor toilet, an inconvenient trek in all weathers. But, for Cyboli, the less pleasant sensations also underscored his own vitality – they were part of life – and would also compel him to action, at least chopping firewood or making sure the compost toilet was clean and stocked with sawdust. For longer term residents the choice was theirs of whether to put their energies into draft-proofing or indoor sanitation (or to make music and revel in a little primitivism instead). And the compensations were delightful, for instance a visit to the steam-filled public bathhouse in a chill November more than made up for the lack of a domestic shower: A beer and gossip outside Inkøbcentralen, the community shop, afterwards… There were frequent political actions by various groups too, taking Christiania out into a wider Denmark, into a wider world: critiquing, engaging. There was a tradition begun by the famous forays of activist theatre group Solvognen, for instance being Santas at Christmas and giving away department store goods, or riding into corporate celebrations of American Independence Day as native Americans on horseback.

 

 

Discussion (avec une piqûre de la mouche du coche)

Discussion (once bitten twice shy of The Gadfly)

Commençons avec ton hymne à Christiania, dit la mouche du coche, bourdonnant de façon irritante autour de la tête Cyboli, qui était assis et essayait d'écrire au Den Blå Karamel. Tu présentes l'espace de la soi-disant Ville Libre comme dynamique, passant apparemment des représentations de l'espace de Lefebvre, à l'espace de représentation, du moins rétablissant l'équilibre entre des espaces dialectiquement liés, équilibre que, je suppose, tu considères sinon comme faussé dans le plus gros du monde au-delà des ‘frontières’ de Christiania ?

Let us begin with your paean to Christiania, The Gadfly said, buzzing irritatingly around Cyboli’s head as he sat in Den Blå Karamel trying to write. You present the space of the so-called Freetown as dynamic, seemingly shifting from Lefebvre’s representations of space towards representational space, at least redressing a balance between the dialectically connected spaces that, I assume, you view as skewed otherwise in the majority of the world beyond Christiania’s – ‘borders’?

Cyboli répondit : je trouve vraiment que Christiania déborde de passion politique, enflammée plutôt qu'arrêtée par les prévenances agressives de l'Etat. Une tactique majeure de la campagne de l'Etat contre la Ville Libre est en premier lieu de forcer les gens à s'inscrire en tant que résidents propriétaires et à « encourager » la propriété privée, en tentant de stimuler l'instinct de propriété de certains résidents, qui ont fait un effort considérable pour améliorer leurs maisons. Il semble que l'Etat comprenne la théorie de Lefebvre dans son intégralité, la redoute, et s'emploie activement à mettre en échec la menace d'un bon exemple[27]. Christiania est pleine de chimères magnifiques et la communauté a toujours su créer des situations, selon les termes de Lefebvre: « des moments de ‘présence’ au sein du mensonge du quotidien, dont l'authenticité est désaliénante, au milieu des diversions et des relations marchandisées de la modernité, et dont le passage peut révéler un éventail de possibilités » (Pinder, 2005b, p. 166). Une telle connaissance de la communauté est médiatisée par des pratiques spatiales, y compris la matérialité du lieu, qui bouleversent les représentations capitalistes de l'espace que l'Etat cherche continument à imposer, et ce bouleversement dévoile vraiment un éventail de possibilités : un potentiel politique. C'est le cas d'autres architectures citoyennes consciemment politiques : les tentes du Camp Action Climat près de l'aéroport d'Heathrow en 2007 et dans le quartier financier de Londres pendant le sommet du G20 en 2009, des tentes visiblement vulnérables, mais qui cachent aussi[28]; le symbolisme de près de dix ans de campement de Brian Haw à l'extérieur du palais de Westminster, une action contre les guerres du Royaume-Uni en Irak et en Afghanistan, une incursion territorialisée - une situation - si intolérable pour l'élite dirigeante qu'elle est allée jusqu'à changer la loi pour y mettre fin[29]. Cependant la disparition de la protestation de Haw a révélé encore plus de potentiel politique que son acte lui-même. Si l'espace me le permettait, je pourrais continuer avec des exemples tels que le mouvement Reclaim the Streets[30], qui partage à la fois avec l'urbanisme durable et l'urbanisme unitaire une attention pour la voiture en tant que technologie de base de la société du spectacle. Ou je pourrais examiner la création par le mouvement Occupy de situations, de moments de présence durable…

Cyboli replied: I do find Christiana brimming with political passion, enflamed rather than quenched by the aggressive attentions of the state. A principal tactic of the state’s campaign against the Freetown is to first force people to register as residents of properties and then to ‘encourage’ private ownership, trying to stimulate the acquisitiveness of some residents who have put considerable effort into improving their homes. It seems as if the state wholly comprehends Lefebvre’s theory, fears it, and actively employs it to negate the threat of a good example. Christiania is full of fantastic imaginings and the community has always known about creating situations, in Lefebvre’s terms: ‘moments of ‘presence’ within everyday lie whose authenticity is disalienating amid the diversions and commodified relations of modernity, and whose passing can reveal a range of possibilities’ (Pinder, 2005b, p. 166). Such community knowledge is mediated by spatial practices, including the materiality of the place, which disrupt the capitalist representations of space the state continually seeks to impose, and this disruption does reveal a range of possibilities: political potential. The same is true of other citizen architectures who are consciously political: The tents of the Camp for Climate Action near Heathrow airport in 2007 and in the London’s financial district during the G20 meeting in 2009; tents which are conspicuously vulnerable but which also conceal[25]; The symbolism of Brian Haw’s almost decade long camp outside the ‘Palace of Westminster’, an action against the UK’s wars in Iraq and Afghanistan, a spatial incursion – a situation – so intolerable to the ruling elite that they went so far as to change the law to end it[26]. The passing of Haw’s protest revealed even more political possibility than the act itself, however. If space permitted, I could continue with examples such as the Reclaim the Streets movement[27], which shares with both sustainable and unitary urbanism a focus on the car as a core technology of the society of the spectacle. Or I might look to the Occupy movement’s creation of situations, sustained moments of presence…

De toute évidence de telles actions sont utopiques et essentiellement urbaines, dit la mouche du coche. Elles transcendent manifestement leur caractère symbolique et marginal : réalistes, authentiques, critiques plutôt que compensatoires, nourrissant l'autonomisation. Les masses seront tenues d'apprendre de telles actions d'avant-garde, que ce soit à l'échelle de Christiania ou de la création artistique individuelle de Brian Haw : des banderoles, des drapeaux et des barricades. Il ne s'agit clairement pas d'abstractions de la vie quotidienne. Whitehead soutient qu' « Adopter des interprétations plus radicales du développement urbain durable pourrait contribuer à façonner une culture de l'urbanisme plus progressiste » (Whitehead, 2011). Eh bien, votre urbanisme unitaire durable est certainement plus radical : perturber les espaces de la ville doit nécessairement inciter aussitôt les gens à recycler ou à aller au travail à vélo : la Nouvelle Babylone, c’est Ecopolis! Une ville spatialement produite par des farceurs et des perdants est clairement un endroit dont on peut être fier. La Justice est bien servie par la création de situations…

Obviously such actions are utopian and essentially urban, The Gadfly said. They evidently transcend their symbolism and marginality: realistic, authentic, critical rather than compensatory, empowering. The masses will be bound to learn from such avant-garde actions, whether on the scale of Christiania or Brian Haw’s individual artwork of banners, flags and barricades. These are so clearly not abstractions from everyday life. Whitehead claims that, ‘Adopting more radical interpretations of sustainable urban development could help to shape a more progressive urban planning culture’ (Whitehead, 2011). Well, your sustainable unitary urbanism is certainly more radical: Disrupting the spaces of the city is bound to instantly inspire people to recycle and cycle to work: New Babylon is Ecopolis! A city spatially produced by pranksters and losers is plainly going to be somewhere to be proud of: Justice is well served by creating situations…

 

 

Conclusion: un urbanisme unitaire durable?

Conclusion: sustainable unitary urbanism?

Le capitaine Cyboli, assailli par l'ironie socratique pendant ce qui lui avait semblé être une éternité, ses arguments sans cesse réduit à l'absurde, avait néanmoins survécu pour présenter ce rapport de terrain :

Having been assailed by Socratic irony for what seemed an eternity, his arguments continually reduced to the absurd, Captain Cyboli nevertheless survived to file this field report:

Ce qui orientait ma recherche, c’est de savoir comment la matérialité de l'environnement urbain bâti peut à la fois refléter et produire le développement durable, une question inspirée par la Cité du Soleil de Campanella. Dans cet esprit, je me suis concentré sur la nécrologie de la ville durable par Mark Whitehead, en la prenant comme une provocation consciente. Dans le cadre de leur utopie commune, j'ai comparé la ville durable et l'urbanisme durable avec la Nouvelle Babylone et l'urbanisme unitaire. Bien que sa vision de la nature soit cruellement datée et sa relation à la durabilité très problématique, la création de situations par la Nouvelle Babylone continue d'être une source d’inspiration. J'ai dérivé, de manière empirique, à travers les utopies littéraires et des exemples de ce que pourraient être des utopies concrètes, m’arrêtant sur Christiania comme une manifestation de ces dernières. Je n'ai pas étudié les éléments dystopiques de Christiania, par exemple, la présence, inquiétante, des trafiquants de drogue dans la communauté - et je n'ai pas non plus examiné la relation entre ces éléments dystopiques et l’inévitable incomplétude de Christiania l'utopique, due à l'intervention continuelle de l'État danois. En outre, Christiania n'est pas présentée comme un nouveau modèle entièrement transférable de la ville durable. On anticipe que l'une des principales caractéristiques de la ville durable reconquise sur le capitalisme sera la différence, la diversité et le caractère unique du local.

Driving my research was the question of how the materiality of the built urban environment might both reflect and produce sustainable development, a question inspired by Campanella’ City of the Sun. With this in mind, I focussed on Mark Whitehead’s obituary for the sustainable city, taking it as the intended provocation. In the context of their shared utopianism, I have compared the sustainable city and sustainable urbanism with New Babylon and unitary urbanism. Though its view of nature is sorely dated and its relation to sustainability highly problematic, it is New Babylon’s creation of situations which continues to inspire. Empirically, I drifted through literary utopias and examples of what may be concrete ones, concentrating on Christiania as a manifestation of the latter. I have not researched the dystopian elements of Christiania, for instance the malevolent presence of the drug gangs in the community – and neither have I examined the relation between such dystopian elements and the inevitable incompleteness of utopian Christiania due to continual intervention from the Danish state. Christiana is not presented as a wholly transferrable model of the new sustainable city, moreover. It is anticipated that one key feature of the sustainable city reclaimed from capitalism will be difference, diversity and local uniqueness.

Je me suis fondé sur la théorie de Lefebvre de la production de l'espace pour analyser la médiation de l'espace de représentation et des représentations de l'espace par les pratiques sociales : ce qui m'intéresse ici se trouve dans le potentiel transgressif des pratiques de l'architecture / des manifestations des citoyens pour perturber la conception de la société du spectacle et servir à produire des espaces de plus forte possibilité politique. Je soutiens que la résurrection de l'urbanisme durable se traduira par un virage radical du gouvernement ou de la gouvernance vers la participation citoyenne. Dans l'immédiat, cela signifie que les citoyens prennent des mesures créatives et collectives pour lutter contre les doctrines négatives identifiés par Whitehead, à savoir l'hyper-libéralisme, le néo-localisme et le pragmatisme municipal. Une telle action devrait viser à créer des situations à travers le détournement de l'expression objective des représentations de l'espace, pour mettre en évidence les victimes de la récupération de la ville durable, que sont à la fois la justice sociale et la gestion de l'environnement naturel. Bien que ce détournement doive être radical[31], je me tourne vers Stuart Hodkinson pour appeler également à un pragmatisme stratégique : je ne vois aucune raison par exemple pour qu’un clown rebelle ne soit pas candidat à la mairie, sérieusement! Et pas de raison pour que des initiatives de type Occupy ne cherchent des cibles spatiales « douces », qui pourraient devenir des espaces durables d'habitation, d'éducation et d'alimentation pour les gens. Un exemple concret : Grow Heathrow est né des logiques combinées des Camps Action Climat et du mouvement des Villes en transition (Mason et Whitehead, 2012a). Squattant un jardin maraîcher abandonné à Sipson près de Londres et développant des cultures alimentaires, le caractère productif de Grow Heathrow signifie qu'il a le soutien de la communauté locale et qu'il a également obtenu une approbation populaire plus large. Et donc, si les autorités obtiennent un arrêté d'expulsion, ce sera une décision très impopulaire, qui rencontrera des résistances.

I drew upon Lefebvre’s theory of the production of space to analyse the mediation of representational space and representations of space by social practices: My interest here is in the transgressive potential of practices of citizen architecture/protest to disrupt the conception of the society of the spectacle and serve to produce spaces of enhanced political possibility. I argue that resurrecting sustainable urbanism will mean it taking a radical turn from governing or governance to citizen participation. In the immediate term, it will mean citizens taking creative and collective action to counter the negating doctrines identified by Whitehead, namely hyper-liberalism, neo-localism and municipal pragmatism. Such action should aim at creating situations through the détournement of the objective expression of representations of space to highlight the victims of the recuperated sustainable city, i.e. both social justice and stewardship of the natural environment. While this détournement must be radical[28], I turn to Stuart Hodkinson to invoke also a strategic pragmatism: I see no reason for example why a Rebel Clown should not run for Mayor; seriously! And no reason why Occupy type initiatives should not seek out soft spatial targets which might become sustained peoples’ spaces of habitation, education and nurture. As one existing example, Grow Heathrow was born from the combined logics of Camps for Climate Action and the Transition Towns movement (Mason and Whitehead, 2012a). Squatting an abandoned market garden in Sipson near London and growing food, Grow Heathrow’s productive character means it has local community support and has also achieved wider popular approval. So, if the authorities obtain an eviction order, it will be a very unpopular decision which will be resisted.

L'avenir, comme le fait remarquer Hodkinson, n'est pas défini ; il doit s'inspirer des principes des biens communs. Il ne peut y avoir aucune relation préétablie entre tactiques de résistance et stratégie utopique parce que la résistance doit, en premier lieu, inspirer une masse critique de gens, qui vont concevoir cette stratégie collectivement. La recherche du possible signifie beaucoup de petites interventions tactiques qui peuvent atteindre une telle masse critique, en redéfinissant la façon dont notre environnement matériel est produit. En fin de compte, les objectifs sont, comme je l'ai dit, de faire de la ville un espace de politiques participatives en vue du bien commun, un espace de justice et de durabilité environnementale, mais aussi un espace de liberté, de différence, de dissensus, d'ironie et de plaisir. Le programme pour les universitaires qui veulent ressusciter la ville durable devrait donc être une recherche-action avec la population, visant d’emblée à subvertir sa récupération.

The future, as Hodkinson notes, is undefined and must be guided by the principles of the commons. There can be no set relation between resistant tactics and a utopian strategy because first resistance must inspire a critical mass of people who will conceive that strategy collectively. Seeking out the possible means many small tactical interventions can attain such a critical mass, redefining how our material environment is produced. Ultimately, the goals is, as I have stated, to make the city a space of participative politics of the common good, a space of justice and of environmental sustainability but also a space of freedom, difference, dissensus, of irony and fun. The research agenda for academics seeking to resurrect the sustainable city, then, should be action research with the community to first subvert its recuperation.

 

 

A propos de l’auteur : Kelvin Mason, Cardiff School of Planning and Geography, Cardiff University

About the author: Kelvin Mason, Cardiff School of Planning and Geography, Cardiff University.

Pour citer cet article : Kelvin Mason, “Sustainability meets Situationism in the City: A tale of détournement and the resurrection of a just and rebellious Ecotopia”, [« Quand la durabilité rencontre le situationnisme en ville : une histoire de détournement et la résurrection d’une Ecotopie juste et rebelle », traduction : Frédéric Dufaux], justice spatiale | spatial justice, n° 5, déc. 2012-déc. 2013 | dec. 2012-dec. 2013, http://www.jssj.org/

To quote this article: Kelvin Mason, “Sustainability meets Situationism in the City: A tale of détournement and the resurrection of a just and rebellious Ecotopia”, [« Quand la durabilité rencontre le situationnisme en ville : une histoire de détournement et la résurrection d’une Ecotopie juste et rebelle », traduction : Frédéric Dufaux], justice spatiale | spatial justice, n° 5, déc. 2012-déc. 2013 | dec. 2012-dec. 2013, http://www.jssj.org/

 

 

[1] Note du Traducteur : toutes les citations, sauf indication contraire, ont été traduites par le traducteur de cet article.

 

[2] Comme dans la dérive situationniste, les analyses de Cyboli sont focalisées par une intention politique militante, en l'occurrence : la radicalisation du paradigme de l'urbanisme durable. La dérive - principale méthode de la psychogéographie situationniste - facilite l'étude des environnements urbains en fonction de leurs effets sur les émotions et sur le comportement. Pinder, D. (2009) "Situationism/Situationist Geography", dans Kitchen, R. & Thrift, N. (Eds.) International Encyclopedia of human Geography. Oxford: Elsevier. p. 147.

[1] As with the Situationist drift or dérive, Cyboli’s studies are focused by an activist political intent, i.e. to radicalize the paradigm of sustainable urbanism. As the main method of Situationist psychogeography, dérive facilitates ‘the study of urban environments in terms of their effects on emotions and behavior’. Pinder, D. (2009) Situationism/Situationist Geography. In Kitchen, R. & Thrift, N. (Eds.) ‘International Encyclopedia of human Geography’. Oxford: Elsevier. p. 147

[3] Den Grå Hal (la salle grise) est la plus grande salle de concerts de Christiania, un ancien centre équestre militaire ; il peut accueillir quelque 1500 spectateurs. Christiania y fête Noël en y offrant de la nourriture aux personnes les plus pauvres de Copenhague.

[2] Den Grå Hal (The Grey Hall) is Christiania’s largest music venue; a former military horse-riding arena, it can accommodate some 1,500 concert goers and celebrates Christmas by Christiania serving free food to the poorest people of Copenhagen.

[4] Il convient de préciser que cette visite de Cyboli à Christiania correspondait au sommet de la COP 15 des Nations Unies [NdT : sur le changement climatique] à Copenhague, en novembre 2009. Pour la COP 15, les sociétés Siemens et Coca-Cola avaient rebaptisé la ville hôte 'Hopenhagen' [NdT : de « hop » : houblon] sans un soupçon d'ironie. « Dans le centre de Copenhague, Siemens a installé sa ville factice, brillante d’un vert mensonger. Là, elle vante les vertus d'une gamme de technologies non durables, depuis des voitures de sport électriques ultra-rapides jusqu'aux biocarburants. Les affiches de Coke, elles, vantent le produit gorgé de sucre et d’exploitation de la multinationale comme « De l’espoir en bouteille ! » [NdT : jeu de mot intraduisible sur Hope : espoir / Hop : houblon]. Mason, K. (2010) 'Finding Hope in No-Hopenhagen'. Peace News, London: January,

[3] It should be explained that this visit of Cyboli to Christiania corresponded with the UN’s COP15 summit meeting taking place in Copenhagen in November 2009. For COP 15 the Siemens and Coca-Cola corporations branded the host city ‘Hopenhagen’ with no hint of irony. ‘In the centre of Copenhagen Siemens set up their faux city, brightly lit in a mendacious green. There they extolled the virtues of a range of unsustainable technologies from super-fast electric sports cars to bio-fuels. Coke posters proclaim the mega-corp’s sugar and exploitation suffused product as ‘Hope in a Bottle!’’. Mason, K. (2010) ‘Finding Hope in No-Hopenhagen’. Peace News, London: January.

[5] CIRCA http://www.clownarmy.org/ Note du traducteur : Les actions de l’ « armée clandestine rebelle des clowns insurgés » peuvent être rapprochées de celles de la BAC (Brigade Activiste des Clowns) en France : http://brigadeclowns.wordpress.com/

[6] Capten Cyboli est l'identité secrète de l'auteur en tant qu'activiste. Seulement, comme c’est un clown, le secret est bien sûr de notoriété publique. Son nom, traduit en français, signifie « Capitaine déraisonne », un parallèle intéressant avec le narrateur de l’Utopie de Thomas More, Raphaël Hythloday, dont le nom en grec correspond à « expert en non-sens ». Pinder, D. (2005a) Visions of the City. Edinburgh: Edinburgh University Press. p.17.

[5] Capten Cyboli is the author’s secret activist identity, only, being a Clown, the secret is of course public knowledge. Translated into English the name means Captain Talks-Nonsense, an interesting parallel with  Thomas More’s narrator in Utopia, Raphael Hythloday, whose name in Greek ‘implies ‘expert in nonsense’ . Pinder, D. (2005a) Visions of the City. Edinburgh: Edinburgh University Press. P. 17

[7] La mouche du coche est l'évocation par Cyboli de l'esprit de Socrate, et fait partie d'une méthode d'examen de conscience et de réflexion. La méthode socratique est dialectique et implique des individus qui questionnent les arguments de l'autre afin de clarifier les idées et de stimuler la pensée critique ; souvent chaque protagoniste tente de piéger l’autre en mettant en évidence ses contradictions.

[6] The Gadfly is Cyboli’s evocation of the spirit of Socrates, part of a methodology of self examination and reflection. The Socratic method is dialectical and involves individuals interrogating each other’s arguments to clarify ideas and stimulate critical thought; often exponents will try to trap each other into contradiction.

[8] La norme des « maisons passives » réduit considérablement les besoins de chauffage et de climatisation, tout en préservant des conditions intérieures confortables. Voir http://www.passivhaus.org.uk

[7] The Passivhaus Standard drastically reduces space heating and cooling requirements while maintaining comfortable indoor conditions. See http://www.passivhaus.org.uk

[9] Un précédent pour une telle action : une rotonde (une maison écologique avec une charpente en bois, des murs en bois cordé et des fenêtres recyclées, un toit engazonné isolé avec de la paille, de l’électricité fournie par l’énergie solaire et éolienne, des toilettes sèches, et des roselières pour les eaux grises), bâtie sans permis de construire dans le Pembrokeshire, au Pays de Galles, a finalement survécu quand les autorités ont tenté de la faire disparaître, cela grâce à une combinaison de pression normative (le gouvernement gallois s’est engagé constitutionnellement dans le développement durable) et à l’opposition de ses défenseurs qui ont fait rempart de leurs corps lorsque la police et les huissiers sont intervenus. http://thatroundhouse.info

[8] As a precedent for such action, a roundhouse (an eco-home of wood frame, cobwood and recycled window walls, straw-insulated turf roof; with solar power and wind turbine for electricity, compost toilet and reed beds for grey water) built without planning permission in Pembrokeshire, Wales, ultimately survived the authorities attempts to remove it through a combination of normative pressure (The Welsh Government is constitutionally committed to Sustainable Development) and supporters putting their bodies on the line when police and bailiffs arrived (http://thatroundhouse.info/)

[10] NdT : Toutes les indications en italiques, comme les autres indications typographiques (minuscules ou majuscules apparemment incongrues…) sont reprises de l’auteur de l’article.

 

[11] [NdT : la « rue des revendeurs »]. Une voie de Christiania "tristement célèbre" pour la vente du cannabis sous de nombreuses formes - herbe, haschich, biscuits, joints tout préparés… Les revendeurs appliquent une interdiction de la photographie dans Pusher Street tandis que les trois « règles de base » à Christiania sont : pas de drogues dures, pas violence ou d'armes, et pas de signes distinctifs de gang.

[9] A Christiania thoroughfare “infamous” for the sale of cannabis in many forms – grass, hash, cookies, ready made joints… The pushers enforce a prohibition on photography in Pusher Street while Christiania’s three simple ‘ground rules’ include no hard drugs (alongside no violence, no weapons and no gang colours).

[12] Je note ici l’écho avec la question de Doreen Massey « Que représente cet endroit ? » Massey, D. (2007) World City. Cambridge: Polity.

[10] I note here the resonance with Doreen Massey’s question ‘What does this place stand for?’

[13] Je signale ici 'Soul City' : la ségrégation volontaire de la population noire dans l’Écotopie de Callenbach (1975).

Massey, D. (2007) World City. Cambridge: Polity.

[14] Un point que confirme certainement la farce cruelle de la COP15 en 2009.

[11] I note here ‘Soul City’ the voluntary segregation of the black population in Callenbach’s Ecotopia (1975)

[15] Les résidents de Christiania se réfèrent à eux-mêmes de diverses manières en anglais : Christianites, Christianians ou Christians, ignorant la connotation religieuse de ce dernier terme.

[12] A point surely underlined by the cruel farce of COP15 in 2009.

[16] Je signale ici les projets réels et imaginaires de Masdar dans les Emirats Arabes Unis et de Dongtan en Chine (http://www.masdarcity.ae/en/ et http://www.arup.com/_assets/_download/8CFDEE1A-CC3E-EA1A-25FD80B2315B50FD.pdf).

[13] Residents of Christiania variously refer to themselves in English as Christianites, Christianians or Christians, ignoring the religious connotation of the latter.

[17] Je remarque que la conquête de la nature, en plus d'être associée à la pensée des Lumières et à celle de Francis Bacon, est spatialement très européenne dans sa réalisation matérielle. En outre, la conception de Constant est certainement imprégnée d'ironie critique.

[14] I note here the real and imagined projects of Masdar in the UAE and Dongtan in China respectively (http://www.masdarcity.ae/en/ and http://www.arup.com/_assets/_download/8CFDEE1A-CC3E-EA1A-25FD80B2315B50FD.pdf)

[18] Sadler affirme que cette formule-clef des situationnistes est héritée d’Isidore Ducasse, écrivain français du 19ème siècle.

[15] I note that (a) the conquest of nature, as well as being associated with the enlightenment thinking and Francis Bacon, is in terms of material realisation spatially very European. Moreover, Constant’s conception is surely infused with irony as critique.

[19] [NdT : En français dans l’original.]

[16] Sadler states this key Situationist refrain was inherited from the 19th Century French writer Isidore Ducasse.

 

 

[20] Notez la similitude avec Metropolis de Fritz Lang.

[17] A series of supporting columns.

[21] Un terme générique pour des petites voitures économiques des années 1960, généralement à trois roues, notamment construites par BMW et Messerschmitt.

[18] Note the resonance with Fritz Lang’s Metropolis.

[22] Thomas MORE (1516), L’Utopie, traduction française de Victor Stouvenel, Paris : Paulin, 1842.

[19] A generic term for small, economic, usually three-wheeled cars of the 1960s, notably by BMW and Messerschmitt.

[23] Certains commentateurs estiment que les conceptions de More ont davantage été inspirées par les techniques de la céramique.

 

[24] Bananhuset, la maison des bananes, a été construit par Naverne – des compagnons bâtisseurs d’Europe du Nord -, et leur a servi de pavillon d’accueil. Comme la plupart des maisons construites par la communauté de Christiania, par opposition à celles qui ont été rénovées, Bananhuset est construite surtout à partir de matériaux peu chers et même gratuits. Le bois est le principal matériau utilisé dans Bananhuset.

[20] Some commentators believe More’s conception was inspired more by ceramic technology.

[25] Certains résidents comparent la carte de Christiania à un phallus, la zone la plus densément peuplée figurant le scrotum.

[21] Bananhuset, the Banana House, was built by ‘naverne’, serving as the Northern Europe clubhouse for these journeymen builders. As with most houses built by the community in Christiania, as opposed to those that have been refurbished, Bananhuset is constructed mainly  from materials that have been reclaimed at relatively little or even no cost. Wood is the principal material used in Bananhuset.

[26] Un compromis déploré par un de mes informateurs comme ayant retardé le développement des systèmes d'énergie renouvelable de Christiania.

[22] Some residents liken the map of Christiania to a phallus with the most densely inhabited area being the scrotum.

[27] Note du Traducteur (NdT) : la menace d’un bon exemple ("the threat of a good example") est une notion développée par Noam Chomsky. Elle vise à rendre compte du refus des Etats-Unis d’Amérique de voir se développer dans d’autres pays des modèles alternatifs au leur, risquant de faire école et de menacer leur hégémonie.

[23] An accommodation bemoaned by one of my informants for having retarded the development of Christiania’s own renewable energy systems.

 

 

[28] De même, les camps des mouvements Occupy dans plus de 900 villes à la fin 2011.

[24] How to enforce payment from those who refuse to pay is a major bone of contention and at times the budget deficit threatens to undermine services such as building maintenance and gardening.

[29] Le Serious Organised Crime and Police Act de 2005 a introduit des restrictions explicitement contre les manifestations dans la zone autour du Palais de Westminster, créant aussi le Serious Organised Crime Squad et donnant à la police des pouvoirs d'arrestation accrus. La protestation de Brian Haw a été recréée par l'artiste Mark Wallinger qui, pour cela, a été nominé pour le Turner Prize.

[25] Similarly, the Occupy movement’s camps in more than 900 cities from later 2011.

[30] Reclaim the Streets: « Un réseau d'action directe pour une révolution sociale et écologique, globale et locale, pour dépasser la société hiérarchique et autoritaire (capitalisme inclus), et tout de même être à la maison à l’heure du thé ». http://rts.gn.apc.org/sortit.htm

[26] The Serious Organised Crime and Police Act 2005 introduced restrictions explicitly on protests in the area around  the Palace of Westminster, also creating the Serious Organised Crime Squad and giving the Police increased powers of arrest. Brian Haw’s protest was recreated by artist Mark Wallinger who was thence nominated for the Turner Prize.

[31] Je ne peux pas imaginer d'exemple plus radical à recommander au lecteur que l'extrait [traduit en anglais] du « Pas du Commandeur » de Marcel Mariën présenté par Tom McDonough, dans The Situationists and the City (2009). [NdT : l’original, « Le Pas du commandeur », en français, de Marcel Mariën, écrivain et artiste surréaliste belge, se trouve dans Les Lèvres Nues, n°5, Juin 1955, pp. 10. Voir : Les Lèvres Nues. Collection complète (1954-1958), Paris, Plasma, 1978.]

[27] Reclaim the Streets: ‘A direct action network for global and local social-ecological revolution(s) to transcend hierarchical and authoritarian society, (capitalism included), and still be home in time for tea’ http://rts.gn.apc.org/sortit.htm

[/NOTES]

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