Les « zones grises » de la démocratie brésilienne : le phénomène des « milices » et les enjeux sécuritaires contemporains à Rio de Janeiro

The “Grey Zones” of Democracy in Brazil: The “Militia” Phenomenon and Contemporary Security Issues in Rio de Janeiro

Introduction

Introduction

 

 

Au cours de ces vingt dernières années, on observe une double dynamique en Amérique latine : un climat d’optimisme économique et politique croissant dans tout le continent, mais aussi, dans plusieurs pays et à l'échelle locale, des « zones grises »[1] qui émergent et qui apparaissent concomitantes à la consolidation démocratique. C'est vrai en particulier dans certains « territoires en marge » des grandes villes entraînant de nouveaux rapports de pouvoirs entre les acteurs sociaux.

Over the last twenty years, a dual dynamic has been observed in Latin America: in a climate of growing economic and political optimism in the entire continent, “grey zones” are also emerging on a local scale concomitant with the strengthening of democracy in a number of countries. This is particularly true in certain territories on the “edge” of major cities, resulting in new power relationships among social stakeholders employers, workers and unions.

Il en résulte plusieurs questions. Elles portent d'abord sur la nature exacte de ces ZG, sur les raisons et les modalités de leur apparition. Il faut aussi s'interroger sur la zone Ouest de Rio de Janeiro en tant qu'emblématique des enjeux politiques et sécuritaires portés par ces ZG, c'est-à-dire finalement sur la relation qui existe paradoxalement entre le renforcement de ces « ZG » et le processus de consolidation démocratique au Brésil. Cela pourra apporter une contribution aux discussions menées actuellement en sciences politiques sur les « régimes hybrides », c’est à dire, sur la ligne de démarcation entre « régimes autoritaires » et « régimes démocratiques », leurs convergences et leurs interdépendances (Dabène, Geisser, Massardier, Camau, 2008). L’analyse sur l’émergence et la consolidation des « zones grises » ou des espaces non-pluralistes ou de pluralisme limité (Linz, 2000) dans les démocraties latino-américaines constitue une approche intéressante pour répondre à cette problématique. On montrera que ces ZG, dans leur dimension socio-spatiale et en tant que concept théorique, juxtaposent les anciennes pratiques autoritaires et de nouvelles pratiques autoritaires produites par la démocratie contemporaine elle-même. Pour mettre en corrélation l’établissement de ces ZG avec le processus de consolidation démocratique en Amérique latine, il convient de prendre en compte l'imbrication des pratiques autoritaires et des pratiques démocratiques (Fregosi, 2011). C'est pourquoi, la réflexion sur ces ZG et sur les rapports de pouvoir qui en découlent, peut s'engager à partir du caractère répressif des institutions de sécurité et s'appuyer sur la définition qu'en donne Gaidz Minassian. Selon lui (Minassian, 2011), une « zone grise est un espace - avec ou sans clôture - de dérégulation sociale, de nature politique (autodétermination, séparatisme) ou socio-économique (espaces de criminalité, espaces désocialisés..), de taille variable - de la poche à la province -, essentiellement terrestre et dépendant d’un État souverain dont les institutions centrales ne parviennent pas - par impuissance ou par abandon - à y pénétrer pour affirmer leur domination, laquelle est assurée par des micro-autorités alternatives ».

A number of questions arise as a result, pertaining first of all to the exact nature of these grey zones, and why and how they have appeared. We must also wonder about the western area of Rio de Janeiro as representative of the political and security issues brought by these grey zones, meaning when all is said and done, on the relationship which paradoxically exists between the reinforcement of these “grey zones” and the consolidation of the democratization process in Brazil. This may contribute to the discussions currently underway in political science on “hybrid regimes”, meaning on the demarcation line between “authoritarian regimes” and “democratic regimes”, where they converge, and their interdependence (Dabène, Geisser, Massardier, Camau, 2008). The analysis on the emergence and consolidation of “grey zones” or non-pluralistic spaces or spaces of limited pluralism (Linz, 2000) in Latin American democracies is an interesting approach for responding to this set of issues. It will be shown that these grey zones, in both their socio-spatial dimension and as a theoretical concept, juxtapose the former authoritarian practices and new authoritarian practices produced by the contemporary democracy itself. To correlate the establishment of these grey zones with the democratic consolidation process in Latin America, the intertwining of authoritarian practices and democratic practices should be taken into consideration (Fregosi, 2011). That is why reflection on these grey zones and the power relationships stemming from them can begin from the repressive nature of the security institutions and be built on Gaidz Minassian definition of them. According to him (Minassian, 2011): « …a grey zone is a space – closed or not – of social deregulation, political (self-determination, separatism) or socio-economic (crime, desocialized spaces) in nature, of a size that can range from a pocket to a province, essentially land-based and under a sovereign state whose central institutions are unsuccessful, due to either impotence or abandonment, in penetrating them to affirm their rule, which is instead provided by alternative micro-authorities ».

Cette notion rejoint le concept de « territoires en marge » (Das, Poole, 2004) et celui de « micro-autorités alternatives ». Ces concepts renvoient à l'idée d'un microcosme qui comporte des règles et des formes d'organisation sociale différentes de celles du « centre » de la ville. En effet, bien que ces « territoires » appartiennent à la ville selon le sens courant, ils sont même temps « en marge » de celle-ci. Ces territoires sont donc caractérisés principalement par des zones d'intersection constante entre le formel et l’informel, le légal et l’illégal, favorisant en retour la consolidation de cette ZG, zone opaque à la fois à l’intérieur et à l'extérieur, désintéressée et corrompue, juste et coercitive.

This concept connects the idea of “territories on the edge” (Das, Poole, 2004) and that of “alternative micro-authorities”. These concepts refer to the idea of a microcosm that has rules and forms of social organization that are different from those of the city’s “centre”. Indeed, although these “territories” belong to the city in the usual sense, they are at the same time “on the edge” of it. These territories are therefore mainly characterized by areas of constant intersection between the formal and informal, the legal and the illegal, promoting in return the consolidation of this grey zone, an opaque area that is both inside and outside, disinterested and corrupt, just and coercive.

Dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogues (ou « War on drugs » aux États-Unis) – depuis les années 2000 et notamment après le 11 septembre 2001 – les politiques de sécurité nationale ont connu d’importants changements en Amérique latine. Dans la majorité de ces pays, cela s’est traduit par une montée du discours sécuritaire et par la mise en place de mesures gouvernementales conduisant à l’autonomisation du pouvoir répressif. Ce nouveau contexte transnational a entrainé des reconfigurations au niveau local, et précisément dans ces territoires en marge. En effet, à l’intérieur de ces zones, certaines fonctions régaliennes de l’État se sont retrouvées privatisées : la sécurité, la justice et la prise en charge d’infrastructures sont passées sous la responsabilitéd’acteurs para-institutionnels.

In the context of the fight against drug trafficking (or, the “war on drugs” in the United States) – since the 2000s, and particularly after September 11, 2001 – national security policies have undergone significant changes in Latin America. In most of these countries, this has translated into increased security narrative and the implementation of government measures leading to the autonomy of repressive authority. This new transnational context has resulted in reconfigurations at the local level, and specifically in these territories on the edge. In fact, inside these zones, certain functions that are the jurisdiction of the State have been privatized: security, justice, and control over infrastructure have become the responsibility of para-institutional stakeholders.

La zone métropolitaine ouest de Rio de Janeiro est un cas significatif de ce processus. Des groupes para-policiers connus sous le nom de « milices » y exercent un contrôle direct sur certaines communautés[2]. Le « Rapport final de la Commission Parlementaire d’Enquête sur l’action des milices dans l’État de Rio de Janeiro »[3] informe sur la composition et les activités de ces groupes. Il y a, entre autres[4], des policiers, des policiers à la retraite et/ou des policiers renvoyés des forces de sécurité. Ils pratiquent des extorsions et s'approprient irrégulièrement des domaines normalement gérés par les pouvoirs publics : la sécurité (une taxe de « protection » est demandée à la population), la distribution de l'eau et de l'électricité, le gaz, la télévision satellite, ou encore le transport (contrôle des coopératives de minibus). Certains se font agents électoraux, en relation directe avec des parlementaires (Rapport « CPI des Milices », 2008). Parler de « micro-autorités alternatives », c'est donc faire référence à des « micro-centres de pouvoirs alternatifs » qui se développent parallèlement aux pouvoirs institutionnels démocratiques et se renforcent dans ce nouveau contexte sécuritaire.

The metropolitan area west of Rio de Janeiro is a significant case of this process. Para-police groups known as “militia” exercise direct control over certain communities[1]. The “Final Report of the Parliamentary Investigation Commission (PIC) on the action of militias in the State of Rio de Janeiro”[2] provides information on the composition and activities of these groups. These include but are not limited to[3], police officers, retired police officers and/or police officers sent back from security forces. They practice extortion and illegally appropriate areas normally managed by public authorities: security (a “protection” tax is demanded from the residents), distribution of water and electricity, gas, satellite television, and even transit (control of minibus cooperatives). Some appoint themselves elections officials, in direct relationship with parliamentarians (“PIC” Report, 2008). Speaking of “alternative micro-authorities” therefore refers to “micro-centres of alternative power” which develop parallel to the democratic institutional authorities and grow stronger in this new security context.

Ce travail s’appuie sur des articles extraits de la presse nationale et locale, des rapports institutionnels ainsi que sur des données empiriques obtenues lors d’observations et d’enquêtes de terrain[5]. Il convient de souligner la difficulté de l’accès au terrain pour ce type de recherches. Trois facteurs principaux rendent ce « terrain difficile » (Boumaza, Campana, 2007) : 1) les milices sont des groupes criminels responsables de plusieurs exécutions sommaires et de la disparition de personnes sur les régions contrôlées ; 2) la zone ouest est une région malaisée d’accès où les pouvoir publics n’ont jamais été très présents (à titre d’exemple, un trajet de près de 60 km entre le centre de Rio de Janeiro et la communauté de Santa Cruz dans la zone ouest peut durer jusqu’à 3 h en transport public) ; 3) les milices  entretiennent toujours des relations ambiguës avec le pouvoir politique, ce qui assure l’impunité de leurs actions illégales.

This research is based on articles from the national and local press, institutional reports as well as empirical data obtained during observations and investigations in the field[4]. The difficulty in accessing the field for this type of research should be stressed. Three main factors make this field “difficult” (Boumaza, Campana, 2007): 1) The militia are organized crime groups responsible for a number of summary executions and the disappearance of individuals in the regions controlled; 2) the western zone is a difficult-to-access region where public authorities have never been very present (by way of example, the nearly 60 km trip between the centre of Rio de Janeiro and the community of Santa Cruz in the western zone can take up to 3 hours on public transit);  3) the militia still maintain ambiguous relations with political authorities which ensures that their illegal acts go unpunished.

A ces difficultés « pratiques » s’ajoutent d’autres difficultés liées aux choix des sources utilisées et à leur degré de fiabilité. Ces conditions imposent donc des limites à toute étude de terrain sur les ZG. Pour les analyser, on décrira d'abord les caractéristiques socio-spatiales de ce territoire métropolitain et on expliquera le phénomène des milices. Ces éléments permettront ensuite d'analyser les ZG  à l’aune des enjeux sécuritaires contemporains.

Added to these “practical” difficulties are other difficulties related to the choice of sources used and their degree of reliability. These conditions therefore impose limits on all field studies of grey zones. To analyze them, we will first describe the socio-spatial characteristics of this metropolitan territory and explain the militia phenomenon. These components will then make it possible to analyze the grey zones using contemporary security issues as the criterion.

 

1. Approche descriptive des « zones grises »

1. Descriptive approach of “grey zones”

 

 

Les ZG  se caractérisent par des données socio-spatiales spécifiques, susceptibles de favoriser la formation de groupes para-policiers, comme c’est le cas dans la zone ouest de Rio de Janeiro.

The grey zones are characterized by specific socio-spatial givens likely to foster the formation of para-police groups as is the case in the western area of Rio de Janeiro.

 

 

1.1.Caractéristiques socio-spatiales de la zone ouest de Rio de Janeiro

1.1.Socio-spatial characteristics of the western area of Rio de Janeiro

 

 

En Amérique Latine, le processus d’urbanisation a entraîné autour de la « ville » - ici considérée comme le noyau central de l’espace urbain - la formation de territoires périphériques proches, intermédiaires et éloignés, le tout composant ce qu’on appelle des agglomérations urbaines métropolitaines. Le « Grand Rio » compte 33 régions administratives métropolitaines (RA). Certains municipes[6] de la « Baixada fluminense », les terres basses sur lesquelles s'étend à l'Ouest la banlieue de Rio de Janeiro, appartiennent à la région métropolitaine de Rio de Janeiro. C'est dans cette périphérie de la zone ouest de l'agglomération que se situe le terrain d'étude. Autrefois rurale, cette périphérie a progressivement accueilli de grandes masses de travailleurs issus des migrations internes – principalement dues à l'exode rural issu de la région Nordeste du pays. Cette partie de la région métropolitaine présente donc une forte densité de population, un profil social très hétérogène (classe moyenne, haute, basse et pauvre) et un territoire très composite (zones semi-rurales, zones industrielles, habitat populaire, favelas, centres commerciaux, lotissements, copropriétés fermées - les gated communities, appelées au Brésil condominios fechados).

In Latin America, the urbanization process has resulted in the formation of near, intermediate and distant peripheral territories around the “city” considered here as the central core of the urban space; all of these spaces make up what are called “metropolitan urban agglomerations”. “Greater Rio” has 33 metropolitan administrative regions (RA). Certain municipios[5] of the “Baixada fluminense”- the low-lying land over which the western suburban area of Rio de Janeiro extends – are part of the Rio de Janeiro metropolitan region. The area of focus is located in this peripheral zone of the western part of the agglomeration. Formerly rural, this peripheral area gradually took in great numbers of workers resulting from internal migrations – mainly due to the rural exodus from the north-eastern part of the country. This segment of the metropolitan region therefore presents a high-density population, a very heterogeneous social profile (middle-, high-, low-class, and poor) and a very mixed land use (semi-rural areas, industrial areas, social housing, favelas, shopping centres, subdivisions, and gated communities, called condominios fechados in Brazil).

Ces caractéristiques socio-spatiales de la zone ouest de Rio de Janeiro se retrouvent ailleurs au Brésil ; l’abandon des espaces urbains périphériques par le pouvoir central a favorisé leur processus de croissance selon une dynamique propre, avec des règles spécifiques à chaque territoire supposées combler la défaillance des pouvoirs publics. Les relations entre le pouvoir répressif de la police, le pouvoir politique et ses réseaux clientélistes et le pouvoir criminel - notamment, les narcotrafiquants - y sont historiquement enracinées et font partie du quotidien de la population locale.

These socio-spatial characteristics of the western area of Rio de Janeiro are found elsewhere in Brazil; the government’s abandonment of peripheral urban spaces has promoted their growth in accordance with their own dynamic process, with rules specific to each territory intended to make up for the deficiencies of public authorities. Relations between the repressive authority of the police, political authority and its clientelist networks and criminals – notably drug traffickers – are historically rooted there and are part of local residents’ daily life.

Au Brésil la notion de criminalité est intrinsèquement associée à l’appartenance sociale. En effet, la classe moyenne et la classe supérieure nourrissent une peur à l'égard des réseaux criminels, principalement lorsqu’ils sont liés au trafic de drogue et à l'égard des favelas proches considérées comme les espaces dangereux par excellence. Dans la zone ouest de Rio de Janeiro, on retrouve ces mêmes comportements. Ainsi, l’émergence de « micro-autorités alternatives » est survenue pour répondre à une sensation d'insécurité croissante de la population locale, et notamment des catégories sociales aisées vis-à-vis de la population des « favelas » voisines. Cela entraîne une attitude discriminatoire dans ces périphéries urbaines où le discours de « criminalisation de la pauvreté » rencontre une certaine audience.

In Brazil, the concept of crime is intrinsically associated with social class. In fact, the middle and upper classes are afraid of organized crime, mainly when it is related to drug trafficking and the nearby favelas [slums], which are deemed highly dangerous spaces. These same attitudes are found in the western area of Rio de Janeiro. Thus, the emergence of “alternative micro-authorities” has occurred in response to the growing sense of insecurity of the local population, and particularly the better-off social classes, vis-à-vis the residents of the nearby “favelas”. This results in a discriminatory attitude in these urban peripheral areas where the “criminalization of poverty” narrative finds a certain audience.

Dans la zone ouest de l'agglomération, à environ 50 km du centre de Rio de Janeiro, il existe des favelas. Pour autant, ce territoire présente des caractéristiques plus proches de celles des banlieues, tant du point de vue de sa morphologie urbaine – rues larges, quartiers de type résidentiel (maisons assez grandes et éloignées les unes des autres) – qu’au point de vue de l’atmosphère qui y règne – ambiance tendue, violence voilée, personne ne voit ou ne parle du pouvoir des « micro-autorités alternatives ». Cette réalité est donc bien différente de celle des favelas - petites maisons entassées les unes sur les autres de manière arbitraire, impression de chaos, violence visible quotidiennement dans les conflits entre les trafiquants et la police.

In the western area of the agglomeration, about 50 kilometres from downtown Rio de Janeiro, there are favelas. For all that, this territory’s characteristics are much closer to those of the suburbs, both from the perspective of its urban morphology – wide streets, residential-type neighbourhoods (fairly large houses far from one another) – and from the perspective of the prevailing atmosphere – tension, muffled violence, and no one sees or speaks about the power of the “alternative micro-authorities”. This reality is therefore quite different from that of the favelas – small houses randomly piled one on top of the other, apparent chaos, with violence visible daily in the conflicts between traffickers and police.

 

 

Figs. 1 : Images satellites des différences spatiales entre banlieues et favelas[7]

Figs. 1:Satellite images of spatial differences between suburbs and slums[6]

 

Fig. 1.1 : Image satellite de la « favela de la Rocinha »

Fig. 1.1: Satellite image of the Rocinha slum

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Fig. 1.2 : Image satellite de Santa Cruz, banlieue de Rio de Janeiro (cercle bleu : copropriétés fermées; cercle jaune : bidonvilles )

Fig. 1.2: Satellite image of Santa Cruz, suburb of Rio de Janeiro (blue circle : gated community ; yellow circle : slums )

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Fig. 1.3 : Image satellite de Santa Cruz, banlieue de Rio de Janeiro (cercle vert : Habitats populaires dans le cadre du projet des logements sociaux « Minha casa, minha vida » (Ma maison, ma Vie) du gouvernement Lula et Dilma (Parti des travailleurs - PT) ; cercle violet :  lotissements.

Fig. 1.3: Satellite image of Santa Cruz, suburb of Rio de Janeiro (green circle: Low-rent housing in the social housing project “Minha Casa, Minha Vida” (My House, My Life) of the Lula and Dilma government (Workers party – PT); purple circle: subdivisions.

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1.2.       Le phénomène des « milices » à Rio de Janeiro

1.2.       The “militia” phenomenon in Rio de Janeiro

 

 

L'origine du phénomène des milices est controversée. Les études soulignent que leur embryon fait référence à la « police mineira » (Burgos, 2002) de la communauté de Rio das Pedras située dans la zone ouest de Rio de Janeiro où sont aujourd’hui localisées les milices  les plus organisées et les plus puissantes. Rio das Pedras est une communauté formée à partir de migrants venus du Nordeste du Brésil pour travailler dans le bâtiment. Cette « police mineira » était un groupe civil d’autodéfense  qui avait été créépar l’association des habitants de cette favela dans les années 1970 et qui avait mis en place une sorte de justice privée. Il entrait chez les habitants qu’ils supposaient être des délinquants et leur fixait un court délai pour qu’ils quittent le quartier… façon de faire de plus en plus arbitraire et violente au fil des jours qui a provoqué le mécontentement de la population du lieu. Aussi, certains agents de la sécurité publique qui habitaient là ont-ils décidé d'intervenir et d'arrêter les chefs de cette police mineira, mais ces mêmes agents ont ensuite remplacé le groupe qu'ils avaient démantelé et en ont étendu les opérations.

The origin of the “militia” phenomenon is much debated. Studies emphasize that in their earliest phase there was reference to “police mineira” (Burgos, 2002) of the Rio das Pedras community located in the western area of Rio de Janeiro where the most organized and powerful militia are located today. Rio das Pedras is a community that was initially formed of migrants who came from north-eastern Brazil to work in construction. This “police mineira” was a civilian self-protection group that was created by the residents’ association of this slum in the 1970s and which had established a type of private justice system. They would enter the homes of those suspected of being delinquents and give them a quick deadline for leaving the area. This became increasingly arbitrary and violent over time, which caused discontent among the residents. Thus, certain public safety officers who lived there decided to intervene and arrest the chiefs of this “police mineira”, but these same officers then took the place of the group they had dismantled and expanded the operations.

Jusqu'en 2006, les milices étaient encore considérées par la population locale et par l’État comme une troisième force de sécurité publique aux côtés de la police civile et de la police militaire pour combattre le trafic de drogues.À partir de 2006, la perception, auparavant positive, de ces milices a changé. Cela est dû notamment à l’augmentation considérable des territoiresqu'elles contrôlaient (de 42 à 92 en 2006, 170 en 2008, 305 en 2011, plus de 500 en 2013) et au nombre croissant de plaintes anonymes contre leurs pratiques violentes. De surcroît, en mai 2008, trois journalistes du quotidien O Dia qui réalisaient secrètement un reportage sur les actions de ces groupes dans la communauté du Batan, dans la zone ouest de Rio de Janeiro, ont été enlevés et torturés. S’ils ont été finalement libérés, cet événement dramatique a remis en question la présence des  milices.

Until 2006, the local population and the State still considered the militias a third public security force alongside the civilian police and the military police in the fight against drug trafficking. Starting in 2006, the previously positive perception of these militias changed. This was particularly due to the considerable increase in the territories they controlled (from 42 to 92 in 2006, 170 in 2008, 305 in 2011, over 500 in 2013) and the growing number of anonymous complaints against their violent practices. Moreover, in May 2008, three reporters from the daily O Dia, who were secretly doing a human interest story on these groups’ actions in the Bata community in the western area of Rio de Janeiro, were abducted and tortured. Although they were ultimately freed, this dramatic event called the presence of the militias into question.

Fig. 2 : Rapport du département de renseignement de la police militaire. Il informe que l’ex policier militaire Carlos Ari Ribeiro recevrait R$ 400 mil pour assassiner le député Marcelo Freixo. Le montant serait payé par Tony Angelo, ex-policier et chef de la « Liga da Justiça » (« Ligue de la Justice »), milice qui contrôle plusieurs territoires dans la zone ouest de Rio de Janeiro, notamment, Cosmos, Santa Cruz, Campo Grande, Inhoaíba, Paciência[8]

Fig. 2: Military police intelligence department report stating that former military police officer, Carlos Ari Ribeiro, would allegedly receive R $400,000 to assassinate state representative Marcelo Freixo. The amount would be paid by Tony Angelo, a former police officer and head of the “Liga da Justiça” (“League of Justice”), the most important militia in Rio de Janeiro, controlling large territories in the western zone, including Cosmos, Santa Cruz, Campo Grande, Inhoaíba, Paciência.[7]

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Fig. 3 : Carte du contrôle territorial armé à Rio de Janeiro mise à jour en 2014 : Milices (bleu) et Trafic de Drogues (« Comando Vermelho » (rouge), « Amigos dos Amigos » (jeune) et « Terceiro Comando Puro » (vert))[9]

 Fig. 3: Map of the armed territorial control in Rio de Janeiro updated in 2014:Militias (blue) and Drug Trafficking (« Comando Vermelho » (red), « Amigos dos Amigos » (yellow) and « Terceiro Comando Puro » (green))[8]

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Quels sont alors les enjeux sécuritaires contemporains qui ont contribué à l’ancrage des milices sur la zone ouest de Rio de Janeiro ? On peut en dénombrer trois principaux :

What then, are the contemporary security issues that have contributed to giving the militias a firm footing in the western area of Rio de Janeiro? There are three main issues that can be listed:

1) Dans le contexte de la « war on drugs », les territoires de la zone ouest ne représentent pas une cible  prioritaire pour les intérêts sécuritaires de l’Etat car ils sont éloignés de la zone névralgique du trafic de drogues, à savoir les zones sud et nord de la ville.Les milicienscontrôlent donc cette zone ouest, en marge mais stratégique pour leurs intérêts illicites puisque limitrophe avec la zone sud et nord. En effet, ils se rendent légitimes aux yeux de la population locale en prétendant contenir l’expansion du trafic de drogues vers la zone ouest. En parallèle, ils négocient avec les trafiquants pour tirer profit du commerce de drogues et assurer la permanence de ces derniers dans les favelas de la zone sud et de la zone nord.

1) In the context of the “war on drugs”, the western area territories are not a priority target for the state security interests as they are far from the southern and northern areas of the city which are the more sensitive drug trafficking areas. So, the militiamen control this western area that is on the edge but which is strategic for their illicit interests as it borders the southern and northern areas. As a matter of fact, they gain legitimacy in the eyes of the local residents by claiming to contain the expansion of drug trafficking toward the western area. At the same time, they negotiate with the drug traffickers to profit from the drug trade and ensure that there is an ongoing supply of drugs in the slums in the southern and northern areas.

2) Il y a environ dix ans, le gouvernement de l’État de Rio de Janeiro voulant éviter une possible expansion du trafic de drogues avait lui-même alimenté des rumeurs pour justifier un contrôle des miliciens dans la zone ouest. C’est pourquoi le mot « milices » était initialement utilisé par la presse afin d’éviter l’emploi des termes « escadrons de la mort » ou « justiciers » hérités de la dictature et à forte connotation négative. Il s’agissait, en effet, de présenter les  milices  comme un groupe de policiers issus de l'endroit et ayant la volonté de défendre leur quartier d’une menace extérieure matérialisée dans la figure du « trafiquant de drogues». C’est pourquoi Cesar Maia, le maire de la ville de Rio de Janeiro, utilisait à l’époque, le terme d’« auto-défense communautaire » quand il faisait référence à ces groupes. C’est suite à la prise d’otages et à la torture des journalistes du quotidien national O Dia en 2008 que l’Etat a reconnu les milices comme un groupe criminel, même s’il continue à les considérer comme un problème moins grave que celui des trafiquants.

2) About 10 years ago, the government of the state of Rio de Janeiro, wanting to prevent the possible expansion of drug trafficking, had itself fuelled rumours justifying control by militiamen in the western area. The reason the word “militia” was initially used by the press was to avoid the use of terms like “death squads” and “vigilantes”, inherited from the dictatorship and with highly negative connotations. This involved presenting the militias as a local policing group wanting to protect their neighbourhood from an outside threat in the figure of the “drug trafficker”. That is why the mayor of the city of Rio de Janeiro, Cesar Maia, used the term “community self-defence” when he referred to these groups at the time. It was after the hostage taking and torture of the O Dia reporters in 2008 that the State recognized the militias as a crime group, although it still considers them a less serious problem than drug traffickers.

3) La logique culturelle de la « criminalisation de la pauvreté » : les miliciens sont majoritairement des agents de la sécurité publique tandis que les trafiquants de drogues sont généralement des habitants des favelas, pauvres et marginalisés (Misse, 1995). Les miliciens profitent donc d’un espace entre d’une part, le discours socialement construit sur la nécessité d'empêcher l’expansion du trafic ou de « reconquérir »[10] les territoires contrôlés par les trafiquants, et d’autre part, la répression policière soutenue par la majorité de la société brésilienne ainsi que par la presse à sensation qui assimilent toujours les territoires pauvres au crime.

3) The cultural logic of the “criminalization of poverty”: The militia members are for the most part public safety officers, whereas the drug traffickers are generally slum dwellers, poor and marginalized (Misse, 1995). The militia members therefore take advantage on the one hand, of the socially constructed narrative on the need to prevent the expansion of drug trafficking, or to “take back”[9] the territories controlled by the traffickers, and on the other, the police repression supported by most of Brazil’s society as well as of the sensationalistic media who always equate the poor areas with crime.

 

2. Les « zones grises » à l'aune des enjeux sécuritaires contemporains

2. The “grey zones” assessed on the basis of contemporary security issues

 

 

Il convient à présent d'examiner le phénomène des milices  par le biais de deux variables d’analyse : les « enclaves autoritaires » et les influences des nouvelles dimensions autoritaires.

The militia phenomenon should now be examined through two analytical variables: the “authoritarian enclaves” and the influences of new authoritarian influences.

 

 

2.1.La sécurité et les « enclaves autoritaires »

2.1. Security and “authoritarian enclaves”

 

 

Au Brésil les pratiques liberticides sont des comportements courants des forces de police. Il existe donc des « enclaves autoritaires » dans le processus de démocratisation des institutions desécurité. Les rapports de l’ONU, d'Amnesty International, de Human Rights Watch, entre autres, sont unanimes : la police brésilienne est responsable chaque année de milliers d’exécutions extrajudiciaires. Les forces de l’ordre justifient ces actes en ayant recours à un dispositif de loi appelé « autos de resistência » (Décret-Loi 3.689/41 du Code de Procédure Pénale brésilien). Il est l’équivalent de la « légitime défense » et leur permet de rester impunis. En effet, une grande partie de la population pense que les enquêtes sur les pratiques abusives de la police et son éventuelle condamnation peuvent fragiliser l'application des lois et donc renforcer les gangs criminels. C’est ainsi que les couches les plus aisées de la population soutiennent les grandes opérations contre le trafic de drogues dans les favelas  tout en ayant conscience des dommages collatéraux qu’elles impliquent.

Current police force practices kill freedom in Brazil. “Authoritarian enclaves” therefore exist in the democratization process of security institutions. Reports of the UNO, Amnesty International, Human Rights Watch and others are unanimous: Brazil’s police are responsible for thousands of extrajudicial executions every year. Law enforcement agencies justify these actions by having recourse to a legal device called “autos de resistência ” (Law decree 3.689/41 of the Brazilian code of penal procedure). It is the equivalent of “self-defence” and allows them to remain unpunished. In fact, a large portion of the population believes that investigations on abusive police practices and their possible conviction may weaken the application of laws and thus strengthen criminal gangs. Thus the most well-off segments of the population support the major operations against drug trafficking in the slums while also being aware of the collateral damage they entail.

L’usage de la torture comme moyen d’investigation dans les favelas, dans les commissariats et dans les prisons, est l’une des « enclaves autoritaires » les plus marquantes. Sous la dictature militaire brésilienne (1964-1985), la torture était systématiquement utilisée contre les opposants politiques. Elle perdure de manière quotidienne au sein des forces de l'ordre malgré près de trente ans de démocratie. Selon le rapport de l’Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) : « la persistance d’une culture acceptant les abus perpétrés par les agents de l’État, d’une tradition de violence au sein des forces de sécurité et l’impunité de fait dont bénéficient les auteurs de ces actes sont à l’origine du phénomène tortionnaire au Brésil »(ACCAT, 2010).

The use of torture as a means of investigation in the slums, in the police stations and prisons is one of the most significant “authoritarian enclaves”. Under Brazil’s military dictatorship (1964-1985), torture was systematically used against political opponents. It is still a daily fact of life within law enforcement agencies despite nearly thirty years of democracy. According to the report of Christians for the Abolition of Torture (ACAT) [tr.]: “[tr.] the persistence of a culture accepting the abuses perpetrated by the agents of the State, a tradition of violence within the security forces, and the de facto impunity the perpetrators of these acts enjoy, are at the root of the police torture phenomenon in Brazil” (ACAT, 2010).”

Une étude réalisée dans la ville de São Paulo souligne la disproportion entre l’usage de la torture et les punitions encourues pour ce crime lorsqu’il est commis par des agents publics : les condamnations pour crime de torture atteignent 18% lorsqu’elles impliquent des agents de l’État et 50% lorsqu’elles sont attribuées à des civils (De Jesus, 2009). De fait, les études comparatives sur les transitions démocratiques des pays latino-américains montrent que depuis les années 1970, il n’y a pas d’évolution des régimes politiques en termes dichotomiques et homogènes, autrement dit il n'y a pas un passage d’une pure dictature à une pure démocratie : au cours du processus de démocratisation, on observe des zones de chevauchement avec le régime dictatorial. D’importants travaux au Brésil abordent cette thématique, Alba Zaluar parle d’une « démocratie inachevée » (Zaluar, 2007), tandis que Jorge Zaverucha évoque une « semi-démocratie brésilienne » (Zaverucha, 2010).

A study carried out in the city of São Paulo underscores the disproportion between the use of torture and the punishment incurred for this crime when committed by public officials: there is an 18% conviction rate for torture involving public officials, and 50% when involving civilians (De Jesus, 2009). Indeed, comparative studies on Latin American countries’ transitions to democracy show that since the 1970s, political systems have not evolved dichotomously and homogeneously; in other words, there has not been a transition from a pure dictatorship to a pure democracy. Over the course of the democratization process, we can observe areas where there is overlapping with the dictatorial system. Important research work in Brazil addresses this issue. Alba Zaluar speaks of an “unfinished democracy” (Zaluar, 2007), while Jorge Zaverucha refers to “Brazilian semi-democracy”.

Ces auteurs rreprennent la conception des « démocraties à adjectifs » (Collier, Levitsky, 1996) pour aller au-delà de la simple définition de ces « sous-types » de régime en pensant leur caractère hybride et possiblement durable. Alba Zaluar met en garde contre les limites des explications macro-sociales des crimes violents lorsqu'ils sont observés sous l’angle seul des mécanismes de la criminalité transnationale (trafic de drogues et d'armes à feu) et il privilégie l’approche multiscalaire. Il montre qu’à l’échelle micro, le combat contre le trafic de drogues a développé une interaction perverse avec la pauvreté et les jeunes vulnérables dans de nombreux pays. Dans cette logique, la culpabilité de l’accusé est définie a priori et réduit sa prétention de défense : le « bien » est représenté par les forces sécuritaires tandis que le « mal » est représenté par les trafiquants de drogues, le plus souvent de jeunes noirs entre 15 et 24 ans habitant les favelas (Zaluar, 2007).

These authors return to the concept of “democracies with adjectives” (Collier, Levitsky, 1996) to go beyond the simple definition of these “sub-types” of regime by reflecting on their hybrid and possibly lasting nature. Alba Zaluar cautions against the limits of macro-social explanations of violent crimes when they are observed from the sole perspective of the mechanisms of transnational crime (drug and firearms trafficking) and he favours the multi-scale approach. He shows that at the micro scale level, the fight against drug trafficking interacts perversely with poverty and vulnerable youths in many countries. In this reasoning, the accused is presumed guiltyand this presumed guilt reduces his claim to defence: the security forces represent “good”, while “evil” is represented by drug traffickers who are more often than not, black youths between 15 and 24 years of age living in the slums (Zaluar, 2007).

Selon Jorge Zaverucha, la Constitution brésilienne de 1988 a conservé plusieurs enclaves autoritaires, quant aux relations entre civils, militaires et police. À titre d’exemple, l'article 142, placé dans la section « De la défense de l’État et des Institutions Démocratiques », dispose que les Forces Armées ont le pouvoir de suspendre la loi pour défendre l’ « ordre » institué. Autrement dit, aujourd’hui encore, les militaires peuvent, s’ils estiment la démocratie menacée, faire un coup d’Etat par une disposition constitutionnelle.Même après la dictature, il se produit une militarisation croissante des forces policières (Zaverucha, 2010 ; Mainwaring, 2001 ; Ottaway, 2003). D’ailleurs, la conception de la sécurité publique au Brésil est un héritage de la « Doctrine de Sécurité Nationale » pratiquée lors de la dictature militaire et concrétisée par la « Loi de Sécurité Nationale » dans le cadre de ce qui était alors la « lutte contre les communistes ». Cette doctrine se retourne aujourd’hui contre les trafiquants de drogues.

According to Jorge Zaverucha, Brazil’s 1988 constitution kept a number of authoritarian enclaves with regard to relationships between civilians, the military and police. By way of example, art. 142 in the section “Protecting the State and Democratic Institutions”, establishes that the Armed Forces have the power to suspend the law to protect “order”. In other words, still today members of the armed forces may, if they deem that democracy is threatened, carry out a coup d’état by constitutional provision. Even after the dictatorship, there is growing militarization of the police forces (Zaverucha, 2010; Mainwaring, 2001; Ottaway, 2003). Moreover, the concept of public security in Brazil is a legacy of the “National Security Doctrine” practiced during the military dictatorship and realized by the “National Security Law” in the context of what was then the “fight against communists”. This doctrine returns today in the fight against drug traffickers.

 

 

Des « escadrons de la mort » aux « milices »

From “death squads” to the “militias”

Durant la dictature militaire au Brésil, les « escadrons de la mort » ont fonctionné selon une articulation complexe : les policiers militaires rattachés aux forces armées se chargeaient du « nettoyage » de la criminalité, les commerçants et les entrepreneurs finançaient ces services tandis que les hommes politiques tiraient des avantages électoraux de leurs actions.

During the military dictatorship in Brazil, the “death squads” functioned in accordance with a complex structure: the military police attached to the armed forces took charge of “cleaning up” crime, with merchants and business people funding these services while the politicians derived benefits at the polls from their actions.

L’escadron de la mort le plus important de Rio de Janeiro fut la « Scuderia Le Cocq » (Bicudo, 1988). Cette organisation fondée en 1965 a été en activité entre les années 1970 et le début des années 2000. Elle a été créée pour venger la mort de Milton Le Cocq, policier membre de la garde personnelle du président Getúlio Vargas. Ce policier fut assassiné en août 1964 par Manuel Moreira, célèbre bandit de la « Favela do Esqueleto », connu sous le surnom « Cara de Cavalo ». Les « Douze hommes en or » placés à la tête de la « Scuderia Le Cocq », furent choisis en 1969 par Luis França, Secrétaire de la Sécurité publique de Rio de Janeiro, pour « nettoyer » la ville des « bandits ». Plus de la moitié des membres de l’équipe était issue de la Police Spéciale créée par Getúlio Vargas durant l’Estado Novo (1937-1945), un régime autoritaire inspire du modèle faciste italien. L'un des premiers « Hommes en or » était Guilherme Ferreira Godinho, surnommé « Sivuca », ensuite élu député de l’Etat de Rio de Janeiro. Sa devise était « un bon bandit est un bandit mort ». Selon lui, « la Scuderia a été créée pour donner satisfaction à la société ».

The most important death squad in Rio de Janeiro was the “Scuderia Le Cocq” [tr.: Le Cocq team] (Bicudo, 1988). This organization founded in 1965 was active from the 1970s until the early 2000s. It was created to avenge the death of Milton Le Cocq, a police officer of the personal guard of President Getúlio Vargas. This police officer was assassinated in August 1964 by Manuel Moreira, a famous bandit from the “Favela do Esqueleto”, known by the nickname “Cara de Cavalo” [tr. Horse Face]. The “Twelve Golden Men” placed at the head of the “Scuderia Le Cocq ” were chosen in 1969 by Luis França, Secretary of Public Security of Rio de Janeiro to “rid” the city of “bandits”. Over half of the team members were from the Special Police created by Getúlio Vargas during the “Estado Novo (1937-1945), an authoritarian regime inspired by Italy’s fascist model. One of the first “Golden Men” was Guilherme Ferreira Godinho, nicknamed “Sivuca”, and later elected as a state representative of Rio de Janeiro. His motto was “a good bandit is a dead bandit”. According to him, “the Team was created to give society satisfaction”.

 

 

Fig. 4 :Symbole de la « Scuderie Le Cocq »[11]

Fig. 4: Symbol of the “Scuderia Le Cocq”[10]

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« Escadron de la mort » était également le nom donné au groupe de policiers contrôlés par le commissaire Sérgio Paranhos Fleury lors de la dictature militaire brésilienne. Ce groupe se rendit coupable d’exécutions et de disparitions de centaines de personnes. Ses agissements étaient couverts par un important trafic d'influences sous la protection du régime dictatorial. La pratique de la « chasse aux criminels » de Fleury a été utilisée par les militaires pour combattre les organisations de lutte armée de gauche. A la tête du DOPS (« Département d’ordre politique et social ») – redoutable centre de répression des années de la dictature militaire – Fleury a planifié plusieurs exécutions telles que celle de Carlos Marighela en 1969, celle de Joaquim Câmara Ferreira en 1970, ou encore celle de Carlos Lamarca dans l’État de Bahia en 1971, trois des principaux guérilleros appartenant à la lutte armée de la gauche brésilienne (Souza : 2000).

“Death Squad” [escadron de la mort] was also the name given to the group of police officers controlled by commissioner Sérgio Paranhos Fleury during Brazil’s military dictatorship. This group was guilty of the executions and disappearances of hundreds of individuals. Its actions were covered by major influence peddling under the protection of the dictatorial regime. Fleury’s “criminal hunting” was used by the military to combat left-wing armed struggle organizations. Heading the DOPS (tr.: department of political and social order) – the fearsome centre of repression during the years of the military dictatorship – Fleury planned a number of executions such as those of Carlos Marighela in 1969, Joaquim Câmara Ferreira in 1970, and Carlos Lamarca in the State of Bahia in 1971, who were three of the main guerrillas of the armed struggle of Brazil’s left (Souza: 2000).

Le fonctionnement criminel de la police en tant qu’« escadrons de la mort » est encore très présent dans le contexte démocratique brésilien. Quelques exemples permettent d’illustrer cette affirmation : en 1993, plus de cinquante policiers membres d'un escadron de la mort appelé « Cavalos Corredores » ont pris d'assaut la favela Vigário Geral  à Rio de Janeiro, tuant 21 personnes. Ce massacre est connu sous le nom de « Chacina de Vigário Geral ». Ce même groupe, trois ans auparavant, avait été le principal suspect de l'enlèvement et de la mort de 11 jeunes issus de la favela « Acari », massacre qui a pris le nom de « Chacina de Acari ». Plus récemment, en 2005, un « escadron de la mort » qui opérait dans la Baixada Fluminense a été le responsable du plus grande massacre de l'histoire de l’État de Rio de Janeiro : 29 civils exécutés par cet escadron en représailles à la politique de sécurité mise en place par le gouvernement de l’époque.

Criminal police “death squads” still operate as a part of Brazilian democracy today. A few examples making it possible to illustrate this statement: in 1993, more than fifty police officers belonging to a death squad called “Cavalos Corredores” besieged the Vigário Geral slum in Rio de Janeiro, killing 21 persons. This massacre is known as the “Chacina de Vigário Geral” [tr.: the Vigário Geral massacre]. This same group, three years earlier, had been the main suspect in the abduction and death of 11 youths from the “Acari” slum, which became known as the “Acari massacre”. More recently, in 2005, a “death squad” that was operating in the Baixada Fluminense was responsible for the greatest massacre in the history of the state of Rio de Janeiro: 29 civilians executed by this squad as a result of the security policy the government at the time had put in place.

Ainsi, pendant la dictature, l’État a intentionnellement apporté son soutien logistique à des groupes de policiers pour qu’ils se chargent du « sale boulot ». L’avènement de la démocratie n’a pas permis d’enrayer ce phénomène : cette situation arbitraire perdure sous d’autres formes et a fini par échapper au contrôle de l’Etat. Il s’opère actuellement une consolidation d’un espace d’exception au sein de l’espace démocratique (permanence de l’usage de la torture, exécutions sommaires et disparitions) au sein duquel les forces sécuritaires se sentent légitimes d’agir. Le fonctionnement criminel de la police en tant que  milice est une conséquence de cette conjoncture discrétionnaire construite tout au long de l’histoire brésilienne.

Thus, during the dictatorship, the State intentionally gave its logistical support to police groups so that they would do the “dirty work”. The arrival of democracy did not get rid of this phenomenon. This arbitrary situation continues to exist in other forms and has ended up escaping State control. At this time, there is a strengthening of a space of exception within the democratic space (ongoing use of torture, summary executions and disappearances) within which security forces feel that they can legitimately act. The police criminally operating as militia is a consequence of this discretionary situation that has been constructed throughout the course of Brazil’s history.

Il existe un certain nombre de points communs entre les comportements des escadrons de la mort  et ceux des milices. Toutefois, le contrôle exercé par ces dernières sur les territoires est plus ferme, les échanges avec les hommes politiques plus concrets et le profit économique généré plus important. Tandis que les milices sont autonomes et ont un projet de pouvoir alternatif au pouvoir central (en matière économique, politique et de répression), les escadrons de la mort sont des groupes de policiers exécutant les ordres supérieurs et effectuant un service ponctuel « hors la loi » contre de l’argent.

There are a certain number of points in common between the behaviour of the death squads and that of the militia. However, the control exercised by the latter over the territories is firmer, exchanges with politicians more concrete, and the economic gain generated is greater. While the militias are autonomous and have a plan for alternative power to the central power (in economic, political and repression matters), the death squads are groups of police officers carrying out orders from above and performing an occasional “outside the law” favour in return for money.

 

 

2.2. La sécurité et les « nouvelles formes d’autoritarisme »

2.2. Security and the “new forms of authoritarianism”

 

 

Selon le « Rapport du Groupe des personnalités de haut niveau de l’ONU » (ONU, 2004), « nous vivons dans un monde de menaces nouvelles et changeantes (...) » où « une menace pour l’un d’entre nous constitue une menace pour tous ». Les attentats terroristes du World Trade Center en 2001 ont conduit à d’importants changements dans les politiques de sécurité des Etats-Unis vis-à-vis de l’Amérique latine. C’est une nouvelle « War on Drugs », qui encourage l’absence de distinction entre les groupes de trafiquants de drogues et les groupes terroristes, comme en témoignent le nouveau concept de « narco-terroriste »et l’exemple des « narco-guérillas », faisant référence aux FARC en Colombie. En 2003, l’Organisation des États Américains a mis au même niveau le crime organisé et le terrorisme, les qualifiant de « principale menace à la sécurité régionale ». Par conséquent, on observe dans la majorité des démocraties latino-américaines une montée du discours sécuritaire et la mise en place de mesures gouvernementales qui ont conduit à l’autonomisation des forces de sécurité. Au vu de cette réalité, qu’est-ce que l’on comprend par de « nouvelles dimensions autoritaires » ?

According to the UN “Report of the Secretary-General’s High-Level Panel” (UNO 2004) “[tr.] we live in a world of new and changing threats…” where “[tr.] a threat for one of us is a threat for all of us”. The terrorist attacks on the World Trade Center in 2001 led to important changes in U.S. security policies vis-à-vis Latin America. A new “War on Drugs” encourages a lack of distinction between drug trafficking groups and terrorist groups, as shown by the new concept of “narco-terrorist” and the example of “narco-guerrilla”, with reference to the FARCs in Columbia. In 2003, the Organization of America States placed organized crime and terrorism on the same level, describing them as “the main threat to regional security”. As a result, security narrative was ramped up and government measures implemented that led to the increased autonomy of security forces, which can be observed in the majority of Latin American democracies. In view of this reality, what is meant by “new authoritarian dimensions”?

Mireille Delmas-Marty examine ce nouveau paradigme sécuritaire sous l’angle juridique et développe ainsi l’idée d’un brouillage terminologique entre le droit à la sûreté et le droit à la sécurité. Elle affirme que « Le discours sécuritaire a brouillé la terminologie pénale, car il autonomise la dangerosité par rapport à la culpabilité et sépare les mesures dites des sûretés des peines, fermant ainsi la boucle car la mesure de sûreté devient la négation du droit à la sûreté » (Delmas-Marty, 2010).

Mireille Delmas-Marty examines this new security paradigm from the legal perspective and thus developed the idea of a terminological blurring between the right to safety and the right to security. She states that « [tr.]…The security discourse has muddied penal terminology as it autonomizes dangerousness on the basis of guilt and separates the so-called safety measures from sentences, thus coming full circle as the safety measure becomes the negation of the right to safety » (Delmas-Marty, 2010).

Suivant cette même logique, Elizabeth Picard affirme que « cette transformation a induit une mutation de la notion de sécurité, en brouillant la frontière entre espace domestique et espace étranger, entre défense nationale et lutte contre des ennemis extérieurs ou transnationaux et, partant, entre les missions de l’armée et celles de la police » (Picard, 2008).

Following this line of reasoning, Elizabeth Picard states that: « [tr.]… this transformation led to a change in the concept of security, by blurring the line between domestic space and foreign space, between national defense and the fight against external or transnational enemies and, thus, between the missions of the army and the police » (Picard, 2008).

Dans plusieurs pays d'Amérique latine, même après la transition vers des gouvernements formellement démocratiques, des parties substantielles de l’appareil de terreur de l’État restent intacts. Koonings et Kruijt se réfèrent à une stratégie de « démocratisation de la violence et de l’insécurité sociale et politique ». Selon ces auteurs, « ce phénomène a été créé par un appareil de répression systématique et un climat de peur concomitante sanctionné par les forces armées et soutenu par des gouvernements civils et par un appareil de justice » (Koonings, Kruijt 1999).

In a number of Latin American countries, even after the transition toward formally democratic governments, substantial portions of the State’s terror apparatus remain intact. Koonings and Kruijt refer to a “democratization of violence, and social and political insecurity” strategy.  According to these authors: « [tr.]…this phenomenon was created by an apparatus of systematic repression and a climate of concomitant fear sanctioned by the armed forces and supported by civilian governments and the justice apparatus » (Koonings, Kruijt 1999).

À cause de ces dimensions néo-autoritaires dans la sécurité publique, de nouvelles formes de répression politique et de violence policière sont apparues et les milices en sont un exemple emblématique.

Because of these neo-authoritarian dimensions in public security, new forms of political repression and police violence have appeared and the militia are an iconic example thereof.

           

           

Le phénomène des « milices » à l’aune du processus de « macro-sécurisation »

The “militia” phenomenon measured against the “macro-securitization” process

Il est nécessaire de souligner que les miliciens  jouent un double rôle dans le processus de « macro- sécurisation » : ils exercent tout à la fois les fonctions d’agents de la sécurité publique – dont le but est d’anéantir le trafic de drogues – et celles de miliciens  - dont le but est de tirer un profit économique et politique des espaces laissés-pour-compte par le pouvoir public. À Rio de Janeiro, une dynamique de cause-conséquence contradictoire s’opère : les politiques sécuritaires renforcées par la nouvelle « war on drugs » ont fini par stimuler la prolifération des groupes miliciens. En effet, la brutalité policière du BOPE (Batalhão Operações Policiais Especiais) – troupe policière d'élite fondée dans le cadre de cette politique sécuritaire – ainsi que la peur des habitants vis-à-vis des trafiquants de drogues ont fourni un terrain favorable au développement des milices. En conséquence, les habitants des territoires marginalisés ont très souvent accepté le contrôle des miliciens parce que ces derniers promettaient de défendre leurs quartiers face au trafic de drogues, or la logique veut que sans trafiquant, il n’y a pas de violence de la part du BOPE.

It must be stressed that the militias play a dual role in the “macro-securitization” process: they simultaneously perform the duties of public security officers – whose goal is to wipe out drug trafficking – and those of militias – whose goal is to derive economic and political profit from the spaces that have been abandoned by government power. In Rio de Janeiro, a contradictory cause-and-effect dynamic occurs: the security policies reinforced by the new “war on drugs” ended up encouraging a proliferation of militia groups. In fact, the police brutality of the BOPE (Batalhão Operações Policiais Especiais) – an elite police troop founded as part of this security policy – as well as residents’ fear of the drug traffickers, provided fertile ground for the development of militias. As a result, the residents of marginalized territories very often accepted the control of the militias because the militias promised to protect their neighbourhoods from drug trafficking, with the logic being that without drug traffickers, there would be no violence from the BOPE.

 

 

Fig. 5 :Photographie[12] d’une opération du BOPE au « Complexo do Alemão » (zone nord de Rio de Janeiro) dans le cadre de la lute contre le trafic des drogues

Fig. 5: Photograph[11] a BOPE operation in the “Complexo do Alemão” (northern area of Rio de Janeiro) as part of the fight against drug trafficking 

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Cependant, cette logique semble fausser car les « miliciens » ont très bien su jouer avec la « sensation d’insécurité » (Míguez, Isla, 2010) des habitants des communautés contrôlées. Laurent Mucchielli utilise le concept de « frénésie sécuritaire » pour développer sa théorie sur un nouveau type de contrôle social. D’après lui, ce concept repose sur un diagnostic qui « ne rend pas compte des éléments de statistique disponibles, dissimule tout ce qui ne ‘colle pas’ avec la démonstration souhaitée, s’empare des cas exceptionnels en les présentant comme des modèles généraux, et conduit au final à énoncer de telles déformations de la réalité qu’on peut parler dans certains cas de véritables contrevérités induisant les citoyens en erreur » (Mucchielli, 2008).

However, this logic seems warped as the “militias” have been quite skilled at playing on the “feeling of insecurity” (Míguez, Isla, 2010) of the residents of the communities controlled. Laurent Mucchielli uses the “security frenzy” concept to develop his theory on a new type of social control. According to him, this concept rests on a diagnosis which « [tr] does not take into account the statistical information available, covers up everything that doesn’t jibe with the desired appearance, seizes hold of exceptions and presents them as the general rule, and in the end, states such distortions of reality that in some cases, it is possible to speak of genuine mistruths misguiding the population » (Mucchielli, 2008).

Le modus operandi du contrôle social de ces groupes, renforcé par « la sensation d’insécurité » de la population locale, ont rendu possible quelques situations exceptionnelles : l’exemple de certains territoires qui, une fois occupés par les « milices », ont été vendus aux trafiquants de drogues et qui ont été ensuite repris. D’autres exemples des miliciens qui louent des « caveirões » du BOPE pour renforcer leur occupation sur certains territoires et pour en occuper d’autres. Ou alors, le fait que le gouvernement de l’État de Rio de Janeiro lors de l’élaboration des stratégies de sécurité pour la réalisation des jeux panaméricains en 2007 a donné carte blanche aux « miliciens » pour qu’ils expulsent les trafiquants des territoires proches des « lieux olympiques ».

The modus operandi of social control of these groups, strengthened by the “feeling of insecurity” of the local population, have made some unusual situations possible: the example of certain territories that were once occupied by the “militias”, have been sold to the drug traffickers and then retaken. There are other examples of militias that rent BOPE “caveirões” to reinforce their occupation of certain territories and to occupy others. Or the fact that the government of the State of Rio de Janeiro, when developing security strategies for the 2007 Pan-American Games, gave carte blanche to the “militia men” for the expulsion of the traffickers from the territories close to the “Olympic sites”.

Ce mode opératoire d’occupation a permis aux « miliciens » d’élargir leur pouvoir, en envahissant certains territoires longtemps contrôlés par le trafic de drogue, en particulier dans la zone nord de Rio de Janeiro. Cette nouvelle configuration spatiale des « milices » a déclenché des effets collatéraux, les attentats commis par les « commandos » du trafic de drogue à Rio de Janeiro en 2006 et qui ont fait 18 morts et plus de 20 blessés en sont un exemple. Le gouvernement de l’État du Rio de Janeiro avait alors déclaré officiellement que ces attentats étaient une riposte des trafiquants de drogues aux grandes opérations répressives des institutions sécuritaires menées contre ces derniers. En réalité, c’est avant tout l’occupation des territoires des trafiquants par les « milices » qui ont motivé ces attaques. Celles-ci étant dirigées vers le gouvernement de l’État de Rio de Janeiro, elles ont mis en lumière la cohabitation entre le pouvoir officiel (la police) et le pouvoir extra-officiel (la police-milice) au sein des institutions de sécurité.

This operating procedure has enabled the “militia men” to expand their power by invading certain territories long controlled by drug trafficking, particularly in the northern area of Rio de Janeiro. This new spatial configuration of the “militias” has triggered side effects – the attacks committed by the drug traffic “commandos” in Rio de Janeiro in 2006, killing 18 and wounding more than 20 are an example. The government of the State of Rio de Janeiro had at the time officially declared that these attacks were the reaction of the drug traffickers against the major repressive operations of the security institutions. In reality, it was first and foremost the “militiamen’s” occupation of the traffickers’ territories that motivated these attacks. Directed towards the government of the State of Rio de Janeiro, these attacks exposed the coexistence of official power (the police) and extra-official power (the militia-police) within security institutions.

Le fonctionnement criminel des « milices »  nous rappelle l’analyse de Salvatore Lupo sur la « mafia entreprise » dans son livre, devenu classique, sur l’histoire de la mafia italienne. Il écrit « la mafia d’ordre présuppose toujours un désordre à organiser et à contrôler (...) la mafia qui crée l’insécurité dont elle profite, au point que son unique fonction est celle qu’elle détermine elle-même, d’autant que la criminalité commune constitue la base de recrutement des cosche. Très souvent, la menace est amplifiée, voire créée de toutes pièces, pour que le contrat soit signé, et il advient d’ailleurs qu’entre celui qui menace ouvertement et celui qui fait mine de vouloir défendre le menacé, entre l’extorqueur et le protecteur, il n’y ait qu’un jeu de rôles, une division du travail à l’intérieur de la même organisation pour convaincre les entrepreneurs d’hier et d’aujourd’hui de souscrire cette ‘assurance’ » (Lupo, 1999).

The criminal operation of the “militias” brings to mind the analysis of Salvatore Lupo on the “mafia business” in his now-classic book on the history of the Italian mafia. He writes “[tr.] the mafia by nature always works on the assumption of disorder to be organized and controlled…the mafia creates the insecurity from which it profits, to the point that its sole function is whatever the mafia itself decides it is, particularly since common criminality forms the recruitment base for the cosche [clans]. Very often, the threat is amplified, if not manufactured, so that the contract is signed, and moreover it happens that the person openly threatening and the one who gives the appearance of wanting to protect the threatened, the extortionist and the protector, are simply role-playing in a division of labour within the same organization in order to convince yesterday’s and today’s entrepreneurs to sign up for this “insurance” (Lupo, 1999).

Au-delà de la façon dont les miliciens occupent les territoires et de leur double rôle « protecteur - extorqueur », il est intéressant d’analyser les moyens arbitraires qu’ils mettent en place pour entretenir leurs réseaux clientélaires auprès du pouvoir politique. En effet, dans ce nouveau contexte de macro-sécurisation, les miliciens mettent en place des stratégies novatrices de contrôle politique sur leurs territoires en créant des « agences électorales » (« currais eleitorais »). Ainsi, lors des élections, des « agences » sont formées tandis que les « candidats de la communauté »[13] sont représentés soit par les miliciens eux-mêmes soit par leurs alliés politiques.

Beyond the manner in which the militiamen occupy the territories and their dual role of “protector-extortionist”, it is interesting to analyze the arbitrary means they put in place to maintain their client networks among the political power structure. As a matter of fact, in this new macro-securitization context, the militiamen implement innovative political control strategies over their territories by creating “electoral agencies” (“currais eleitorais”). Thus, when there are elections, “agencies” are formed while “community candidates”[12] are represented either by militiamen themselves or by their political allies.

La « protection » dans un contexte violent (violence réelle ou bien alimentée par les macro-politiques de lutte contre le trafic de drogue) devient ainsi un outil clé dans les stratégies de domination dans un réseau de clientèle. En effet, la majorité des habitants sur le terrain étudié perçoit ce discours de « l'ordre » comme positif et considère le rôle des « protecteurs » comme nécessaire au bien-être de la communauté.

“Protection” in a violent context (actual violence or driven by the macro-policies of the fight against drug trafficking) thus becomes a key tool in domination strategies in a client network. Indeed, the majority of residents in the area studied perceives this “order” narrative as positive and considers the role of the “protectors” as necessary for the community’s well-being.

 

 

Conclusion : ce que la notion de « zone grise » apporte à l’étude des nouveaux phénomènes mafieux en Amérique latine

Conclusion: What the concept of “grey area” brings to the study of new organized crime phenomena in Latin America

 

 

Mon objectif dans ce travail a été de montrer que la juxtaposition des « enclaves autoritaires » historiques avec des nouvelles dimensions autoritaires – produites par le discours mondialement répandu de la « sécurité à tout prix » – a rendu très difficile l’identification de phénomènes autoritaires dans l’appareil coercitif des États démocratiques modernes. Le phénomène des « milices » est un cas paradigmatique de cette nouvelle configuration.

My objective in this research was to show that the juxtaposition of historic “authoritarian enclaves” with new authoritarian dimensions – produced by the worldwide “security at any price” narrative – has made identification of authoritarian phenomena in the coercive workings of modern democratic states very difficult. The “militia” phenomenon is a quintessential case of this new configuration.

Par ailleurs, d’autres phénomènes similaires méritent d’être analysés à partir de ce même cadre théorique. Par exemple, il est connu qu’après la démobilisation des « paramilitaires » des « Autodefensas Unidas de Colombia », ces groupes ont poursuivi leurs activités criminelles, à l’image des « Aguillas Negras». Au Mexique, l’État a quasiment perdu le contrôle de plusieurs régions dominées par les « cartels de la drogue », comme celui des « Zetas » – anciennes troupes de l'armée destinées à combattre le trafic de drogues à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, qui sont devenues des groupes criminels mafieux organisés et extrêmement violents. En Argentine, la police du « conurbano bonaerense » – en particulier le groupe paramilitaire d’extrême droite « Triple A » – héritière de son impunité pendant la dictature militaire, continue à exercer des pratiques arbitraires comme les extorsions, la torture, l'abus sexuel sur mineurs, etc.

Moreover, other similar phenomena merit analysis using this same theoretical framework. For example, it is known that after the demobilization of the “paramilitary” of the “Autodefensas Unidas de Colombia”, these groups continued their criminal activities inspired by the “Aguillas Negras”. In Mexico, the state has virtually lost control of a number of regions dominated by “drug cartels” like the “Zetas” – former army troops for combatting drug traffic at the border between Mexico and the United States, who have become extremely violent mafia-like organized crime groups. In Argentina, the “conurbano bonaerense” police – particularly the extreme right wing paramilitary group, “Triple A” – which inherited its impunity during the military dictatorship, continues to practice extortion, torture, sexual abuse of minors, and more.

Le point commun entre tous ces nouveaux phénomènes mafieux c’est qu’ils sont la conséquence de la juxtaposition d’un part des « enclaves autoritaires » du passé et d’autre part des nouveaux effets pervers des politiques de « macro sécurisation ». De surcroît, ils cohabitent très bien avec le système démocratique et n’envisagent pas de prendre la place de l’État. Ils s’emparent des faiblesses du système démocratique moderne pour se présenter à la population des territoires qu’ils contrôlent comme une alternative privée plus efficace. C'est précisément la possibilité d’avoir différents lieux de pouvoir autoritaire ou semi-autoritaire dans un régime démocratique (ces « zones grises » de la démocratie) qui permet à ces groupes de coexister avec l’État tout en préservant leurs intérêts. Ainsi, afin de définir plus précisément la complexité actuelle de ces phénomènes dans les différents pays latino-américains, il parait indispensable d’analyser tant leurs « enclaves autoritaires » que leurs « nouvelles dimensions autoritaires ».

The common thread among all these new mafia-like phenomena is that they are the result of the juxtaposition on the one hand of “authoritarian enclaves” of the past, and the new warped effects of “macro-securitization” policies on the other. In addition, they coexist very well with the democratic system and do not contemplate taking the place of the State. They grab onto the weaknesses of the modern democratic system to present themselves to the residents of the territories they control as a private, more effective alternative. It is precisely the ability to have various authoritarian or semi-authoritarian power bases in a democratic system (these “grey zones” of democracy) that enables these groups to coexist with the State while also protecting their interests. Thus, in order to more accurately define the current complexity of these phenomena in the various Latin American countries, it would seem indispensable to analyze both their “authoritarian enclaves” as their “new authoritarian dimensions”.

 

 

Je tiens à remercier Bernard Bret pour sa relecture attentive et ses corrections pertinentes.

I wish to thank Bernard Bret for his careful re-reading and pertinent corrections

 

 

A propos de l'auteur : Luciana Araújo de Paula Institut des Hautes Etudes de l'Amérique latine (CREDA), Sorbonne Nouvelle/Paris III

About the authorLuciana Araújo de Paula Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine (CREDA), Sorbonne Nouvelle/Paris III

Pour citer cet article : Luciana Araújo de Paula "Les « zones grises » de la démocratie brésilienne : le phénomène des « milices » et les enjeux sécuritaires contemporains à Rio de Janeiro" justice spatiale | spatial justice, n° 8 juillet 2015, http://www.jssj.org/

To quote this article: Luciana Araújo de Paula « The “Grey Zones” of Democracy in Brazil: The “Militia” Phenomenon and Contemporary Security Issues in Rio de Janeiro  » justice spatiale | spatial justice, n° 8 july 2015, http://www.jssj.org/

 

 

[1] ZG dans la suite du texte.

[1] Community is the translation of the word comunidade often used today in place of favela. The favelados use the word to avoid the negative connotation surrounding the word favela and to indicate that they have mutual interests to protect.

[2]Communauté traduit le mot comunidade utilisé souvent aujourd'hui à la place de favela. Les favelados l'emploient pour éviter la connotation négative qui entoure le mot favela et pour signifier qu'ils ont des intérêts communs à défendre.

[2]This report made it possible to arrest certain heads of these groups. However, a number of facts show that control of the “militias” in certain territories as well as their ambiguous relationships with public safety institutions, political power and the justice system are still very significant. The August 2011 assassination of Judge Patricia Acioly, known for her diligent prosecution of the militia members in the city of São Gonçalo and the dozens of death threats received by Marcelo Freixo, member of state parliament from the State of Rio de Janeiro which led to the “Militia PIC”, are in keeping with this observation.

[3]Ce rapport a rendu possible l'arrestation de certains chefs de ces groupes. Cependant, plusieurs faits démontrent que le contrôle des « milices » dans certains territoires ainsi que leurs relations ambiguës avec les institutions de sécurité publique, le pouvoir politique et l’appareil de justice sont encore très importantes. L’assassinat en août 2011 de la juge Patricia Acioly, connue pour poursuivre avec rigueur les miliciens de la ville de São Gonçalo et les dizaines de menaces de mort reçues par Marcelo Freixo, député de l’Etat de Rio de Janeiro qui est à l’initiative de la mise en place de la « CPI des Milices », vont dans le sens de cette observation.

[3] This same 2008 parliamentary report indicates that of a total of 930 militia members targeted by anonymous complaints, there were 511 civilians but also 283 military police officers, 32 military firefighters, 33 members of the armed forces, 18 politicians, 8 prison guards, 2 officers of the court and 2 municipal police officers.

[4] Ce même rapport parlementaire de 2008 indique que sur un total de 930 miliciens visés par des plaintes anonymes, on dénombrait 511 civils, mais aussi 283 agents de la police militaire, 41 agents de la police civile, 32 pompiers militaires, 33 militaires, 18 hommes politiques, 8 gardiens de prison, 2 agents du pouvoir judiciaire et 2 policiers municipaux.

[4] The author carried out research in preparation of her doctoral dissertation. Access to the field was facilitated by the “Laboratório de Análise da Violência” – LAV (Analysis of Violence Laboratory) attached to the University of the State of Rio de Janeiro.

[5] L'auteur a réalisé ces enquêtes dans le cadre de la préparation de sa thèse de doctorat.L’accès au terrain a été facilité par le « Laboratório de Análise da Violência » - LAV (Laboratoire d’analyse de la violence) rattaché à l’Université de l’État de Rio de Janeiro.

[5] The municipio is the lowest level of the administrative hierarchy in Brazil. In this respect it would be the equivalent of the commune in France, although the Brazilian municipio is, on average, much more extensive and much more populous than a commune in France.

[6] Le municipe est le niveau inférieur de la hiérarchie administrative au Brésil. A ce titre, ce serait l'équivalent de la commune en France. L'usage est de franciser le terme brésilien sans vraiment le traduire, compte tenu qu'un municipio brésilien est, en moyenne, beaucoup plus étendu et beaucoup plus peuplé qu'une commune française.

[6] Source for images: Search on “Google Earth” https://www.google.fr/intl/fr/earth/

[7]Source des images : recherche sur « google earth » https://www.google.fr/intl/fr/earth/

[7]Document from state representative Marcelo Freixo during an interview as part of my doctoral dissertation, June 13, 2014.

[8]Document communiqué par le député Marcelo Freixo lors d’un entretien dans le cadre de ma thèse de doctorat le 13 juin 2014.

[8]This map was created using data from the “CPI Militias Report”, press reports and information from the residents of the occupied communities. It is constantly updated. Source: “Google maps” (30/11/2014). [URL: http://urlz.fr/2460 ]

[9]Cette carte a été élaboré à partir des donnés du « Rapport de la CPI des Milices » de rapports de presse et des renseignements provenant des habitants des communautés sous occupation. Elle est constamment mise à jour. Source : « Google maps » (30/11/2014). [URL: http://urlz.fr/2460 ]

[9]The guiding principle of the UPP (peacekeeping police) project in Rio de Janeiro is this idea of “reconquest” of the slums controlled by drug trafficking, through public power. One of the criticism directed toward these UPPs is the lack of political interest in expanding this project to the areas controlled by the “militias”. This factor strengthens the criminalization of poverty narrative and the impunity granted to these groups.

[10]Le principe directif du projet des « UPP’s - Unité de Police Pacificatrice » à Rio de Janeiro est cette idée de « reconquête » par le pouvoir public des « favelas » contrôlés par le trafic des drogues. L’un des critiques dirigée vers les UPP’s est le manque d’intérêt politique d’élargir ce projet aux territoires contrôlés par les « milices ». Ce facteur renforce le discours de criminalisation de la pauvreté et l’impunité accordée à ces groupes.

[12]Source de l’image : http://minu.me/dg7p

[12]During elections, militiamen’s attempts to associate their image with the electoral district they control can be seen. For example, “Nadinho de Rio da Pedras”, “Liga da Justice” candidates, Jerominho, Natalino and Carminha, use the Batman symbol (“visual identity” of the Militia), which is very widespread in the Campo Grande region, and Cristiano Girão is the “Girão de Gardência Azul”.

[13]Pendant les élections on aperçoit la tentative des miliciens d'associer leur image à la circonscription qu’ils contrôlent. Par exemple, « Nadinho de Rio das Pedras », les candidats de la « Liga da Justice », Jerominho, Natalino et Carminha, utilisent le symbole du Batman (‘identité visuelle’ de la Milice), très répandue dans la région de Campo Grande et Cristiano Girão c’est le « Girão de Gardência Azul ».

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