Des contre-publics aux contre-espaces : les efforts des cyclistes pour remodeler les villes

From counterpublics to counterspaces: Bicyclists’ efforts to reshape cities

À San Francisco, chaque dernier vendredi du mois depuis 1992, qu’il pleuve ou qu’il vente, des cyclistes se rassemblent sur la place Justin Herman vers 18h. Quand ils estiment être suffisamment nombreux pour réclamer la priorité en toute sécurité, ils prennent le départ tous ensemble et inondent petit à petit Market Street. Au moment même où les automobilistes rêvent de rentrer chez eux, des centaines de cyclistes se mettent à tourner autour de la place, bloquant la circulation sur Embarcadero dans les deux sens. Ils roulent entre les voitures, diffusent de la musique à travers des haut-parleurs qu’ils transportent sur leurs vélos, et poussent des acclamations. Après plusieurs tours de la place, la Masse Critique (MC) poursuit parfois sa route vers d’autres quartiers de la ville, le convoi s’étirant parfois sur plus d’un kilomètre.

In San Francisco, on the last Friday of every month since 1992, rain or shine, bicyclists gather in Justin Herman Plaza starting at around six in the evening. When their numbers grow large enough for them to negotiate the right of way safely, they start the ride together. One by one, all of the bicyclists pour onto Market Street. At the very time when motorists are anxious to return home, hundreds of bicyclists circle the plaza, blocking traffic on Embarcadero in both directions. They ride in between the cars, play music via speakers they carry on their bikes, and cheer. After completing several trips around the plaza, the Critical Mass (CM) ride, sometimes stretching more than a mile, moves on to other parts of the city.

Edwards (2003) soutient que l’automobilité est l’un des systèmes technologiques qui participe à la construction de la société moderne à travers le monde. Tout comme d'autres technologies telles que les chemins de fer, la lumière électrique et Internet, elle fait aujourd'hui tellement partie de nos vies qu'on ne la remarque plus ; cependant, nous dépendons énormément d'elle (Edwards, 2003). Selon Urry (2004), le système de l'automobilité est plus prégnant culturellement que les médias ou l'usage des ordinateurs personnels. Une combinaison de facteurs rend en effet l'automobilité mondiale et irréversible : les puissantes industries pétrolières et automobiles, l'aménagement urbain, les industries connexes qui soutiennent l'automobile et en dépendent, les liens affectifs des gens par rapport à leur véhicule créent une dépendance culturelle et comportementale. Ainsi, malgré des problèmes mondiaux évidents tels que la crise du pétrole, la pollution de l'air et les changements climatiques, nous continuons de vivre dans la dépendance des voitures (Ladd, 2008).

Edwards (2003) argues that automobility is one of the technological systems that co-construct modern society across the globe. Like other similar technologies, such as railroads, electric lighting, and the Internet, it has become such an essential part of our lives that we do not notice it; yet, we depend on automobility extensively (Edwards, 2003.) Urry (2004) argues that the system of automobility is more culturally dominating in character than the media or use of personal computers: A combination of factors makes automobility global and irrevocable, such as the powerful oil and automotive industries, urban planning, related industries that support and depend on automobiles, people’s emotional ties to their vehicles, and cultural and behavioral dependency. Thus, despite obvious global problems such as the oil crisis, air pollution, and climate change, we continue to live automobile-dependent lives (Ladd, 2008).

Les conséquences durables de l'automobilité sont peut-être plus évidentes dans la réorganisation des paysages physiques. La Cité Radieuse de Le Corbusier a posé les premiers jalons de l'aménagement urbain moderne, en mettant l'accent sur la fonctionnalité. L'un des premiers objectifs des urbanistes a alors été de dessiner des rues pouvant s'adapter au flot rapide des voitures. Après la Seconde Guerre Mondiale, les villes américaines ont subi une transformation majeure. Les lois fédérales de 1947 et de 1956 relatives aux autoroutes ont fait passer ces dernières à travers les villes, détruisant le tissu social et physique de quartiers très unis. Avec le développement des banlieues, les centres-villes se sont vidés. L'automobile a eu des conséquences à long terme sur la vie sociale des rues car de plus en plus de gens sont devenus propriétaires d'un véhicule, et se déplacer en voiture est devenu préférable à la marche à pied. Selon Jane Jacobs, l'aménagement urbain moderne indique que le but de la vie est devenu de produire et de consommer des voitures (Ladd, 2008). La MC jette un pavé dans la mare en brandissant le vélo face à ces mentalités dominées par la voiture, qui ont façonné les paysages urbains durant des décennies.

The enduring influences of automobility are perhaps most obvious in the reorganization of physical landscapes. Le Corbusier’s Radiant City planted the first seeds of modern urban planning, emphasizing functionality. Designing streets to accommodate the rapid flow of automobiles became one of the primary goals of planners. Following World War II, American cities have undergone a major transformation. Federal highway acts of 1947 and 1956 cut through cities and destroyed the social and physical fabric of close-knit neighborhoods. Suburban developments emptied inner cities. Automobiles had long-lasting effects on the social life of the streets, because automobile ownership gradually increased, and travelling in private automobiles became preferable to travelling on foot. Jane Jacobs contended that modern urban planning indicates that the purpose of life has become to produce and consume automobiles (Ladd, 2008). CM throws the bicycle in the way of such car-dominated mentalities that have shaped urban landscapes for decades.

Le transport est un sujet de la vie publique rarement soumis au débat. Vivre au milieu d'un réseau d'autoroutes et devoir prendre la voiture pour aller n'importe où est considéré comme une évidence absolue dans la plupart des villes américaines. Pourtant, ces styles de vie et ces villes dépendant de la voiture négligent les besoins de nombreux publics. La Californie en général et la Baie de San Francisco en particulier ont eu leur part de mouvements contre la guerre, pour la protection environnementale, pour les droits civiques et pour la préservation du patrimoine historique. L'un de ces mouvements concernait plus particulièrement les effets de l'organisation des transports sur l'aménagement urbain, en réaction à la construction d'autoroutes intra-urbaines dans le pays dans les années 1950. Dans le cadre des révoltes nationales contre ces autoroutes dans les années 1950, des résidents de San Francisco ont formé des alliances et ont persuadé le conseil municipal de voter contre sept des dix propositions d'autoroutes (Faigin, 2006). La Masse Critique est née dans ce contexte social, qui remet en question la place des automobiles dans l'espace urbain.

Transportation is an arena of public life that is seldom exposed to public debate. Living among a network of motorways and having to drive everywhere is taken as an absolute way of living in most cities in the United States. Yet, automobile-dependent lifestyles and cities neglect the needs of many publics. California in general and the San Francisco Bay Area in particular have seen a fair share of antiwar protests, environmental conservation, civil rights and historic preservation movements. One of these movements was specifically about the influence of transportation planning on urban form, as a reaction to the construction of freeways across the country in the 1950s. As part of nationwide freeway revolts that started in the 1950s, residents of San Francisco have formed alliances and persuaded the city’s board of supervisors to vote against seven out of 10 freeway proposals (Faigin, 2006). Critical Mass was born into such a social backdrop, one that questions automobiles’ place in urban space.

Lors des rassemblements de la Masse Critique, les cyclistes, en manifestant et en réclamant des solutions alternatives, ramènent les questions de justice urbaine et des transports dans la sphère publique. La notion de sphère publique fait référence à un modèle démocratique idéalisé dans lequel une société civile faite d'individus privés se rassemble et transmet à l'état les besoins de la population. Selon Habermas (1962), ce que l’on entendait par sphère publique au 18ème siècle, c’était une société d’hommes issus de la bourgeoisie qui se rassemblaient dans des espaces publics de la ville tels que les cafés. Les femmes et les noirs, en tant que membres marginalisés de la société, en étaient exclus ; par conséquent, leurs intérêts n'étaient pas représentés auprès de l'Etat. Fraser (1992) affirme qu'il est essentiel d'ouvrir la communication à des publics diversifiés afin de créer une sphère publique idéale et une politique démocratique. Fraser (1992) identifie les groupes marginalisés comme des « contre-publics » et estime que les « contre-publics minorisés », tels que les femmes, les gens de couleur, les gays et les lesbiennes, font circuler des discours alternatifs afin de renforcer leurs identités collectives. L'apparente contre-position des cyclistes de la MC par rapport au modèle de transport dominant et au système urbain dépendant de l'automobile fait d'eux un contre-public dans la sphère publique du transport.

Bicyclists on CM rides, by demonstrating and demanding alternative possibilities, carry matters of urban and transportation justice into the public sphere. The notion of the public sphere refers to an idealized democratic model in which a civic society made up of private individuals comes together and projects the needs of the public to the state. Habermas’s (1962) articulation of the 18th century public sphere was that it was made up of a society of bourgeois men who gathered in public spaces of the city such as coffee houses. Women and blacks, as marginalized members of society, were excluded from the public sphere; thus, their interests were not represented to the state. Fraser argues (1992) that open communication among plural publics is essential in creating an ideal public sphere and democratic politics. Fraser (1992) identifies marginalized groups as counterpublics and states that subaltern counterpublics, such as women, people of color, and gays and lesbians circulate alternative discourses in order to strengthen their collective identities. CM bicyclists’ apparent counter position on the mainstream transportation model and automobile-dependent urban form make them a counterpublic in the public sphere of transportation.

Alors que les discours textuels (visuels ou audios) sont monnaie courante, les cyclistes de la MC diffusent leur contre-discours dans l'espace public en présentant une utilisation alternative des rues. La politique du mode de vie, notion forgée par Bennett (1998), fait référence à des individus qui participent à la vie politique quotidienne à travers leurs choix de consommation, tout comme le font les cyclistes. Les critiques environnementalistes du capitalisme et de la modernité contribuent au choix de mode de vie des cyclistes. L’écologie, la critique du capitalisme et de la modernité contribuent à la définition des modes de vie choisis par les cyclistes. Dans une étude de 2001 réalisée auprès des cyclistes de la Masse Critique à San Francisco, deux-tiers des 149 personnes interrogées sur le sujet qu'elles associent le plus étroitement à la Masse Critique ont notamment répondu : la politique des transports (25 %) ; l'usage des espaces publics (17 %) ; les questions environnementales mondiales (13 %) ; et une critique du capitalisme (9 %) (Blickstein et Hanson, 2001). Bien qu'aujourd'hui la plupart des villes découragent les gens de se passer de voiture, l'existence de plusieurs rassemblements populaires de cyclistes autres que la MC révèle le désir de la population d'obtenir un meilleur accès aux rues.

While text-based (visual or audio) discourses are common, CM bicyclists distribute their counterdiscourse in public spaces mainly by showcasing an alternative use of the streets. Lifestyle politics, a term coined by Bennett (1998), refers to individuals who participate in everyday politics through their consumption choices, just as bicyclists do. Environmentalism, critiques of capitalism and modernity contribute to defining bicyclists’ lifestyle choices. In a 2001 survey of Critical Mass bicyclists in San Francisco, a total of two-thirds of the 149 respondents selected broader issues such as transportation policy (25%), the use of public spaces (17%), global environmental issues (13%), and a critique of capitalism (9%) as the issue they currently most closely associate with Critical Mass (Blickstein and Hanson, 2001). Despite the fact that most cities today discourage people from being independent of automobiles, the presence of several grassroots rides that are alternative to CM indicates people’s desire to obtain further access to urban streets.

L’idée de « droit à la ville », telle qu’elle a été introduite par Lefebvre (1996) revendique la reconstruction collective d’espaces urbains plus inclusifs et plus justes. Le plus souvent, les idées de justice sociale et spatiale et de droit à la ville se réfèrent aux injustices fondées sur la race, le genre et la classe sociale. Les cyclistes revendiquent également des droits urbains, bien que leurs revendications ne soient pas soutenues par les catégories habituellement utilisées pour définir la justice, puisqu'ils ne font pas toujours partie d'une population reconnue comme désavantagée. Cependant, réclamer le droit à une infrastructure urbaine qui intègre des espaces naturels propres et permette des modes de vie sains et actifs est également une revendication importante et un problème de justice spatiale. Le cas des cyclistes de la MC montre comment les inégalités spatiales et la marginalisation peuvent concerner des populations identifiées sur la base de leur mode de vie, et comment cela est lié de façon complexe aux catégories d'injustice spatiale habituellement reconnues.

The idea of “right to the city,” as first introduced by Lefebvre (1996), indicates a demand to collectively remake urban spaces in order to make them more inclusive and just. More often than not, social and spatial justice and the right to the city ideas refer to injustices on the basis of race, gender, and class. Bicyclists, too, make urban right claims, though their claims are not supported by the familiar categories used in defining justice, since they are not always part of a commonly recognized disadvantaged population. However, demanding right to an urban infrastructure that incorporates clean, natural environments and accommodates healthy and physically-active lifestyles, is also a significant rights claim and spatial justice problem. The CM bicyclists’ case demonstrates how spatial inequalities and marginalization of publics can be true for publics identified on the basis of their lifestyle practices and how this exist in a complex relationship to commonly recognized categories of spatial injustice.

Dans cet article, je défends l'idée que le manque d'investissements alloués à des systèmes de transport alternatifs aux Etats-Unis entraîne une forme d'injustice sociale et spatiale car cela supprime la liberté de choix non seulement pour des populations déjà désavantagées mais également pour des personnes engagées dans la vie  politique quotidienne à travers leurs choix de mode de vie. Lorsque l’on restreint l’accessibilité à une infrastructure existante – les rues, qui sont des lieux publics – à un seul usage et à un public unique – celui des automobilistes par exemple – nous ne faisons rien de différent de ce qui à différentes époques, a conduit à isoler les noirs américains, les  femmes et les sans-abri des rues de leurs villes.

In this paper, I argue that the lack of investment allocated to alternative forms of transportation in the United States produces a form of social and spatial injustice because it eliminates freedom of choice not only for already disadvantaged populations but also for those who engage in everyday politics through their lifestyle choices. When there is already an existing infrastructure of streets, a public amenity, restricting its availability to a single use and a single public such as motorists is not different from the ways in which African Americans, women, and the homeless have been isolated from urban streets in various times.

Les cyclistes de la MC se perçoivent comme un public rassemblé autour de points de vue partagés sur le monde, de valeurs, de manières de vivre et de traits d'identité (définis globalement comme écologiques et socialement responsables), qui déterminent à leur tour leur contre-position par rapport à la forme des rues de la ville. L’analyse du mouvement des MC nous permet de comprendre les stratégies spatiales spécifiques utilisées par un contre-public de cyclistes pour négocier  ses revendications urbaines dans la sphère publique avec les automobilistes et les collectivités locales, et pour créer ses contre-espaces.

CM bicyclists perceive each other as a public built around shared worldviews, values, lifestyles, and identity traits (broadly defined as environmentally friendly and socially responsible), which in turn defines their counter position on the shape of urban streets. The analysis of the CM movement gives insight into the spatially unique ways in which a counterpublic of bicyclists negotiates its urban needs in the public sphere with motorists and the local government and creates their counterspaces.

 

 

Méthode

Methods

J'ai choisi la Baie de San Francisco comme terrain de recherche car le mouvement de MC a débuté et s'est développé à San Francisco avant de s'étendre mondialement. De plus, malgré sa modernité dans de nombreux domaines, San Francisco n'a pas fait figure de ville particulièrement adaptée aux vélos durant des années, en comparaison avec des villes comme Portland, dans l'Oregon. Ce n'est que récemment que la ville a fait un bond en avant en devenant plus accueillante pour les deux-roues. La lutte des cyclistes a donc été un long processus.

I chose the San Francisco Bay Area as a research site because CM began and developed in San Francisco before it became a global movement. In addition, despite its progressiveness in many areas, San Francisco was not the most bicycle-friendly city for many years, compared to cities like Portland, Oregon. Only in recent years has the city made a leap towards becoming more bicycle-friendly. Thus, bicyclists’ struggle has been an ongoing one.

J'ai adopté une approche ethnographique, et en tant qu'observatrice participante, j'ai pris part aux rassemblements cyclistes de la Masse Critique à San Francisco et Berkeley, Californie, entre mai et septembre 2010. J'ai écouté les motivations des participants au sujet de leur engagement dans la manifestation, j’ai enregistré des entretiens avec 35 cyclistes, et j’ai eu d'innombrables conversations informelles[1]. J'approchais les gens au début du parcours et j'ai interviewé certains cyclistes sur place. J'ai également interviewé certains d'entre eux par téléphone, après les avoir recrutés grâce à des tracts lors des rassemblements de MC et du Bike-to-Work Day[2]. J'ai également réalisé une enquête en ligne[3]  sur les données démographiques des cyclistes de la MC et leurs choix de déplacement, à laquelle soixante-neuf personnes ont répondu. La culture du vélo étant souvent représentée visuellement, je me suis intéressée à la dimension symbolique des contre-discours des cyclistes en analysant les images, tracts et signes qu'ils affichent sur leurs vélos. J'ai également consulté les comptes rendus historiques des premiers rassemblements de MC à travers les archives et lettres à l'éditeur du San Francisco Chronicle, le journal à plus gros tirage dans la région de la Baie de San Francisco.

I undertook an ethnographic approach, and as a participant observer, I bicycled in Critical Mass rides in San Francisco and Berkeley, CA, between May and September of 2010. I listened to the participants’ motivations for participating in the event, recorded interviews with 35 bicyclists, and had innumerable casual conversations. I approached people at the beginning of the rides and interviewed some bicyclists on the spot. I also interviewed some of them on the phone by recruiting them with flyers during CM rides and on Bike-to-Work Day.[1],[2] I conducted an online survey about the demographics of CM bicyclists and their transportation choices which was responded by 69 people.[3] Because bicycling culture is oftentimes represented visually, I examined the symbolic dimension of bicyclists’ counterdiscourses by analyzing iconic illustrations, flyers, and signs that bicyclists carry on their bikes. I also examined the historical accounts of early CM rides by going through the archives and letters to the editor of The San Francisco Chronicle, the newspaper with the largest circulation in the Bay Area.

 

 

Le vélo et la justice spatiale

Bicycling and spatial justice

Selon les géographes critiques, l'espace est important et reflète les inégalités sociales. Le récit de Soja (2010) sur l'action en justice victorieuse du syndicat des chauffeurs de bus contre l'Autorité des Transports Métropolitains de Los Angeles, dans les années 1990, est un bon exemple de la reconnaissance, y compris dans l'espace judiciaire, du caractère discriminatoire d’un manque de transports alternatifs. La lutte des cyclistes concerne fondamentalement l’usage du territoire, la restructuration de la ville, et la création de villes justes.

Critical geographers argue that space matters and reflects social inequalities. Soja’s (2010) account of the Bus Riders Union’s successful lawsuit against the Los Angeles Metropolitan Transportation Authority in the 1990s is one such example in which a lack of alternative transportation was recognized as discrimination even in the legal arena. The bicyclists’ struggle too is inherently over land use, reshaping the city, and making cities just.

Andy Singer illustre ceci en dessinant des parallèles entre ceux qui ne conduisent pas et ceux qui ne fument pas (figure x). L'illustration laisse entendre que, tout comme la cigarette est interdite dans les lieux publics parce qu'elle est mauvaise pour la santé, pour le moins, dans une même veine, des infrastructures adaptées aux besoins d’air pur et de modes de vie physiquement actifs et sains des cyclistes doivent être revendiquées.

Andy Singer graphically illustrated one aspect of bicyclists’ justice arguments by drawing parallels between non-drivers and nonsmokers (Fig. 1). His illustration calls for car-free streets in the same way that smoking has been banned in public spaces because it is unhealthy and thus unfair to those who do not smoke. A demand for bicycling infrastructure also underlies a demand for clean air and physically active and healthy lifestyles.

Aux Etats-Unis, beaucoup de gens vivent dans des villes et banlieues aménagées pour la circulation efficace des véhicules motorisés, et où les besoins des cyclistes et des piétons sont seulement secondaires. Plus de 30 millions d'Américains ne peuvent pas conduire pour des raisons économiques, liées à l'âge ou au handicap, et d'autres font le choix de ne pas conduire (Gotschi et Mills, 2008). Selon le rapport 2008 de l'Agence de Transport Municipal de San Francisco, environ un tiers des personnes consultées se déplacent en vélo pour des raisons d'économie par rapport à la voiture ou aux transports en commun.

In the U.S., many people live in cities and suburbs built for the efficient transportation of motor vehicles, where bicyclists’ and pedestrians’ needs are only secondary. More than 30 million Americans cannot drive because of economic restrictions, age, or disability, and some choose not to drive (Gotschi and Mills, 2008). According to the 2008 San Francisco Municipal Transportation Agency report, approximately one-third of all respondents bicycle because of its low cost compared to driving or mass transit.

Au-delà de ses qualités économiques, le vélo est également important pour ses effets bénéfiques sur la santé. Certains groupes ethniques, de même que les populations les plus âgées et les plus jeunes, sont plus vulnérables que d'autres aux effets d'un mode de vie sédentaire, tels que l'obésité, problème de santé en hausse aux Etats-Unis[4]. Le fait de vivre dans un environnement dépendant de la voiture réduit les probabilités d'avoir une activité physique et augmente les risques de plusieurs pathologies, dont les problèmes cardiovasculaires. Le vélo et la marche font partie des solutions les plus économiques en matière de prévention de ces maladies. Un certain nombre d'études montrent que même une légère augmentation de la pratique quotidienne du vélo et de la marche peut faire reculer nombre de maladies (Oja, Vuori et Paronen, 1998 ; Centre de Contrôle et de Prévention des Maladies, 1996). De courts trajets de 5 km ou moins, qui correspondent à environ 72 % des trajets automobiles aux Etats-Unis, pourraient être faits à pied ou en vélo (Département américain du Transport, 2010), contribuant ainsi à améliorer la santé globale des populations vulnérables.

Beside its low-cost qualities, bicycling is also important for its health benefits. Some ethnicities, as well as older and younger populations, are more vulnerable than others to the effects of a sedentary lifestyle, such as obesity, an increasing health problem in U.S.[4] Living in automobile-dependent physical settings decreases the likelihood of physical activity and increases the risks of several illnesses, including cardiovascular health problems. Bicycling and walking are among the most cost-effective solutions for disease prevention. A number of studies show that even a slight increase in daily bicycling and walking can decrease a number of diseases (Oja, Vuori and Paronen, 1998; Centers for Disease Control and Prevention, 1996). Short trips of three miles or less, which account for about 72% of all automobile trips taken in the U.S., could be replaced with walking and bicycling (US Department of Transportation, 2010), thus contributing to the overall health of vulnerable populations.

Le danger lié à la circulation est un frein important, en particulier pour les femmes, les enfants et les personnes âgées, et ils « préfèrent largement les moyens de transport qui leur offrent plus de protection par rapport à la circulation motorisée » (Pucher et Buehler, 2010). Lorsqu'ils ne se sentent pas en sécurité en vélo, ces groupes n'envisagent même pas de s'y mettre. San Francisco en est un exemple. 49 % de la population de San Francisco est masculine, et 50 % est féminine (Recensement de la Baie de San Francisco, 2010) ; cependant, la majorité des cyclistes réguliers à San Francisco sont des hommes (72 %), blancs (70 %), qui ont entre 26 et 35 ans ; seuls 23 % des cyclistes réguliers sont des femmes (Agence de Transport Municipal de San Francisco - SFMTA, 2008).   Les Asiatiques constituent 32 % de la population de la ville, mais ils ne sont que 12 % à faire du vélo régulièrement. Il en est de même pour les Afro-américains (7 % pour 2 % de cyclistes) et les Latinos (14 % pour 10 % de cyclistes) (tableau 1). Parmi les freins au vélo, entre 71 et 79 % des personnes interrogées indiquent qu'elles ne se sentent pas à l'aise de partager la route avec les voitures, et entre 75 et 80 % déclarent qu'il n'y a pas suffisamment de voies cyclables (SFMTA, 2008). Selon l'étude de Pucher et Buehler (2008), dans les pays disposant de nombreux aménagements cyclables (comme les Pays-Bas), la pratique du vélo concerne assez également les différents groupes d'âges et de genre.

Traffic danger is a significant deterrent, especially for women, children, and the elderly and they “strongly prefer separate facilities that give them more protection from motor vehicle traffic” (Pucher and Buehler, 2010). When bicycling does not feel safe, such groups may not even consider taking up bicycling. San Francisco is a case in point. Forty-nine percent of San Francisco’s population is male, and fifty percent is female (Bay Area Census, 2010); however, the majority of frequent bicyclists in San Francisco are men (72%), Caucasian (70%), and between the ages of 26 and 35; and, only 23 percent of frequent cyclists are women (San Francisco Municipal Transportation Agency -SFMTA, 2008). Asians make up 32% of the city’s population, but only 12% of frequent cyclists. The same applies to African Americans (7% vs. 2%) and to Hispanics (14% vs. 10%) (Table 1). Among several deterrents to bicycling, between 71 and 79% of respondents state that they are not comfortable sharing the road with cars, and between 75 and 80% state that there are not enough bike lanes (SFMTA, 2008). According to Pucher and Buehler’s (2008) report, in countries with extensive cycling facilities (such as the Netherlands), cycling is fairly evenly distributed among age and gender groups.

Malgré les preuves flagrantes des avantages du vélo en termes de vie sociale, d'économie, d'écologie et de santé publique, et bien que les déplacements à pied et à vélo représentent 12 % de l'ensemble des trajets, seuls 2 % des fonds fédéraux alloués aux transports ont été dépensés pour les piétons et les cyclistes en 2009 (Ministère du Transport américain, 2010). Cette disproportion dans l'affectation des fonds des transports fédéraux révèle la faible importance donnée aux populations qui nécessitent ou choisissent les transports alternatifs, et elle met en évidence l'inégalité spatiale créée en terme d’accès aux rues.

Despite robust evidence demonstrating the social, monetary, environmental, and public health benefits of bicycling, and in spite of the fact that bicycle and pedestrian transportation comprises 12% of all trips, only 2% of federal transportation funds were spent on pedestrians and bicyclists in 2009 (United States Department of Transportation, 2010). This disproportionate allocation of federal transportation money suggests the low priority given to populations that need or choose alternative transportation and the spatial inequality created in terms of access to streets.

Les cyclistes représentent un public marginalisé en matière d'accès aux rues. Cependant, ils ne font pas toujours partie d'une population marginalisée en termes ethniques, de genre ou de revenus, catégories qui reviennent dans la plupart des discussions sur le « droit à la ville », ce qui rend difficile de considérer leur situation comme un cas de justice spatiale. Aux Etats-Unis, le cycliste régulier est en général un homme de 39 ans dont le revenu annuel dépasse les 45 000 dollars (Moritz, 1997). Si l’on considère l’argument de Pucher et Buehler (2010), qui avance que les femmes et les personnes âgées ont besoin de plus de sécurité pour faire du vélo, il n’est pas étonnant que ce soient les hommes et les jeunes qui constituent la majorité des cyclistes.

Bicyclists comprise a marginalized public in respect to access to streets. However, they are not always part of a marginalized population based on ethnicity, gender, or income that would come up in most right to the city discussions, making it complicated to make a case of spatial justice for these publics. The average bicycle commuter in the US is a 39 year old male whose annual income is over $45,000 (Moritz, 1997). Considering Pucher and Buehler’s (2010) argument on women and the elderly needing safer conditions to ride, it is not surprising that men and younger populations make up the majority of bicyclists.

D'après l'enquête en ligne diffusée lors du rassemblement de la Masse Critique à San Francisco en 2012, 85,3 % des cyclistes de la MC sont blancs, 79,7 % d'entre eux sont des hommes, et 33,8 % ont entre 26 et 35 ans. Ces données démographiques sont proches de celles des cyclistes réguliers à San Francisco soulignées plus haut. Aucun de ces groupes n'est considéré comme une minorité ou un groupe marginalisé dans les discussions courantes sur la justice. Selon la même enquête, 55 % des participants travaillent à plein temps, et seuls 10 % d'entre eux sont sans emploi. Seuls 20,6 % des participants ont indiqué qu'ils gagnent moins de 30 000 dollars (revenu annuel du ménage) ; 25,4 % gagnent entre 30 000 et 50 000 dollars, 12,7 % gagnent entre 50 000 et 70 000 dollars, et les 40 % restants gagnent plus de 70 000 dollars. En termes de niveau de formation, 49,3 % ont une licence, et 21,79 % ont un master. Le niveau de revenus moyens des ménages dans le Comté de San Francisco entre 2006 et 2010 est de 71 304 dollars, et 51,2 % de la population possède une licence ou un diplôme supérieur, selon le Bureau de Recensement américain. D'après l'enquête de 2012 sur la Masse Critique, 53,7 % des participants de la MC ont une voiture, bien que 45,6 % d'entre eux indiquent que le vélo est leur mode de déplacement habituel. Viennent ensuite, pour 23,5 %, ceux qui utilisent à la fois le vélo et d'autres modes de transport. D'après les données ci-dessus, environ et, dans certains cas, plus de la moitié des cyclistes de la MC se classent dans la catégorie des moyens à hauts revenus de la société, et ils ont un bon niveau de formation. Sur les personnes ayant répondu, 49,3 % sont tout à fait d'accord, et 29 % sont d'accord avec le constat suivant : «Je veux m'exprimer au sujet du manque d'infrastructures pour les vélos». De plus, 47,8 % des personnes sont tout à fait d'accord, et 30 % sont d'accord avec le fait qu'elles « veulent montrer aux automobilistes que les cyclistes aussi font partie de la circulation ». Ces résultats d'enquête démontrent que, pour la plupart de ces cyclistes, le vélo répond à un choix plutôt qu'à une nécessité économique.

According to the online survey distributed at the San Francisco Critical Mass ride in 2012, 85.3% of the CM bicyclists are Caucasian, 79.7% of them are male, and 33.8% are between 26 and 35 years of age. These demographics are close to the demographics of frequent bicyclists in San Francisco outlined above. None of those groups is considered a minority or marginalized in respect to common justice discussions. According to the same survey, 55% of the participants are working full- time, and only 10% are unemployed. Only 20.6% of the participants reported that they earn (annual household income) less than $30,000; 25.4% earn between $30,000 and $50,000, 12.7% earn between $50,000 and $70,000, and the remaining 40.3% earn more than $70,000. In terms of education level, 49.3% have a bachelor’s degree, and 21.79% have graduate degrees. San Francisco County’s 2006-2010 median household income level is $71,304, and 51.2% of the population have a bachelor’s degree or higher according to the U.S. Census Bureau. According to the 2012 CM survey, 53.7% of the CM participants own an automobile, though 45.6% of them reported that bicycling is the transportation mode they use most often when they commute. That was followed by a combination of bicycling and other modes at 23.5%. Given the data above, nearly, and in some cases over, half of CM bicyclists are from the middle to high income brackets of society, and they are well educated. Of the respondents, 49.3% strongly agreed, and 29% agreed, with the following statement: “I want to make a statement regarding the lack of bicycling infrastructure.” Additionally, 47.8% of the respondents strongly agreed, and 30% of them agreed, that they “want to show the automobile drivers that bicyclists are traffic too.” These survey results demonstrate that for most of these bicyclists, bicycling is a lifestyle choice rather than an economic necessity.

Lorsqu’on parle de justice spatiale, il nous vient souvent à l’esprit les injustices fondées sur le sexe, la race, l’ethnie et les revenus. Or, le manque d’infrastructures pour la mobilité alternative (qu’il s’agisse de transports publics, de vélo ou de marche à pied) crée essentiellement des limitations de la liberté de choisir et d’accéder à l’espace public, et ce faisant, marginalise les personnes qui ont fait le choix de certains modes de vie. L’injustice spatiale affecte non seulement les populations communément reconnues comme désavantagées, mais également des populations avec des caractéristiques démographiques variables. La participation à la Masse Critique est une affirmation explicite des revendications du droit à la ville des cyclistes et de la résistance à cette marginalisation, comme le démontre l’analyse des parcours à vélo

Spatial justice often brings to mind spatial injustices based on gender, race, ethnicity, and income. However, the lack of infrastructure for alternative mobility (whether it is public transportation, bicycling, or walking) essentially creates limitations on freedom to choose and access to public space; thus, it marginalizes people based on their lifestyle choices. Such spatial injustice affects not only commonly recognized disadvantaged populations, but also populations with varying demographic characteristics. Participating in CM rides is an explicit statement of bicyclists’ right to the city demands and resistance to such marginalization as the analysis of the rides demonstrates.

 

 

L'essor du contre-public des cyclistes

Rise of the bicyclist counterpublic

Le nom du rassemblement, « Masse critique », a été adopté après une observation des tactiques quotidiennes des cyclistes des villes en Chine, documentées dans le film de Ted White, Return of the Scorcher . Le documentaire explique que les cyclistes en Chine, « arrivent à un carrefour et attendent d’être suffisamment nombreux pour se frayer un chemin en travers des voitures et les faire s'arrêter » (White, 2002). Les cyclistes, dans les rassemblements de MC, emploient les mêmes tactiques qui rendent leur circulation possible.

The name for the ride, “Critical Mass,” was adopted after an observation of everyday tactics of bicyclists on urban streets in China, which was documented in Ted White’s movie, Return of the Scorcher. The movie documents bicyclists in China that “come up to an intersection and wait till they have enough numbers to push through the cars and make them stop” (White, 2002), the same tactics that make CM rides possible.

Aujourd'hui, il peut y avoir bien plus de 500 participants aux rassemblements de MC à San Francisco lorsqu'il fait beau, ce qui rend difficile l'identification d'un but commun à tous les participants. Cependant, il est évident, si l'on regarde le chemin parcouru  depuis le commute clot original (littéralement «grumeau de navetteurs») qui rassemblait 15 à 20 personnes en 1992 jusqu’au rassemblement de 5 000 cyclistes en 1997, que la MC représente la revendication des cyclistes pour leur droit à la rue.

Today, well over 500 people may participate in the San Francisco CM rides in good weather, making it hard to identify one common goal or motivation that represents all of the participants. However, it is evident from CM’s transformation from a 15-20-person ride called the “commute clot” in 1992 to a ride of 5,000 people in 1997 that CM represents bicyclists’ demand for bicyclists’ right to the streets.

J'ai rencontré Veronica, une femme d'une vingtaine d'années, alors que j'attendais le départ du convoi de la MC. C'est sa tenue particulière qui a attiré mon regard : une chaîne en argent brillant enroulé autour de son casque et de ses collants bleu métallique. Elle m'a dit que sa tenue laissait entendre qu'elle se moquait de ce que les automobilistes pouvaient penser d'elle. Dans un entretien, Veronica a résumé le point de vue de beaucoup des cyclistes de la MC qui sont attirés par le caractère protestataire des rassemblements :

I met Veronica, a woman in her early 20s, when I was waiting for the CM ride to begin. I was drawn to her because of her recognizable outfit: a shiny silver cable around her helmet and metallic blue tights. She told me that her outfit implies that she does not care what motorists think about her. In an interview, Veronica sums up the standpoint of many CM riders to whom the protest aspect of the rides appeals:

Personne ne nous a demandé si ça devait être organisé de cette façon. Les gens qui avaient une vision centrée sur le pétrole ont organisé la ville... afin de déplacer les gens comme s'ils étaient des marchandises pour faire de l'argent. Il y a tellement de lignes de bus qui vont jusqu'au centre financier... Mais il n'y a qu'un MUNI[5] qui va jusqu'au parc du Golden Gate. Il s'agit vraiment de voir où la ville place ses ressources et sur quoi elle met l'accent. Alors, nous disons que nous ne sommes pas obligés de participer à ça. Bien qu'il s'agisse de l’environnement construit et de la réalité construite, nous pouvons tracer notre propre chemin là-dedans et nous n'avons pas besoin de suivre votre signalisation, vos panneaux de stop et votre circulation à sens unique.

No one asked us if it should be organized that way. People who were coming from a petroleum-centric mentality organized the city … to move people as if they were goods to create money. There are so many lines of buses going into the financial district … but there is only one MUNI[5] to get to Golden Gate Park. It’s really [about] where the city is placing its resources and what it’s emphasizing. So, we are saying that we don’t need to participate in that necessarily. Although it’s the built environment and the built reality, we can forge our own path through that, and we don’t need to listen to your signals and to your stop signs and to your one-way traffic.

Les cyclistes ont commencé à former un contre-public s'appuyant sur ce point de vue critique sur la structure de la ville. La MC a progressivement évolué vers quelque chose entre le défilé et la protestation publique, fournissant une opportunité à la fois à ceux qui veulent profiter du vélo en ville en toute sécurité et en compagnie d'autres cyclistes, et aux belliqueux, désireux de bloquer les automobilistes qui les bloquent habituellement. Au fur et à mesure que le mouvement prenait de l'ampleur, les tensions se sont exacerbées entre les cyclistes de la MC, les automobilistes, le maire Willie Brown et la police de la ville. L'attitude de la police vis-à-vis des cyclistes de la MC, ajoutée au manque d'intérêt du maire pour l'amélioration des transports publics, a déclenché le plus grand rassemblement jamais organisé en juillet 1997 (Epstein, 1997)[6].   La lettre de Deborah Underwood's à l'éditeur du San Francisco Chronicle révèle la frustration des cyclistes durant cette période (Underwood, 1997) :

Bicyclists started to form a counterpublic based on such a critical outlook of the form of the city. CM steadily evolved into something between a parade and a public protest, providing the opportunity for both those who want to enjoy riding in the city safely by bicycling with others and for conflict-driven bicyclists eager to block the very motorists who block them. As more people joined in the rides, tensions between CM bicyclists and motorists, Mayor Willie Brown, and city police rose. The attitudes of the police towards CM riders, combined with the mayor’s lack of interest in improving public transportation, catalyzed the biggest ride ever in July 1997 (Epstein, 1997).[6] Deborah Underwood’s letter to the editor of the San Francisco Chronicle indicates bicyclists’ frustration during those times (Underwood, 1997):

Voilà maintenant que le maire Brown veut prendre des mesures énergiques contre la Masse Critique. Bien que je n'aie encore jamais participé aux rassemblements, je suis très tentée car j'aimerais savoir ce que c'est de se sentir en sécurité en roulant à vélo dans les rues de la ville. J'ai l'impression d'avoir ma vie entre les mains à chaque fois que je vais au travail en vélo... Je trouve affligeant le manque de soutien officiel... Quand j'ai acheté mon vélo, j'ai appelé le numéro spécial de la ville pour l'assistance sur les déplacements à vélo, et personne ne m'a jamais rappelée... Je ne comprends pas pourquoi la ville ne fait pas tout pour encourager les gens à davantage aller au travail en vélo... Dites au maire que s'il me propose un moyen sûr d'aller au travail en vélo tous les jours, je resterai à l'écart de la Masse Critique.

So now Mayor Brown wants to crack down on Critical Mass. Although I haven’t participated in one yet, I’m sure tempted, because I’d love to see what it’s like to actually feel safe riding on the city streets. I feel like I’m taking my life in my hands every time I ride to work … I find the lack of official support for cycling appalling … When I bought my bike, I phoned the city-sponsored bicycle hotline for commute route assistance, and no one ever returned my call … I can’t imagine why the city doesn’t do everything it can to encourage more people to bike to work … Tell the mayor that if he provides me with a safe way to bike to work every day, I’ll stay away from Critical Mass.  

Après le rassemblement de 1997, le maire a durci sa position contre la MC et a parlé de mettre fin aux rassemblements à vélo (King, 1997). Le Département de Police de San Francisco (SFPD) a annoncé qu'il ne faciliterait plus le rassemblement ni le blocage des carrefours. Il a également menacé de distribuer des PV et de procéder à des arrestations si nécessaire. Le 20 juin 1997, les membres du conseil de la Coalition des Cyclistes de San Francisco (SFBC), déçus par le maire qui voulait discuter des moyens de contrôler la MC mais ignorait les besoins des cyclistes en matière de sécurité et de transports en commun, ont annulé une réunion avec lui et ont envoyé des lettres aux 1 200 membres de la SFBC, les encourageant à venir soutenir le rassemblement suivant de juillet 1997 (Matier et Ross, 1997).

After the June ride in 1997, the mayor took a radical stance against CM and commented about terminating the rides (King, 1997). The San Francisco Police Department (SFPD) announced that it would no longer facilitate the ride or block intersections. The department also threatened to issue tickets and make arrests if needed. On July 20, 1997, the San Francisco Bicycle Coalition (SFBC) board members became frustrated with the mayor, who wanted to discuss how to control CM but ignored the bicyclists’ need for safety and public transit. The board members pulled out of a meeting with the mayor and sent letters to the SFBC’s 1,200 members, urging them to support the coming July 1997 CM ride (Matier and Ross, 1997).

Bien que la MC ait toujours déclaré ne pas avoir de représentant officiel, après avoir parlé avec quelques cyclistes, la Ville et le SFPD ont annoncé aux médias qu'ils avaient un accord avec les représentants de la MC au sujet du parcours qui serait suivi par le convoi, et ils ont ajouté qu'aucune tolérance ne serait accordée à ceux qui ne suivraient pas la route. Cependant, le principal fondement sur lequel s'est construite la MC est qu'elle est organisée démocratiquement, sans aucune autorité ni aucun représentant. « Xérocratie », qui est une combinaison de démocratie et de Xerox, se réfère au mode démocratique adopté pour décider du parcours à suivre au début de chaque rassemblement[7].   Quiconque prépare le plus de photocopies du parcours et convainc le plus de monde parvient à influencer le parcours (Carlsson, 1992). Cette annonce démontra donc la méconnaissance que la Ville avait de la MC et renforça la répression.

Even though CM continuously claimed not to have an official representative, after talking with some bicyclists, the City and the SFPD announced to the media that they had a deal with CM representatives for a pre-designated route for the July 1997 ride and added that no tolerance would be shown to those who did not stick to the route. However, the basic premise that CM is built upon is that it is organized in a democratic manner, without any authority or representative. “Xerocracy,” a combination of democracy and Xerox, refers to the democratic way of deciding the route at the beginning of each CM ride.[7] Whoever prepares more Xeroxes of the route and convinces the most people gets to influence the route (Carlsson, 1992). Therefore, this announcement demonstrated the City’s misrecognition of CM and reinforced their suppression.

En réponse à la tentative du maire Brown de contrôler la MC, plusieurs milliers de  cyclistes sortirent dans les rues lors du rassemblement du 25 juillet 1997. La tentative du maire d'arrêter le rassemblement se révéla vaine. Loin de suivre une route prédéfinie, les 5 000 cyclistes se mirent à circuler dans plusieurs directions, bloquant le trafic dans toute la ville. Symboliquement, les cyclistes mirent en évidence le nombre précis de citoyens frustrés et l'importance de la demande pour une amélioration des transports alternatifs. Des arrestations eurent lieu, et les charges portées contre les cyclistes de la MC inclurent agressions, coups et blessures, résistance à arrestation, vandalisme, rassemblement de nature à troubler l'ordre public, gêne au trafic, et refus de se disperser. Cependant, dans les jours qui suivirent, le San Francisco Chronicle annonça que sur 110 arrestations, « seules huit personnes arrêtées au sein de la Masse Critique pourraient subir des peines de prison » (Lee et Epstein 1997 ; Epstein et Martin, 1997).

As a response to Mayor Brown’s attempt to control CM, several thousands of bicyclists went out on the streets on the July 25, 1997 ride. The mayor’s attempt to stop the rides proved futile. Far from following a predetermined route, the 5,000 bicyclists started to flow in several directions, blocking traffic all around the city. Bicyclists figuratively demonstrated the sheer number of frustrated citizens and the size of the demand for the improvement of alternative transportation. Arrests were made, and charges brought against CM riders included assault, battery, resisting arrest, vandalism, unlawful assembly, impeding traffic, and failure to disperse (Epstein and Martin, 1997). However, in the following days, the San Francisco Chronicle reported that out of 110 arrests, “just eight people arrested at Critical Mass could face jail sentences” (Lee and Epstein 1997; Epstein and Martin, 1997).

La controverse et simplement la masse critique créée lors de l'évènement attirèrent l'attention des médias nationaux et internationaux. Agissant selon différentes échelles de communication, comme le face-à-face, les échelles locale et internationale, la MC stimula l'action politique locale et constitua un exemple pour les cyclistes du monde entier (Blickstein et Hanson, 2001). Grâce à Internet, la MC gagna rapidement d'autres villes. A ce jour, des rassemblements de MC ont eu lieu dans 465 villes dans le monde. La MC a démontré que la nécessité de remodeler les villes était un problème mondial.

The controversy and simply the critical mass created at the event attracted the attention of national and international media. Working in various scales of communication, such as face-to-face, local, and global, CM both galvanized local political action and set an example for bicyclists around the world (Blickstein and Hanson, 2001). With the help of the Internet, CM has spread rapidly to other cities. CM rides have been taking place in 465 cities around the world today as a web search demonstrates. CM has demonstrated that the need to reshape cities is a worldwide concern.

Les conditions ayant permis à ce contre-public d'émerger à San Francisco étaient uniques. A la fois le gouvernement local de l'époque et l'histoire militante écologique de San Francisco ont contribué à sa création. La force du mouvement tient aussi au côté inhérent amusant de ce rassemblement ; rouler en vélo dans les rues de la ville n'est pas simplement un moyen de se déplacer, c'est aussi un plaisir. Les rues comme les espaces publics de rassemblement ont bien servi les cyclistes pour diffuser leurs revendications auprès de la municipalité et des automobilistes. Ne voyant plus l'intérêt ni les effets de leurs interventions dans d'autres espaces d'expression citoyenne, comme les réunions à l'Hôtel de Ville, les cyclistes se sont rendu compte qu'utiliser les rues pour une action politique directe était plus efficace pour faire passer leur message. Les cyclistes ont aussi démontré qu'à partir du moment où le problème de sécurité serait résolu, de nombreuses personnes seraient prêtes à rouler à vélo dans les rues. Selon Mitchell (2003), les espaces publics pourraient devenir des espaces de démocratie s'ils devenaient accessibles. Avant que la MC ne les rassemble, l’absence d'accès sécurisé aux rues empêchait les cyclistes de faire entendre leur opinion dans la sphère publique.

The conditions that created this counterpublic in San Francisco were unique. Both local governance of the time and the environmental activism history of San Francisco contributed to its creation. The movement’s strength also came from the inherently fun nature of this gathering; riding in urban streets is not simply a method of commuting, it is also enjoyable. Streets as public gathering spaces served bicyclists well in communicating their demands to the local government and motorists. Not finding much worth in or effect from participating in other outlets of public expression, such as attending City Hall meetings, bicyclists found that using streets for direct political action is more effective in getting their message across. Bicyclists have also demonstrated that once safety is no longer an issue, there are many people who will want to ride on the streets. As Mitchell (2003) argues public spaces may be spaces of democratic politics only if they are accessible. Not having safe access to the streets, therefore, hadn’t allowed bicyclists from voicing their opinion in the public sphere until CM brought them together.

Ce qui est particulièrement étonnant c'est que ce contre-public est toujours actif aujourd'hui, après 20 ans d'existence. Les entretiens menés avec les cyclistes révèlent les significations symboliques qui poussent les individus à vélo à réclamer  collectivement un meilleur accès aux rues, aujourd'hui encore.

What is particularly curious is how this counterpublic is still active today after 20 years of existence. Interviews with the bicyclists articulate the common symbolic meanings driving individual bicyclists to collectively demand better access to the streets still today.

 

 

Les contre-discours des cyclistes

Bicyclists’ counterdiscourses

Une grande variété de gens rejoignent les rassemblements de MC. Certains apprécient le côté rebelle des rassemblements, d'autres aiment la sécurité que procure le fait de rouler en vélo avec beaucoup d'autres cyclistes, et d'autres participent pour réaffirmer la déclaration notoire : « nous ne bloquons pas le trafic, nous sommes le trafic ». La MC est un mouvement important, comme le démontre l'histoire des rassemblements à vélo, et elle est aujourd'hui reconnue mondialement comme un lieu de rendez-vous pour ceux qui veulent s'exprimer sur le droit à la ville des cyclistes. James R. Swanson illustre les frustrations des cyclistes face à la culture automobile dominante en représentant un simple vélo suffisamment puissant pour encercler et écraser le siège des lobbies automobiles et des compagnies pétrolières dans leurs tours de bureaux du centre-ville (Fig. 2).

A wide variety of people join the CM rides. Some enjoy the rides’ insurgent aspects, some like the safety provided by bicycling with many people, and some participate in order to restate CM’s infamous statement, “we are not blocking traffic, we are the traffic.” CM is a significant movement, as the history of the ride demonstrates, and it has become known worldwide for being a venue for those who want to make a statement regarding bicyclists’ right to the city. James R. Swanson illustrates bicyclists’ frustrations with globally dominating automobile culture by representing a single bicycle as powerful enough to encircle and squeeze the automobile lobbies and oil companies headquartered in their downtown high-rise offices (Fig. 2).

 

Les cyclistes sont avant tout définis sur la base de leur mode de déplacement. Rouler en vélo, que ce soit pour le loisir, pour aller au travail, ou pour faire des courses, est, pour le moins, un choix. Mais, pour beaucoup de cyclistes, il s'agit d'un prolongement de leur identité, de leurs croyances, et de leurs valeurs fondamentales. Leur identité partagée est signifiante dans la mesure où elle les rassemble en tant que contre-public revendiquant le droit à la ville. Des entretiens et des enquêtes réalisées avec des cyclistes de la MC expliquent ces valeurs partagées.

Bicyclists are primarily defined on the basis of their transportation mode. Riding a bicycle, whether for leisure, commuting, or running errands, is a choice, to say the least. But, for many bicyclists, it is an extension of their identity, beliefs, and core values. Their shared identity is significant in that it unites them as a counterpublic in their demand for the right to the city. Interviews with and surveys of CM bicyclists further explain these shared values.

Au sujet de sa première participation à la MC, Veronica a raconté : « un ami m'a prise par la main et m'a dit : bienvenue à l'église », comparant ainsi la foule des cyclistes à une congrégation religieuse rassemblée autour de croyances partagées. Au lieu d'être basée sur une identité ethnique ou sur une religion, la communauté des cyclistes s'est formée autour de valeurs écologiques et sociales. De nombreuses personnes interrogées pensent que la plupart des gens se déplacent à vélo parce qu'ils se soucient de l'environnement durable, comme c'est leur cas. Par exemple, quand je lui ai demandé pourquoi elle participait à la MC, Caroline (la trentaine) a répondu :

Regarding her first time participating in CM, Veronica said “a friend of mine held me [by] my hand and said: welcome to church,” thereby comparing the large body of bicyclists to a religious congregation united through shared beliefs. Instead of being based on ethnic identities or religion, the bicyclist community forms itself around environmental and social values. Many of the interviewees assume that most people who bicycle do so because they care about environmental sustainability, just as they themselves do. For instance, when asked why she participates in CM, Caroline (30s) stated,

J'aime être entourée de gens qui pensent comme moi... J'apprécie vraiment de faire partie d'une communauté de cyclistes. C'est l'une des meilleures communautés dont j'ai fait partie dans ma vie. Je pense qu'il est important de faire du plaidoyer comme le font beaucoup d'entre eux. J'aimerais ne jamais avoir à acheter de voiture. Si d'autres gens ailleurs se battent pour rendre les villes plus adaptées aux vélos, j'aime être parmi eux, j'aime sentir que je me bats avec eux.

I like to be surrounded by like-minded people … I really like being part of a bike community. It has been one of the best communities that I have been part of in my life. I feel like a lot of them are working on advocacy that is important. I would love to not ever have to buy a car. If there are other people out there who are working to make cities more bikeable, then I like to be around them, and I like to feel like I am working with them.

[Qu'entends-tu par « qui pensent comme toi » ?]

[What do you mean by “like-minded”?]

Qui se soucient de l'environnement, qui se soucient de rendre les villes plus accueillantes aux vélos et aux piétons... Il semble que le fait de se déplacer en vélo en ville aille de pair avec beaucoup d'idées écologiques. Les gens se sentent concernés par la pollution et le non gaspillage des déchets, l'économie d'essence s'ils n'ont pas à faire ces trajets. Le vélo c'est un bien absolu pour moi... Quand j'entends parler de choses comme la récente marée noire[8], cela renforce ma résolution de refuser de contribuer à quoi que ce soit qui ait à voir avec ça... Je veux juste rester dans la communauté de cyclistes et continuer à rouler en ville avec les gens.

Caring about the environment, caring about cities being more bike- and pedestrian-friendly … It seems like urban commute cycling tends to go along with a lot of environmental ideas. People are concerned about pollution and not wasting resources, not using gas if they don’t have to make those trips. Biking is a total good for me … When I hear about things like the recent oil spill[8] it strengthens my resolve to not want to contribute to anything it has to do with that … I just want to remain in the bike community and bike around town with people.

Pour Caroline, faire du vélo et être avec des gens qui pensent comme elle renforce son identité. Même si elle n'apporte pas d'autre contribution actuellement, elle estime qu'en participant aux rassemblements elle affirme son soutien à la communauté. Randall (la cinquantaine), qui participe à la fois au Bike-to-Work Day et à la MC, ajoute :

For Caroline, bicycling and being around like-minded people affirms her identity. Even if she is currently not contributing in another way, by participating in the rides she feels she shows her support to the community. Randall (50s), who participates both in San Francisco Bike-to-Work Day and CM, adds the following:

Les cyclistes font vraiment partie d'une communauté. C'est comme en politique, vous êtes dans un parti. Pour moi, c'est la manière dont nous agissons en tant que communauté d'avis partagés qui est importante. Je pense que beaucoup de gens sont à fond dans l'environnement. Ils sont vraiment très fiers du fait que le vélo a une empreinte carbone zéro et qu'ils font de l'exercice à vélo... Ils ont tendance aussi à être très politisés, en soutenant des mesures favorables aux vélos... le côté politique... permet de maintenir la dynamique du progrès, de lutter contre les blocages auxquels nous sommes toujours confrontés... [Ces événements] d'une certaine manière, je pense, consciemment et inconsciemment, réunissent les gens sous une même bannière.

Bikers are really part of a community. It is just like politics, you are part of a party. To me, it is the way that we act in like-minded community, and it is important to me. I think a lot of people are into the environment. They really are proud of the fact that the bicycle has a zero carbon imprint, and they get exercise on their bike … They tend to be some way very political too, supporting various measures good for bikes … political part of it … is keeping the breadth of the progress, keeping the breadth of obstructions that we still deal with … [These events] somehow, I think, unconsciously and consciously, bring people together in the same structure.

Des années après le rassemblement de 1997, les participants de la MC continuent de croire aux bénéfices politiques de se réunir chaque mois lors des rassemblements. L'un des freins auxquels Randall faisait référence est l'ordonnance sur les vélos de San Francisco, qui a retardé la mise en œuvre par la ville d'un plan vélo de 2006 à 2010[9]. L'influence politique de la communauté de cyclistes va au-delà des questions immédiates concernant le vélo. Les organisations militant pour ou contre les projets écologiquement importants qui sont soumis au scrutin local ciblent souvent la MC pour collecter des signatures. Les rassemblements de MC sont des lieux où de nombreux autres évènements sont aussi annoncés, telle cette série de conférences sur l'histoire de l'activisme écologique dans la Baie de San Francisco. Le visuel illustrant le flyer de cette série de conférences a séduit beaucoup de cyclistes, en évoquant une ville utopique où les blocs de béton, relégués dans le fond, font partie du passé, laissant place au premier plan à l'écologie, qui représente le présent et le futur (Fig. 3). Le choix d'une femme de couleur au lieu d'un homme blanc est aussi une référence notable aux opinions des marginalisés.

Years after the 1997 ride, participants of CM continue to acknowledge the political benefits of meeting each month during the rides. One of the obstructions that Randall referred to was the San Francisco bike injunction that delayed the city’s implementation of a bike plan from 2006 to 2010.[9] The bicycle communities’ political influence extends beyond immediate bicycling matters. Organizers fighting for or against environmentally important state ballot initiatives often target CM for collecting signatures. CM gatherings are places numerous other events are announced too, such as a talk series on the San Francisco Bay Area’s history of ecological activism. The talk series’ flyer appealed to many bicyclists through its portrayal of a utopian city in which concrete blocks in the background are a matter of past times, and prioritization of ecology in the foreground is a thing of the present and future (Fig. 3). The choice of a dark-skinned woman instead of a white male is also noteworthy as a reference to the opinions of the marginalized.

Plusieurs personnes interrogées ont déclaré qu'elles s'efforcent d'avoir un mode de vie leur permettant d'avoir le moins d'impact écologique possible. Rouler à vélo est l'un des moyens d'y parvenir, et la MC est pour elles un espace où afficher leur besoin d'avoir un accès plus sûr aux rues. Bubblegirl, une cycliste de la MC de San Francisco qui participe régulièrement à la MC et au même genre de manifestations cyclistes et pédestres, m'a marquée à cause de son petit appareil à faire des bulles accroché à l'arrière de son vélo. Avec cet appareil, elle dit démontrer symboliquement la différence entre l'impact d'une voiture et celui d'un vélo sur l'environnement. Elle raconte :

Several interviewees stated that they strive for a lifestyle that allows them to have the smallest possible ecological footprint. Bicycling is one of the ways of doing this, and CM is a venue for them to show their need for safer access to the streets. Bubblegirl, a San Francisco CM bicyclist who regularly participates in CM and similar bicycling and pedestrian events, is memorable for a small bubble-blowing device attached to the back of her bike. Through this device she says she metaphorically demonstrates the difference between an automobile’s and a bicycle’s impact on the environment. She says,

Pour moi, les bulles sont une métaphore des fumées des pots d'échappement des voitures. Ici, les bulles sortent de... mon vélo. Vous pouvez voir où elles vont, et si vous roulez derrière un camion puant... vous pouvez voir... les bulles vont exactement dans la même direction que la fumée des pots d'échappement. Elle couvre absolument tout l'espace derrière moi. Mes fenêtres,... je dois les laver plusieurs fois par an parce qu'elles se recouvrent de particules des pots d'échappement... Ces particules vont partout et personne n'est à l'abri de leur... toxicité... Je sais que c'est ce que je respire... J'ai souvent eu des moments d'asphyxie... à cause des fumées d'échappement des bus et des conducteurs qui se conduisent de façon immorale en ne respectant pas mon droit de respirer un air sain.

[T]o me the bubbles are a metaphor for cars’ exhaust. Here I have bubbles coming out of … my bike. You can see where they go, and if you are biking behind a stinky truck … you can see … where these bubbles go is exactly where cars’ exhaust goes. It absolutely covers the entire area behind me. My windows, … I have to wash them several times a year because they get covered with the cars’ exhaust … Exhaust goes everywhere and no one is safe from its … toxicity … I know that I am breathing that … I’ve often suffered moments of asphyxiation … because of the nauseating exhaust of buses and drivers who are immoral in their disregard for my right to clean air.

D'autres cyclistes affichent leurs opinions au sujet des problèmes environnementaux et politiques liés à la dépendance aux voitures par des pancartes qu'ils accrochent à leur vélo (fig. 4). Dans l'enquête de 2012, un total de 76,8 % des personnes ayant répondu sont d'accord et entièrement d'accord pour dire qu'elles participent parce qu'elles ne veulent pas contribuer à la consommation de pétrole. Un total de 81,2 % des personnes sont d'accord et entièrement d'accord pour dire qu'elles participent parce qu'elles ne veulent pas contribuer à la pollution environnementale.

Other bicyclists demonstrate their views on environmental and political issues surrounding automobile dependency with signs they carry on their bicycles (Fig. 4). In the 2012 survey, a total of 76.8% of the respondents agreed and strongly agreed with the statement that they participate because they do not want to contribute to oil consumption. 81.2%, in total, agreed and strongly agreed that they participate because they do not want to contribute to environmental pollution.

Dorothy (la quarantaine) fait référence aux avantages pratiques qu'il y a à participer aux rassemblements :

Dorothy (40s) refers to the practical benefits of joining the rides:

En fait, la Masse Critique a en quelque sorte changé ma vie... La plupart des gens voient probablement la MC comme une manifestation... Elle gêne la circulation, cela pose des problèmes... Pour moi, depuis le départ, c'est un groupe de soutien. Je ne savais pas me déplacer en vélo dans la ville. Je ne savais pas si je pouvais. Je ne me sentais pas en sécurité à vélo dans le trafic... Ce que la MC m'a donné c'est un groupe de collègues, meilleurs cyclistes que moi, et j'ai beaucoup appris.... Avant tout, il y a plus de sécurité à être en nombre, il y a de la camaraderie ... il s'agit d'être dans un groupe qui a des intérêts similaires... J'ai réalisé que je pouvais faire tout le trajet de chez moi jusqu'à Ocean Beach aller-retour avec mon vélo à trois vitesses, sans problème.

Actually, Critical Mass kind of changed my life… [P]robably most people think of CM as a demonstration … they disturb traffic, it causes problems … For me, from the very beginning, it was a support group. I didn’t know to get around the city on my bike. I didn’t know if I could. I didn’t feel safe riding in traffic … What CM provided me was a group of peers who were better bikers than I was, and I learned a lot. … First of all there is safety in numbers, and comradeship … it is being in a group that has similar interests … I realized that I could get all the way out to Ocean Beach on my three-speed and back home, and I can take care of myself.

Rouler à vélo en ville requiert de s'adapter, par exemple en trouvant des itinéraires avec moins de trafic et des côtes moins fortes, et négocier la priorité avec les voitures nécessite un apprentissage. Apprendre avec des pairs facilite cette adaptation. La MC promeut une communauté de cyclistes et un réseau de soutien dans lequel ceux-ci peuvent se rencontrer entre adeptes de modes de vie et de valeurs similaires. McDonald-Walker (2000) observe un sens de la communauté similaire chez les motards, qui partagent également un même style de vie - même si leur mode de vie, leur identité et leurs valeurs diffèrent énormément de ceux des cyclistes. McDonald-Walker (2000) décrit le sens de la communauté de ces groupes basés sur un même mode de vie comme étant à la fois physique (ils se rencontrent dans les mêmes lieux) et symbolique (basé sur l'affinité et la camaraderie).

Bicycling in the city requires adaptation, such as finding paths with lighter traffic and smaller slopes, and negotiating the right-of-way with automobiles requires time to learn. Learning from peers eases these adaptations. CM fosters a community of bicyclists and a support network in which bicyclists can meet with others who have similar lifestyles and values. McDonald-Walker (2000) observes a similar sense of community among motorcycle riders, as they too are united based on shared lifestyles—even though their lifestyle, identity, and values greatly differ from bicyclists’. McDonald-Walker (2000) describes the sense of community of such lifestyle-based groups as both physical (they meet in the same locations) and symbolic (based on affinity and comradeship).

Dorothy assimile également l'enfermement des automobilistes dans leur voiture à l'enfermement en appartement ; les deux espaces correspondent à deux formes d'isolement qui limitent l'interaction sociale. En revanche, aucune barrière physique n'existe entre les gens à vélo. Dorothy fait remarquer :

Dorothy also equates people being in their automobiles with being closed in apartments; both spaces are different forms of isolation that lead to limited social interaction. In contrast, no physical barrier exists between people on a bicycle. Dorothy notes,

Vivre dans un appartement dans une ville d'un million de personnes plutôt que dans une petite communauté unie isole et rend souvent solitaire. A San Francisco, vous devez sortir et trouver votre communauté. Parce que tout le monde vit dans son propre appartement, [qui est] comme une petite boîte... On est en quelque sorte isolés les uns des autres. La communauté de cyclistes est énorme... Notre communauté n'a pas d'adresse exacte. C'est sur la route avec d'autres gens qui pensent comme nous... Vous ne pouvez pas parler dans un bar... Quand vous êtes sur un vélo, vous pouvez avoir une conversation, vous pouvez vraiment connaître les gens. Vous êtes dehors, vous vous faites plaisir, faites de l'exercice... C'est plus amical... Vous n'avez pas de murs autour de vous, comme dans une voiture ou dans un appartement...

Living in an apartment in a city of a million plus people versus a small, close-knit community is isolating and often lonely. In San Francisco you have to go out and find your community. Because everybody is living in their own apartments, [that are] like little boxes … we are kind of closed off from each other. Biking community is huge … our community doesn’t have an exact address. It’s on the road with other like-minded people … you can’t talk in a bar … When you are on a bike you can have a conversation, you can get to know people. You are outside, enjoying yourself, getting exercise … It’s more social … You don’t have walls around you, like in car or apartment …

On sait en effet que la ville moderne crée ce sentiment d'anonymat et d'isolement. La MC lutte contre ce type d'isolement social en offrant une communauté d'opinions. La MC crée un espace unique où il est facile de se rencontrer grâce à l'absence de barrières physiques entre les gens. Certains cyclistes de la MC ont déclaré qu'ils cherchent à se faire des amis, non seulement pour entrer en relation avec eux, mais également pour se rendre à vélo avec eux aux endroits où rencontrer d'autres gens. De plus, les rassemblements de la MC sont des endroits sûrs, notamment pour les femmes. Dorothy ajoute :

The modern city has indeed been known for creating such a sense of anonymity and isolation. CM combats such social isolation by providing a community of like-minded individuals. CM creates a unique venue in which one can easily socialize with others due to the absence of physical barriers around each person. Some CM bicyclists stated that they want to make friends, not only to socialize with, but also with whom they can ride to the places where they socialize. Moreover, CM rides are safe spaces, especially for women. Dorothy adds,

J'ai vécu ici durant 10 ans avant de devenir une vraie cycliste. Je me sentais souvent isolée, et je ne savais pas comment rencontrer du monde... C'est très difficile de rencontrer des gens dans les bars. Parce que la musique est forte, et vous pensez qu'ils veulent juste une chose alors que vous voulez simplement avoir une conversation plus approfondie avec quelqu'un sans vous prendre la tête, hum, sans rentre-dedans. Donc le vélo est un bon moyen de rencontrer du monde tout en maintenant certaines limites... je veux dire, surtout pour les femmes. Tant que c'est sûr... Je pense que la plupart des mecs ici ont vraiment du mal à me suivre. [Rires] [Si] quelqu'un vient vers moi et que je ne suis pas intéressée, je peux aller rouler ailleurs, et [rires], ça donne vraiment un sentiment de puissance. Je sais que je peux me prendre en main à vélo. Je sais que je peux me protéger en ville... et je sais que si quelqu'un m'ennuie, je peux tracer vite pour m'éloigner de lui. Cela m'a donné confiance à tous les niveaux de ma vie.

I lived here for 10 years before I really got active in biking. I felt isolated a lot of times, and I didn’t know how to meet people … It’s really difficult to meet people at bars. Because the music is loud, and you think that they just want one thing and you just want to have a deeper conversation with somebody and not to have to worry about, umm, being hit on. So, bicycling is a good way to be social but still to keep some boundaries … I mean especially more for women …. As far as security … I think most of the guys out there have a really difficult time keeping up with me. [Laughing] [If] somebody is coming on to me, and I am not interested, I can just bike away, and [laughing] it’s very empowering.  I know I can handle myself on a bike. I know I can take care of myself in the city…and, I know if somebody is bothering me, I cruise quickly to get away from them. It’s given me confidence in all areas of my life. 

Cette expérience d'émancipation de femme cycliste n'est pas rare. Vers la fin du 19ème siècle, le vélo est devenu un facteur important d'émancipation des femmes (Herlihy, 2004). La mobilité individuelle a permis aux femmes de quitter seules la sphère privée pour la sphère publique, jusqu'alors dominée par les hommes. D'autres femmes que j'ai interrogées ont également dit que le vélo est une expérience d'émancipation à beaucoup de niveaux et c'est encore vrai aujourd'hui. Pour Veronica, son vélo lui permet d'être indépendante jour et nuit, et elle n'a pas à adapter son emploi du temps aux horaires et aux itinéraires des transports publics. Elle déclare que, grâce au vélo, elle se sent émancipée, car elle est capable de se déplacer plus loin à son propre rythme et en ne comptant que sur son corps :

Her experience of empowerment as a female bicyclist is not unusual. By the end of the 19th century, bicycling had become a significant factor in women’s emancipation (Herlihy, 2004). Individual mobility helped women independently move from the private sphere to what used to be a male-dominated public sphere. Other women whom I interviewed also said that bicycling is an empowering experience in many ways to this day. Veronica says that her bicycle allows her to be self-dependent day and night in that she does not have to work her schedule around public transportation’s time and location limitations. She claims that because of bicycling she feels empowered, as she is able to travel farther on her own time and rely on her body alone:

Je n'ai jamais vraiment craint pour ma sécurité en étant à vélo... Surtout la nuit... Vous roulez au milieu de la rue, si bien que personne ne peut vous sauter dessus depuis les bas-côtés. Cela révolutionne complètement vos déplacements la nuit. Parce que vous n'avez pas à marcher, et prendre le bus la nuit c'est une aventure, trouver les arrêts de bus, et ensuite vous devez encore marcher de l'arrêt de bus jusqu'à chez vous... Le vélo bouleverse complètement l'ordre des lieux où vous pouvez aller ou non. Je pense que c'est plutôt important. En tous cas, ça l'est pour moi... Je me sens vraiment en sécurité sur mon vélo. Je pense que les femmes peuvent bénéficier d'une certaine forme d'émancipation grâce au vélo, c'est sûr.

I have never really worried about my safety when I am on a bicycle…  Mostly at night … you ride in the middle of the street so that no one can jump at you from the sides of the street … It totally revolutionizes where you can go at night. Because you don’t have to walk, and taking the bus at night is sketchy by yourself, like bus stops, and then you still have to walk from the bus stop to your house … Biking completely revolutionizes where you can and cannot go. I think that is pretty significant.  At least, it has been for me … I feel really safe on my bike. I think that is a special type of empowerment that women can get from a bicycle for sure.

Au-delà des motivations évoquées plus haut, les deux déclarations sur lesquelles se sont accordés le plus de cyclistes dans l'enquête en ligne de 2012 ont été : « C'est tout simplement amusant de faire du vélo avec d'autres cyclistes » (78,3 %) et « Je profite de la ville d'une manière à laquelle je n'ai pas accès autrement » (65,2 %). Dans les entretiens aussi, les personnes ont énormément utilisé le mot « amusant ». Une personne a déclaré : « les rues sont notre terrain de jeu ». Ainsi, on ne préfère pas le vélo aux voitures uniquement pour des raisons fonctionnelles ou politiques ; les cyclistes aiment aussi sentir l'air frais et être en contact direct avec les gens autour d'eux et leur environnement. Cependant, les rues ne sont plaisantes que si le danger de la circulation automobile est éliminé.

Other than the motivations reported above, the two highest strongly-agreed statements in the 2012 online survey were “It is simply fun to ride together with other bicyclists” (78.3%) and “I enjoy the city in a way I cannot enjoy otherwise” (65.2%). In the interviews too, people overwhelmingly used the word “fun.” One informant said that “streets are our playground.” Thus, bicycling is not chosen over driving only for functional or political reasons; people also enjoy feeling the fresh air and being in direct contact with the people around them and their surroundings. However, the streets are only enjoyable in these ways if the danger of automobile traffic is eliminated.

L'éventail complet des motivations listées plus haut explique pourquoi les gens souhaitent pouvoir faire du vélo non seulement durant la MC mais aussi dans la vie de tous les jours : refuser de soutenir une économie qui dégrade l'environnement et cause des guerres ; désirer vivre dans un environnement urbain dans lequel on peut être physiquement actif, refuser de dépendre des voitures et de la consommation d'essence, utiliser les rues comme des lieux de socialisation et de divertissement, et avoir droit à un environnement sain, en sont quelques exemples. Ces différentes motivations sociales, idéologiques et pratiques unissent les cyclistes dans leurs revendications du droit aux rues. Le contre-discours des cyclistes conteste la domination des voitures dans la ville et soulève des questions sur la manière dont cet aménagement peut mieux servir une société composée de publics pluriels.

The whole range of motivations listed above explain why people care about being able to bicycle not only during CM, but also in everyday life: unwillingness to support an economy that degrades the environment and causes wars, desire to live in an urban environment in which one can be physically active, not having to depend on automobiles and consumption of oil, ability to experience the streets as social and fun places, and the right to a healthy environment are some of the examples. These various social, ideological, and practical reasons unite bicyclists in their right claims to the streets. Bicyclists’ counterdiscourse challenges automobiles’ hegemony in the city and raises questions about how urban planning can better serve a society with plural publics.

 

 

Le « droit à la ville » et les contre-espaces des cyclistes

The right to the city and counterspaces of bicyclists

L'automobilité est tellement enracinée dans la vie urbaine quotidienne qu'elle laisse peu de place aux autres moyens de transport. Le fait de choisir des méthodes de subversion pour accéder aux rues en les occupant collectivement et physiquement indique l'étendue de la frustration des cyclistes. En participant aux parcours de la MC, les cyclistes revendiquent explicitement leur droit à la ville, tout en produisant leurs contre-espaces.

Automobility is so well entrenched in everyday urban life it leaves little room for any other transportation mode. Choosing insurgent ways to gain access to streets and occupying them collectively with their bodies indicates bicyclists’ frustrations. By participating in the CM rides, bicyclists explicitly demand their right to the city, while producing their counterspaces.

David Harvey (2008, 23) définit le droit à la ville comme « la liberté collective de modeler et de remodeler nos sociétés et nos villes ». Mitchell (2003) ajoute qu'en pratique, on peut mesurer les droits à la ville des citoyens à travers la création sociale d'espaces publics et le contrôle sur ces derniers. Dans une certaine mesure, les MC permettent aux cyclistes de prendre le contrôle des rues et de remodeler les villes. Lefebvre (1991, 381-382) affirme que « Lorsqu’une communauté lutte contre la construction d’autoroutes urbaines ou d’ensembles immobiliers, lorsqu’il réclame des « installations » ou des espaces vides pour jouer ou se retrouver, l’on peut voir comment un contre-espace peut s’insérer dans la réalité spatiale. » Durant les parcours de la MC, les cyclistes négocient leur accès quotidien aux rues de la ville et défient le statu quo des voitures sur les routes. En même temps que les participants aux parcours de la MC s’approprient les rues de la ville qui sont habituellement occupées par les véhicules motorisés, ils promulguent l’existence de contre-espaces à la fois temporaires et permanents.

Harvey (2008, 23) interprets the right to the city as the “freedom to make and remake ourselves and our cities.” Mitchell (2003) adds that, in practice, the extent to which citizens have right to the city is defined by the social production of and control over public spaces. To a certain extent, CM rides allow bicyclists to take control over the streets and remake the cities. Lefebvre (1991, 381-382) argues that “when a community fights the construction of urban motorways or housing developments, when it demands ‘amenities’ or empty spaces for play and encounter, we can see how a counter-space can insert itself into spatial reality. » During the rides bicyclists negotiate their everyday access to streets and challenge the automobiles’ status quo on the roads. As participants of CM rides appropriate urban streets that are usually occupied by motor vehicles, they enact counterspaces in both temporary and permanent ways.

L'illustration de Mona Caron dépeint de façon métaphorique les contre-espaces des cyclistes de la MC (figure 5). Dans son illustration, les automobiles et leurs fumées d'échappement sont piégées par la route qui accueille les cyclistes. Elle représente le chamboulement des rues et la subversion de l'hégémonie des voitures. Lors des rassemblements de MC, les cyclistes subvertissent l'expérience quotidienne des rues pendant la durée de leur parcours. Les jours de rassemblement, les automobilistes sont à la place des cyclistes et à leur merci puisqu'ils ne peuvent pas conduire à la vitesse habituelle. Les cyclistes jouent de la musique, discutent entre eux, et réintroduisent le jeu, le divertissement et un sens de la communauté dans les rues. Les passants saluent les cyclistes, et même de nombreux automobilistes montrent leur soutien. Le rassemblement a lieu à l'heure de la sortie du travail et remet ainsi en cause la dichotomie du temps moderne partagé entre temps de travail et temps hors travail (Debord, 1994), et le remplaçant par un temps propice au divertissement. L'efficacité de la voiture, symbole de modernité, se trouve considérablement réduite.

Mona Caron’s illustration metaphorically depicts the counterspaces of CM bicyclists (Fig. 5). In her illustration, automobiles and their exhaust are trapped by the road that accommodates bicyclists. It depicts the turning of streets upside down and the subversion of automobiles’ hegemony. During CM rides, bicyclists subvert the everyday experience of the streets for the time they collectively ride; motorists, rather than bicyclists, feel subordinated because they cannot drive the same speed they usually do. Bicyclists play music, talk to one another, and reintroduce play, fun, and a sense of community into the streets. Passersby wave to the bicyclists, and many motorists even show their support. The experiences generated by the CM rides are counter to what modern streets typically offer. The ride corresponds with the commute hour, challenging modernity’s work/non-work time dichotomy (Debord, 1994) and replacing it with time for fun. The efficiency of the automobile, a symbol of modernity, becomes greatly reduced.

Tel un théâtre de rue, le rassemblement de MC démontre de façon spectaculaire à quoi pourraient ressembler les rues avec moins de voitures et plus de vélos. Les cyclistes de la MC communiquent leurs idées à la sphère publique par des actes plutôt que par de simples discours. En intégrant de tels changements temporaires dans l'expérience spatiale, la MC introduit de nouveaux codes culturels, remettant en question ceux qui existent, ce qui aboutit à une transformation sociale, culturelle et physique.

Seeming like street theater, the CM rides dramatically demonstrate what the streets might be like with fewer automobiles and more bicycles. CM riders communicate their ideas in the public sphere by enacting them, rather than by only talking about them. With such temporary changes in spatial experience, CM introduces new cultural codes, challenges existing ones, and culminates in a social, cultural, and physical transformation.

La résistance collective que les cyclistes ont opposée à la tentative du Maire de prendre le contrôle du parcours de la MC en 1997 a été un facteur significatif dans l’atténuation progressive de l’opposition du gouvernement local aux parcours de MC, et a ouvert la voie à d’autres mouvements populaires et sans but lucratif inspirés par des causes similaires. Le San Francisco Chronicle rapporte que juste après le rassemblement chaotique de juillet 1997, Sharon Bretz, membre de la Commission Stationnement et Circulation, a sorti une série de propositions pour calmer le conflit entre les cyclistes et les automobilistes. L'une de ces propositions consistait à interdire les voitures privées sur la rue Market (Martin et Epstein, 1997). Le successeur du maire Brown, Gavin Newsom, n'a pas marché dans ses traces et a adopté une attitude plus conciliante envers la MC et les autres mouvements défiant l'hégémonie automobile.

The bicyclists’ collective resistance against the mayor’s attempt to control the ride in 1997 was a significant factor in easing the local government’s attitudes towards CM rides in the long run and perhaps paved the road for other grassroots and non-profits with similar interests. The San Francisco Chronicle reported that right after the chaotic July 1997 ride, Parking and Traffic Commission member Sharon Bretz came up with a number of proposals to ease the conflict between bicyclists and motorists. One of these proposals was to ban privately-owned vehicles on Market Street (Martin and Epstein, 1997). Mayor Brown’s successor, Gavin Newsom, did not follow in Brown’s footsteps and presented a friendlier attitude towards CM and similar movements that challenged the automobile’s hegemony.

L'intérêt des cyclistes pour accéder aux rues et rouler en groupe grandit et prend différentes formes. Ceux qui préfèrent ne pas s'identifier au côté anarchiste de la MC ont créé des sortes de rassemblements populaires à vélo différents, moins conflictuels. On peut citer le East Bay Bike Party (une fête-promenade à vélo qui a vu le jour à San José et attire des milliers de personnes), les Berkeley Moonlight Bike Rides, les tours de vélo en groupe à Richmond, le San Francisco Midnight Mystery Ride, et le Butterlap Ride.

Bicyclists’ interest in access to streets for collective rides is growing and taking different forms. Those who prefer not to associate themselves with the anarchistic aspects of CM have created different, less confrontational kinds of grassroots rides: The East Bay Bike Party (a party/ride that started in San Jose and attracts thousands of people), Berkeley moonlight bike rides, community rides in Richmond, San Francisco Midnight Mystery Ride, and Butterlap Ride to name a few.

 

 

Conclusion

Conclusion

Le plaidoyer en faveur des vélos a pris de l'ampleur ces vingt dernières années. Les adhésions à la Coalition des Cyclistes de San Francisco (SFBC) sont passées de 116 à plus de 11 000 entre 1992 et 2011 (SFBC, 2011). Grâce au soutien de ses membres, la SFBC, entre autres initiatives, permis l'accès des vélos au transport en commun, a contribué à l’extension du réseau de voies cyclables cyclables, et a organisé les communautés pour faire fermer le parc de Golden Gate à la circulation automobile le samedi, selon le site web de la coalition.

Bike advocacy has grown significantly in the last couple of decades. The SFBC’s membership increased from 116 people to over 11,000 people between 1992 and 2011 (SFBC, 2011). Through its members’ support, the coalition, among other things, has provided bicycle access to mass transit, helped extend the bicycle network, and organized communities to close Golden Gate Park to automobile traffic on Saturdays, according to its website.

Globalement, la ville de San Francisco est plus favorable aux vélos et aux piétons aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a vingt ans. La SFMTA (2012) rapporte que sur les deux millions de trajets effectués chaque jour, tous modes de transport confondus, 75000 trajets se font à vélo. La ville compte aujourd’hui 129 pistes cyclables et routes partagées, et encore plus de projets sont en cours, selon l'Agence Municipale de Transport de San Francisco (SFMTA 2012). De plus, selon le Bicycling and Walking in the United States: 2012 Benchmarking Report (« Rapport de classement 2012 : vélo et marche aux Etats-Unis »), San Francisco occupe maintenant la quatrième place des villes favorables au vélo.

Overall, the city of San Francisco is more bicycle- and pedestrian-friendly today than it was 20 years ago. SFMTA (2012) reports that 75,000 trips are completed on bicycles each day out of over two million total trips by various transportation modes. The city today accommodates over 129 bike lanes and shared roads, and more projects are being planned (SFMTA 2012). Moreover, according to Bicycling and Walking in the United States: 2012 Benchmarking Report, San Francisco is now the 4th highest ranked city in the country for biking commute share and the 6th safest city in which to bike.

Ces dernières années, la ville a été un partenaire actif de la transformation sociale, culturelle et physique de San Francisco. Les directions de la ville collaborent depuis 2008 avec l’association Livable City (« Ville Habitable »), et avec SFBC, pour organiser la manifestation Sunday Streets. Les organisateurs de Sunday Streets ferment un quartier de la ville à la circulation certains dimanches et offrent un accès sécurisé aux cyclistes et aux piétons. Le nombre de participants est estimé à 25 000 personnes en moyenne. La ville a également initié le Pavement to Parks Program (« Programme de transformation de la chaussée en parc ») en 2009 afin d'augmenter la surface des espaces publics dans la ville. Dans le cadre de ce projet, cinq nouvelles places et 31 Parklets ont été aménagés jusqu’à présent, et d'autres sont en cours [Figure 6]. Les parklets sont des extensions de trottoirs créées en investissant des places de parking sur la rue. Le projet des parklets est né de la collaboration de la Ville avec Rebar, un studio interdisciplinaire, à l’origine du Park(ing) Day, un événement qui encourage les habitants à occuper les places de parking sur la rue, après avoir payé au parcmètre, en les transformant en espaces publics temporaires. Park(ing) Day est une autre manifestation populaire née à San Francisco en 2005, aujourd’hui célébrée dans 140 villes du monde entier.

In recent years the city has been an active partner in the social, cultural, and physical transformation of San Francisco. The city’s offices have been collaborating with a non-profit membership organization, Livable City, and SFBC to organize Sunday Streets events since 2008. Sunday Streets’ organizers close a different section of the city to automobile traffic on selected Sundays and provide safe access to bicyclists and pedestrians. The event is attended by an estimated 25,000 people on average. The city started the Pavement to Parks Program in 2009 in order to increase the amount of public space in the city. As part of this project, five new plazas and 31 parklets have been built so far [Fig. 6]. Parklets are extended sidewalks with seating amenities that are constructed onto on-street car parking spaces. The parklets project was a result of the city’s collaboration with Rebar, an interdisciplinary studio that initiated Park(ing) Day, which is an event that encourages residents to occupy on-street car parking spaces by paying the meter and transform them to temporary public spaces. It is another grassroots event that originated in San Francisco in 2005 and is now celebrated in 140 cities worldwide.

Il n'y a pas de moyen objectif de dire dans quelle mesure la transformation sociale et physique de San Francisco peut être attribuée à l'action de la seule Masse Critique. Cependant, les parcours de la MC et les manifestations/fêtes portant continuellement les revendications urbaines des cyclistes ont joué un rôle pivot dans la remise en question de la culture automobile à San Francisco comme dans le monde, et dans la transformation de San Francisco en une ville plus favorable aux vélos. En s’appropriant les rues chaque mois, les cyclistes de la MC ont porté leurs contre-discours sur la forme urbaine dans la sphère publique, et tentent de rendre les procédés de production de l’espace urbain plus démocratiques et plus inclusifs.

There is no objective way to tell how much of San Francisco’s social and physical transformation may be attributed to CM alone. Nevertheless, CM rides have played a pivotal role in challenging automobile culture in San Francisco and around the world and in transforming San Francisco into a more bicycle-friendly city as bicyclists continuously demonstrate their urban demands through protest/festival-like rides. By appropriating streets every month, CM bicyclists have carried their counterdiscourses about urban form into the public sphere in an attempt to make the processes of production of urban space more democratic and inclusive.

Le cas des cyclistes de la MC démontre qu’un urbanisme orienté par l’automobile marginalise des publics identifiés sur la base de leurs choix de modes de vie, alors que ces publics ne font pas toujours partie des populations généralement considérées comme désavantagées, qui dominent la littérature sur la justice spatiale. Cependant, les motivations multiples des cyclistes, comme celles liées au prix, à la santé, au jeu, à la communauté, à la montée en puissance et aux choix politiques, sous-tendent leurs revendications pour le droit à la ville (et aux rues), et prises ensemble, elles indiquent leur besoin de rendre les rues plus inclusives. La variété des usagers et des usages de la ville définit dans quelle mesure la ville peut être juste. Si l’on veut plus de justice spatiale, il faut étendre le concept de droit à la ville à de nouveaux  acteurs, comme les cyclistes, dont les valeurs et les modes de vie communs déterminent les revendications sur l’espace public.

The case of CM bicyclists demonstrates that automobile-oriented planning marginalizes publics that are primarily identified on the basis of their lifestyle choices, while these publics are not always part of the commonly recognized disadvantaged populations that dominate the spatial justice literature. Yet, the multiple motivations, such as those related to cost, health, play, community, empowerment, and political choices, underlie the right to the city (and streets) demands of bicyclists, and together they indicate the need to make streets more inclusive. The extent of the variety of users and uses that a city accommodates defines the extent to how just that city may be. Greater spatial justice depends on expanding the understanding of the right to the city to include constituencies such as bicyclists, whose shared values and lifestyles identify their demands on urban space.

 

 

Remerciements

Acknowledgements

Je voudrais remercier les organisateurs de la conférence « Vers une métropole juste : des crises aux possibilités 2010 », les premières ébauches de cette recherche ayant été présentées à cette occasion. Je suis également reconnaissante à Yael Allweil, Galen Cranz, Nathan Sayre et Andy Shanken pour leurs commentaires critiques sur cet article.

I would like to thank the organizers of “Toward a Just Metropolis: From Crises to Possibilities 2010,” as the initial draft of this research was first presented at that conference. I am also indebted to Yael Allweil, Galen Cranz, Nathan Sayre, and Andy Shanken for their critical comments on the paper.

 

 

A propos de l’auteur : Lusi MORHAYIM, University of California, Berkeley, Department of Architecture

About the Author: Lusi MORHAYIM, University of California, Berkeley, Department of Architecture

 

 

Pour citer cet article : Lusi Morhayim,  From counterpublics to counterspaces: Bicyclists’ efforts to reshape cities”, [« Des contre-publics aux contre-espaces : Les efforts des cyclistes pour remodeler les villes », translation : Guénaëlle Marquis], justice spatiale | spatial justice, n° 5, déc. 2012-déc. 2013 | dec. 2012-dec. 2013, http://www.jssj.org/

To quote this paper : Lusi Morhayim, From counterpublics to counterspaces: Bicyclists’ efforts to reshape cities”, [« Des contre-publics aux contre-espaces : Les efforts des cyclistes pour remodeler les villes », translation : Guénaëlle Marquis], justice spatiale | spatial justice, n° 5, déc. 2012-déc. 2013 | dec. 2012-dec. 2013, http://www.jssj.org/

 

 

[1] J'ai utilisé des pseudonymes dans cet article pour identifier les personnes interviewées. Lors du Bike-to-Work Day, je n'ai recruté, pour les interviewer, que des personnes qui faisaient également partie de la MC.

[1] Pseudonyms are used in the paper to identify the interviewees. Those whom I recruited on Bike-to-Work Day were only included as interviewees if they also participated in CM.

[2] Le Bike-to-Work Day est un évènement organisé chaque année par la Coalition Cycliste de San Francisco afin de promouvoir le vélo en tant que moyen de transport pour se rendre au travail.

[2] “Bike-to-Work Day” is a once-a-year event organized by the San Francisco Bicycle Coalition in order to promote commuting by bicycle.

[3] L'information concernant l'enquête en ligne sur www.surveymonkey.com a été diffusée durant le rassemblement de MC du mois de janvier 2012 par des tracts, par la page Facebook de la Masse Critique de San Francisco (www.sfcriticalmass.org), ainsi qu'au moyen de mon propre réseau Facebook. D'après les résultats de l'enquête, 22,1% des personnes interrogées participaient au rassemblement pour la première fois, et 30,9 % ont indiqué qu'elles y assistent 6 à 12 fois par an. En termes de longévité, 59,7 % d'entre-elles participent aux rassemblements depuis 5 ans ou moins, 20,9 % depuis 5 à 10 ans, et 7,5 % depuis les 20 dernières années.

[3] The information about the online survey at www.surveymonkey.com was distributed during the January 2012 CM ride through flyers, through the SF Critical Mass Facebook page, at www.sfcriticalmass.org, and through my personal Facebook network. According to the survey results, 22.1% of the participants were riding for the first time, and 30.9% said that they participate 6-12 times per year. As to longevity, 59.7% of them have been participating for 5 years or less, 20.9% between 5 and 10 years, 11.9% for 10-20 years, and 7.5% for the last 20 years.

[4] Selon des données analysées sur une période de trois ans, les noirs non-latinos ont une tendance à l'obésité supérieure de 51%, et les latinos, supérieure de 21%, à celle des blancs non-latinos (Pan et. al, 2009). De plus, environ 12,5 millions d'enfants et d'adolescents américains sont obèses (Centres de Contrôle et de Prévention des Maladies, 2011).

[4] According to data analyzed over a three-year period, when compared with non-Hispanic whites, non-Hispanic blacks had a 51% and Hispanics had a 21% greater prevalence of obesity (Pan et. al, 2009). Furthermore, approximately 12.5 million American children and adolescents are obese (Centers for Disease Control and Prevention, 2011).

[5] Le MUNI est le système municipal de transports en commun pour la ville et le comté de San Francisco en Californie.

[5]  MUNI is the municipal public transit system for the city and county of San FranciscoCalifornia.

[6] Les lettres à l'éditeur du San Francisco Chronicle de juin-juillet 1997 ne défendaient pas uniquement les intérêts des cyclistes, elles critiquaient également l'argent dépensé pour les autoroutes à la place des transports publics (Melville, 1997 ; Wilcott, 1997).

[6]Letters to the editor of the San Francisco Chronicle from June-July 1997 did not only speak on behalf of bicyclists but also critiqued the money spent on highways instead of public transit (Melville, 1997; Wilcott, 1997).

[7] La Xérocratie n'est plus pratiquée à San Francisco. Durant ma recherche de terrain, celui qui était en tête du rassemblement guidait généralement le convoi. Cependant, dans certaines villes, comme Chicago, les cyclistes suivent les routes qui sont indiquées sur des cartes (voir archives des routes de la Masse Critique de Chicago http://bedno.com/ccm).

[7]  Xerocracy is not actively practiced in San Francisco anymore. During my field research, usually whoever was at the front would lead the ride. However, in some cities, such as Chicago, bicyclists do follow routes that are printed on maps (see Chicago Critical Mass Route Archive, http://bedno.com/ccm).

[8] Marée noire de la British Petroleum dans le Golfe de Mexico en 2010.

[8] British Petroleum’s oil spill in the Gulf of Mexico in 2010.

[9] L'ordonnance sur les vélos a vu le jour suite à un procès en justice qui affirmait que le plan vélo de la ville n'était pas conforme à la loi de qualité environnementale de Californie. L'ordonnance a été retirée en totalité en 2010, après que la ville ait publié un rapport de 1 353 pages sur l'impact environnemental.

[9] The bike injunction started because of a court trial that claimed that the city’s bike plan was not in compliance with the California Environmental Quality Act. The injunction was fully removed in 2010 after the city released a 1,353-page environmental impact report.

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