Se protéger à Yaoundé

Security in Yaoundé

Cet article propose d'analyser les formes de production de la sécurité dans deux quartiers pauvres[1] de Yaoundé (carte 1). Nous considérons la sécurité sous l'angle des pratiques voire des politiques plus ou moins institutionnalisées, destinées à assurer la protection des individus et de leurs biens. Mener des enquêtes dans des quartiers pauvres doit permettre de révéler le décalage existant entre l'offre théorique de sécurité publique et les réalités de terrain. Un tel écart ouvre la réflexion sur les inégalités spatiales d'accès à la sécurité et sur le sentiment d'injustice des populations dépourvues de protection. Quand ce sentiment est lié à une localisation spatiale on pourra parler d'injustice spatiale.

This article analyses forms of security production in two poor neighbourhoods[1] of Yaoundé (Map 1). We look at security in terms of practices and even policies which are more or less institutionalised and are meant to ensure the protection of individuals and properties. By conducting surveys in poor neighbourhoods, we must be able to show the gap between the theoretical public security offer and the reality on the ground. Such a gap opens various reflections on spatial inequalities to access security, and on the feeling of injustice experienced by populations without protection. When this feeling is linked to a spatial location, we speak of spatial injustice.

Dans le champ des études sur la sécurité en Afrique subsaharienne, les recherches en sciences sociales se sont surtout concentrées sur les pays de vieille tradition urbaine; a priori marqués par une criminalité forte, durable et en augmentation. Le Kenya, et surtout l'Afrique du Sud et le Nigéria sont ainsi surreprésentés dans les analyses de l'insécurité, de la sécurité et des forces de l'ordre (Perouse de Montclos, 1997 ; Dirsuweit, 2002 ; Fourchard, Albert, 2003 ; Anderson, Killingray, 1992). Les chercheurs analysent aussi l'exportation et l'appropriation de modèles de sécurité en majorité d'inspiration anglophone et fondés sur la notion de participation des habitants (Benit Gbaffou, 2006). Il nous a paru nécessaire d'envisager la question de la sécurité dans un pays autre, en l'occurrence le Cameroun, pays à majorité francophone[2] où se jouent divers accords de coopérations, multilatérales et bilatérales, en particulier avec la France. Plus précisément, nous allons discuter de la situation à Yaoundé, capitale du pays où des préoccupations politiques se surimposent à des préoccupations de sécurité publique.

In the field of security studies in Sub-Saharan Africa, research in the social sciences have been focusing mainly on countries belonging to the old urban tradition, i.e. marked a priori by a strong, durable and increasing crime rate. In this regard, Kenya and particularly South Africa and Nigeria are over-represented in analyses on insecurity, security and the police force (Perouse de Montclos: 1997; Dirsuweit: 2002; Fourchard, Albert: 2003; Anderson, Killingray: 1992). Researchers have also been analysing the exportation and appropriation of mainly anglophone security models founded on the notion of resident participation (Benit Gbaffou: 2006). We felt it became necessary to envisage the question of security in another country such as Cameroon, where the majority of the population is francophone[2] and where various co-operation, multilateral and bilateral agreements have been signed with France in particular. More specifically, we will discuss the situation in Yaounde, the Cameroon capital, where political concerns underlie public security issues.

Le Cameroun se présente comme un Etat fortement centralisé. A cet égard, Yaoundé, capitale politique mais également chef-lieu de région, et de département rassemble en son sein diverses institutions de rang national, régional, départemental ou local en charge de la sécurité. Malgré cette concentration, l'insécurité est forte : braquages, vols dans les rues ou dans les taxis se multiplient ; la peur de subir une agression est forte. (Chouala, 2001 ; Durang, 2003). Le contexte économique difficile, avec son lot de répercussions sociales, n'est pas indifférent à une telle situation. En 1988, l'Etat camerounais passe un premier accord avec le FMI. C'est le début de sa mise sous ajustement[3]. L'Etat est astreint à réduire de manière drastique ses dépenses dans divers secteurs (Courade, Sindjoun, 1996 ; Courade, 2000). Ainsi, certains quartiers et habitants de Yaoundé semblent abandonnés par les institutions, y compris celles en charge de la sécurité publique, dans le cadre d'un Etat néo-patrimonial (Médard, 1991, 1995). Cela pose la question de la répartition de l'offre de sécurité dans l'une des plus grandes villes du Cameroun. Nous formulons l'hypothèse que les populations génèrent leurs propres réponses face à l'insécurité réelle et ressentie, réponses que nous proposons d'analyser.

Cameroon comes across as a strongly centralised State. In this regard, Yaounde, as the political capital as well as a regional and county centre, is the seat of various national, regional, county or local institutions responsible for security. Yet, despite this concentration, insecurity is high: hold ups as well as theft in the streets or in taxis are increasing; the fear of being attacked is strong (Chouala: 2001; Durang: 2003). The difficult economic context with all its social repercussions is not indifferent to such a situation. In 1988, the Cameroonian State concluded a first agreement with the IMF. It was the beginning of its adjustment process[3]. The State was compelled to drastically reduce its spending in various sectors (Courade, Sindjoun: 1996; Courade: 2000). Certain neighbourhoods and various residents of Yaounde seemed abandoned by institutions, including those in charge of public security, within the framework of a neo-patrimonial State (Médard: 1991: 1995). Where this raises the issue of security offer distribution in one of the largest cities of Cameroon, we posit that populations generate their own responses in the face of real or perceived insecurity, which we intend to analyse.

Au-delà, notre recherche pose la question de l'accès à la sécurité et le droit pour tout citadin de vivre protégé. La sécurité ici représente une entrée pour appréhender la société urbaine, ses interactions, ses ruptures et ses modes de fonctionnement, justes ou non. Il est autant question de repérer comment sont produites des inégalités dans la territorialisation de la sécurité publique que de comprendre selon quels mécanismes et quels discours des populations définissent leur droit à la sécurité et s'arrogent le pouvoir de définir ce qui est juste et injuste dans la production de leur sécurité.

Our research examines access to security and the right for all residents to feel protected. Security, in this instance, represents an entry point from where we can begin to understand urban society, its interactions, its ruptures as well as its fair or unfair functioning modes. Our research examines the production of inequalities in the territorialisation of public security, and tries to understand through which mechanisms and discourses populations define their right to security, and take it upon themselves to define what is just and unjust in the production of security.

Notre analyse prend appui sur des recherches amorcées sur les pratiques et les représentations des policiers et des gendarmes[4] d'une part, sur un programme effectué à Yaoundé en 2009 spécifiquement sur les pratiques populaires de sécurité[5] d'autre part. Face à l'insuffisance des informations et des statistiques ainsi que (bien souvent) à leur manque de fiabilité, nous avons privilégié les entretiens auprès des personnels des forces de l'ordre en 2007[6]. De même, en 2009, une approche directe, ethnographique, des quartiers retenus pour l'étude a été préférée. Une phase d'observation et de prise de contact avec les habitants a précédé une seconde phase d'entretiens. Celle-ci a permis de rencontrer les chefs de quartier et de bloc, les membres des comités de vigilance puis quelques habitants. Deux quartiers ont été retenus : La Briqueterie et Nkomkana.

Our analysis relies on research initiated on the one hand on the practices and representations of policemen and gendarmes[4], and on the other hand on a programme carried out specifically on popular security practices[5] in Yaounde, in 2009. Faced with a shortage of reliable information and statistics, we privileged interviews with police personnel in 2007[6]. Likewise, in 2009, we privileged a direct ethnographic approach to neighbourhoods for our study. First we conducted an observation phase during which we made contact with the residents, then an interview phase which led us to meet the heads of neighbourhoods and apartment buildings, the members of vigilance committees as well as a few residents. In the end, two neighbourhoods were selected for our purpose: La Briqueterie and Nkomkana.

Une première partie permettra d'esquisser à grands traits l'offre de sécurité publique à l'échelle de Yaoundé. Une deuxième partie ciblera l'étude de deux quartiers pauvres afin de comprendre comment les habitants peuvent répondre à leurs besoins sécuritaires, individuellement et collectivement.

In the first section, we outline public security offer in Yaounde. In the second, we examine two poor neighbourhoods with a view to understanding how residents manage to meet their security needs, individually as well as collectively.

 

 

1. Les forces de sécurité : une appropriation discontinue et intermittente de la ville

1. Security Forces: Intermittent Appropriation of the City

La monopolisation des forces de sécurité

Monopolisation by Security Forces

Il faut se garder de toute idéalisation des politiques de sécurité publique dans les décennies précédant la crise socio-économique des années quatre-vingt. L'ordre et la sécurité publics au Cameroun sont soumis à une forte idéologisation depuis l'époque coloniale. Ils sont avant tout des constructions politiques au service d'un pouvoir. Dès l'époque coloniale, les forces de l'ordre se plaignent d'un manque criant d'effectifs et de moyens, à Yaoundé même [7].

We must not idealise public security policies in the decades preceding the socio-economic crisis of the 1980s, for law and order and public security in Cameroon have been the subject of strong ideologisation since the colonial era. They are first of all political constructions at the service of a power. Already at the beginning of the colonial era, the police complained of a striking lack of numbers and means in Yaounde [7].

La situation postcoloniale n'introduit aucun changement. La couverture géographique de Yaoundé par la police et la gendarmerie s'avère toujours déficiente et tournée vers un objectif prioritaire : le maintien d'un système rentier. On assiste à une forme de monopolisation des forces de sécurité par les institutions de l'Etat et les hommes au pouvoir. Mais, en retour, hommes et femmes en tenue participent de ce système centralisé où avancements et affectations fonctionnent selon le lieu, le réseau et diverses appartenances sociales. Il est donc autant question de logiques politiques que professionnelles. Nous ne sommes pas face à des relations unilatérales, de la Présidence vers les institutions de sécurité ; ces dernières elles-mêmes participent à un système de pouvoir en intériorisant des normes de comportements. D'autant que brigades de gendarmerie et commissariats de police sont apparemment loin d'être les forces les plus sollicitées. Depuis l'Indépendance, apparaissent de multiples groupements spéciaux. A côté des forces de gendarmerie et de police, territoriales et mobiles, héritées du modèle français, on constate la naissance du Groupement Spécial d'Opérations (GSO) avec l'appui technique et financier de la France. Le GSO est bien plus présent auprès du Président. Il ne détrône pas, cependant, la Garde présidentielle[8]. A eux deux, ces corps incarnent une élite totalement au service du pouvoir. Enfin, lors des émeutes de 2008, c'est l'armée incarnée par le BIR[9] (Bataillon d'Intervention Rapide) qui prendra le relais de la Garde présidentielle et investira Yaoundé pour mettre fin aux manifestations.

The post-colonial situation brought no change. The police and gendarmerie’s geographical coverage of Yaounde always turns out to be deficient and geared towards maintaining a system based on clientelism, which is the priority objective. Somehow, security forces are monopolised by State institutions and men in power. And yet the men and women in uniform partake of this centralised system where advancements and appointments depend on place, network and social membership. In this regards, we are dealing with political as well as professional principles. Indeed, relations are not just one way, such as from the Presidency towards security institutions; these institutions actually take part in the power system by following specific rules for the purpose of their own career. All the more since it seems that gendarmeries and police stations are far from being the most solicited forces. Many special groupings have seen the light of day since Independence. Next to the territorial and mobile gendarmerie and police forces inherited from the French model, we find the Groupement Spécial d’Opérations (GSO) which benefits from the technical and financial support of France. Although the GSO is close to the Presidency, it does not dethrone the Presidential Guard[8]. These two bodies incarnate an elite which is entirely at the service of the government. During the riots of 2008, it was the Bataillon d’Intervention Rapide (BIR)[9] which took over the Presidential Guard and besieged Yaoundé to end the demonstrations.

Finalement, dans quelle mesure le pouvoir contrôle-t-il l'ensemble de l'espace urbain et ses habitants ? Il en manifeste l'intention en mettant en œuvre un découpage à plusieurs échelles (arrondissements, communes, chefferies de quartier et blocs administratifs), dont chacune est une déconcentration du pouvoir central. Dans la mise en place effective des établissements de sécurité, on s'aperçoit que cette volonté de sécuriser est un leurre, car il n'y a que quelques espaces qui sont véritablement sûrs. L'espace urbain est un espace politique façonné, au moins en partie, par le bon vouloir du pouvoir d'une part, et des hommes et femmes en tenue d'autre part. Ne restent alors a priori au service des habitants que des opérations ponctuelles de maintien de l'ordre. La sécurité fait l'objet de négociations permanentes au détriment des plus faibles mais au profit du maintien d'un Etat clientéliste. La crise a contribué à renforcer ce système sécuritaire en « creux » et en « pleins » et rendu visible l'inefficacité des structures de protection mises en place.

Finally, to what extent does the government control the entire urban space and its residents? It certainly shows its intention in this regard, by implementing multi-scale divisions (arrondissements, communes[10], neighbourhoods, districts and blocks), each one being a decentralisation of the central power. With the actual implementation of security companies, we realise that the will to improve security is a deception, because only very few areas are truly safe. The urban space is, at least partly, a political space which is fashioned by the good will of the government on the one hand, and the men and women in uniform on the other. In the end, only sporadic operations for the maintenance of law and order remain at the service of the residents. The crisis contributed to reinforce unequal security territorialisation and made the inefficiency of implemented protection structures visible.

 

 

Des territoires de sécurité minoritaires dans la ville

Minority Security Territories in the City

En dépit d'une offre de sécurité a priori maximale au regard notamment des autres villes, les institutions publiques s'avèrent incapables d'appliquer une politique de sécurité, protégeant hommes et femmes des délits et crimes.

Despite what at first looks like a maximum security offer compared to the other cities, public institutions are proving incapable of implementing a security policy to protect people from crime.

Jusqu'en 1999, la ville de Yaoundé a été desservie par un seul commissariat central et une seule compagnie de gendarmerie. Ce commissariat avait des relais dans les arrondissements, de même que la compagnie entretenait des brigades dans certains quartiers. Pour ce qui concerne la police, l'offre de sécurité au moyen des commissariats ne couvrait qu'une partie de la ville.

Up until 1999, the city of Yaoundé only had one central police station and one Gendarmerie Company. The central police station had sub-stations in the arrondissements, while the gendarmerie maintained squads in certain neighbourhoods.

Les structures étaient plus concentrées dans les quartiers nantis et dans les grands centre commerciaux. Ce dispositif laissait beaucoup de quartiers non couverts, ce d'autant que la ville s'accroissait à un rythme exponentiel. Du fait de l'étalement de la ville, une réforme au début des années 2000 a entraîné la création de quatre commissariats centraux en charge de la coordination des commissariats d'arrondissement (16 commissariats de sécurité publique), suivie de la mise en place de postes de police (nombre inconnu[10]). Ces derniers émanent directement du programme d'appui de renforcement des capacités de la police, programme de coopération franco-camerounais mis en application en 2007. Pour autant, la compétence territoriale de chaque commissariat de sécurité publique reste extrêmement étendue, rendant quelque peu illusoire la « proximité » entre forces de l'ordre et population. Le redéploiement de la gendarmerie en trois compagnies, elles-mêmes responsables de plusieurs brigades (6) amène au même constat.

Police presence was higher in the more affluent neighbourhoods and large shopping districts, leaving many other neighbourhoods unseen to. This situation was aggravated by the exponential growth of the city. Due to the fact that it had been spreading over the years, a reform at the beginning of the 2000s led to the creation of four central police stations in charge of co-ordinating arrondissement police stations (16 public security police stations), and to the set up of several police stations (unknown number[11]). These came directly from the police capacity building support programme, a Franco-Cameroonian co-operation programme implemented in 2007. The territorial competency of each public security police station remains extremely wide, making the « proximity » between police and population somewhat unrealistic. The redeployment of the gendarmerie into three companies, each one responsible for several squads (6) brings us to the same conclusion.

En outre, manque d'effectif ou recrutement massifs d'hommes et de femmes sans formation, manque de véhicules et de carburant, plus généralement manque d'équipements ou mauvaise utilisation de ceux qui existent, sont autant de plaintes émanant des policiers et des gendarmes. On peut noter à quel point ces doléances sont un archétype du discours policier. Pointer du doigt l'absence de moyens est une manière de justifier tout manquement du corps. Cependant, l'absence d'une cartographie et d'un quadrillage systématique de l'espace ne peuvent que mener à la conclusion d'une ville dont le contrôle et partant la sécurité sont largement déficients et discontinus. Sans carburant ni carte précise, comment prétendre à la sécurisation de la ville ? A défaut d'une présence permanente et effective des forces de l'ordre, dans un contexte de rigueur budgétaire, le dispositif de sécurité se met en scène selon certaines logiques, éphémères ou plus durables.

Moreover, policemen and gendarmes complain about the shortage of numbers, or the massive recruitment of untrained men and women, as well as the shortage of vehicles and fuel and, more generally, the shortage of equipment or the inappropriate usage of existing equipment. These complaints form an archetype of police discourse. Pointing an accusing finger at the absence of means is a means to justify any shortage. However, since there is no mapping of the security system or that of the systematic deployment of the police into the urban space, we can conclude that the control of the city is deficient, and that urban security is established discontinuously in time and space. Without any fuel or accurate map, how can one claim to improve security in the city? Short of a permanent and efficient police presence, in a context of budgetary strictness, the security system is presented according to certain short-lived or more durable principles.

Dans le discours des officiers de police et de gendarmerie, les ambassades, les parcours sportifs fréquentés par les expatriés, les sites touristiques tels que le Mont Fébé et le Palais des Congrès sont des « points sensibles ». La sécurité des diplomates et plus largement celle des expatriés sont une préoccupation des autorités. La création de la Compagnie de sécurisation des diplomates (CSD) en 2007 dans le quartier résidentiel de Bastos en est l'illustration.

In the discourse of police officers and gendarmes, embassies, the jogging routes of expatriates and tourist sites such as Mont Fébé and the Palais des Congrès represent « sensitive areas ». The security of diplomats and, more generally, that of expatriates are a concern for the authorities. To this end, the Cameroonian authorities created the Compagnie de sécurisation des diplomates (CSD) or Diplomats Security Unit, in 2007, in the residential neighbourhood of Bastos.

En conséquence, nous pouvons parler d'une véritable mise en scène de la sécurité. Bastos est la vitrine des institutions de sécurité et, au-delà, du Cameroun et de son gouvernement.

As such, we can really speak of security staging. Bastos is the showcase of security institutions and, beyond that, Cameroon and her government.

Les habitants de ce quartier eux-mêmes sont dans la négation de la proximité avec la police et délèguent leur sécurité à des agences privées (Belomo Essono, 2007). Les agents d'une même société de gardiennage (4GS, DAK) peuvent se retrouver en nombre dans une même rue, créant alors un territoire visible de sécurité.

The residents of this neighbourhoods do not actually want to call on the police and delegate their security to private agencies (Belomo Essono: 2007). As such, security guards from the same company (e.g. 4GS, DAK) can be seen operating in numbers in the same street, thereby creating a visible security perimeter.

Que reste-t-il aux habitants sans moyens pour recruter un gardien ? Nous avons vu que le redéploiement des commissariats et postes de police d'une part, des groupements et brigades de gendarmerie d'autre part n'était pas suffisant. La mise en place des ESIR (Equipes Spéciales d'Intervention Rapides) ne semble guère convaincre : quels repères permettent aux forces de l'ordre d'intervenir de manière sûre et rapide au cœur d'un sous-quartier, quand bien même les véhicules seraient en état de marche et disponibles ? Nous avons déjà souligné cette difficulté : « Mais ici on est proche de la route, pourquoi la police ne rentre même pas ici alors que l'accès n'est pas trop enclavé ? (...) Ici, la police ne peut que stopper les voitures en route, ils ont tendance vraiment à ne pas entrer dans les quartiers. Que ce soit en route ou dans les quartiers, ils ne font vraiment pas leur boulot. Quand on parle des cas de braquages, quand vous appelez, on vous demande « ils sont armés ? », vous dites oui, ils raccrochent » (un habitant de Nkomkana, 2009).

But what happens to residents who cannot afford to recruit security guards? We saw that the redeployment of police stations and gendarmerie squads was not sufficient. It seems that the set up of Équipes Spéciales d’Intervention Rapides (ESIR) or special rapid intervention squads is not very convincing: on what basis are the police able to intervene with certainty and diligence in an area, even when their vehicles are in working order and available? We already highlighted this difficulty: « Yet here we are close to the road, so why the police do not drive in here where access is possible? (…) Here, the police only stop cars and they tend not to drive inside the neighbourhoods. Whether on the road or inside neighbourhoods, they are not really doing their job. Talking about hold ups, when you call the police, they ask you « Are they armed? », you reply « yes » and they hang up. » (A resident of Nkomkana: 2009)

Alors, quand l'insécurité devient trop forte, le pouvoir en appelle aux forces spéciales telles le GSO[11], surnommé par la population au début des années 2000 « les anti-gangs ». Ces opérations de sécurisation, deviennent ponctuelles et finissent par devenir des opérations dites « coups de poing » au même titre que les rafles ou les commandements opérationnels (FIDH, 1998 ; Amnesty International, 2009). Ceux-ci se sont soldés par des bavures par exemple à Douala où neuf jeunes hommes issus du quartier populaire de Bépanda disparaitront (Malaquais, 2002 ; Owona Nguini, J. B. Oyono, 2000). D'autres opérations ponctuelles se succèderont sur l'ensemble du territoire national : Vautour, Harmattan... Le principe se résume en quelques mots : bouclage du quartier, arrestations des habitants, contrôle des pièces d'identité au commissariat, négociation de sa sortie au mieux. Ces opérations sont nommées « rafles » au Cameroun et maintes fois, nous avons pu observer ces méthodes d'action, à la veille de sommets internationaux par exemple ou en période de forte recrudescence de vols et agressions. En conséquence, les agents de l'Etat en charge de la sécurisation deviennent à leur tour source potentielle ou avérée d'insécurité, taxés de manière récurrente, par les habitants, de clientélisme et de corruption.

And so when insecurity becomes too high, the authorities call on special forces such as the GSI[12], nicknamed « the anti-gangs » by the population at the beginning of the 2000s. These security operations are often specific and end up becoming so-called « punch » operations in the same way as raids or operational commands (FIDH: 1998; Amnesty International: 2009). These can result in blunders, as was the case in 2000 in Douala, where nine young men from the popular neighbourhoods of Bépanda disappeared altogether (Malaquais: 2002; Owona Nguini, J. B. Oyono: 2000). Other sporadic operations were carried out over the entire national territory, e.g. in Vautour, Harmattan etc. The procedure was always the same: neighbourhoods closure, resident arrests, ID controls at the police station, negotiations to come out of prison. These operations are named raids in Cameroon and we, researchers, have witnessed many, typically on the eve of international summits or during periods of increases in the number of thefts and attacks. As a result, State officers in charge of security in turn become a potential or known source of insecurity, and are recurrently accused of clientelism and corruption by the residents.

En définitive, les forces de l'ordre, police et gendarmerie, ont deux compétences : la sécurisation des biens politiques et une sécurisation plus « ordinaire », à savoir la protection des biens et des personnes contre les délits et les crimes. Cela débouche historiquement sur un inégal accès à la sécurité dans les quartiers de la capitale, renforcé depuis les années 1980 par les « rafles » des forces de l'ordre, source d'insécurité, et par l'émergence de sociétés de gardiennage au seul profit des populations les plus aisées.

In the end, the scope of activities of the police and the gendarmerie concerns the security of political property as well as more « ordinary » security, i.e. the protection of properties and persons from crime. Historically, this has led to unequal access to security in the neighbourhoods of the capital, and has been reinforced since the 1980s by police « raids » which are a source of insecurity, and by the emergence of security companies in aid of the more well-off populations.

Dans les années 2000, les bailleurs de fonds ont certes suscité différentes réorganisations politico-administratives et financières des institutions de sécurité. La France a contribué récemment au renouvellement de la formation initiale et continue de la police (1999 et 2007). L'accent est mis sur la police pensée comme service public, notamment la police de proximité. En cela, si le Cameroun n'échappe pas à la tendance actuelle de faire de la sécurité un point essentiel des politiques de développement (UN-Habitat, 2007), on peut remarquer qu'il tend à se démarquer des logiques de privatisation et de participation (Coleman, Sim, 2000 ; Ruteere, Pommerolle, 2003 ; Bénit, 2004), prônant, a priori, un service public de sécurité pour les populations et non « avec » les populations. Néanmoins, ces accords de coopération entraînent, au mieux, une reconfiguration de l'action gouvernementale, stimulant principalement de nouvelles manières de se mettre en scène et permettant de renforcer la sécurité du président de la République. Nous sommes bien loin des unités de police de proximité annoncées (et par exemple mises en place, avec maintes critiques, au Brésil, Deluchey, 2003) : au mieux un ou deux policiers se relaient dans des containers, sur certaines routes goudronnées de quelques quartiers. Ainsi, les habitants doivent constamment, tenter de s'organiser pour se protéger. En cela, la sécurité révèle bel et bien une forme d'injustice spatiale (Harvey, 1992) dans la mesure où la « distribution » spatiale et sociale de la sécurité est inéquitable.

During the 2000s, sponsors provoked the politico-administrative and financial reorganisation of security institutions. France recently contributed to the renewal of the in-house training programme of the police force (1999 and 2007), focusing on the police force’s image of public service and community policing in particular. In this regard, while Cameroon is still affected by the current trend which consists in making of security an imperative of development policies (UN-Habitat: 2007), she tends to distinguish herself from privatisation and participation principles (Coleman, Sim: 2000; Ruteere, Pommerolle: 2003; Bénit: 2004), advocating a public security service « for » rather than « with » the populations. Yet, these co-operation agreements have led, at best, to a reconfiguration of the government’s action, mainly stimulating new ways of operating and reinforcing the security of the President of the Republic. We are far from the declared community policing units (which were, as an example, implemented in Brazil with many criticisms, Deluchey: 2003): at best, one or two police officers take turns at manning makeshift police stations, i.e. containers placed in tarred neighbourhoods. Security is negociated to the detriment of the poorest but in the favour of the clientelist State. As such, the residents must constantly try to organise themselves in order to protect themselves. In this light, security indeed proves to be a form of spatial injustice (Harvey: 1992) insofar as the spatial and social « distribution » of security is inequitable.

 

 

2. Créer sa propre sécurité : de nouvelles discontinuités géographiques

2. Creating One’s Own Security: New Geographic Discontinuities

Face à l'indigence, aux déficiences et à l'asymétrie des institutions de sécurité et des personnes qui les incarnent, les populations prennent des initiatives de sécurité. Ces dernières peuvent s'appuyer sur une forme relative de proximité avec les forces de l'ordre (clientélisme) au fondement d'arrangements divers, parfois profitables aux populations. Mais surtout elles s'avèrent relativement efficientes là où certains pouvoirs structurent le quartier ; à l'inverse, dans d'autres quartiers où il n'existe pas la même légitimité de certains pouvoirs locaux, les initiatives seront éphémères. Nous sommes face à de nombreuses discontinuités temporelles et spatiales en matière de sécurité. En outre, nous formulons l'hypothèse que les actions des habitants nous informent sur ce qu'ils estiment juste ou injuste, en l'occurrence dans l'accès à la sécurité.

In the face of poverty, deficiencies and the asymmetry of security institutions and personnel, residents have been taking their own security initiatives. While these can rely on relative forms of clientelism with the police force (inhabitants can sometimes come to an arrangement in their favour), they prove to be relatively efficient where certain authorities structure the neighbourhood. Conversely, in the neighbourhoods that do not benefit from the same legitimacy from the local authorities, initiatives have been short-lived. Many temporal and spatial discontinuities exist as far as security is concerned. Moreover, we posit that residents’ actions are a barometer for what they deem fair or unfair, such as access to security.

 

 

Une organisation « traditionnelle » au service de la sécurité : la figure archétypale de la Briqueterie

A Traditional Organisation at the Service of Security: The Archetypal Figure of La Briqueterie Neighbourhood

Le choix du quartier de La Briqueterie ou la Brique pour y mener des enquêtes n'était pas anodin. Aux yeux de nombreux habitants et d'observateurs extérieurs, elle incarne l'archétype du quartier ethnique (Agier, 1999 ; Bopda, 2003). Il est pourtant nécessaire de nuancer une telle représentation.

Opting for the neighbourhood called La Briqueterie or La Brique for our interviews was not an innocuous choice. For many residents and external observers, it incarnates the archetype of the ethnic neighbourhood (Agier: 1999; Bopda: 2003). It is necessary at this stage to qualify this representation.

D'un point de vue administratif, La Brique se nomme Ekoudou. C'est un groupement créé à partir de la destruction du quartier haoussa dans les années 30 (emplacement actuel du Marché central). Il est divisé en huit quartiers: Ekoudou 1 à 6, Briqueterie Centre et Briqueterie Ouest. Chacun d'eux se divise lui-même en blocs. Le quartier présente la particularité d'abriter une population musulmane organisée selon un modèle largement répandu au nord du Cameroun : une hiérarchisation forte des pouvoirs, un chef de groupement (le lawan, nommé lamido à la Briqueterie) assisté d'une cour. Dans cette dernière, en principe, il existe un dignitaire chargé de la sécurité du groupement (sarkin garkoua) qui a des relais dans les différents quartiers et blocs. Les chefs connaissent parfaitement les limites des territoires qu'ils ont en charge.

Administratively speaking, La Brique is in fact called Ekoudou. It represents a cluster created from the destruction of the Haoussa neighbourhood in the 1930s (the current site of the central market). It is divided into eight districts: Ekoudou 1 to 6, Briqueterie Centre and Briqueterie Ouest. Each district is divided into blocks. La Brique is a particular district in that its inhabitants are Muslim and organised according to a model which is spread widely in the north of Cameroon: a strong hierarchical organisation of powers and a cluster head (the lawan, called lamido in La Briqueterie) assisted by a tribunal which, in principle, includes a dignitary who is responsible for the security of the cluster (sarkin garkoua), and who has posts in the various districts and blocks of the neighbourhood. Furthermore, cluster heads are well aware of the boundaries of their territories.

Les Haoussa et Bornouan dominent, assistés par des Bamouns (eux-mêmes créant un appendice au sein du groupement, tantôt intégré, tantôt rejeté) (Franqueville, 1984). La Brique est l'aboutissement de la migration musulmane à Yaoundé (y compris des Nigériens, des Nigérians, des Sénégalais, des Maliens, etc.). Le réseau social se fonde ainsi sur une identité religieuse commune, l'islam, ainsi qu'une identité « ethnique », celle des Haoussa (majoritaires). Ceux-ci ont fait perdurer leur mode de vie : l'artisanat (boucherie, couture), le commerce en général (tissu, électroménager, boucherie, rôtisserie). Eu égard ses spécificités, La Briqueterie attire alors un grand nombre d'habitants de Yaoundé. Paradoxalement, du fait même de ses particularités sociales et culturelles et de ses identités, elle reste à part dans les représentations de la population de la capitale. Elle nourrit même l'imaginaire de celles-ci : elle finit par apparaître comme le lieu de tous les dangers (recels, vols, agressions, prostitution, trafics en tous genres, Bopda, 2003).

The Haoussa and Bornouan dominate and are assisted by the Bamouns (themselves creating an appendix within the cluster which is sometimes integrated, sometimes rejected) (Franqueville: 1984). La Brique is the result of Muslim migration in Yaoundé (and includes people from Niger, Nigeria, Senegal and Mali among others). As such, the social network of the neighbourhood is based on a common religious identity, i.e. Islam, as well as an « ethnic » identity, that of the Haoussa (who are in the majority). The Haoussa have ensured the continuation of their way of life: local industries (butchery, dressmaking) and trading in general (fabric, household electrical appliances, meat and grills). Because of its specificities, La Briqueterie attracts many residents from all over Yaoundé. Paradoxically, due in fact to its social and cultural particularities and identities, La Briqueterie remains separate in the representations of the capital’s population and even feeds their imagination: the place where all the dangers can be found (stolen goods, thefts, attacks, prostitution, all kinds of traffics, Bopda: 2003).

Stigmatisés et craints, les habitants de La Briqueterie jouent eux-mêmes de cette étiquette pour maintenir, réifier et inventer un fonctionnement social et politique propre au quartier. Mettre collectivement une appartenance ethnique en avant garantit le maintien d'un pouvoir sur un lieu et la mise à distance de pouvoirs concurrents. La catégorie ethnique est ainsi mobilisée sur la question de la sécurité.

The residents of La Briqueterie, who are stigmatised and feared, play on this image to maintain, reify and invent a social and political functioning peculiar to the neighbourhood. Also, by collectively putting forward ethnic membership, the residents ensure that the authority is maintained and keep any competing authority at a distance. In this case, the ethnic category has been mobilised in relation to the security issue.

L'aménagement même du quartier permet de maintenir une proximité spatiale et sociale, garante d'un contrôle autant que d'une solidarité. En dehors de seulement trois routes goudronnées, la Briqueterie se caractérise par une absence de voies de communications. La densité du quartier est forte.

The actual development of the neighbourhood makes it possible to maintain spatial and social proximity, thereby guaranteeing control as well as solidarity. Apart from three tarred roads, La Briqueterie is characterised by the absence of communication routes and a high population density.

A l'origine, les concessions étaient délimitées par des clôtures, mais sous l'effet de l'accroissement démographique, celles-ci ont disparu. Les « concessions »[12] se succèdent les unes après les autres, le passage par l'une étant parfois obligatoire pour gagner une seconde. L'habitat de cour permet de nombreuses interactions sociales (conflictuelles ou non, Durang, 2001). Chaque habitant est ainsi intégré à une cour, un sous-quartier, une famille et finalement une communauté : celle de son village d'origine (ou celle de ses parents et grands-parents) et celle construite au fil des ans à la Brique même. Qu'on le veuille ou non, chacun est connu, ce qui est une première manière de préserver une relative sécurité au sein du quartier. L'agression ne peut être qu'extérieure (même si elle peut être commandée de l'intérieur). Chaque famille est tenue de contrôler ses enfants. Néanmoins, certains jeunes se signalent par leurs activités délictueuses : fumer du cannabis en bande par exemple. La Brique n'est donc pas un territoire complètement sécurisé.

Initially, land concessions were delimited by fences which disappeared with population increase. The « concessions »[13] were right next to one another, sometimes forcing residents to cross other residents’ properties. Living in dwellings opening onto courtyards generally leads to greater conflictual as well as amicable social interaction (Durang: 2001). As such, each resident is part of a yard, an area, a family and, in the end, a community: that of his/her native village (or the village of his/her parents’ and grandparents’) which was built over the years in La Brique itself. Whether or not residents accept it, each and every one of them is known, which is the first step towards preserving relative security within the neighbourhood. Attacks can only come from outside (even if they can be ordered from inside). Each family must control its children, although some youth draw attention to themselves by committing criminal activities such as smoking dagga in groups. As such, La Brique is not a completely secure territory.

En 2009, deux comités de vigilance sont actifs à la Brique : le comité « Haoussa » et celui « Bamoun ». Ils dépendent de divers chefs du quartier, à l'origine de leur création.

In 2009, two vigilance committees operated in La Brique: the Haoussa Committee and the Bamoun Committee, both depending on various founding district chiefs.

Le comité Haoussa a officiellement été initié par le chef de groupement. Officieusement, il est le fruit de l'action d'un chef de quartier (Ekoudou 5). Ayant accédé au statut de chef de longue date, bien qu'à un échelon inférieur à celui du groupement, ce dernier, aidé des chefs de blocs était légitime pour mobiliser les jeunes du quartier, en accord avec le chef de groupement. Celui-ci a donc délégué la production de sécurité à l'un des chefs de quartier afin de sécuriser le secteur le plus central de la Briqueterie et surtout le plus commerçant. En effet, Ekoudou 5 abrite un grand nombre de boutiques. La répartition des membres du comité d'une rue à l'autre dépend alors de leur densité dans la rue, le comité agissant en collaboration avec les gardiens. Tous se partagent l'argent versé par les boutiquiers qui finalement garantissent la permanence de ces actions de sécurisation, au-delà de la seule volonté des chefs[13]. Quant au comité "Bamoun", son aire d'action recouvre approximativement le quartier dit Briqueterie 8, placé sous la compétence du chef bamoun. De ce côté de la Brique, la communauté Bamoun est fortement représentée quand bien même son implantation apparaît moins forte que celle des Haoussas. L'organisation de ce comité semble moins liée à la communauté au profit des dynamiques économiques du secteur ainsi quadrillé. La station Total, les grands dépôts de marchandises, les ateliers de pièces détachées brassent suffisamment d'argent pour rémunérer les  membres du comité. On remarque ainsi que les actions de sécurisation de la Briqueterie peuvent apparaître disparates à grande échelle, dépendantes des commerçants tout en s'inscrivant néanmoins, dans les rapports hiérarchiques structurant la vie du groupement. Cela tend à préserver une certaine unité et le rôle de médiateurs des principaux chefs, voire des imams.

While officially the Haoussa Committee was initiated by neighbourhood chief, unofficially it results from the initiative of one of the district chiefs (Ekoudou 5). This chief, who had been chief for many years already (although with a status inferior to that of the cluster head) and was assisted by the heads of his blocks, was in fact the legitimate person to mobilise the youth living in the Briqueterie, in agreement with the neighbourhood chief. This means that, generally, the neighbourhood chief appoints one of the district chiefs to see to the production of security in the most central sector of La Briqueterie, which is also the most commercial with the presence of many shops, in Ekoudou 5 in particular. The distribution of the Committee members from one street to another depends on their density in the street. The Committee works in collaboration with security guards and all share the money paid by the shopkeepers, which in the end, beyond the chief’s will[14], guaranties the permanence of security actions. As to the Bamoun Committee, its area of action covers roughly the so-called district of Briqueterie 8, which is placed under the jurisdiction of the Bamoun Chief. On this side of La Brique, the Bamoun community is well represented, even if its presence is not as obvious as that of the Haoussa. It seems that the organisation of this Committee does not depend so much on the community as on the economic dynamics of the area: the Total petrol station, the large goods stations and the spare parts shops make enough money to pay the members of the Committee. As such, the security actions of La Briqueterie can appear disparate on a large scale and dependent on shopkeepers, while still being part of the hierarchical relations which structure the life of the neighbourhood. This tends to maintain a certain unity and the role of mediators of the main chiefs or even the imams.

Dans ce contexte, le rapport aux forces de sécurité et plus largement aux institutions n'est pas dénué d'ambigüité. En effet, les chefs n'ont pas hésité à recourir au sous-préfet de leur arrondissement en vue de faire légaliser leurs comités. Dès lors, nous ne pouvons pas conclure à une stricte juxtaposition des initiatives de sécurité, publiques et privées. Peut-être à une substitution voire à une forme d'incorporation des chefferies à l'administration centrale. Cependant, selon certains chefs de la Briqueterie, prendre en main sa sécurité est un moyen, finalement, de maintenir à distance les forces de l'ordre. Lors de vols, quand l'agresseur est connu, il est rattrapé par les membres des comités, sommé de restituer les objets dérobés : « notre comité, il va chercher le voleur chez lui. Il rend ce qu'il a volé » (Chef de quartier, 2009). Nous sommes là moins face à une justice punitive que restaurative qui, selon certains entretiens, permettrait aussi d'exercer et de laisser s'exercer diverses activités de recel. « Le commissariat du 2e arrondissement avait demandé un local (...) mais personne n'a accepté. Personne n'a voulu louer ou vendre un bout de terrain pour les accueillir car on se méfie un tout petit peu de la police. Parce que les commerçants importent des marchandises du Nigéria. Donc les habitants estimaient que cela pouvait nuire à leurs activités commerciales. Et puis, s'ils voulaient s'installer par la force, je pense que le local brûlerait aussitôt dans la nuit » (adjoint d'un chef de la Briqueterie, mars 2009).

In this context, the relationship with security forces and more generally institutions is not without ambiguity. Indeed, the chiefs did not hesitate to resort to the Sub-Prefect of their arrondissement to have their committees legalised. Consequently, while we cannot conclude that security initiatives, whether public or private, are strictly juxtaposed, we can perhaps conclude that the chieftaincies have been substituted or even somehow incorporated into the central administration. However, according to certain chiefs living in La Briqueterie, taking one’s own security in hand is a means to keep a certain distance with the police. When a theft is committed and the identity of the thief is known, he is chased after by the members of the committees and is asked to return the stolen goods: « the members of our committee go and fetch the thief in his home. He returns what he stole » (District Chief: 2009). This is not so much about punitive as restorative justice which, according to some interviews, would also make it possible to exercise and turn a blind eye to various activities involving the receiving or possession of stolen goods. « The police station of the 2nd arrondissement requested premises (…) but nobody accepted. No one wanted to rent or sell a piece of land for them to settle there because we are a bit careful about the police. Because the shopkeepers import goods from Nigeria. And therefore the residents felt that this could harm their business. And then, if they wanted to settle there by force, I think that the premises would soon be burned down in the night » (deputy of a district chief, March 2009).

Cela n'empêche pas, parfois, la saisine de la police ou de la gendarmerie, a priori quand les personnes en cause sont extérieures au quartier et aux grandes familles de la Briqueterie. Dans ce cas et d'après certains membres du comité Haoussa, le « carrefour tissu » non loin de la « pharmacie du Verset », sert d'interface avec les forces de l'ordre. C'est ici que la police ou la gendarmerie viennent chercher les malfaiteurs arrêtés pendant la nuit.

Nonetheless, sometimes this does not prevent the police or gendarmerie from submitting a case to court, when the people concerned are from outside the neighbourhood and have no connection to the main families of La Briqueterie. In this case and according to some members of the Haoussa Committee, the place called « Carrefour tissue« , not far from the pharmacy of the Verset, is used to interface with the police. This is where the police or gendarmerie come to fetch criminals who were arrested in the night.

En outre, les chefs évoquent l'impératif de devoir maintenir l'ordre en cas d'émeutes, ce qui nous renvoie à la dimension idéologique de la sécurité. Mais de manière générale, les habitants, eux, se plaignent d'une trop grande corruption de la police et de la gendarmerie d'une part[14], de trop de « laxisme » d'autre part : « le problème est que lorsqu'on arrête un voleur, il ressort le lendemain. Quand quelqu'un, ses parents et amis du voleurs payent, ils le relâchent. Alors que normalement on doit le corriger. Le problème c'est que vous n'avez pas la même façon de mesurer la délinquance. Le commissaire se dit que quand c'est un gars qui a volé un poste de radio, c'est un petit délinquant, les prisons sont pleines, on le laisse quoi. Ils qualifient les délits avec une autre hiérarchie dans la gravité. Pour la police c'est des délits mineurs, pour nous non » (chef de quartier, 2009). Là où les forces de l'ordre pensent rendre justice, paradoxalement les habitants se sentent victimes d'une injustice.

Moreover, the chiefs speak about the imperative of maintaining peace in case of riots, which brings us back to the ideological dimension of security. But, generally, the residents complain about the excessive corruption of the police and gendarmerie on the one hand[15], and the excess of laxity on the other hand: « the problem is that when they arrest a thief, he gets out the next day. When a parent or a friend of that thief pays, then the police let him go, when normally he needs to be punished. The problem is that you don’t have the same way of measuring criminality. The police superintendent thinks that when a man steals a radio, that man is a petty thief, and the prisons are full of them, and therefore the police let him go. The police categorise crime differently from us. For the police, these are petty crimes, but for us it’s not » (District Chief: 2009). Where the police think they are applying justice, paradoxically that is when the residents feel that they are the victims of an injustice.

Ce qui garantit la sécurité de la Brique est donc l'existence d'une proximité autant spatiale que sociale. En dépit de la diversité des populations, on peut conclure à l'existence d'une sécurité communautaire, dotée de chefs assurant réparation de tout préjudice. Pour autant, deux questions se posent. Combien de temps cette reconnaissance d'une autorité peut-elle exister ? Au sein des sous-quartiers, certains habitants notent la venue de nouveaux locataires s'inquiétant d'une « ouverture » de la Brique à des « inconnus » ne s'inscrivant pas dans les schémas de médiation existants. A l'échelle de la ville, un tel dispositif n'est pas transposé, faisant de la Brique, plus que jamais, une enclave. Enclave assurant la protection de ses seuls habitants.

On the whole, spatial and social proximity is what guarantees security in La Brique. Despite the diversity of the populations, we can conclude that there is a community-based security, with chiefs ensuring that any prejudice is remedied. How long will recognition of this authority last? In some areas, residents note the arrival of new lodgers and are concerned about the fact that La Brique is opened to strangers and falls outside of the current mediation patterns. The fact that this community-based security system has not been transposed at the city level, makes of La Brique an enclave more than ever, one that ensures the protection of its residents.

 

Nkomkana : une faible organisation territoriale à l'origine de la fragmentation des dispositifs de sécurité

Nkomkana: A Weak Territorial Organisation behind the Fragmentation of Security Systems

Ce qui fonde et maintient l'identité de la Briqueterie ne se retrouve pas nécessairement à quelques mètres de là. Nkomkana, quartier péricentral densément peuplé, présente un brassage de populations également riche, une ethnie a priori dominante (les Bamilékés). Précisons pourtant que le terme bamiléké ne renvoie pas à une ethnie mais à un ensemble de chefferies aux langues distinctes et voisines partageant quelques éléments de leur culture.

Unlike La Briqueterie, as far as identity foundation and maintenance are concerned, the densely populated peri-central neighbourhood of Nkomkana consists of a mixture of different cultures, with the Bamileke as the dominant ethnic group, although « bamileke » does not actually refer to a specific ethnic group, but to a group of chieftaincies with distinct yet related languages and common cultural traits.

Nkomkana a connu un accroissement de sa population suite à des aménagements dans le quartier voisin de Madagascar (Franqueville, 1984). Des habitants qui en ont été chassés, se sont retrouvés à Nkomkana, formant le noyau de population auquel se sont agrégés des migrants de tout l'Ouest camerounais. Ces derniers inscrivent leur venue dans la capitale dans un projet migratoire individuel et ne cherchent pas à rejoindre une communauté préexistante, quand bien même le recours à cette dernière est nécessaire les premiers temps passés à Yaoundé. La densité et la diversité des origines des habitants du quartier ne garantissent pas des réseaux d'interconnaissance et de solidarité. Le quartier ne dispose pas d'un système de régulation et de contrôle identique à celui de la Briqueterie.

The population of Nkomkana increased when the neighbouring neighbourhood of Madagascar underwent developments (Franqueville: 1984) and its residents were chased away. These decided to settle in Nkomkana and, together with migrants from western Cameroon, became the core of the population. These migrants came to live in the capital city for personal reasons and did not seek to join one community or another, although it always seems necessary to do so when living in Yaounde for the first time. Indeed, the density and diversity of the residents’ origins do not guarantee social or solidarity networks.

Cependant, face à l'insécurité récurrente (vols, cambriolages), des tentatives de sécurisation se développent. Des comités de vigilance sont créés. En quelques années, Nkomkana en a vu se succéder plusieurs.

Nkomkana does not have a regulation and control system like that of La Briqueterie. Also, in the face of recurrent insecurity (theft and house breaking), attempts have been made at improving the security of the neighbourhood, with the creation of several vigilance committees succeeding one another.

Les habitants interrogés évoquent déjà ceux créés dans la décennie quatre-vingt dix. Ils sont organisés pour réagir à la montée de vols et d'agressions. Ils s'appuient sur la mobilisation de jeunes hommes du quartier, souvent désœuvrés mais présentant des niveaux d'instruction très divers (diplômés, chômeurs, déscolarisés). Surtout, ils reposent sur un système de cotisation : chaque habitant, à défaut de participer physiquement, doit s'acquitter du versement d'une certaine somme (100 francs par jour et par ménage pour l'un des comités, des versements irréguliers dans d'autres cas). Les sommes réunies devraient garantir une petite rémunération aux membres des comités. En principe, chaque nuit, des cordes sont tirées dans la largeur de certaines routes, créant un barrage de facto où chaque passant et chaque véhicule sont contrôlés. Des sifflets permettent de donner l'alerte. Au départ, un comité peut rassembler jusqu'à une cinquantaine de membres. Au fil des semaines, il en mobilisera une vingtaine, une dizaine jusqu'à, parfois, disparaître... Nkomkana ne présente donc pas le même profil social que la Briqueterie. L'absence de pouvoirs reconnus d'une part, de logiques sociales fortes d'autre part freine l'émergence de pratiques collectives de sécurité. Réciproquement, les réponses locales à l'insécurité ne parviennent pas à faire émerger une unité territoriale et une appropriation collective de Nkomkana. L'absence des forces de l'ordre ne peut alors que cruellement se faire sentir, réactivant encore et toujours la figure du comité. Cette situation nous conduit à envisager davantage la multiplicité des figures et pouvoirs intervenant sur la sécurité de Yaoundé. Qui est au fondement du comité ? Quelles sont les relations avec la police et la gendarmerie ? Et finalement, que choisissent les habitants ?

Interviewed residents spoke of the vigilance committees created already in the 1990s. These were organised in reaction to an increase in the number of thefts and attacks, and relied on the mobilisation of young men from the neighbourhood who were often out of work, and who came from all walks of life, whether graduates, unemployed or school dropouts. These committees relied on a subscription system: each resident who did not physically take part had to pay a certain sum of money (e.g. 100 francs per day per household for one of the committees, or irregular payments for other committees). The money collected was then used to remunerate vigilance committee members. In principle, every night, ropes were stretched across certain roads, de facto creating a roadblock where all pedestrians and cars were controlled. Whistles were used to sound the alarm when necessary. A committee can initially gather up to around fifty members. But this number can dwindle down to nothing, with the committee disappearing altogether in the space of several weeks. As such, Nkomkana’s social profile is very different to that of La Briqueterie. Indeed, the potential emergence of collective security practices is slowed down by the absence of recognised authority and strong social principles. Vice versa, local response to insecurity does not manage to bring out a territorial unity or the collective appropriation of Nkomkana. As a result, the non-presence of the police is strongly felt, which keeps the image of the committee alive. This situation brings us to consider even more the multiplicity of figures and authorities intervening in the security of Yaounde. Who is behind a committee? What kind of relations does a committee have with the police and the gendarmerie? And, finally, what do residents end up choosing?

Les autorités (le sous-préfet) de Yaoundé ont pu encourager l'existence de comités de vigilance pour soutenir ou assurer la relève des forces de l'ordre. Le fait n'est pas nouveau à Yaoundé, et au Cameroun en général. Ainsi, un rapport sur l'activité du Commissariat central de la ville de Yaoundé, daté de l'année 1957, fait mention de l'existence de patrouilles d'auto-défense. En l'occurrence, celles des quartiers de la Briqueterie et de Nlongkak sont pointées du doigt, non pas pour avoir sécurisé les zones mais pour avoir été à l'origine d'agressions. « Ces patrouilles d'auto-défense qui ne respectent pas toujours les consignes qui leur ont été données et profitent quelquefois de l'occasion pour satisfaire leurs vengeances personnelles.[15] » Si des consignes ont été données, a priori par les forces de police, ces patrouilles d'auto-défense ne sont donc pas nécessairement le fruit des initiatives seules des habitants. A l'échelle du pays, lors de la décolonisation, les autorités centrales encourageront à leur tour les populations de nombreux villages à mettre sur pied leur propre sécurité pour se protéger des attaques des « maquisards »[16].

The authorities (and more particularly the Sub-Prefect) of Yaounde have encouraged the creation of vigilance committees to assist or relay the police, which is no secret in Yaounde or Cameroon for that matter. A report on the activities of the central police station of Yaounde dated from 1957, mentions the existence of vigilance patrols. The patrols of La Briqueterie and Nlongkak were pointed out particularly for having committed attacks. « These vigilance patrols do not always respect the instructions given to them and sometimes take advantage of the situation to satisfy their desire for personal revenge.[16] » The fact that instructions were given by the police means that these patrols were not necessarily the fruit of resident initiatives only. A the level of the country, during decolonisation, the central authorities in turn encouraged the residents of many villages to set up their own security endeavours to protect themselves from independence fighters (called maquisards).

Aujourd'hui, la sous-préfecture doit donner des moyens permettant en principe, l'achat de matériel. Les comités utilisent des sifflets, des torches, des cordes, des gourdins et des machettes, ce qui nécessite un investissement de départ, couvert en partie ou en totalité par la sous-préfecture[17]. Les populations demandent ainsi à voir l'existence de leur comité de vigilance légalisée. Le chef de quartier est alors sollicité par l'un ou les autres dans les négociations. La reconnaissance d'un comité devrait assurer l'existence d'un partenariat avec les policiers et/ou gendarmes en charge du secteur concerné. Elle devrait aussi préserver les membres du comité de toute action en justice.

Today, the Sub-Prefecture must give residents the means to buy the equipment. Committees make use of whistles, flashlights, ropes, clubs and machetes, which requires an initial investment, covered in part or in whole by the Sub-Prefecture[17]. As such, the populations want to see the existence of their vigilance committees legalised. The head of the neighbourhoods is then asked by one committee or another to take part in the negotiations with the authorities. While recognition of a committee should ensure its partnership with the police officers and/or gendarmes in charge of the area concerned, it should also guarantee committee members from any legal action against them.

Cependant, les forces de l'ordre incriminent fortement l'existence de tels comités. Ils n'ont pas confiance en leur action, pointant du doigt les nombreux dérapages qu'elles occasionnent et leur manque de professionnalisme. Au final, la sous-préfecture demeure timide sur un processus que paradoxalement elle engage et suscite souvent. Elle souhaite une sécurité à moindre coût mais ne peut pleinement s'engager, encore moins couvrir des actes qui s'avèrent des délits et des crimes.

However, the police strongly incriminate the existence of such committees and do not trust their initiative, pointing out the many blunders and lack of professionalism. In the end, the Sub-Prefecture remains reserved about a process which, paradoxically, it often ends up initiating as well as provoking. It wishes for a security at a lower cost but cannot fully pursue it, and even less cover potential criminal actions.

Pourtant, dans ce contexte, un comité de vigilance se développe à Nkomkana 1 en 2009, à l'initiative du chef de quartier et de la personne chargée d'organiser la sécurité. Mais ce projet de sécurité porté ici par W. montre à quel point le comité y est dépendant d'un investissement personnel. W. a 28 ans, il est né à Nkomkana. D'abord à l'initiative d'une association d'Assistance Cynophile et Service, il loue ses compétences aux sociétés de gardiennage présentes à Yaoundé. En accord avec le chef de son quartier, il s'est porté garant, depuis un an maintenant, de l'organisation du comité de vigilance couvrant son secteur, le quartier Nkomkana 1. Il est ainsi un référent du quartier. Plusieurs étapes successives permettent de comprendre la gestation du comité et montrent comment un projet individuel peut devenir collectif. Une demande d'autorisation a été adressée aux autorités concernées : la sous préfecture de Yaoundé 2, le commissariat de Mokolo 2e et la brigade de gendarmerie de Tsinga Madagascar. Avec l'accord du sous-préfet, W. a reçu la permission de recenser les habitants du quartier Nkomkana 1, afin de garantir un niveau de cotisations nécessaire au bon fonctionnement du comité. Pour cela, chaque ménage recensé doit obligatoirement donner 3000 FCFA par mois soit 100 FCFA par jour. Le comité dresse des barrières délimitant son champ d'action la nuit tombée. Elles deviennent des lieux de contrôles, des portes d'entrées censées filtrer les inconnus. Le comité devrait fonctionner avec une vingtaine de membres, soit postés aux entrées du quartier, soit organisés en patrouilles afin de sillonner les « couloirs » et pistes, du « goudron » au sous-quartier. W. explique que ce projet pilote sera étendu à l'ensemble du quartier de Nkomkana s'il s'avère efficace et durable.

In this context, a vigilance committee was developed in Nkomkana 1 in 2009, on the initiative of the neighbourhoods head and a man named W, in charge of organising security, and for whom security is a personal investment. W is 28 years old and was born in Nkomkana. On the initiative of an association called Assistance Cynophile et Service, he hired himself out to various security companies in Yaounde. In agreement with the district chief where he lived, he put together a vigilance committee for Nkomkana 1 and, over time, became a reference in the district. The way this committee had been developing shows how an individual initiative can become a collective project. Permission to create a committee was requested from the authorities and more particularly the Sub-Prefecture of Yaoundé 2, the police station of Mokolo 2e and the gendarmerie squad of Tsinga Madagascar. With the approval of the Sub-Prefect, W received permission to compile a register of Nkomkana 1 residents, with a view to working out how much the committee could rely on if it was to function properly. Each household listed was to pay 3 000 FCFA per month, i.e. 100 FCFA per day. Then the committee began operating, erecting barriers at night to delimit its field of action, and controlling strangers coming in and out of the neighbourhood. The committee had around twenty members who were to be either posted at the entrances of the neighbourhoods, or organised in patrols doing rounds. W explained that, should this pilot project turn out to be efficient and sustainable, it would be extended to include greater Nkomkana.

Mais, à écouter les récits des habitants de Nkomkana, le comité de vigilance tient souvent plus de la réaction ponctuelle à une dégradation sécuritaire qu'à un investissement de long terme dans la sécurisation du quartier. Le comité s'appuie sur l'existence de réseaux de voisinage et sur leur capacité mobilisatrice, ce qui n'est pas inhérent à chaque quartier, en particulier Nkomkana, au regard de la Briqueterie. Enfin, les habitants ne veulent ou surtout, ne peuvent pas cotiser régulièrement. Les jeunes membres du comité se découragent et se lassent d'une mission largement accomplie bénévolement.

However, Nkomkana residents felt that the action of the vigilance committee was more about sporadic reaction to security degradation than long term security investment in the neighbourhood. The committee relied on the existence of neighbourhood networks and their capacity to stir people into action, which was not inherent to each neighbourhood, particularly Nkomkana, from the viewpoint of La Briqueterie. Finally, while some residents did not want to pay, others simply could not afford regular fees towards a vigilance committee, leading the young committee members to lose heart and grow weary of carrying out security missions voluntarily.

Parfois, l'absence de comité laisse place à des « justiciers ». En 2009 à Nkomkana, deux jeunes frères se présentent ainsi comme les référents du quartier en matière de sécurité. Chaque habitant est censé détenir leur numéro de téléphone portable pour les joindre en cas d'agression. Ces deux frères, nés également à Nkomkana et sans activité professionnelle, interviennent sur une portion du quartier, qu'ils ont dénommée le « secteur de la paix ». Connus dans leur quartier pour leur robustesse et leur physique d'athlète, âgés de moins de 30 ans, ils sont à la tête d'un groupe d'une quinzaine de jeunes dont les journées sont rythmées par la « débrouillardise », le partage de modiques sommes obtenues au jour le jour et leur regroupement quotidien dans leur quartier, plus spécifiquement dans leur secteur. Ils estiment devoir protéger leur quartier dans lequel familles et amis résident. La sécurité s'établit ici de manière informelle, au gré des rapports que les individus entretiennent entre eux. Leur secteur peut être alors considéré comme un micro-territoire de sécurité. Nous remarquons aussi la manière dont ces deux frères définissent le droit à la protection et décident de rétablir une forme de justice au point de se dénommer « justicier » dans les discours.

Sometimes, the absence of vigilance committee gives way to people who take the law into their own hands. This was the case of two young brothers who, in 2009, decided to ensure security in Nkomkana. Each resident was supposed to have their cell phone number handy to reach them in case of mugging. The two brothers, who were also born in Nkomkana and were without occupation, were both under 30. They intervened on a portion of the neighbourhood which they called the « peace sector ». Well-known in the neighbourhood for their strength and muscles, they headed a group of around fifteen resourceful youngsters who met every day. All shared the modest sums obtained from ensuring security in the area. They deemed it their duty to protect the area in which their families and friends lived. As such, security was informal and depended on the relationships developed with residents. In this light, one could consider the area as a micro-territory of security. In our interviews with the brothers, we noticed how they defined the right to protection and decided to re-establish a form of justice to the point of calling themselves « lawmen ».

Qu'ont-ils à gagner à s'exposer de la sorte ? A force de se poser en justicier, ces jeunes s'exposent autant à la faute et à des poursuites judiciaires qu'à une sanction plus informelle de la part de potentiels voleurs. En témoigne la demande de l'un d'eux demandant la protection de la police (et son intégration). Ce qui pose la question de leur statut et de leur véritable intérêt, difficilement cernable en quelques semaines d'enquêtes mais que soulèvent certaines personnes lors de nos entretiens, n'hésitant pas à remettre en cause ce statut de justicier et leur conception d'une justice appliquée à des fins personnelles.

By keeping on claiming to be lawmen, the young brothers opened themselves to mistakes, legal actions and sanctions from potential thieves. This was testified by the fact that one of them requested protection from (and integration into) the police. This questions their status and intentions, which were not easily discernable in a few weeks’ worth of interviews, but which some people mentioned during the interviews, questioning their status of lawmen and their concept of justice for personal ends.

Il ressort une partition spatiale des quartiers en de multiples secteurs, au gré d'initiatives des uns et des autres. Ajoutons que la fermeture des rues par le système de « cordes » garantit au mieux la protection de quelques pistes. Nkomkana dans son entier n'est ainsi nullement couverte par l'action d'un comité de vigilance. On peut aussi se demander comment deux comités peuvent cohabiter. Toujours est-il qu'un an après les premières enquêtes, le comité de vigilance monté par W. n'existe plus et les deux frères ont quitté le quartier. Le comité paraît finalement tenir d'un contexte et de l'investissement d'une ou plusieurs personnes, affaiblissant l'hypothèse de réseaux de sociabilités. Et parce qu'il tient d'un leadership, il est d'autant plus fragile. Nous sommes là bien loin de l'émergence de logiques participatives, formelles ou non, matérialisées par des fermetures de rues d'une part, la création d'associations de voisinage d'autre part (tels que cela a pu être démontré au Nigéria, en Afrique du Sud et au Kenya, Bénit-Gbaffou, Fabiyi, Owuor, 2007). Un comité au Cameroun peut même participer de la fragmentation d'un quartier en zones d'influence.

Resulting from this all is a spatial distribution of neighbourhoods into many areas, which depends on the flow of security initiatives. Enclosing an area using ropes at best guarantees the protection of a few roads only, and as such Nkomkana is not fully covered by the actions of a vigilance committee. One could also question how two committees manage to coexist. All in all, one year after the first interviews, the vigilance committee established by W no longer exists and the two brothers left the neighbourhood. In the end, while it seems that a committee might need specific context and personal investment to come into existence, this certainly weakens the social network hypothesis. In addition, a committee relying on leadership makes it all the more fragile. This is a far cry from the emergence of in-/formal participative principles, materialised through road closure on the one hand and the creation of neighbourhood associations on the other (as shown in Nigeria, South Africa and Kenya, Bénit-Gbaffou, Fabiyi, Owuor: 2007). A committee in Cameroon can even partake of the fragmentation of a neighbourhood into zones of influence.

L'absence de sécurité ou sa « privatisation » rendent criante l'absence d'une véritable politique publique de sécurité. Cependant, nous l'avons vu, il est trop rapide d'opposer de manière tranchée forces de l'ordre d'une part, réponses populaires d'autre part. Le chevauchement sécuritaire se joue à plusieurs échelles et entre différents acteurs. Il semblerait toutefois que les habitants ne se retrouvent nullement dans les initiatives privées de quelques personnalités de leur quartier, qu'ils estiment orientées à des fins privées, finalement au même titre que celles des forces de l'ordre enclines à monnayer leur intervention. A Nkomkana par exemple, il ressort un profond sentiment d'injustice couplé à une véritable attente d'un service public de sécurité à l'échelle de la ville. Par contre, l'Etat semble quasiment évincé du fonctionnement de la Briqueterie dont les habitants ont pris en mains la gestion de la sécurité publique.

The absence or even privatisation of security seriously calls for a real public security policy. As seen previously, we cannot oppose police and popular responses too hastily and in a clear-cut manner. Security overlapping takes place at several levels and between different actors. However, it seems that residents are not actually included in the private initiatives of the few local personalities who, on the contrary, are in the security business to their own private ends. In this light, such initiatives are on a par with those of the police force which is inclined to make money from its interventions. In Nkomkana for example, what emerges is a deep feeling of injustice coupled with high expectations as far as city level public security service is concerned. On the other hand, the State appears to be almost ousted from the functioning of La Briqueterie where residents have taken public security management into their own hands.

 

 

Conclusion

Conclusion

Une étude de la sécurité débouche sur une véritable géographie des pouvoirs urbains : nous découvrons ici une multiplicité d'acteurs (forces de sécurité, sociétés privées, chefs de quartier, comité de vigilance, « justiciers », habitants) intervenant à différentes échelles de temps et d'espace dont les pouvoirs s'opposent autant qu'ils se rencontrent et se négocient, ce qui n'est pas sans interroger la possibilité d'un accès spatialement juste à la sécurité.

Through our study on security, we are discovering a complete geography of urban powers, involving a multiplicity of actors such as security forces, private companies, neighbourhood and district chiefs, vigilance committees, lawmen and residents, all intervening on different time and spatial scales, opposing one another, meeting and negotiating, and raising the issue of a spatially fair access to security.

Se juxtaposent ou se chevauchent des logiques individuelles des quartiers résidentiels aisés (murs, caméras, appel aux sociétés de gardiennage déclarées ou gardiens « informels » à Bastos) à celles, plus collectives de certains quartiers pauvres. La sécurité n'est pas le fait de l’État seul mais aussi d'une diversité d'acteurs intervenant sur ces espaces. Il faut aussi se garder de réduire les initiatives de sécurité à l'organisation des comités de vigilance. Si ces derniers sont la forme la plus visible de sécurité dans les quartiers pauvres, ils n'y sont pour autant ni partout, ni en tout temps. La sécurité soulève donc la question des rapports de force et des normes qui créent la ville et conduisent à l'apparition ou à la consolidation d'inégalités en son sein. La sécurité n'est pas accessible à tous de la même manière, l’État restant un élément incontournable pour en négocier l'accès. Sa production interagit avec les inégalités sociales, appréhendées ici dans leur dimension spatiale : les politiques publiques de sécurité et les pratiques sécuritaires des forces de l'ordre, des communautés et des individus, expriment, composent et renforcent de fortes segmentations urbaines et mises à distances sociales. Cette gestion sécuritaire différenciée dépend des dynamiques sociales propres à chaque quartier, sous-quartier et blocs. En miroir, elle influe sur l'espace social même du quartier et sur les forces ou les faiblesses de son identité et de son unité territoriale. Ainsi, d'un quartier à l'autre, voire d'une rue à l'autre, les initiatives populaires de sécurité se distinguent. Plus le quartier est porteur d'une identité forte et revendiquée, plus la communauté qui y est attachée parvient à mettre sur pied et à maintenir des instances de régulation et de contrôle et donc des processus de sécurisation. Ce qu'illustre la Briqueterie. A l'inverse, des quartiers échouent à porter et faire perdurer des dynamiques sociales. On aboutit à des micro-territoires de sécurité, comme à Nkomkana, qui disparaissent aussitôt qu'ils sont créés.

Our study reveals the individual logic found in well-off residential areas which make use of walls and cameras, and call on registered security companies or informal security guards, as in Bastos. It also reveals the more collective logic of popular neighbourhoods. In the end, security is not just a State affair; it also involves any actor intervening in the urban space. At this stage, we need to avoid reducing security initiatives to organising vigilance committees. While such committees are the most visible form of security in poor neighbourhoods, this does not mean that they are to be found there every time. As such, security raises the issue of power struggle and standards underlying the city, and leading to the appearance or consolidation of inequalities within it. Security is not accessible to all in the same way but the State remains a key element to negociate the access to security. Its production interacts with social inequalities understood in their spatial dimension: public security policies and the security practices of the police, communities and individuals, express, compose and reinforce strong urban segmentations and social distancing. Such differentiated security management depends on social dynamics peculiar to each neighbourhood, areas and blocks. Yet it also has an influence on the actual social space of the neighbourhood, and on the strengths or weaknesses of its identity and territorial unity. As such, from one neighbourhood to another, or even from one street to another, popular security initiatives are being distinguished. The more a neighbourhood carries a strongly claimed identity, the more the community – which is attached to it – manages to establish and maintain regulatory and monitoring authorities, and therefore security processes, which is what La Briqueterie illustrates. Conversely, some neighbourhoods fail to sustain and maintain social dynamics, leading to micro-territories of security, as in Nkomkana, which do not last.

L'existence de logiques communautaires, telles à la Briqueterie pourrait-elle relayer les exigences internationales de police citoyenne, communautaire et de proximité ? Souhaiter installer des postes de police et multiplier les commissariats et brigades sans prendre en compte les systèmes politiques et de régulations existant localement, particulièrement dans un État clientéliste (Bayart, 1985), représente un manque à gagner dans la construction d'une police proche. Néanmoins, cela n'est pas sans soulever la question de l'accès à une sécurité juste pour tous, à travers l'espace urbain. Ainsi, de telles dynamiques sociales n'existent pas à Nkomkana. A Bastos, elles conduisent à une privatisation de la sécurité selon les revenus des habitants. Quant à la Briqueterie elle-même, chefs de quartier et grands commerçants semblent d'abord assurer la sécurisation de leurs propres biens. La sécurité est un facteur de fragmentation (dépendant d'une diversité de critères, revenu, origine, genre...) et d'injustice spatiale : la réaction à une absence de sécurité dans un quartier de la ville renforce, en miroir, la relégation d'un autre territoire. Ce qui apparaîtra juste et légitime aux yeux des habitants de la Briqueterie renforcera en définitive la marginalisation de Nkomkana.

Could the existence of a community principle, like that found in La Briqueterie, echo international requirements for a responsible, committed and community-based police force? The will to establish and develop police stations and squads without taking into account local political and regulatory systems, especially in a clientelist State (Bayart, 1985), represents a shortcoming in the construction of a committed police force. Nevertheless, this raises the issue of fair access to security for all throughout the urban space. There are no such social dynamics in Nkomkana. In Bastos, they lead to the privatisation of security as per resident affordability. As to La Briqueterie itself, it seems that the neighbourhood and districts chiefs with major shopkeepers want to ensure the security of their own properties first. Security is a factor of fragmentation (which depends on a diversity of criteria such as income, origin and gender) and spatial injustice: a reaction to a lack of security in one neighbourhood of the city reinforces relegation in another. What appears just and legitimate to the residents of La Briqueterie will, in the end, reinforce the marginalisation of Nkomkana.

 

 

[1] Nous entendons quartier pauvre, des quartiers densément peuplés, sous-équipés et dégradés, à défaut de disposer de statistiques précises sur les niveaux de revenus et statuts d'occupation.

[1] By poor suburb we mean densely populated, under-equipped and damaged suburbs, for lack of accurate statistics on income levels and professional status.

[2] Après une première colonisation par les Allemands, au sortir de la Première Guerre mondiale, le Cameroun devient territoire sous mandat de la SDN puis sous régime de tutelle de l'ONU, réparti entre la Grande-Bretagne et la France.

[2] After being initially colonised by the Germans, at the end of WWI Cameroon came under a League of Nations mandate and subsequently became a United Nations Trust Territory, shared between Great-Britain and France.

[3] Les PAS vont se succéder : 1988-1989, 1991-1992, 1994-1995 puis le Cameroun est admis au programme des pays les plus pauvres très endettés - PPTE - en octobre 2000.

[3] Strategic Actions Programmes saw the day: 1988-1989, 1991-1992 and 1994-1995, then Cameroon was admitted to the Heavily Indebted Poor Countries (HIPC) programme in October 2000.

[4] Ces recherches se sont conduites en deux temps : en juillet et août 2007, des entretiens ont été conduits auprès de la police et de la gendarmerie camerounaise à Yaoundé (29 entretiens, dont 5 auprès de représentants de la Coopération française au Cameroun, 5 auprès de gendarmes et 8 auprès de policiers, très majoritairement officiers). En juillet 2008, un séjour au Centre des Archives d'Outre-Mer d'Aix en Provence a permis de compléter les archives consultées à Yaoundé (Archives nationales) pour mieux cerner l'émergence des institutions de sécurité lors la période coloniale (Cameroun francophone).

[4] This research was conducted in two phases: first in July and August 2007, when interviews were conducted with the Cameroonian police and gendarmerie in Yaoundé (29 interviews including 5 with representatives from the French Co-operation in Cameroon, 5 with gendarmes and 8 with police officers); and secondly in July 2008, at the Centre des Archives d’Outre-Mer d’Aix en Provence to add to the archives consulted in Yaounde (National Archives) to understand better the emergence of security institutions during the colonial period (francophone Cameroon).

[5] Ce programme a été financé par le Service de Coopération et d'Action culturelle de la France au Cameroun.

[5] This programme was financed by the French Service de Coopération et d’Action culturelle in Cameroon.

[6] Ces entretiens n'ont pas toujours pu être enregistrés. On peut noter que les gendarmes et les policiers ayant refusé l'utilisation d'un enregistreur ont été les plus prolixes au contraire de ceux acceptant l'utilisation d'un micro, s'enfermant alors dans un rôle et un statut et livrant peu d'eux-mêmes, de leurs parcours, de leurs doutes et des réalités quotidiennes de leur travail.

[6] It was not always possible to record these interviews. The gendarmes and police officers who refused to be recorded were in fact the most forthcoming, as opposed to those who accepted the use of a microphone and who spoke little of themselves, their careers, their doubts and the daily realities of their work.

[7] Quelques courriers aujourd'hui archivés témoignent des difficultés des forces en présence pour remplir leurs missions de sécurisation : ANY, 1 AC/1100 et ANY, APA 11 223/M Le Ministre des colonies à M. le Commissaire de la République française dans les Territoires du Cameroun. Objet de la lettre en date du 14 mai 1938 : au sujet du rapport annuel du Commandant des Forces de police pour l'année 1937 Paris, le 14 mai 1938 (rue Oudinot, Paris 7e).

[7] A few letters today archived testify to the difficulties experienced by the forces present to fulfil their security missions: ANY, 1 AC/1100 and ANY, APA 11 223/M The Minister of Colonies to the Prefect in the Territories of Cameroon. Letter dated 14 May 1938: RE the annual report of the Police Commissioner for the year 1937 Paris, 14 May 1938 (rue Oudinot, Paris 7e).

[8] Après le putsch du 06 avril la garde républicaine a été dissoute par le président Biya. Il a créé une formation inter-armées: de gendarmerie, armée de terre, de l'air et marine dénommée garde présidentielle (GP). La garde présidentielle (GP) quant à elle est créée par le décret n° 85/ 738 du 21 mai 1985. Elle relève de l'autorité du chef de l'Etat et comprend deux missions essentielles à savoir la parade et le combat (Belomo Essono, 2007 : 430).

[8] After the putsch of 6 April, the Republican Guard was dissolved by President Biya. He then created a joint task force made up of gendarmerie, Army, Air Force and Navy personnel called the Presidential Guard, which was legitimised by Decree n° 85/ 738 of 21 May 1985. This Guard falls under the jurisdiction of the Head of State and has two missions, i.e. parading and fighting (Belomo Essono: 2007: 430).

[9] Le Bataillon d'intervention rapide est une unité d'élite créée récemment pur lutter contre les « coupeurs de route » dans le grand nord et l'est du pays. Il intervient en soutien aux débordements que la police ni la gendarmerie ne peuvent affronter.

[9] The BIR is an elite unit recently created to fight against armed road gangs in the north and east of the country. The BIR intervenes where the police and gendarmerie cannot.

 

[10] Yaounde makes up an urban community, led by a government representative who is appointed by the Central Authority. This community is divided into 7 urban communes of arrondissement, each run by local councilors who are elected into post.

[10] Nous ne disposons malheureusement pas de données assez précises pour cartographier le redéploiement des unités de police dans la ville de Yaoundé.

[11] We are not in possession of sufficiently accurate data to map the redeployment of police units in Yaoundé.

[11] Le Groupe Spécial d'intervention, composé de policiers spécialisés dans la lutte contre le grand banditisme. Voir aussi le Groupe Polyvalent d'Intervention de la Gendarmerie Nationale (GPIGN).

[12] The Groupe Spécial d’intervention (or Special Intervention Group) is made up of police officers specialized in the fight against organised crime. See also the Groupe Polyvalent d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (GPIGN).

[12] Terme d'origine coloniale utilisé localement pour désigner les parcelles dans les quartiers populaires.

[13] Expression of colonial origin used locally to refer to plots of land in popular areas.

[13] Un boutiquier peut donner entre 500 et 1 000 fcfa par semaine au comité.

[14] A shopkeeper can give between 500 and 1 000 FCFA per week to the committee.

[14] Il semblerait que monnayer sa sortie de cellule revienne plus chère dans une brigade de gendarmerie que dans un commissariat. La gendarmerie ne serait donc pas moins corruptible et simplement plus inaccessible. Les gendarmes demanderaient 30 000 fcfa quand les policiers exigent entre 2000 à 6000 fcfa.

[15] It appears that paying to come out of jail is more expensive in a gendarmerie squad than in a police station. In this light, the gendarmerie is not any less corruptible than the police force, simply more inaccessible. Apparently gendarmes ask for 30 000 FCFA when police officers demand between 2 000 and 6 000 FCFA.

[15] ANY, 1 AC 1890

[16] ANY, 1 AC 1890

[16] Ceux qui luttaient pour l'indépendance.

 

[17] Un comité de vigilance légalisé ne doit pas être équipé en armes à feu.

[17] A legalised vigilance committee must not be equipped with firearms.

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Archives

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CAOM 1AFFPOL/539 dossier 14 : Circulaire ministérielle n°2 C1, du 10 Juin 1930, relative à la nécessité de renseigner rapidement le Département sur les incidents locaux d’une certaine importance.

CAOM 1AFFPOL/1675 : Ville de Douala, 1927, Lettre adressée au Commissaire de la République française

CAOM 1AFFPOL/3304, dossier 2 : Rapport, non daté (vraisemblablement 1946 à la suite d’un courrier de mai 1946 du Haut Commissaire sur le transfert) : sur le transfert de la Sûreté de Douala vers Yaoundé.

 

Archives nationales de Yaoundé

ANY, 1 AC/1100 (existe aussi sous la côte APA 11 410/A)

Rapport sur le fonctionnement et l’activité de la police municipale de Yaoundé au cours de l’année 1951 présenté par R. Ducamin, commissaire de police de la Sûreté Nationale. Commissariat central de Yaoundé

ANY, APA 11 223/M Le Ministre des colonies à M. le Commissaire de la République française dans les Territoires du Cameroun. Objet de la lettre en date du 14 mai 1938 : au sujet du rapport annuel du Commandant des Forces de police pour l’année 1937 Paris, le 14 mai 1938 (rue Oudinot, Paris 7e)

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