La problématique du sans-abrisme à Bruxelles – limite de la gouvernance multiniveau dans l’application du principe de justice spatiale

Homelessness in Brussels – Limits of Multi-Level Governance in the Application of the Principle of Spatial Justice

Depuis 1970, les six réformes successives de l’État belge[1], ont transféré des compétences du niveau fédéral vers les entités fédérées (voir encadré). Ces réformes ont donné aux Régions une grande autonomie tant au niveau des politiques de développement territorial que des politiques sociales, notamment en ce qui concerne l’offre de services d’aide et de soins de première ligne. Ces compétences régionales[2] s’enchâssent néanmoins dans un montage complexe avec celles exercées par les communes ou par l’État fédéral.

Since 1970, six consecutive reforms of the Belgian state[1] have transferred powers from the federal level to the federated entities (see box). These reforms have given the regions a high degree of autonomy in both local development and social policies, particularly with regard to providing support services and primary care. At the same time, however, these regional competences[2] are embedded in a complex arrangement with those exercised by the municipalities or the federal state.

Notre hypothèse est qu’une analyse de l’action publique menée dans ce cadre à destination des populations les plus fragilisées (i.e. les « sans-abri ») permet de montrer, d’une part l’acceptation des phénomènes croissants de précarisation des populations urbaines et, d’autre part, l’incapacité des réponses qui y sont apportées à atteindre un objectif de justice spatiale. On ne peut par ailleurs séparer l’analyse des politiques menées à destination des personnes sans-abri d’une observation plus générale sur la façon dont la gestion de la question sociale s’est fragmentée tout au long des transformations de l’État social belge.

We hypothesize that an analysis of the public interventions carried out in this context and focused on the most vulnerable populations (i.e. the “homeless”) shows, on the one hand, an acceptance of the growing phenomena of precarious urban populations and, on the other hand, the inability of current responses to achieve an objective of spatial justice. Moreover, analysing policies for homeless people cannot be separated from observing more generally how transformations of the Belgian welfare state have led to fragmentation in the country’s management of the social question.

Cette fragmentation, qui a permis le développement d’un jeu de coopération ou d’éviction entre acteurs, agit ainsi comme un des instruments de la néo-libéralisation des politiques publiques en Belgique en installant de fait la concurrence entre les entités territoriales. Ce processus de fragmentation dans la conduite de l’action publique peut se lire au prisme de la notion de gouvernementalité théorisée par Michel Foucault (2004). Ce concept recouvre l’évolution des tactiques dans la conduite des populations notamment par l’amaigrissement du pouvoir de l’État et la redéfinition de ce qui est du ressort de l’action publique et de l’action privée. Le régime de gouvernementalité a pour objectif de garantir entre autres la sécurité d’existence des populations tout en laissant un maximum de latitude à l’initiative privée qu’elle soit individuelle ou collective (Foucault, 2004 ; Berns, 2009).

This fragmentation has made room for the development of a ‘game’ or stratagem in which actors either cooperate or carry out evictions; as such, it serves as one of the instruments for the neo-liberalisation of public policies in Belgium by effectively establishing competition between local entities. This process of fragmentation in carrying out public interventions can be read through the prism of the notion of governmentality theorized by Michel Foucault (2004). This concept refers to the evolution of tactics in governing populations, in particular by reducing state power and redefining what falls under the responsibility of public as opposed to private actors. The objective of the system of governmentality is to guarantee, among other things, the security of populations while leaving a maximum of latitude to private initiative, whether individual or collective (Foucault, 2004; Berns, 2009).

Ce renversement de la hiérarchie entre public et privé (Supiot, 2015) se traduit en Belgique par la mise en place d’une gouvernance multi-niveaux complexe activant le principe de subsidiarité tant vers les pouvoirs locaux (communes et CPAS) que vers le secteur privé (essentiellement les Association Sans But Lucratif). Ces mécanismes de transfert de pouvoir régulés par diverses formes de contractualisation entre public et privé, décrits notamment par Isin (1998), ont permis la mise en place d’une compétition entre acteurs locaux issus de la privatisation d’une partie des services publics ou de leur rationalisation avec la montée en puissance du concept de management (Brenner et Theodore, 2002). La fragmentation multiscalaire du pouvoir et les nouvelles articulations qui en résultent modifient en profondeur l’organisation de la gouvernance des territoires et dressent les conditions du projet urbain néo-libéral en s’appuyant sur une conception procédurale de la justice.

In Belgium, this reversal of the hierarchy between public and private (Supiot, 2015) is reflected in the implementation of a complex multi-level system of governance which activates the principle of subsidiarity towards both local authorities (municipalities and Public Centres of Social Welfare [PCSW]) and the private sector (mainly non-profit organizations). These mechanisms of power transfer are regulated by various forms of contractualization between the public and private sectors, as described in particular by Isin (1998). They have led to dynamics of competition between local actors as a result of privatising a component of public services or rationalising them, with the rise of the management concept (Brenner and Theodore, 2002). The multiscalar fragmentation of power and the new arrangements that result from it have profoundly modified the organization of territorial governance and paved the way for a neo-liberal urban project based on a procedural conception of justice.

La question de la bonne échelle de gouvernement à privilégier pour rencontrer les exigences de justice spatiale se joue dans la tension entre une approche micro locale centrée sur les usages et la reconnaissance des personnes comme autant d’ « ayant-droits » (notamment à l’inscription spatiale) et une échelle métropolitaine qui exige, elle, une certaine égalité dans la distribution des ressources (Gervais-Lambony et Dufaux, 2009 ; Desjardins, 2009). La gestion de la localisation et de la mise à disposition des ressources pour les personnes sans-abri, comme les abris de nuit ou les restaurants sociaux, fait ainsi pleinement partie des outils du management urbain de la pauvreté (De Vertueil, May et von Mahs, 2009).

The question of the right scale of government to meet the requirements of spatial justice can be seen in the tension between a micro local approach, centred on uses and recognizing people as “beneficiaries” (particularly in spatial registration), and a metropolitan scale that requires a certain equality in the distribution of resources (Gervais-Lambony and Dufaux, 2009; Desjardins, 2009). Managing the location and availability of resources for homeless people, such as night shelters or social restaurants, is thus an integral tool of urban poverty management (De Vertueil, May and von Mahs, 2009).

Dans cet article, nous proposons d’étudier la conduite des politiques de lutte contre la pauvreté (LCP) sur le territoire de la Région bruxelloise à partir des transformations successives des rapports entre acteurs publics et secteur associatif. Ces transformations doivent elles-mêmes être replacées dans le cadre plus large des réformes de l’État et de leurs conséquences territoriales fondamentales sur la gestion de la question sociale. Pour ce faire, notre approche mobilise les apports de la sociologie et de l’urbanisme, reflet des domaines de recherche de chacun.e des auteur.e.s. Elle s’appuie sur une réflexion commune et interdisciplinaire menée à partir de 2017 au sujet du sans-abrisme à Bruxelles[3]. À partir de ce cadre, l’article développe une approche sociohistorique des textes légaux et des jeux d’acteurs publics et associatifs pour en discerner les effets territoriaux sur la prise en charge de la grande précarité.

In this article, we propose to study the operation of anti-poverty policies (APP) in the Brussels region on the basis of successive transformations in relations between public actors and the voluntary sector. These transformations must themselves be viewed in the broader context of state reforms and their fundamental territorial consequences on the management of the social question. To do so, our approach mobilizes contributions from sociology and urban planning, reflecting the research fields of each of the authors as part of a joint, interdisciplinary investigation of homelessness in Brussels from 2017[3]. Given this framework, the article develops a socio-historical approach to legal texts and the games of public and associative actors in order to discern their territorial effects on the management of extreme precariousness.

Dans sa première partie l’article, recontextualise l’impact des réformes institutionnelles sur la gestion du sans-abrisme : la réforme en profondeur des principes d’action publique et l’affaiblissement de la puissance de l’État par une redistribution des rôles entre les acteurs publics et privés. La deuxième partie présente les évolutions majeures des politiques visant le sans-abrisme dans leur contexte historique afin d’éclairer la complexité institutionnelle belgo-bruxelloise. La troisième partie analyse l’aboutissement de ces restructurations et comment elles sont traduites dans l’Ordonnance[4] relative à l’aide d’urgence et l’insertion des personnes sans-abri adoptée le 25 mai 2018 par la Commission Communautaire Commune de la Région Bruxelles-Capitale. Celle-ci illustre l’évolution des relations contractualisées entre acteurs publics et privés et leurs effets entre autres sur l’organisation de la localisation des services à destination des sans-abri. À travers l’examen de ces deux moments forts, la quatrième partie explore les transformations spatiales et territoriales en cours dans la prise en charge de la très grande précarité urbaine au sein de la Région Bruxelles-Capitale. Elle s’attache à montrer les répartitions inégales des services d’aide aux plus démunis et les stratégies d’éviction, voire de non-accueil, mises en place par certaines communes de la Région. En conclusion, nous mettons en évidence la manière dont la fragmentation des compétences et la délégation au secteur associatif des services d’aide aux plus démunis relèvent d’un management néo-libéral qui se matérialise dans la mise en compétition des niveaux locaux, dans la distribution inégale des services et par conséquent, dans une prise en charge partielle, voire ségrégée, des personnes sans-abri.

The first part of the article recontextualizes the impact of institutional reforms on the management of homelessness, specifically the in-depth reform of principles of public action and the curbing of state power by redistributing roles between public and private actors. The second part presents the major developments in homelessness policies in their historical context in order to shed light on the institutional complexity of Belgium and Brussels. In the third part, we analyse the outcome of these forms of restructuring and how they are reflected in the Ordinance[4] on Emergency Aid and the Integration of Homeless People adopted 25 May 2018 by the Common Community Commission of the Brussels Capital Region. These policy developments illustrate the evolution of contractualized relations between public and private actors and their effects on, among other things, the way services for the homeless are localized. Through an examination of these two highlights, the fourth part of the article explores the spatial and territorial transformations underway in the management of the highly precarious urban situations in the Brussels-Capital Region. It aims to show that services to help the most disadvantaged are unequally distributed and how some municipalities in the Region implement strategies of eviction or even non-reception. In conclusion, we highlight the way in which the fragmentation of competences and delegation of services to help the most disadvantaged to the not-for-profit sector is the result of neo-liberal management that takes the form of competition between local levels, the unequal distribution of services and, consequently, a partial or even segregated care of the homeless.

 

Entre réformes de l’État et une complexe réarticulation multi-niveaux

Between state reforms and complex multi-level re-organisation

Si l’extrême précarité et le sans-abrisme sont des questions vives dans toute zone urbaine, la réalité institutionnelle bruxelloise en fait un enjeu d’une complexité majeure.

While extreme precariousness and homelessness are major issues in any urban area, the institutional reality in Brussels makes them a highly complex issue.

Cela fait maintenant quatre décennies que le système institutionnel belge est engagé dans un processus de décentralisation des mécanismes de solidarité territoriale s’appuyant sur le principe de subsidiarité. Entamé au départ pour répondre aux exigences flamandes de respect des identités culturelles et à la demande wallonne d’assumer son destin économique, celui-ci a progressivement concerné une grande partie des politiques publiques.

For four decades now, the Belgian institutional system has been engaged in a process of decentralising territorial solidarity mechanisms based on the principle of subsidiarity. Initially initiated to meet Flemish requirements for respecting cultural identity and Walloon demands for control over its own economic destiny, it has gradually come to affect a large segment of public policies.

La logique de « fédéralisation » de l’État belge est longtemps restée ambiguë par rapport au territoire bruxellois du fait de son statut de capitale nationale, de sa localisation enclavée en territoire flamand et de la composition de sa population à la fois francophone et néerlandophone. On peut néanmoins remarquer dès la première réforme de l’État une reconnaissance de la spécificité urbaine, voire métropolitaine, de Bruxelles par la constitution de l’Agglomération de Bruxelles, entité administrative chargée de coordonner certaines politiques (aménagement du territoire, déchets, santé, transports) sur le territoire des 19 communes de l’actuelle Région.

The logic of “federalising” the Belgian state has long remained ambiguous in relation to the Brussels area because of its status as national capital, its location within Flemish territory and the composition of its population, both French-speaking and Dutch-speaking. Nevertheless, as an examination of the first reform of the state shows, the specific urban and even metropolitan nature of Brussels was recognized through the act of constituting the Greater Brussels Area, an administrative entity responsible for coordinating certain policies (spatial planning, waste, health, transport) across the 19 municipalities of the current Region.

À la même époque, la spécificité bruxelloise s’est également rapidement incarnée dans un mouvement social qui a pris en main les problématiques spécifiquement urbaines délaissées par les formes bureaucratiques et largement fonctionnalistes de l’État-providence. Cette mobilisation a engendré un nombre important d’acteurs associatifs qui entendaient intervenir en dehors du cadre établi des piliers (Genard, 2002 ; Moriau, 2017). Est apparue une première vague de « vraies ASBL », selon les mots de Goldman (2015), reconnues par un État qui accepte de les voir se charger de problèmes qu’il renonce à traiter lui-même.

At the same time, the specificity of Brussels was also quickly embodied in a social movement that took charge of the specifically urban problems abandoned by the bureaucratic and largely functionalist forms of the welfare state. This mobilization generated a significant number of associative actors who have sought to intervene outside the established framework of the pillars (Genard, 2002; Moriau, 2017). A first wave of “real NPOs”, in Goldman’s words (2015), appeared in this period, recognized by a state that has allowed these organisations to handle the problems that the state itself has renounced addressing.

En ce qui concerne les politiques sociales, le résultat issu de cette logique de fragmentation des pouvoirs publics est un agencement plutôt hétéroclite. La centralisation propre à l’organisation d’un État-nation laisse place à une gouvernance multi-niveaux (Hooghe et Marks, 2001). Celle-ci prend la forme d’un entremêlement de compétences communales, régionales et fédérales agrémenté, au niveau du terrain, d’un secteur associatif puissant à qui est accordé une large autonomie dans la poursuite de ses objectifs (voir encadré).

As far as social policies are concerned, this logic of fragmentation of public authorities has given rise to a rather heterogeneous arrangement. The centralisation specific to the organisation of a nation-state gives way to multi-level governance (Hooghe and Marks, 2001). This governance takes the form of a mix of communal, regional and federal powers combined with a powerful associative sector at the grassroots level that is granted a large degree of autonomy in pursuing its objectives (see table below).

tableau_1

Répartition des compétences en matière d’aide sociale sur le territoire de la Région bruxelloise selon les niveaux de pouvoirs.

Distribution of competences in the field of social assistance in the territory of the Brussels Region according to levels of power.

Le passage d’un système politique centré et à vocation sociale (De Decker, 2004) à un système « acentré » qui voit se multiplier acteurs et niveaux de pouvoir ravive les enjeux propres aux relations entre action publique, territoire et inégalités. La division du pays en entités politiques régionales dotées de moyens inégaux et, à Bruxelles, la structuration du territoire sous la forme d’un ensemble de communes, reposent à nouveaux frais « la question centrale de l’échelle de gouvernement pour toute tentative de définition d’une action publique juste sur l’espace » (Dufaux et Philifert, 2013 : 2). La multiplication d’acteurs locaux, si elle permet en théorie une conduite de politiques plus proches des réalités locales et donc plus efficaces, donne aussi de plus grandes possibilités d’évitement et de défection vis-à-vis de problématiques particulières et peut accentuer les inégalités au sein d’un espace pourtant relativement petit.

The transition from a centred and socially-oriented political system (De Decker, 2004) to an “acentrated” system involving a proliferation of actors and levels of power has retriggered a series of challenges specific to the relationship between public action, territory and inequality. The division of the country into regional political entities with unequal resources and, in Brussels, the structuring of the territory into a set of municipalities, are once again based on “the central question of the scale of government for any attempt to define just public action on space” (Dufaux and Philifert, 2013, p. 2, translation by the authors). While the proliferation of local actors theoretically allows policies to be implemented closer to local settings and therefore makes them more effective, it also gives authorities greater opportunities to avoid and defect with regard to particular problems and can accentuate inequalities within a relatively small space.

Se pose ainsi pratiquement la question de l’égalité de l’action publique en faveur des populations précarisées sur l’ensemble du territoire régional. Le niveau communal est-il le niveau adéquat pour prendre en charge la question du sans-abrisme ? La délégation d’une partie de ses pouvoirs d’intervention de la part de l’acteur public aux acteurs associatifs est-elle en mesure de garantir un traitement équitable des situations de précarité ? La gouvernance multi-niveaux est-elle un pari réaliste quand il s’agit de s’attaquer à l’extrême pauvreté qui requiert un minimum de solidarité territoriale dans sa prise en charge (Fraser, Marlier et Nicaise, 2010) ?

This raises the question of the equality of public action targeting vulnerable populations throughout the region. Is the communal level the appropriate level for addressing the issue of homelessness? Is the public actor’s move to delegate part of its powers of intervention to NPO actors able to guarantee fair treatment of situations of precariousness? Is multi-level governance a realistic challenge when it comes to tackling extreme poverty, a phenomenon which requires a minimum of territorial solidarity in its management (Fraser, Marlier and Nicaise, 2010)?

 

De l’enfermement des vagabonds à la gestion du sans-abrisme

From the confinement of vagrants to the management of homelessness

L’instauration d’une politique sociale

The establishment of social policy

Afin de comprendre cette complexité institutionnelle belgo-bruxelloise entre le local, le régional, le fédéral et d’autres tendances internationales, il est important de situer les évolutions majeures des politiques publiques par rapport au sans-abrisme dans leur contexte historique.

In order to understand this Belgian-Brussels institutional complexity involving local, regional, federal and other international trends, it is important to situate the major developments in public policy with regard to homelessness in their historical context.

La première réforme de l’État (1970) déjà évoquée plus haut s’ancre dans un contexte de crise économique qui n’est pas sans influence sur la perception de la pauvreté par les acteurs publics. L’explosion du chômage de masse change profondément la donne. Considérés comme des victimes de la crise parmi d’autres, les pauvres sont, pour un moment, moins stigmatisés (Pichon et al., 2008). C’est dans ce contexte que sont créés, par la loi du 7 août de 1974, les Centres publics d’assistance sociale (dénommés depuis 2001 Centre public d’action sociale : CPAS) et qu’est instauré le droit à un minimum de moyens d’existence (Deschamps, 1998). Ajoutons qu’au-delà de l’octroi de ce minimum d’existence, les CPAS ont la mission de développer toutes sortes de services: guidance, réinsertion, maisons de repos, établissements de soins, logements, désintoxication, etc. (Pichon et al., 2008, p. 35-36). Ils peuvent par ailleurs exercer la coordination des services locaux.

The first state reform (1970) mentioned above took place in a context of economic crisis, and such crisis had a certain influence on the perception of poverty by public actors. The explosion of mass unemployment profoundly changed the situation. Considered to be just another victim of the crisis among others, the poor were for a certain period less stigmatized (Pichon et al., 2008). It was in this context that the law of 7 August 1974 created the Public Centres for Social Assistance (since 2001, known as Public Centres for Social Welfare: PCSW) and established the right to a minimum means of subsistence (Deschamps, 1998). It is important to add that, beyond the granting this minimum subsistence, the PCSWs are tasked with developing all kinds of services: guidance, reintegration, nursing homes, care facilities, housing, withdrawal centres, etc. (Pichon et al., 2008, p. 35-36). They can also coordinate local services.

Ce nouveau service public s’impose rapidement comme un outil important de l’arsenal de lutte contre la pauvreté. Régi par une loi nationale, il doit être le garant d’un traitement égal sur l’ensemble du territoire et symbolise l’autorité de la puissance publique à côté de la disparité de l’offre organisée par le secteur associatif.

This new public service quickly become an important tool in the arsenal of measures to combat poverty. Governed by a national law, it had to serve as the guarantor of equal treatment throughout the territory and symbolizes the authority of public power alongside the disparity of the range of programs organized by the voluntary sector (NPO).

Les grands bouleversements des années 1990

The major upheavals of the 1990s

Les années sont marquées à la fois par la reconnaissance de la Région bruxelloise comme entité politique à part entière et par de profonds bouleversements qui vont influencer la structuration du secteur de l’aide aux sans-abri jusqu’à aujourd’hui.

These years were marked both by the recognition of the Brussels Region as a political entity in its own right and by profound upheavals that went on to influence the structuring of the homeless assistance sector to this day.

Pendant ces années, une large gamme de mobilisations se manifeste contre l’exclusion des CPAS d’une grande partie des personnes sans domiciliation fixe. Il s’agissait pour ce mouvement de réclamer la possibilité d’une aide sociale y compris pour les personnes sans domiciliation. Ces revendications autour du « minimex[5] de rue », se conjuguent avec celles réclamant l’application de la « Loi Onkelinx » (Pichon et al., 2008 ; Peeters, 2018). Cette loi du 12 janvier 1993 traitant d’un « programme d’urgence pour une société plus solidaire» prévoyait plusieurs mesures importantes à l’égard des sans-abri en ce qu’il instaurait l’obligation légale d’accorder une aide aux personnes sans-abri et fixait un cadre quant à la compétence territoriale des CPAS (Rea et al., 2001). Cette loi abolissait l’ancienne loi de 1891 sur le vagabondage et la mendicité en donnant la compétence aux communes de mettre en œuvre une politique sans-abri.

During this period, a wide range of mobilizations took place to protest the fact that a large portion of people without a fixed address were excluded from the PCSW. For this movement, the aim was to demand access to social assistance, including for people who were homeless. These claims around the “street minimex[5]” were combined with demands calling for the application of the “Onkelinx Act” (Pichon et al., 2008; Peeters, 2018). This law dated 12 January 1993 setting up an “emergency programme for a more cohesive society” included several important measures with regard to the homeless; specifically, it introduced the legal obligation to provide assistance to homeless people and set a framework for the territorial competence of the PCSWs (Rea et al., 2001). It also abolished the former law of 1891 on vagrancy and begging by giving municipalities the power to implement a homeless policy.

À Bruxelles, face aux difficultés rencontrées par les CPAS à mettre en place à leur niveau d’action des structures adéquates pour répondre aux besoins des personnes à la rue et à l’impossibilité d’élaborer une vision commune aux 19 CPAS de la Région, six d’entre eux appuyés par des représentants des milieux laïques (socialistes et libéraux) créent une structure supplémentaire : le Samusocial. Celle-ci doit apporter une solution au vide existant dans la prise en charge des individus entre la rue et les autres services d’aide (De Backer, 2008). Des services à « bas seuil » d’accès pour rencontrer une population particulièrement exclue de l’offre classique d’aide et de soins devaient remédier à ce manque. De manière plus critique on peut également dire avec Francq (2004) qu’il s’agissait d’une réponse de communication politique à la problématique grandissante des morts de la rue.

In Brussels, the PCSWs were facing difficulties in setting up adequate structures at their level of action to meet the needs of rough sleepers and finding it impossible to develop a common vision across the 19 PCSWs in the Region. As a result, six of them, supported by representatives of secular circles (socialist and liberal), created an additional structure: the Samusocial. This was meant to provide a solution to the gap in the care of individuals between the street and other support services (De Backer, 2008). Services with “low threshold” access, to serve a population particularly excluded from the traditional range of assistance and care options, was intended to remedy this lack. More critically, we also agree with Francq (2004) that this move was a political communication response to the growing problem of homeless street deaths.

Cette nouvelle structure n’est que l’exemple le plus visible de la diversification des services qui se manifeste à l’époque : logement accompagné, création d’un abri de nuit en 1988 (Pierre d’Angle), du Samusocial en 1999, travail de rue (Diogènes en 1995), services de jour, douches, services d’hygiène, restaurants sociaux, Centres d’Action Sociale Globale, innovations du secteur de l’aide aux justiciables, de l’aide aux personnes avec problématique d’assuétudes et de l’aide aux personnes en général. Les services se multiplient, se développent et se spécialisent. Notons encore que la plupart de ces nouveaux services s’installent dans les anciens quartiers ouvriers centraux de Bruxelles, c’est-à-dire à proximité des personnes sans-abri. Cette phase de création de services va de pair avec une professionnalisation croissante des salariés du secteur (De Backer, 2008 :35).

This new structure is only the most visible example of the diversification of services that was evident at the time, diversification including supported housing, the creation of a night shelter in 1988 (Pierre d’Angle), Samusocial in 1999, street work (Diogenes in 1995), day services, showers, hygiene services, social restaurants, Global Social Welfare Centres (NPO), innovations in the sector of assistance to citizens, assistance to people with addiction problems and assistance to people in general. The services were multiplying, developing and specializing. It should also be noted that most of these new services were located in the former central working class districts of Brussels, i.e. close to homeless people. This phase of service creation went hand in hand with a growing professionalization of employees in the sector (De Backer, 2008, p. 35).

Dans le même temps, le secteur d’aide aux sans-abri voit augmenter massivement l’ouverture de places d’accueil d’urgence. Cette évolution parallèle structure un débat essentiel à Bruxelles : le conflit entre la demande immédiate (ou en urgence) et le travail d’insertion à plus long terme qui illustre en fait le conflit entre une politique généraliste et une politique ciblée (Van Regenmortel et al., 2006 ; Gardella, 2014). Les premiers effets territoriaux se dessinent déjà puisque les centres d’urgence vont se localiser dans les quartiers pauvres du centre-ville alors que les maisons d’accueil, souvent organisées par des associations issues du monde chrétien, vont occuper des bâtiments appartenant à des communautés religieuses disséminées dans l’ensemble de la ville.

At the same time, the homeless sector was witnessing a massive increase in the opening of emergency shelters. This parallel evolution framed a key debate in Brussels: the conflict between immediate (or emergency) demand and longer-term integration, a clash that actually reflects the conflict between generalist and targeted policy (Van Regenmortel et al., 2006; Gardella, 2014). The first territorial effects were already emerging as emergency centres were located in the poor districts of the city centre, while reception centres, often organized by associations from a Christian background, were set up in buildings belonging to religious communities and spread throughout the city.

Ces positions différentes, entre les services associatifs et leurs représentants au sein même du secteur, entre les différents CPAS, comme entre différentes orientations politiques ont résulté en 2000 dans une période de conflit ouvert particulièrement tumultueuse. Précisons qu’une source de conflit a été la mise en place du Samusocial sans réelle concertation préalable dans un secteur qui organise depuis 1993 un « Comité de concertation » entre les acteurs associatifs et politiques (Francq, 2004). En réaction le Collège réuni de la Région de Bruxelles-Capitale charge en 2000 le Prof. Rea de mener une étude évaluative (Rea et al., 2010). Cette commande trouve son origine dans le constat de l’existence d’une situation conflictuelle récurrente et dans la volonté de mettre en place une politique urbaine régionale.

In 2000 these divergent positions, between associative services and their representatives within the sector itself, the different PCSWs and different political orientations, resulted in a particularly tumultuous period of open conflict. It should be noted that one source of conflict was the move to establish Samusocial without conducting any real consultation beforehand in a sector that since 1993 had organized a “Consultation Committee” bringing together associative and political actors (Francq, 2004). In response, the United College of the Brussels-Capital Region commissioned Prof. Rea to conduct an evaluative study in 2000 (Rea et al., 2010). This order stemmed from an acknowledgement that there was a recurrent conflict situation and the desire to formulate a regional urban policy.

Entre les niveaux de pouvoir et de compétence – vers un secteur cogéré ?

Between levels of power and competence – towards a co-managed sector?

Sur base des constats de la diversification des acteurs au niveau local, de la création d’outils censés remédier aux difficultés des CPAS à offrir des solutions aux personnes sans-abri telles que prévus par la loi « Onkelinx » de 1993, et surtout de la grande difficulté à se coordonner entre les CPAS et les services associatifs, l’étude menée par l’équipe de Rea retient une série de propositions quant au futur pilotage organisationnel et politique de la lutte contre la grande précarité. Elles serviront de base pour une note de politique générale en matière d’aide aux sans-abri (Collège Réuni, 2002 ; COCOM, 2002) qui retient la création d’un réseau intégré permettant le rapprochement institutionnel entre tous les acteurs, quelle que soit la tutelle dont ils dépendent.

On the basis of findings regarding the diversification of actors at the local level, the creation of tools to overcome the PCSWs’ difficulties in offering solutions to homeless people as provided for by the 1993 “Onkelinx” law and, above all, the serious difficulty in achieving coordination between the PCSWs and associative services, the study conducted by the Rea team outlined a series of proposals for the future organizational and political management of the fight against extreme precariousness. These later served as a basis for a general policy note on assistance to the homeless (Collège réuni, 2002; COCOM, 2002) which suggested the creation of an integrated network enabling institutional rapprochement between all actors, regardless of what supervisory actor they answer to.

Suite au refus du gouvernement flamand de l’avaliser (Alter Echos, 2004) et après de longues négociations une nouvelle note est approuvée par tous les acteurs publics en mai 2007.

Following the Flemish government’s refusal to endorse this note (Alter Echos, 2004) and after lengthy negotiations, a new note was approved by all public actors in May 2007.

La note reprécise qu’il revient aux CPAS d’être l’acteur général de l’aide sociale également pour les sans-abri. La visée générale de la note porte sur une régulation des flux entrants et sortants et sur l’organisation de l’offre avec une définition précise du rôle que doivent prendre les services en y intégrant la notion de l’hébergement diversifié. Mais le point le plus important de la note est celui qui revient sur la création d’un outil public qui porterait plusieurs missions : information, orientation, régulation des places, permanence téléphonique, équipe mobile. Ce qui était communément appelé le « centre de référence » suivant les propositions de l’étude de Rea et al. (2002) se retrouve sous une autre forme organisationnelle. Suite aux différents refus, blocages ou impossibilités d’avancer, l’outil « centre de référence » a été divisé en deux parties : le Centre d’appui au secteur bruxellois d’aide aux sans-abri (La Strada) et le Service public d’urgence sociale. La notion de « centre de référence » a posé problème surtout à cause de la capacité de réquisition des places et suite au questionnement de la part des services de terrain sur la place qu’ils pourraient y prendre. Ce débat existe depuis l’étude de Rea et al. (2002) et est toujours en cours en 2019. Il démontre que la question de la reconnaissance d’une autorité centrale, même à un niveau purement « opérationnel », reste le nœud du problème.

The note specifies that it is up to the PCSWs to be the general actor in social assistance in multiple areas, including the homeless. The general aim of the note is to regulate incoming and outgoing flows and to organize the range of services, precisely defining the role that services must play by integrating the notion of diversified accommodation. However, the most important point of the note is the one revisiting the idea of creating a public tool that would carry out several missions: information, orientation, the regulation of places, telephone permanence, and outreach teams. What was commonly referred to as the “reference centre” as proposed in the study by Rea et al. (2002) appears here in a different organizational form. Following various refusals, roadblocks or impended forward progress, this “reference centre” tool has been divided into two parts: the support centre for the Brussels homeless sector (La Strada) and the public provision of emergency social assistance. The notion of a “reference centre” has been problematic mainly because of its potential capacity to requisition places and following the fact that field services questioned what role they could play there. This debate ignited with the release of the study by Rea et al. (2002) and is still ongoing in 2019. It shows that the question of recognising one central authority, even at a purely “operational” level, remains the crux of the problem.

Alors que la Strada a été créé en 2008 comme centre d’appui au secteur bruxellois, la création d’un service public d’urgence sociale n’a pas avancé du fait du blocage entre les 19 CPAS bruxellois, de la volonté du Samusocial de se positionner à la fois comme service associatif indépendant tout en étant directement dépendant du CPAS de Bruxelles-ville, et de la relative méfiance des services associatifs à l’égard d’un organe de coordination perçu comme trop politisé (Wagener, 2011 et 2012).

While La Strada was created in 2008 as a support centre for the Brussels sector, the creation of a public social emergency service has not progressed because of an impasse among the 19 Brussels PCSWs, the Samusocial’s desire to position itself as both an independent associative service and an entity directly dependent on the PCSW of Brussels City, and the relative mistrust of the associative services in relation to a coordination body perceived as too politicized (Wagener, 2011 and 2012).

 

L’Ordonnance du 25 mai 2018 relative à l’aide d’urgence et à l’insertion des personnes sans-abri

The 25 May 2018 ordinance on emergency assistance and integration of homeless people

Le paysage institutionnel belge tel que décrit dans la première partie de cet article offre une série de portes dérobées dont les différents acteurs se saisissent, quelle que soit leur échelle territoriale de compétences afin d’éviter de devoir assumer des décisions rencontrant un large consensus, mais pouvant assez vite se heurter à un NIMBY local (De Verteuil, 2011). La rédaction de l’Ordonnance du 25 mai 2018 tente de régler cette coordination complexe entre les acteurs pour trouver les échelles adéquates d’intervention tant institutionnelles que spatiales. Elle vise ainsi à éteindre les conflits évoqués plus haut[6]. Elle poursuit un objectif de justice spatiale en répartissant la prise en charge des personnes sans-abri entre les opérateurs agissant sur des territoires superposés ou distincts.

The Belgian institutional landscape as described in the first part of this article offers a series of backdoors that the various actors employ, whatever their territorial scale of competence, in order to avoid having to make decisions enjoying a broad consensus but which may quite quickly come up against a local NIMBY-type roadblock (De Verteuil, 2011). The drafting of the Ordinance of 25 May 2018 was an attempt to regulate this complex coordination among the actors in order to achieve the appropriate scales of intervention, both institutional and spatial. It thus aims to extinguish the conflicts mentioned above[6]. It pursues an objective of spatial justice by distributing the provision of services for homeless people among operators in superimposed or separate territories.

Avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement bruxellois en 2014 la négociation d’une ordonnance a repris dans la suite des notes politiques de 2002 et de 2007. Après une première courte concertation respectant l’accord gouvernemental (Wagener, 2015 ; Mormont, 2017), une note en matière de politique générale est approuvée en novembre 2015. Par rapport aux points non résolus dans les travaux antérieurs, c’est-à-dire l’enjeu de la coordination du secteur, cette note sépare la problématique en deux : d’un côté une coordination de l’urgence (Samusocial) et de l’autre côté une coordination de l’insertion (un bureau d’insertion sociale (BIS) qui est à créer). Par ailleurs, il y apparaît une volonté d’organiser la question de la compétence des CPAS via un contrat de gestion Communes-Région en faisant appel au BIS. Il devra désigner dans chaque situation le CPAS compétent et faire appel à la solidarité d’un point de vue territorial entre les différents CPAS de la Région (et ailleurs en Belgique).

With the arrival of a new Brussels government in 2014, the negotiation of an ordinance resumed in wake of the political notes from 2002 and 2007. After a first short consultation regarding the government agreement (Wagener, 2015; Mormont, 2017), a policy note was approved in November 2015. In terms of the points not resolved in previous work, i.e. the issue of coordinating the sector, this note divides the issue in two: on the one hand, the coordination of emergency services (Samusocial) and, on the other hand, the coordination of integration (a social integration office [BIS] which is to be created). In addition, it expresses the desire to organize the question of the PCSWs’ jurisdiction via a Joint Regional Management Contract using the BIS. In each situation, this contract will have to designate the competent PCSW and call for solidarity, from a territorial point of view, among the various PCSWs in the Region (and elsewhere in Belgium).

L’articulation entre les flux entrants et sortants se voit dissoute dans la seule fonction de l’accueil d’urgence. Quid alors du travail de prévention ? Les flux entrants sont encore décrits, mais se limitent à la question du statut sur le territoire (est-ce que l’on vient d’une autre Région de la Belgique ou de l’étranger ?) en renvoyant aux compétences des CPAS et de l’État fédéral. Cela peut être compris comme une invitation faite à l’État fédéral de renforcer les dispositifs hivernaux. Mais par rapport au discours du secrétaire d’État pour l’asile et la migration de l’époque, cela peut aussi signifier un encouragement à l’expulsion des personnes sans-papiers… De l’autre côté, les flux sortants font appel à plusieurs mesures concrètes par rapport à l’accès au logement (captation de logements inoccupés, Housing First, quotas par rapport au logement social et/ou aux agences immobilières sociales…).

The articulation between incoming and outgoing flows is addressed through the sole function of emergency reception. What about prevention work, then? The incoming flows are still described, but they are limited to the question of the person’s status in the territory (does the service user come from another region of Belgium or abroad?) by referring to the competences of the PCSW and the federal state. This can be understood as an invitation to the federal government to strengthen winter measures. In relation to the speech by the Secretary of State for Asylum and Migration at the time, however, it could also mean encouraging the expulsion of undocumented migrants. On the other hand, outflows call for several concrete measures regarding access to housing (the capture of unoccupied housing, Housing First, quotas regarding social housing and/or social housing agencies, and so on).

En somme, le conflit entre différentes approches a donc été « résolu » par la création d’une coordination bicéphale, d’un côté le Samusocial, de l’autre le BIS visant à l’insertion et qui devra coordonner les actions de plusieurs dizaines de services associatifs du secteur et des 19 CPAS.

In short, the conflict between different approaches has therefore been “resolved” by creating a two-headed coordination, on the one hand the Samusocial, on the other the BIS aimed at integration. This arrangement will have to coordinate the actions of several dozen associations in the sector as well as the 19 PCSWs.

Pour les acteurs concernés, les objectifs de l’ordonnance sont essentiellement de concilier les interventions d’urgence et une politique d’inclusion sociale ; d’établir un suivi longitudinal mobilisant des services adaptés pour les personnes sans-abri  et de stabiliser les structures qui s’occupent du sans-abrisme en les reconnaissant au travers de l’Ordonnance (Jamoulle et Teitelbaum, 2017-2018). Pour atteindre ces trois objectifs, l’Ordonnance doit mettre en place trois outils décrits ci-après.

For the actors concerned, the objectives of the ordinance are essentially to reconcile emergency interventions and a policy of social inclusion, to establish longitudinal monitoring by mobilising appropriate services for homeless people, and to stabilize the structures that deal with homelessness by recognising them through the ordinance (Jamoulle and Teitelbaum, 2017-2018). To achieve these three objectives, the Ordinance must employ the three tools described below.

La coordination est donc au centre de l’attention des rédacteurs du texte pour tenter de régler à l’interne de la Région Bruxelles-Capitale les conflits récurrents qui caractérisent une gouvernance multi-niveaux complexe à l’intérieur d’un système devenu illisible. La réponse à donner à cette complexité institutionnelle belge est une restructuration qui clarifie le rôle de chacun des acteurs qu’il soit public ou privé, et ce quel que soit son échelle d’intervention. L’architecture institutionnelle mise en place se rattache à la gouvernance de type II de la typologie de Hooghe et Marks (2001). Elle se traduit par plusieurs niveaux institutionnels impliqués dans la gestion du sans-abrisme : à l’échelle micro, les CPAS ; à l’échelle méso, la coordination des acteurs à installer à l’échelle de la Région Bruxelles-Capitale ; à l’échelle macro, le gouvernement fédéral compétent en ce qui concerne la politique des demandeurs d’asile. Dans les faits, cela voudra dire qu’une institution régionale est en position de dire aux communes qui doit être accueilli par son CPAS sur base de lois fédérales. Ce fonctionnement est contraire au principe de subsidiarité qui régit les relations entre niveaux de compétence en Belgique.

The policymakers drafting this text therefore saw coordination as central, in an attempt to resolve, in the Brussels-Capital Region, the recurring conflicts characterising complex multi-level governance within a system that has become indecipherable. The answer to this Belgian institutional complexity is a restructuring that clarifies the role of each of the actors, whether public or private, regardless of their scale of intervention. The institutional architecture put in place is related to type II governance as identified by the Hooghe and Marks typology (2001). It is reflected in several institutional levels simultaneously involved in managing homelessness: at the micro level, the PCSWs; at the meso level, the coordination of actors to be installed at the level of the Brussels-Capital Region; and at the macro level, the federal government responsible for asylum seeker policy. In practice, this will mean that a regional institution is in a position to tell the municipalities who should be welcomed by its PCSW on the basis of federal laws. This operation is contrary to the principle of subsidiarity that governs relations between levels of competence in Belgium.

C’est dans ce contexte instable qu’est approuvé le 25 mai 2018 par l’Assemblée réunie de la COCOM l'ordonnance relative à l'aide d'urgence et à l'insertion des personnes sans-abri (Collège réuni, 2018). Elle retient dans les grandes lignes les mêmes catégories figurant dans la dernière version de la note politique. Cependant un changement majeur intervient quant à la place du New Samusocial. Ce dernier a pour mission à présent de dispatcher les nouvelles personnes qui font une demande d’urgence. Après un premier entretien et séjour de la personne, une nouvelle ASBL de droit public prendra la relève : Bruss’help (Collège réuni, 2018). Les compétences de Bruss’help intègrent les missions du BIS (orientation, dossier électronique pour tous les services et connexion avec les CPAS et le Réseau Santé bruxellois, désignation du CPAS compétent), la fonction de dispatching avec numéro d’appel unique ainsi que celles de la Strada (appui à la coordination, organisation de la concertation, appui au secteur grâce à différents outils, point d’information et de sensibilisation, observatoire, participation des personnes sans-abri…). Notons que le terme de coordination ne se limite pas à l’urgence mais s’étend à toutes formes de travail social auprès des personnes sans-abri (comme les maisons d’accueil, centres de jours, guidance à domicile, Housing First, travail de rue et maraude, etc.).

It is in this unstable context that the Ordinance on Emergency Assistance and Integration was approved by the COCOM United Assembly on 25 May 2018. This ordinance broadly adopts the same categories as in the latest version of the policy note. However, a major change is taking place regarding the position of New Samusocial. The mission of the latter is now to dispatch new people who make emergency requests. After the person undergoes an initial interview and residence, a new public law non-profit organization will take over: Bruss’help (Collège réuni, 2018). Bruss’help’s competences include the missions of the BIS (orientation, electronic filing for all services and connection with the PCSWs and the Brussels Health Network, designating the competent PCSW) and a dispatching function with a single call centre number. Its competences will also encompass those of La Strada (support for coordination, organization of consultation, support to the sector thanks to different tools, an information and awareness point, an observatory, the participation of homeless people, etc.). It should be noted that the term coordination is not limited to emergency but extends to all forms of social work with homeless people (e.g. shelters, day centres, home guidance, Housing First, street work and outreach, etc.).

La répartition des sans-abri au sein des structures d’accueil reste le point critique qui est débattu depuis 2001. L’ordonnance précise que les associations sont tenues d’appliquer les décisions du BIS, et que cet acteur central dernier doit respecter leur manière de travailler (Collège réuni, 2018). Les associations peuvent introduire un recours non suspensif contre une décision auprès de Bruss’help et/ou des ministres en charge. Si le ministre ne réagit pas dans les dix jours, le recours est annulé et la décision de Bruss’help confirmée.

The critical issue that has been discussed since 2001 remains the distribution of homeless people within care facilities. The ordinance specifies that associations are required to implement the decisions of the BIS, and that this central actor must respect their way of working (Collège réuni, 2018). Associations may lodge a non-suspensive appeal against a decision with Bruss’help and/or the ministers in charge. If the Minister does not respond within ten days, the appeal is annulled and Bruss’help’s decision is confirmed.

L’ordonnance clôt ainsi un débat de 20 ans visant à résoudre les conflits de compétences territoriales en matière de sans-abrisme en imposant une structuration hiérarchique forte du secteur. Celle-ci se fonde donc sur deux piliers, d’une part le New Samusocial qui est chargé de l’urgence et d’autre part Bruss’Help qui est chargé du suivi longitudinal, de l’inclusion ainsi que de l’observation. C’est donc l’approche verticale qui a été privilégiée pour d’une part s’extraire de la complexité de la gouvernance multi-niveaux et d’autre part apaiser les conflits territoriaux endémiques entre les acteurs publics et privés. Ce dispositif devrait permettre de réduire les coûts de coordination par le traitement des conflits en amont, mais, ce faisant, la Région Bruxelles-Capitale reterritorialise les politiques sociales par une intégration à marche forcée.

The ordinance thus concludes a 20-year debate aimed at resolving territorial conflicts of jurisdiction over homelessness by imposing an intensely hierarchical structure on the sector. It is therefore based on two pillars: one, the New Samusocial, which is in charge of emergency services and two, Bruss’Help, which is in charge of longitudinal monitoring, inclusion and observation. It is therefore the vertical approach that has been favoured in order to escape the complexity of multi-level governance and to calm endemic territorial conflicts between public and private actors. This mechanism should make it possible to reduce coordination costs by dealing with conflicts upstream, but in so doing the Brussels-Capital Region is also re-territorialising social policies through forced-march integration.

L’évaluation de cette reconfiguration, une fois la vitesse de croisière atteinte, permettra de voir si ce changement de type de gouvernance a pu rencontrer la volonté du législateur de respecter la diversité des méthodes de travail et l’autonomie des différentes structures d’intervention de première ligne. Les craintes très vives du secteur à ce sujet associées à la difficulté de coordination entre les structures publiques de première ligne, essentiellement communales, restent deux freins à ce retour vers une organisation de la coopération entre acteurs par silos hiérarchiques.

Once this reconfiguration has reached cruising speed, an evaluation of it will reveal whether this change in type of governance has met the legislators’ desire to respect the diversity of working methods and the autonomy of the various front-line intervention structures. The sector’s very powerful fears on this subject, combined with the difficulty of coordination among front-line public structures, mainly communal, remain two obstacles to this return to organising cooperation among actors through hierarchical silos.

 

Conséquence de l’ordonnance sur la territorialisation de la prise en charge du sans-abrisme

Consequences of the Ordinance on the Territorialization of Homelessness Services

La gouvernance multi-niveaux construite en Belgique pour répondre aux différentes caractéristiques territoriales (culture, dynamique économique…) a installé des frontières régionales ou communautaires qui se détachent des évolutions de l’usage des espaces. Ce phénomène est particulièrement présent dans le cas de Bruxelles dont l’aire fonctionnelle s’étend au-delà des limites de la Région Bruxelles-Capitale. Le contour de cette aire fonctionnelle, ou aire métropolitaine, fluctue selon les indicateurs mobilisés mais correspond peu ou prou à l’ancienne province du Brabant. La VIe réforme de l’État qui poursuit le processus de fédéralisation de la Belgique a par ailleurs inscrit un nouveau territoire de coopération, la Communauté métropolitaine bruxelloise, qui reprend les limites de l’ancien Brabant. Le paysage politique actuel n’a cependant pas encore donné corps à ce dispositif. Néanmoins, on constate des rééquilibrages économiques et démographiques entre la Région Bruxelles-Capitale et le Brabant wallon (Leclercq, Quadu et Malherbe, 2016).

The multi-level governance built in Belgium to respond to different territorial characteristics (culture, economic dynamics, etc.) has established regional or community borders that are different from changes in the use of spaces. This phenomenon is particularly evident in the case of Brussels, whose functional area extends beyond the limits of the Brussels-Capital Region. The perimeter of this functional area, or metropolitan area, fluctuates according to the indicators used, but it more or less corresponds to the former province of Brabant. The sixth state reform, which continues Belgium’s federalization process, also included a new cooperation territory, the Brussels Metropolitan Community. This territorial unit takes on the boundaries of former Brabant. However, the current political landscape has not yet given substance to this system. Nevertheless, there are economic and demographic rebalances between the Brussels-Capital Region and Walloon Brabant (Leclercq, Quadu and Malherbe, 2016).

En ce qui concerne la politique à destination des personnes sans-abri, un accord de coopération entre les entités fédérées belges et l’État fédéral vise à répondre à l’invitation du Conseil européen du 20 et 21 juin 2013 à mettre en place des stratégies globales garantissant les droits fondamentaux dont le droit à un logement décent repris à l’article 23 de la Constitution belge (Service Public Fédéral, 2014). Cet accord reconnaît la nécessité de « poursuivre, coordonner et harmoniser leurs (les entités fédérées et l’État belge) politiques de prévention et de luttes contre le sans-abrisme », et ce à tous les niveaux de compétence. Un des moyens pour atteindre cet objectif est de mettre en place « la plus grande clarté quant à l’offre existante de services et instruments disponibles, ainsi qu’une visibilité maximale de cette offre ». Il convient de « trouver des solutions communes concrètes » lorsqu’il y a superposition de compétence.

With regard to policy for homeless people, a cooperation agreement between the Belgian federated entities and the federal state aims to respond to the invitation issued by the European Council 20 and 21 June 2013 to adopt comprehensive strategies guaranteeing fundamental rights, including the right to decent housing, as set out in Article 23 of the Belgian Constitution (Service public fédéral, 2014). This agreement recognizes the need to “pursue, coordinate and harmonize their (federated entities and the Belgian State) policies to prevent and combat homelessness” at all levels of competence. One of the ways to achieve this objective is to establish “the greatest clarity as to the existing offer of available services and instruments, as well as maximum visibility of this offer”. It is necessary to “find concrete common solutions” when competences overlap.

Dans ce cadre, la Région wallonne dans laquelle est inclus le Brabant wallon, contribue à la lutte contre le sans-abrisme au travers de « relais sociaux » intercommunaux. La mise en place de « projets collectifs relatifs aux spécificités locales », dont des abris de nuit font partie de ce programme. Force est cependant de constater que le versant wallon de l’aire métropolitaine bruxelloise, soit le Brabant wallon, n’offre aucun abri de nuit pour les personnes sans-abri (De Vogelaere, 2018). Certes, les ressources disponibles pour les personnes en grande précarité n’ont pas une intensité égale sur l’ensemble de l’aire métropolitaine bruxelloise, mais cette absence de ressources sur une partie importante de cette aire contraint fortement les usages pour les personnes les plus fragiles qui vivent sur ce territoire.

In this context, the Walloon Region, which includes Walloon Brabant, contributes to the fight against homelessness through intermunicipal “social relays (Relais Sociaux)”. The implementation of “collective projects relating to local specificities”, including night shelters, are part of this programme. However, it must be noted that the Walloon side of the Brussels metropolitan area, i.e. Walloon Brabant, does not provide any night shelters for homeless people (De Vogelaere, 2018). Admittedly, there is not an equal level of resources available for people in extreme precariousness throughout the Brussels metropolitan area, but this lack of resources in a large part of this area strongly constrains use for the most vulnerable people living in this territory.

Si l’on se focalise sur le territoire de la Région Bruxelles-Capitale, on constate que les dispositifs d’aide ne couvrent pas de manière équivalente tout le territoire de la région. On a vu qu’une des priorités de l’ordonnance est d’atténuer les frictions entre les acteurs institutionnels (les CPAS) et les associations et entre les associations elles-mêmes par une meilleure coordination des actions pour garantir tant une lisibilité accrue de l’offre d’aide qu’une répartition plus équilibrée des efforts à assumer par les parties. Historiquement, la ségrégation spatiale à Bruxelles est le résultat d’un triple phénomène : la suburbanisation entre la ville et la périphérie à partir des années 1960 et qui continue encore actuellement, un marché du logement qui homogénéise socialement les quartiers de la Région Bruxelles-Capitale, le développement en spirales négatives sociales, environnementales et économiques de certains quartiers (Mistiaen, Meert, Kesteloot, 1995).

If we focus on the territory of the Brussels-Capital Region, we see that the aid schemes do not cover the entire territory of the Region in an equivalent manner. We have noted that one of the priorities of the Ordinance is to reduce friction between institutional actors (PCSWs) and associations, and among associations themselves, through better coordination of programs in order to ensure both a better readability of the range of services and a more balanced distribution of the efforts to be undertaken by the parties. Historically, spatial segregation in Brussels has been the result of a triple phenomenon: suburbanization between the city and the periphery since the 1960s and still continuing today, a housing market that socially homogenizes the districts of the Brussels-Capital Region, and the development of certain districts along negative social, environmental and economic spirals (Mistiaen, Meert, Kesteloot, 1995).

Les tensions entre les CPAS et entre le public et le privé que tentent de régler l’Ordonnance du 14 juin 2018 dans l’accueil des populations sans-abri sont illustrées par la répartition inégale des services d’aide sur le territoire régional. Un relevé à partir du site de Bruxelles Social permet de comptabiliser par commune le nombre de structures offrant des services aux sans-abri. Ces services sont de toutes natures en proposant de l’accueil de jour et de nuit, des repas, des soins... On compte ainsi 130 structures privées et publiques qui proposent un soutien aux personnes vivant dans la grande précarité. Par ailleurs, sur les 19 CPAS que compte la Région Bruxelles-Capitale, 11 ont accepté via le Référent Logement de la Région Bruxelles-Capitale de communiquer leurs données concernant les adresses de référence[7]. Cela concerne 2 727 personnes qui avaient pris une adresse auprès d’un CPAS bruxellois au 1er août 2017. Il est à relever que selon les acteurs du secteur, certains CPAS rechignent à accorder des adresses de référence aux personnes sans-abri. Mobiliser cette donnée comme indicateur présente donc des biais. Cependant malgré son manque d’exhaustivité, celle-ci est utilisée pour représenter un ordre de grandeur de la répartition de la très grande précarité en Région bruxelloise.

The tensions among the PCSWs and between the public and private sectors that the Ordinance of 14 June 2018 seeks to regulate in the reception of homeless populations is illustrated by the unequal distribution of support services in the region. A survey from the Brussels Social site makes it possible to count the number of structures offering services to the homeless per municipality. These services include all kinds of facilities offering day and night reception, meals, care, and so on. There are 130 private and public structures offering support to people living in extreme poverty. In addition, of the 19 PSWCs in the Brussels-Capital Region, 11 have agreed via the Housing Representative of the Brussels-Capital Region to provide their data on reference addresses[7]. This involves 2,727 people who were appointed an address by a Brussels PCSW on 1 August 2017. It should be noted that, according to the actors in the sector, some PCSWs are reluctant to give reference addresses to homeless people. Mobilizing this data as an indicator is therefore biased. However, despite its lack of thoroughness, such data can be used to represent an order of magnitude of the repair of very high precariousness in the Brussels region.

En outre, les résultats du double dénombrement des sans-abri du 7 novembre 2016 et du 6 mars 2017 mettent en évidence des évolutions importantes concernant la répartition spatiale du sans-abrisme à l’intérieur de la Région Bruxelles-Capitale. En effet sur une population sans-abri en très forte croissance, puisqu’elle augmente de 170 % entre 2008 et 2016 passant de 262 à 707 individus dénombrés en 2016, les individus trouvant refuge à l’intérieur des gares diminuent de 14 % entre 2008 et 2016. Par contre la diffusion du sans-abrisme augmente considérablement puisque 41 personnes étaient comptabilisées comme dormant dans la rue en 2008 pour 310 en 2016, soit une augmentation de plus de 656 %. C’est surtout entre 2014 et 2016 que le phénomène explose en passant de 109 individus dénombrés à 310 (Mondalaers et al., 2017).

In addition, the results of the double counting of homeless people on 7 November 2016 and 6 March 2017 highlight important developments in the spatial distribution of homelessness in the Brussels-Capital Region. Indeed, of a very rapidly growing homeless population that increased by 170% between 2008 and 2016, from 262 to 707 individuals counted in 2016, the number of individuals seeking refuge inside centres decreased by 14% between 2008 and 2016. On the other hand, the spread of homelessness is increasing considerably, with 41 people being counted as sleeping rough in 2008 compared to 310 in 2016, an increase of more than 656%. It was especially between 2014 and 2016 that the phenomenon exploded from 109 individuals to 310 (Mondelaers et al., 2017).

Enfin, et afin de mieux cerner les services les plus mobilisés par les sans-abri, le rapport de la Strada relève que 26,7 % des 191 sans-abri répondants à l’enquête de novembre 2016 utilisent les restaurants sociaux et 18,3 % l’hébergement d’urgence offert par le Samusocial et l’asile de nuit la Pierre d’Angle (Mondalaers et al., 2017). Nous allons donc cibler ces deux services dans leur spatialisation pour cerner les dispositifs mis à la disposition des sans-abri par commune bruxelloise à l’initiative des secteurs publics ou associatifs.

Finally, and in order to better identify the services most mobilized by the homeless, La Strada report notes that 26.7% of the 191 homeless respondents to the November 2016 survey use social restaurants and 18.3% use emergency accommodation offered by Samusocial and the Pierre d’Angle night shelter (Mondelaers et al., 2017). We will therefore target these two services in terms of their spatialization to identify the services made available to the homeless by Brussels municipalities at the initiative of public or associative sectors.

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Carte 1. Carte du nombre d’adresses de référence pour 1000 habitants par commune de la Région Bruxelles-Capitale (sources : Statbel et Perspective.brussels).

Map 1. Map of the number of reference addresses per 1000 inhabitants per municipality in the Brussels-Capital Region (sources: Statbel and Perspective.brussels)

Il est très hasardeux de comparer les services offerts par les différentes structures. Certaines comme le Samusocial sont capables d’héberger un grand nombre de personnes dans la précarité, d’autres sont de petites organisations qui privilégient une réponse et un suivi sur une quantité plus restreinte d’individus. Néanmoins, il ressort des chiffres disponibles que le CPAS de la commune de Bruxelles, qui est la plus peuplée et la plus étendue de la Région Bruxelles-Capitale avec une population de 179.277 habitants au 1er janvier 2017, a enregistré 907 individus sous adresse de référence au 1er août 2017 alors que le CPAS de la commune de Koekelberg qui compte 21 774 habitants a domicilié 9 individus sous ce statut. En d’autre terme, la ville de Bruxelles compte 5,14 personnes sous adresse de référence pour 1 000 habitants alors que Koekelberg n’a enregistré que 0,42 individu pour 1 000 habitants. Le CPAS de Saint-Gilles a accepté le plus d’individus avec un taux de 8,41 personnes pour 1 000 habitants.

It is very risky to compare the services offered by the different structures. Some, such as Samusocial, are able to accommodate a large number of people in precarious situations, while others are small organizations that prefer to respond to and follow up on a smaller number of individuals. Nevertheless, it appears from the available figures that the PCSW of the municipality of Brussels, which is the most highly populated and extensive in the Brussels-Capital Region with a population of 179 277 inhabitants as of 1 January 2017, registered 907 individuals under reference address on 1 August 2017 while the PCSW of the municipality of Koekelberg, with 21 774 inhabitants, has registered 9 individuals under this status. In other words, the city of Brussels has 5.14 people under reference address per 1 000 inhabitants, while Koekelberg has only recorded 0.42 individuals per 1 000 inhabitants. The PCSW of Saint-Gilles accepted the most individuals, with a rate of 8.41 per 1 000 inhabitants.

En ce qui concerne l’offre de service et avec les réserves reprises ci-dessus, c’est la commune centrale de Bruxelles qui possède le plus de structures venant en aide aux sans-abri puisqu’elle compte une organisation pour 3 260 habitants. A l’opposé deux communes n’ont sur le territoire aucune organisation de ce type. Il s’agit de Watermael-Boitsfort et d’Evere. Ces deux communes sont situées au sud et à l’est de la Région Bruxelles-Capitale. En se basant sur les deux types de services les plus utilisés par les personnes sans-abri en Région bruxelloise (les restaurants sociaux et les abris de nuit) on constate que si le territoire communal de Bruxelles reprend le plus de services offrant des repas aux sans-abri (6), on compte néanmoins 151 personnes sous adresse de référence par service. À l’inverse, le territoire de la commune de Schaerbeek couvre mieux les besoins des résidents les plus précaires car il y a 40 personnes sous adresse de référence pour une structure offrant des repas. En ce qui concerne les structures d’hébergement d’urgence, les quatre recensées sont localisées au centre de la Région Bruxelles-Capitale même si le Samusocial a aussi des infrastructures sur la commune de Woluwe Saint-Lambert.

As far as the supply of services is concerned and notwithstanding the reservations mentioned above, it is the central municipality of Brussels that has the most structures to help the homeless, with one organization for every 3,260 inhabitants. On the other hand, there are two municipalities which do not have any such organization in their territory, namely Watermael-Boitsfort and Evere. These two municipalities are located in the south and east of the Brussels-Capital Region. Examining in particular the two types of services most used by homeless people in the Brussels region (social restaurants and night shelters), it can be seen that, although the municipal territory of Brussels has the most services offering meals to the homeless (6), there are nevertheless 151 people under reference address per service. On the other hand, the territory of the municipality of Schaerbeek is more effective in meeting the needs of its most precarious residents in that there are 40 people under reference address per facility offering meals. As far as emergency accommodation structures are concerned, the four centres we identified are located in the centre of the Brussels-Capital Region, although Samusocial also has infrastructure in the municipality of Woluwe Saint-Lambert.

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Carte 2. Cartes de la répartition des services d’hébergement et de repas pour la population sans-abri (source : social.brussels, 2019).

Map 2. Maps showing the distribution of accommodation and meal services for the homeless population (source: social.brussels, 2019).

Ce bref inventaire met en évidence la polarisation au centre de la Région Bruxelles-Capitale des services d’aides au plus démunis. Il illustre l’importance de la politique spatiale des acteurs publics et privés pour ajuster une meilleure prise en charge et accompagnement possible aux sans-abri.

This brief inventory highlights the polarization of services providing assistance to the most deprived in the centre of the Brussels-Capital Region. As such, it illustrates just how important the spatial policy of public and private actors is in developing better care and support for the homeless.

Des stratégies d’éviction ou de non-accueil apparaissent également clairement lorsqu’une partie de l’aire métropolitaine bruxelloise ou des communes intra régionales ne proposent sur leur territoire aucune ressources pour la population sans-abri. Les inégalités socio-spatiales se marquent dans des stratégies d’éviction conduites par les institutions sociales, par une absence d’offre de services et/ou par une non-diffusion des informations concernant le système des adresses de références. La politique d’éviction par l’absence de services et de ressources pour les sans-abri afin d’entrainer leur exclusion des territoires concernés est classique et avait déjà été identifiée aux États-Unis (Snow et Mulcahy, 2001). Ces stratégies se retrouvent également dans les projets d’aménagement urbain suivant les ressources qu’offrent ou non les espaces publics (Malherbe et Rosa, 2018). En ce sens, l’ordonnance tente de répondre à cette difficulté par la centralisation de l’information via la création de Bruss’Help. Il ne faudrait cependant pas que des structures existantes offrant certains services se retrouvent fragilisées par les mécanismes de tutelle instaurés par l’ordonnance.

Eviction or non-reception strategies also become clear given that a part of the Brussels metropolitan area or intra-regional municipalities do not offer any resources for the homeless population within their territories. Socio-spatial inequalities can be seen in the eviction strategies adopted by social institutions, a lack of service provision and/or the non-dissemination of information about the reference address system. This tactic of evicting homeless populations by not offering any services or resources for them, in order to exclude them from the territories concerned, is a classic phenomenon and one which had been identified previously in the United States (Snow and Mulcahy, 2001). Such strategies also appear in urban development projects in the sense that public spaces may offer such resources or not (Malherbe and Rosa, 2018). The therefore ordinance attempts to respond to this difficulty by centralizing information through the creation of Bruss’Help. However, existing structures offering certain services should not be weakened by the guardianship mechanisms established by the ordinance.

On notera par ailleurs avec Young (1999) que même s’il importe d’agir au niveau régional pour éviter les replis et les politiques de ségrégation organisées sur une base locale, une meilleure répartition territoriale des ressources ne peut suffire à enrayer les dynamiques de marginalisation et d’exclusion. Comme le font remarquer d’autres auteurs (Harvey, 1992 ; Watson et Cuervo, 2017), la lutte contre les injustices spatiales passe également par des actions qui favorisent l’implication des personnes à qui s’adressent les politiques dans le processus de décision. Même si le système de distribution de ressources doit être la première cible des modifications à porter, les mécanismes institutionnels de domination – comme l’organisation même du secteur sur la base de l’urgence et de « l’abri » – doivent aussi être repensés en privilégiant une politique forte et volontaire d’accompagnement qui permette de réduire les inégalités de traitement au niveau individuel.

Young (1999) also notes that, although it is important to act at the regional level to avoid forms of withdrawal from responsibility and segregation policies organized on a local basis, the better territorial distribution of resources is not enough to stop dynamics of marginalization and exclusion. As other authors have pointed out (Harvey, 1992; Watson and Cuervo, 2017), the fight against spatial injustices also requires actions that foster the involvement of the people to whom such policies are addressed in the decision-making process. Although the resource distribution system must be the first target of any changes to be made, institutional mechanisms of domination – such as the very move to organize the sector on the basis of urgency and “shelters” – must also be rethought by favouring a strong and voluntary support policy through which inequalities in treatment at the individual level can be reduced.

Conclusion

Conclusion

L’évolution retraçant les conséquences des différentes réformes de l’État belge sur la gestion du sans-abrisme montre l’extrême complexité qui en est issue. Cette complexité est le résultat d’une double tendance, d’une part une régionalisation/communautarisation qui fragmente dans une gouvernance multiniveau les compétences et d’autre part une délégation au secteur associatif des missions que l’État dans sa vocation sociale avait assumées. In fine, cette segmentation a produit des points de vue de plus en plus difficilement conciliables entre les parties prenantes avec des cultures d’intervention centrées soit sur l’urgence pour le pouvoir public via des structures comme le Samu Social, ou sur la prévention pour une part significative de l’associatif au travers de différents projets. De plus, outre les 19 CPAS des communes de la Région Bruxelles-Capitale, quatre pouvoirs à l’échelle de la Région sont appelés à dégager une vision commune (Gouvernement régional, COCOF, COCOM, VGC/VG) avec des compétences qui sont encore exercées par le Gouvernement fédéral (tutelles sur les CPAS et politique de l’immigration notamment).

As this genealogy of the consequences of the various reforms of the Belgian state on the management of homelessness shows, the result of developments over time has been extreme complexity. Such complexity is the result of a twofold trend: on the one hand, a logic of regionalization/communitarization that fragments competences into different sectors of a multi-level governance and, on the other hand, the move to take the roles the state once performed in its social vocation and delegate them to the associative sector. In the end, this segmentation has produced points of view that are increasingly difficult to reconcile among stakeholders and intervention cultures that focus either on urgency, as in the public authorities acting through structures such as Samusocial, or on prevention, as in a significant part of the community acting through various projects. In addition to the 19 PCSWs of the municipalities of the Brussels-Capital Region, four authorities at the regional level are called upon to develop a common vision (Regional Government, COCOF, COCOM, VGC/VG) with powers that are still exercised by the federal government (supervisory powers over the PCSWs and immigration policy in particular).

L’autre conséquence de cette complexité est la possibilité pour certains acteurs publics de ne pas encourager la mise en place de services sur leur territoire. L’échelle communale se révèle dès lors discriminante dès lors qu’elle permet la défense d’intérêts locaux en évitant soit l’attribution d’adresse de référence, soit l’installation de services d’aides aux populations les plus précaires. Ces tactiques propres à un management urbain néo-libéral sont mobilisées par les différents niveaux de pouvoir. Elles visent à l’éviction des populations les plus précaires de certains quartiers en ne permettant pas la localisation de services pouvant assurer leur sécurité minimale d’existence. En installant des ségrégations spatiales de fait, elles illustrent les mécanismes procéduraux de territorialisation par l’accès aux services théorisés par John Rawls (Rawls, 1972).

The other consequence of this complexity is that some public actors may not encourage the implementation of services on their territories. The municipal level is therefore discriminatory in that it allows actors to defend their local interests by avoiding either appointing reference addresses to homeless people or setting up support services for the most vulnerable populations. These tactics specific to neo-liberal urban management are mobilized by the different levels of power. They aim to evict the most vulnerable populations from certain neighbourhoods by not allowing services that would ensure a minimum security of existence for such populations to be located there. By installing de facto spatial segregation, such tactics illustrate the procedural mechanisms of territorialization through access to services as theorized by John Rawls (Rawls, 1972).

De plus, l’extension de l’aire fonctionnelle bruxelloise à l’ensemble de la zone métropolitaine favorise la diffusion de la précarité à cette échelle. Ce qui est constaté sur le territoire de la Région Bruxelles-Capitale en ce qui concerne la croissance du sans-abrisme doit encore être objectivé sur l’ensemble de l’aire métropolitaine mais, quoiqu’il en soit, on peut penser que l’absence de services incite à un recentrement des usagers sur le cœur de l’aire métropolitaine.

In addition, the decision to extend the Brussels functional area to encompass the entire metropolitan area fosters the spread of precariousness on this scale. What has been observed in the Brussels-Capital Region with regard to the growth of homelessness must still be examined systematically throughout the metropolitan area, but in any case the lack of services may be seen as an incentive for users to refocus on the heart of the metropolitan area.

L’Ordonnance du 25 mai 2018 dans son essai de clarification des responsabilités et de coordination des intérêts divergents est une première étape pour répondre à une objectivation de la prise en charge du sans-abrisme. Elle vise également à garantir un traitement équitable tant socialement que spatialement de la grande précarité. En ce sens, la démarche visant à réglementer l’ensemble de la territorialisation du sans-abrisme marque les limites importantes du partage complexe des compétences par une gouvernance multi-niveaux où l’imbrication des dispositifs permettent à certains de se dégager de la prise en charge de la grande précarité et d’installer des stratégies subtiles de rejets de ces populations de leur territoire.

The 25 May 2018 ordinance, in its attempt to clarify responsibilities and coordinate divergent interests, is a first step in systematising the provision of services for homeless people. It also aims to guarantee equitable treatment, both socially and spatially, of the extremely precarious. In this sense, the approach aimed at regulating the overall territorialization of homelessness reveals the significant limits of the complex division of competences through multi-level governance in which the interweaving of mechanisms allows some to move away from managing extreme precariousness and to adopt subtle strategies for rejecting these populations from their respective territories.

Cette reterritorialisation des politiques sur les Régions et Communautés belges pose également la question de la coordination des politiques divergentes à l’échelle supérieure sur des matières extrêmement sensibles et qui touchent une population très mobile. Cette population recherche des services adaptés au sein d’une aire métropolitaine composée de trois Régions et de deux Communautés appliquant également des politiques différenciées plus ou moins accueillantes envers celles-ci. Le jeu des échelles spatiales reste une constante dans la gestion de la précarité par l’acception du pauvre local et du rejet du pauvre venu d’ailleurs, d’où l’importance d’atténuer les effets des frontières institutionnelles entre les Régions composants l’aire métropolitaine et les communes au sein de la Région Bruxelles-Capitale. La garantie d’un accès à des services de survie sur l’ensemble des territoires quelques soient leurs échelles dépend de cette prise en charge coordonnée et accessible.

This re-territorialization of policies in Belgian Regions and Communities also raises the question of managing divergent policies on extremely sensitive issues affecting a highly mobile population by coordinating such policies at a higher level. This population is looking for specialized services within a metropolitan area composed of three Regions and two Communities that also apply differentiated policies which are more or less welcoming to them. The interplay of spatial scales remains a constant in the management of precariousness in the sense of accepting the local poor and rejecting the poor from elsewhere; indeed, it is this interplay that makes it so important to mitigate the effects of institutional borders between the Regions making up the metropolitan area and the municipalities within the Brussels Capital Region. Guaranteeing access to survival services in all territories, whatever their scale, depends on this coordinated and accessible welfare.

[1]. En 1970, 1980, 1988-89, 1993, 2001 et tout récemment en 2015.

[1]. In 1970, 1980, 1988-89, 1993, 2001 and recently in 2015.

[2]. Ou « communautaires » pour ce qui est des compétences dites « personnalisables », c’est-à-dire liées directement aux personnes (culture, santé, enseignement) et organisées par les « Communautés » sur base de l’appartenance linguistique (francophone ou néerlandophone).

[2]. Or “community based”, in the case of so-called “personalizable” competences, i.e. competences directly linked to people (culture, health, education) and organized by the “Communities” on the basis of linguistic affiliation (French or Dutch-speaking).

[3]. Deux programmes de recherche sont à la base de nos échanges : BRUMARG-Bruxelles à travers ses marges. Les sans-abri entre transformations urbaines et pratiques de la ville (programme Innoviris-Attract, financé par la Région de Bruxelles Capitale, 2017-2020) et MEASINB-Measuring Invisibility in Brussels, Innoviris-Anticipate, financé par la Région de Bruxelles Capitale, 2018-2020)

[3]. This collaboration encompassed two research programmes in particular: BRUMARG-Brussels through its margins: Homelessness between urban transformations and urban practices (Innoviris-Attract programme, funded by the Brussels Capital Region, 2017-2020) and MEASINB-Measuring Invisibility in Brussels, Innoviris-Anticipate, funded by the Brussels Capital Region, 2018-2020).

[4]. Les textes de loi pris par le Collège réuni de la Région de Bruxelles-Capitale, c’est-à-dire le gouvernement en charge des compétences propres à la Commission communautaire commune s’appellent des « ordonnances ».

[4]. The legal texts adopted by the United College of the Brussels-Capital Region, i.e. the government in charge of the powers of the Common Community Commissions, are called “ordinances”.

[5]. Le minimex désigne le revenu de minimum d’existence prévue dans la protection sociale belge à l’époque (c’est actuellement le Revenu d’Intégration Sociale- RIS). Quand on parle de minimex de rue, on fait référence à des personnes sans domiciliation officielle qui reçoivent un minimex (complet ou partiel) tout en étant sans adresse. Les CPAS (et d’autres organismes) peuvent donner une adresse de référence aux personnes sans domicile. Cela permet l’accès à la protection sociale et la récupération de son courrier.

[5]. The minimex refers to the minimum subsistence income provided for in Belgian social protection, at the time (it is currently the Social Integration Income – SII). When we speak of street minimex, we refer to people without an official address who receive a minimex (complete or partial) while being unaddressed. PCSWs (and other organizations) can provide a reference address for homeless people. This allows them access to social protection and a place to pick up their mail.

[6]. La partie qui suit s’appuie sur une analyse des documents politiques produits sur la question éclairée par les commentaires dans différents organes de presse, les discussions parlementaires ainsi que par la rencontre des représentants des cabinets des ministres du gouvernement bruxellois (ministre-Président ; ministre de la Mobilité et des Travaux publics en charge de la politique de l’aide aux personnes au sein de la COCOM ; ministre du Logement et en charge de la politique de l’action sociale au sein de la COCOF et de l’action sociale et la lutte contre la pauvreté au sein de la COCOM ; Ministre en charge de la Politique de la Santé au sein de la COCOF) dans le cadre de la recherche BRUMARG financée par INNOVIRIS. Elle est complétée par les avis des représentants du secteur lors des auditions parlementaires.

[6]. The following section is based on an analysis of the political documents produced on this issue, informed by comments published in various media outlets, parliamentary discussions and meeting of representatives of the Brussels Government ministers’ offices (Minister-President; Minister of Mobility and Public Works in charge of personal assistance policy within COCOM; Minister of Housing and in charge of social welfare policy within COCOF and social welfare and poverty alleviation within COCOM; Minister in charge of health policy within COCOF) as part of the BRUMARG research funded by INNOVIRIS. It is supplemented by the opinions expressed by representatives of the sector during parliamentary hearings.

[7]. L’adresse de référence est « une adresse qui permet à certaines personnes qui n’habitent pas ou qui n’ont pas de résidence en Belgique d’avoir néanmoins une adresse de contact dans une commune belge. L’adresse de référence est une adresse purement “administrative” » (http://www.ocmw-info-cpas.be/fiche_FV_fr/ladresse_de_reference#m2). Cette adresse ouvre notamment pour les sans-abri le droit à l’aide sociale liée à la domiciliation reprise dans le Registre national belge.

[7] A reference address is an address that allows certain people who do not live in Belgium or have no residence there to nevertheless maintain a contact address in a Belgian municipality. The reference address is a purely « administrative » address (http://www.ocmw-info-cpas.be/fiche_FV_fr/ladresse_de_reference#m2). This address gives homeless people in particular the right to social assistance which is linked to having a registered address in the Belgian National Register.

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