BIHR Alain et PFEFFERKORN Roland (dir)

Dictionnaires des inégalités

Paris, A. Colin, 2014, 441 p. | commenté par : Bernard Bret

Voici un bel instrument de travail. Dirigé par deux sociologues, il donne la parole à plus de 200 contributeurs issus des spécialités les plus variées. C’est que les inégalités sont pluridimensionnelles et ne relèvent pas des seules sciences économiques et sociales. L’ouvrage rend compte de cela dans les nombreux champs qu’il couvre, énumérés par Alain Bihr et Roland Pfefferkorn dans leur utile introduction :  inégalités entre classes sociales, inégalités de genre, inégalités entre classes d’âge et entre générations, inégalités entre nationalités, ethnies ou groupes racisés ou racialisés, inégalités socio-spatiales à différentes échelles.

Traiter de phénomènes aussi intriqués les uns dans les autres appelait une approche pluridisciplinaire où les entrées retenues concernent tant les phénomènes que les théories cherchant à les expliquer. On trouve donc : la description et l’analyse des faits avec des termes tels que chômage, classe sociale, caste, genre, impérialisme ; les systèmes de classification de ces faits avec notamment  les indicateurs d’inégalité et les professions et catégories socioprofessionnelles ; les grands auteurs qui ont traité de la question, depuis Platon jusqu’à John Rawls en passant par Adam Smith, Jean-Jacques Rousseau et John Stuart Mill ; les principaux systèmes englobant tels que le christianisme, la démocratie, le libéralisme ; les exemples des inégalités dans l’espace (périurbanisation, gentrification, ségrégation) et des territoires particulièrement illustratifs (le Brésil, les Etats-Unis, la Russie).

Il serait impossible et vain d’aller au-delà de ces quelques mentions, s’agissant d’un ouvrage comptant pas moins de 553 entrées. Qu’il suffise de souligner que ce dictionnaire aide à dire le mot juste parce qu’il fournit les outils pour penser. En prise avec les grandes questions d’aujourd’hui (voir les entrées « féminisme » ou « multiculturalisme »), il vient à son heure, à un moment où les inégalités s’aggravent et où la néolibéralisation prétend donner une légitimité à cette évolution au nom de l’efficacité économique… comme si l’efficacité devait avoir pour critère l’enrichissement de quelques-uns contre le bien-être de tous les autres. Avoir les mots pour comprendre ces faits et, éventuellement, s’y opposer, est précieux !