Pluralité des modalités de la sécurisation du centre historique de Gênes

Plurality of the production of secured spaces in Genoa’s historic centre

Les espaces centraux des villes méditerranéennes, emblématiques des centres-villes populaires, connaissent depuis les années 1990 un processus important de gentrification (Bidou-Zachariasen, 2003). Toutefois cette gentrification peut être qualifiée d’incomplète : les espaces historiques centraux révèlent plutôt des mutations en mosaïque, marquées par les résistances de couches populaires (Giroud, 2007). La co-existence dans ces mêmes espaces centraux de groupes d’horizons divers, aux pratiques différentes, pose la question des légitimités à y résider ou à y déambuler. A cet égard, certaines pratiques ou catégories de populations sont perçues sous l’angle de l’insécurité. Cet article s’attache aux enjeux de la sécurisation urbaine.

The central districts of Mediterranean cities, emblematic of popular city-centres, have undergone a significant process of gentrification since the 1990s (Bidou-Zachariasen, 2003). However, this gentrification may be described as somewhat incomplete as the changes that have taken place in these areas have been patchwork-style, marked by resistance from the working classes (Giroud, 2007). The co-existence of groups from a variety of horizons, with different practices, in the same central areas, raised the issue of legitimacy – who are the area’s legitimate residents and visitors? In this connection, some practices or population categories were seen from an angle of insecurity. This article focuses essentially on urban security issues.

La sécurisation urbaine désigne la production de sécurité en ville, par la mise en place de dispositifs particuliers. Le dispositif consiste en la solidification de discours, d’aménagements, d’institutions, permettant une maîtrise territoriale (Foucault, 1994), via des discours sur la ville, un « urbanisme de la sécurité » (Bourdin, 2004) et ses techniques particulières (vidéosurveillance, fermeture d’espaces), des règlements urbanistiques, la définition du rôle des individus. La régénération urbaine intègre de façon croissante de tels dispositifs de sécurisation (Coleman, Sim, 2000).

Urban security implies ensuring security in the city through the institution of specific apparatus. The « apparatus » consists of the ensemble made of discourses, institutions, urban developments, thereby enabling territorial control (Foucault, 1994), through discourses on the city, an  « urban security planning » (Bourdin, 2004) and its specific techniques (video surveillance, closing-off areas), urbanistic regulations, and the definition of the role of individuals. Urban regeneration increasingly includes such an apparatus of secured spaces production (Coleman, Sim, 2000).

Toutefois, la sécurisation urbaine n’est pas le monopole des acteurs publics mais a plusieurs foyers de production, relevant autant de politiques publiques et privées que de pratiques. En outre, elle est portée par des conceptions de l’ordre public, des dispositifs de contrôle et de maintien de l’ordre, des modèles d’intervention, qui reposent sur des valeurs et idéologies, et la définition des pratiques et catégories d’usagers jugées illégitimes, construits comme « usual suspects » (Coleman, Tombs, Whyte, 2005). La sécurisation se traduit donc par le déploiement de dispositifs hétérogènes, reposant sur des acteurs et des espaces différents, rejoignant la position d'Ugo Rossi sur la « multiplex city » (2004).

However, urban security is not the monopoly of public actors and may stem from several sources, falling within the framework of both public and private policies and practices. In addition, it is impacted by different conceptions of law and order, of control and the maintenance of public order, as well as different models of intervention. These models of intervention are themselves based on values and ideologies and the definition of practices and categories of users deemed illegitimate and those designated as the « usual suspects » (Coleman, Tombs, Whyte, 2005). Hence, security is manifested through the deployment of heterogeneous apparatus, relying on different actors and spaces, akin to Ugo Rossi’s stand on the « multiplex city » (2004).

Dans les espaces centraux étudiés, certains espaces sont surinvestis, marqués par des mutations immobilières, sociales et commerciales, révélant des inégalités territoriales. Cela correspond à une première approche concernant l’injustice spatiale, développée par Harvey (1998) dans ses « liberal considerations ». Toutefois, des justifications sont données à ces inégalités territoriales : pour le centre historique de Gênes il s’agit selon les acteurs publics de concentrer l’attention sur des points stratégiques, destinés à faire tâche d’huile, par les opérations de normalisation urbaine. Ces inégalités territoriales ne sont donc pas nécessairement injustes selon la perspective choisie. Les théories de la justice elles-mêmes admettent une certaine dose d’inégalité, par exemple chez John Rawls au nom de l’équité. Partant de cette pluralité possible des justifications ou contestations apportées aux inégalités spatiales, la première partie de ce travail montrera la nécessité de considérer la façon dont est posée l'exigence de justice spatiale dans les modèles et pratiques de sécurisation urbaine, par les acteurs eux-mêmes. Cette posture s'inspire des méthodes de la sociologie pragmatique (Boltanski, Thévenot, 1991) : elle part du principe de l'existence de critères et jugements internes au monde socio-spatial, pluriels, éventuellement concurrents, et révélés par les pratiques et justifications des acteurs, pour lesquels est postulée une capacité réflexive et critique, permettant de construire une sociologie de la critique (Boltanski, 2009). La justice est d'abord une compétence du jugement, avant d'être pour le chercheur une catégorie d’évaluation exogène.

In the central areas examined, over-investment was noted in some districts, marked by real estate, social and commercial changes, bringing different territorial inequalities to light. This corresponded to the initial, spatial injustice-related approach, as developed by Harvey (1998) in his « liberal considerations ». And yet, justifications can inevitably be found for such territorial inequalities. In the case of Genoa’s historic centre, according to municipal and government actors, the purpose was to focus attention on strategic activities that would then spread like wildfire through urban standardization efforts. Hence, territorial inequalities are not necessarily unjust – it all depends on the perspective adopted. Theories regarding justice themselves admit to a certain dosage of inequality in the name of equity, according to John Rawls, for instance. Based on the possible plurality of justifications or protests pertaining to spatial inequalities, the first section of this work shall demonstrate the need to consider the manner in which spatial justice requirements are raised in urban security models and practices by the actors themselves. This position is inspired by pragmatic sociology methods (Boltanski, Thévenot, 1991); it is based on the principle of the existence of criteria and judgments that are internal to the socio-spatial, plural and perhaps even concurrent worlds, and find expression in the practices and justifications of actors who are presumed to enjoy reflexive and critical abilities, making it possible to develop a sociology of criticism (Boltanski, 2009). Justice is primarily the skill of being able to judge, and only secondarily an exogenous assessment category for researchers.

Ces définitions plurielles de la justice spatiale seront étudiées à travers les formes de sécurisation urbaine à Gênes. Elles se manifestent tant dans les interventions publiques, pour lesquelles la question de la justice spatiale est posée de façon explicite, en référence à des théories et modèles, que dans les pratiques citadines privées voire informelles, qui intègrent également une évaluation du caractère juste ou injuste des dispositions publiques et de la situation actuelle. Après une présentation de la naissance du thème de l’insécurité à Gênes seront étudiés les modèles de sécurisation qui y sont développés, permettant de mener un repérage d’une justice spatiale internalisée aux mobilisations politiques et citadines.

These multifarious definitions of spatial justice shall be examined on the basis of the different forms of the production of urban security in Genoa. They can be seen both in public interventions – in which the issue of spatial justice is described explicitly, with reference to theories and models – and in private or even informal urban practices that also include an assessment of the just or unjust nature of public measures and the current situation. After an introduction describing how the subject of insecurity emerged in Genoa, different security models that have developed there shall be examined, which will make it possible to identify a kind of spatial justice that is internalised in political and citizens’ mobilisation.

 

 

1. La construction de la question de la sécurité à Gênes

1. The development of the issue of security in Genoa

Justice spatiale et sécurisation de la ville

Spatial justice and securing the city

La justice spatiale est une préoccupation récente (Dufaux, Gervais-Lambony, 2009 ; Soja, 2010) par rapport à l’idée de justice sociale, tout en devenant une entrée fréquente des travaux se réclamant d’une géographie radicale, aussi bien pour les biens environnementaux (Blanchon, Moreau, 2009) que pour l’accès à la ville (Fainstein, 2009 ; Lehman-Frisch, 2009).

Spatial justice is a fairly recent concern (Dufaux, Gervais-Lambony, 2009; Soja, 2010), as compared to the idea of social justice, while frequently being used as an entry point for building works proposed as a form of radical geography, both to serve environmental interests (Blanchon, Moreau, 2009), as well as to provide access to the city (Fainstein, 2009; Lehman-Frisch, 2009).

En géographie, la question est portée dès les années 1970 par David Harvey (1998). La justice spatiale peut être traitée dans une première approche comme une juste allocation des ressources sur un territoire donné. La privation de certains biens, l’éloignement des aménités urbaines, les co-localisations de groupes en difficultés sociales, seraient autant de signe d’une ville injuste, renvoyant aux travaux inauguraux de Lefebvre (1968). Appliquée à la production de sécurité, une telle conception de la justice spatiale prend en compte les inégalités d’accès à la sécurité sur une base territoriale, par exemple à travers une analyse géostatistique des répartitions des délits, ou la territorialisation de la sécurisation urbaine. Cette méthode identifie a posteriori des espaces plus ou moins concernés par certains types de délits, et permet d’identifier diverses formes d’injustices, de l’absence de pouvoir à la marginalisation, selon les catégorisations opérées par Iris Young (Dufaux, Gervais-Lambony, 2009). Ces catégorisations permettent de passer du repérage d’inégalités qualifiées d’injustes (à condition d’en faire apparaître le critère, car les inégalités en soi ne peuvent être qualifiées de telles) à l’étude des processus de production d’injustices.

In geography, the issue was first raised in the 1970s by David Harvey (1998). In the first approach, spatial justice may be considered to mean the fair or just allocation of resources in a given territory. The deprivation of some goods, the remoteness of urban amenities and the combined location of groups facing social difficulties are the signs of an unjust city, as described in the works by Lefebvre (1968). Applied to the “production” of security, such a conception of spatial justice takes inequalities in access to security into account on a territorial basis, for instance, through a geo-statistical analysis of the distribution of offences or the territorialisation of urban security.  This method identifies areas that are more or less concerned by some types of offences a posteriori and makes it possible to identify various forms of injustice – from absence of power to marginalisation, according to Iris Young’s categorisation (Dufaux, Gervais-Lambony, 2009). These categorisations help in progressing from merely spotting inequalities described as unfair (provided that the criteria can be demonstrated, since inequalities cannot in themselves be described as such), to studying the processes that produce such injustices.

Cela nous mène à une seconde approche, dans laquelle l’insécurité est perçue autant comme un bien spatialisé que comme un élément en interaction avec l’espace urbain, bref comme produit de l’espace urbain autant que facteur de production de la ville. Ces deux approches, relevant du spatial turn (Soja, 2000 ; 2010), sont théorisées par M. Dikeç (2009). Il distingue la spatialisation de l’injustice de l’injustice de la spatialité, qui renvoie à la façon dont l’espace lui-même produit et entretient des situations d’injustice. Ainsi les interactions entre justice spatiale et sécurité désignent tant la spatialisation des inégalités liées à l’insécurité et à la sécurisation que la façon dont des dispositifs spatialisés produisent une sécurité spatialement différenciée.

That brings us to a second approach, in which insecurity is perceived to be as much a “spatialised” good as a factor interacting with urban space – in other words, both a product of urban space and an urban factor of production. Both these approaches – pertaining to the “spatial turn » (Soja, 2000; 2010) – have been theorised by M. Dikeç (2009). He makes a distinction between the spatialisation of injustice and the injustice of spatiality, which refers to the manner in which space itself produces and maintains situations of injustice. Consequently, interactions between spatial justice and security designate both the spatialisation of inequalities linked to insecurity and security, as well as the manner in which spatialised apparatus produce spatially differentiated security.

Toutefois fait défaut le critère permettant d’évaluer le degré de justice spatiale : du seul constat d’inégalités ne peut être déduite une situation d’injustice. Le cadre dans lequel s’opère cette évaluation d’une situation donnée doit lui-même être construit, comme le montre L. Boltanski : « la référence critique à la justice peine à définir non seulement les ensembles à l’intérieur desquels les asymétries doivent être dévoilées, mais aussi les êtres qu’il est pertinent de prendre en compte, qu’il s’agisse des êtres humains ou non-humains » (2009). Appliquée à l’idée de justice spatiale, cela pose la question de la construction de l’espace de référence, entre la remise en cause des États comme espace de régulation, l’émergence des villes comme territoires politiques (Le Galès, 2003), l’émiettement institutionnel et la constitution de solidarités transnationales. Les constructions localisées de la justice spatiale impliquent un cadre spatial de référence, mobilisant un imaginaire spatial particulier (Dikeç, 2007), comme le montrera l'exemple de la sécurisation du centre historique de Gênes.

However, what is missing is the criteria that could help assess the degree of spatial justice – a situation of injustice cannot be deduced merely from the acknowledgement of inequalities. And as shown by L. Boltanski, the framework in which such an assessment of a given situation is reached must itself be constructed: “the critical reference to justice struggles to define not just the sets within which asymmetries must be unveiled, but also the beings that must be taken into account – whether they are human or non-human” (2009). When applied to the idea of spatial justice, this raises the issue of the construction of a reference space, somewhere between calling States into question as the regulatory space, the emergence of cities as political territories (Le Galès, 2003), the fragmentation of institutions and the formation of transnational solidarities. When spatial justice is developed locally, it implies a reference spatial framework, relying on a special spatial imaginary (Dikeç, 2007), as will be shown by taking the example of the production of secured spaces in Genoa’s historic centre.

Ainsi, plutôt que de tenter l’identification des critères objectivés permettant au chercheur d'évaluer le degré de justice spatiale contenu dans les modalités de sécurisation, cet article est basé sur l’idée d’une capacité des acteurs (parmi lesquels les habitants) à formuler un jugement de justice. Cette posture est inspirée de la sociologie pragmatique (Boltanski, Thévenot, 1991), qui prend au sérieux les évaluations faites par les individus eux-mêmes, à travers le « sens de la justice » présent dans les « critiques ordinaires » (Boltanski, 2009). Elle implique de considérer que les individus et les collectifs institutionnalisés ont une « compétence à la justice » (Boltanski, 1990), c’est-à-dire à la définition et l'évaluation de situations. Les échanges ou controverses entre acteurs en font apparaître les critères, « ordres de grandeur » qui renvoient à différents registres de légitimation, basés sur l’idée de « principes supérieurs communs » permettant un accord sur le caractère juste d’une situation. L'exigence de justice spatiale est ainsi internalisée au monde social-spatial, permettant de faire droit à une pluralité de conceptions de la justice spatiale, dont il s’agit d’étudier les manifestations, discours, effectivités et cohérences. Cette démarche peut être rapportée à l’idée d’une justice procédurale, « définie et négociée entre plusieurs acteurs parties prenantes » (Dufaux, Gervais-Lambony, 2009), mais sans postuler le caractère juste en soi du résultat, comme le montre le débat participatif concernant la reconversion du Bronx Terminal Market analysée par S. Fainstein (2009). De la même façon, analysant des conflits sur les transports publics à Los Angeles, E. Soja (2010) fait apparaître les « visions contrastées de l'équité et de la justice », qui fondent les positions des différents groupes en conflit. Cette idée d’une pluralité des conceptions possibles de la justice spatiale, portées par des acteurs différents à travers conflits ou négociations, constitue l’axe de ce travail.

Thus, rather than attempting to identify objective criteria enabling the researcher to assess the degree of spatial justice contained in security modalities, this article is based on the idea of the ability of actors (including inhabitants) to judge justice. This position draws its inspiration from the pragmatic school of sociology (Boltanski, Thévenot, 1991), which takes a serious view of assessments made by individuals themselves through the « sense of justice » that « ordinary critics » have (Boltanski, 2009). It involves considering that individuals and institutionalised groups have a certain « competence in justice » (Boltanski, 1990), i.e. the skill to define and assess situations. Discussions or controversies between actors reveal criteria – certain « orders of magnitude » referring to different types of legitimisation. These types of legitimation are based on the idea of « superior common principles » enabling an agreement on the fair or unfair nature of a situation. The need or demand for spatial justice is therefore internalised within the socio-spatial world, making it possible to accept a multitude of conceptions of spatial justice; all their manifestations, discourses, effectiveness and coherence would be studied. Such an approach may be related to the idea of procedural justice, « defined and negotiated between several stakeholding actors » (Dufaux, Gervais-Lambony, 2009), but without affirming the nature of the outcome as just in itself, as evidenced by the participatory debate on the redevelopment of the Bronx Terminal Market analysed by S. Fainstein (2009). Likewise, by analysing the public transport conflicts in Los Angeles, E. Soja (2010) showed the « contrasting visions of equity and justice » that can be found at the root of the stands taken by different parties to a conflict. The idea of a plurality of possible conceptions of spatial justice put forward by different actors through conflicts or negotiations is the main thrust of this article.

L’étude est issue de missions de recherches menées à Gênes entre 2006 et 2008, permettant entretiens formels et échanges informels avec les acteurs de la transformation de la sécurisation du centre historique (acteurs publics institutionnels, habitants mobilisés dans divers projets de sécurisation, acteurs du tissu associatif local), des phases d'observation, et une étude des documents urbanistiques et de la presse locale[1] (entre 1997 et 2010).

The study is the outcome of research trips to Genoa between 2006 and 2008, which made it possible to conduct formal interviews and informal discussions with the historic centre’s actors who led to the transformation of its security situation (public institutional actors, inhabitants mobilised in various security projects, actors from local associations), along with phases of observation and a study of urbanistic and local press documents[1] (1997-2010).

 

 

Gênes et la naissance de l’insécurité comme problème urbain

Genoa and the emergence of insecurity as an urban problem

Le centre historique de Gênes se distingue par sa morphologie particulière, résultat de processus urbanistiques de destructions et protections, et est à présent constitué en territoire de l’action publique dans le cadre de la régénération urbaine (Gazzola, 2003), identifié depuis 1976 dans les différents plans régulateurs de Gênes[2]. Marqué par un processus de délabrement du bâti, le centre historique devient un espace d’intervention sur ses 113 hectares, notamment en vue de la préparation de l’événement Colombiane de 1992 sur le port ancien qui jouxte les espaces médiévaux. D’autres événements urbains (G8 de 2001, Capitale Européenne de la Culture en 2004) sont l’occasion de mobiliser des financements publics importants (Masboungi, 2004) et d’opérer une réhabilitation du centre historique de Gênes. Dans ce contexte, la question de la sécurité est présente dès l’origine, sous la forme de revendications citoyennes ou au sein de programmes urbanistiques. Elle est relayée dans le centre historique de Gênes par la presse locale : les relevés d’articles pour les années 1984 et 1987 montrent une couverture importante de la micro-criminalité dans le centre historique, et une présentation d’espaces qui seraient criminogènes par leur forme même : le centre historique est réduit à ses ruelles, vicoli ou carruggi, théâtre des agressions, overdoses et parfois crimes.

Genoa’s historic centre stands out because of its special morphology, an outcome of urbanistic processes of destruction and protection, and is currently established as a public action territory within the framework of urban regeneration (Gazzola, 2003), identified as such in different regulatory plans[2] in Genoa since 1976. Marked by the dilapidation of the built area, the historic centre became the target for interventions covering 113 hectares, particularly in view of the preparations for the 1992 Colombiane event at the old port, adjoining the medieval area. Other urban events (the G8 in 2001, European Cultural Capital in 2004) offered further opportunities for mobilising massive public funds (Masboungi, 2004) in order to proceed with the rehabilitation of Genoa’s historic centre. In this context, the issue of security was present right from the beginning, in the form of citizens’ demands or as part of urbanistic programmes. It was also taken up by the local press in Genoa’s historic centre – a series of articles published between 1984 and 1987 reveal an extensive coverage of petty crimes in the historic centre and the presentation of areas that could be considered as being conducive to crime due to their shape itself; the historic centre was reduced to its lanes and by-lanes – called vicoli or carruggi – seen as a hub for muggings, overdosed drug-addicts and sometimes crime.

Toutefois cette mise en avant de l’insécurité s’opère sans consensus et à travers d’importants conflits principiels. En effet, l’insécurité est envisagée ici non sous sa forme ressentie ou statistique, mais comme catégorie politique, au sens où la naissance et la mobilisation de l’idée d’insécurité urbaine modifie les priorités et modalités de l’action publique (Bonelli, 2010). La question de l’insécurité des espaces du centre historique de Gênes est posée par des groupes de citadins aux orientations variées, tandis que les réponses apportées par les acteurs publics ont évolué, tout en entraînant une cristallisation des principes d’intervention.

However, the focus on insecurity was not based on any consensus, and appear through  major conflicts based on principlesIndeed, insecurity was envisaged here not in the form of a feeling or statistics, but as a political category, in the sense that the emergence and mobilisation of the idea of insecurity could change the priorities and modalities of public action (Bonelli, 2010). The issue of the insecurity of areas in Genoa’s historic centre was highlighted by citizens’ groups of varied orientations, whereas the responses of public actors gradually changed, leading to a crystallization of the principles of intervention.

Dans les années 1980 se mettent en place des comités d’habitants qui fustigent la dégradation du bâti et la présence de toxicomanes dans les ruelles du centre. La question de la sécurité est posée explicitement, avec un appel à l’intervention des pouvoirs publics, dont l’action est présentée sur le registre de l’abandon (Associazione per la Rinascita del Centro Antico, 1992), tandis que la relation entre immigrés et insécurité est faite de façon croissance par certains de ces comités. Le mouvement de comités se scinde alors en deux groupes, l’un entrant dans une démarche participative autour de programmes de requalification urbaine, adhérant à l’idée que l’intervention urbanistique est le préalable à la résolution des autres problèmes (Besio, 1999), l’autre accentuant la dimension sécuritaire des demandes, et s’auto-organisant : ainsi à la fin des années 1980 sont mis en place des rondes d’habitants, qui armés de bâtons s’en prennent à certains individus jugés indésirables (vendeurs de drogue notamment). Certains commerçants évoquent en entretien cette période, en légitimant l’action menée par l’incapacité des pouvoirs publics.

In the 1980s, Residents’ Committees were formed that castigated the dilapidation of the built-up area and the presence of drug addicts in the centre’s lanes and by-lanes. The issue of security was raised explicitly, with an appeal for intervention by the authorities, whose activities were till then seen as a complete abandonment of the area (Associazione per la Rinascita del Centro Antico, 1992), while the relationship between immigrants and insecurity was increasingly evoked by some of these committees. The committee movement then split up into two groups; while one initiated a participatory approach based on urban requalification programmes, subscribing to the idea that urbanistic interventions were a prerequisite for the resolution of other problems (Besio, 1999), the other group highlighted the security-related dimension of the inhabitants’ demands and did some self-organisation. Thus, at the end of the 1980s, patrolling by groups of residents, armed with sticks, was initiated, and they went after certain so-called undesirable elements (drugs peddlers in particular). While speaking of this period during interviews, some of the traders legitimised these activities by ascribing the fault to the authorities’ powerlessness.

À l’inverse pour les autorités publiques, la question de la sécurité est seconde : l’intervention sur le bâti et la régénération urbaine sont la promesse d’une résolution des problèmes de sécurité. Ainsi l’insécurité est analysée dans les documents de diagnostic du centre historique produits par l’observatoire communal du centre historique CIVIS ou dans la justification du projet Urban 2 comme une des dimensions du « degrado sociale ». Giuseppe Pericu, maire de Gênes de 1997 à 2007 (coalition de gauche), commente ses deux mandats dans un ouvrage-bilan (Pericu, Leiss, 2007) : alors que le centre historique occupe une place importante de sa narration, la question de la sécurité n’est pas une entrée du discours.

Conversely, for the authorities, the security issue came second. For them, interventions in the built-up area and urban regeneration seemed to hold the promise of resolving security problems. Consequently, the lack of security was analysed in the diagnostic documents on the historic centre produced by the historic centre’s commune-level observatory, CIVIS, or in the argument defending the URBAN 2 project, as one of the dimensions of « degrado sociale » (social degradation). Giuseppe Pericu, Genoa’s Mayor from 1997 to 2007 (left coalition), commented on his two terms in office in a book reviewing this period (Pericu, Leiss, 2007); while the historic centre occupied an important place in his narrative, the issue of security was not used as an entry point for his discourse.

En revanche, Marta Vincenzi, nouvelle maire en 2007, issue de la même coalition, modifie les hiérarchies, sous l’effet d’une prégnance plus forte de cette question au niveau national. Un service à la sécurité urbaine est créé, avec pour assesseur F. Scidone. Or cette mutation n’est pas seulement le résultat de l’arrivée d’une nouvelle équipe municipale. En effet, depuis plusieurs années, le gouvernement régional élabore une réflexion sur la sécurité urbaine, en collaboration avec les municipalités, et tant la proximité géographique des lieux du pouvoir entre la mairie de Gênes et le bâtiment de la région Ligurie que les concordances politiques[3] favorisent les échanges formels (colloques) et informels entre élus et techniciens régionaux et municipaux. En outre, cette mise en avant de la sécurisation dans les politiques municipales est conforme aux dispositions nationales italiennes. Sous l’impulsion du gouvernement national sont mis en place les Patti di sicurezza, entre la préfecture, la commune, la région, la province, qui s’accordent sur des objectifs communs. Cet instrument s'inspire des Contrats Locaux de Sécurité créés en France en 1997 (Bonelli, 2010). Le pacte de sécurité est conclu en juin 2007 à Gênes, et définit les engagements communs et les priorités d'intervention (contrôle de la prostitution, requalification urbaine à des fins de sécurisation, …). La commune apparaît dès lors comme acteur légitime de la régulation sécuritaire, renforcé par le décret national du 8/8/2008. Ces transformations posent la question des modèles de sécurisation du centre.

On the other hand, Marta Vincenzi, the new Mayor elected in 2007 and a member of the same coalition, changed the order of priorities, in view of the greater predominance of the security issue at the national level. An urban security department was established, with F. Scidone as the assessor. However, this change was not merely the outcome of the advent of a new municipality team; in fact, for several years, the regional government, along with the municipal authorities, had been thinking about urban security and both the geographical proximity of the seats of power between Genoa’s Town Hall and the Ligurie Region’s building, and their political concordance[3], promoted informal and formal discussions (symposiums) between elected representatives and regional and municipal technicians. In addition, the emphasis on security in municipal politics was in line with Italy’s national-level measures. Under the impetus of the national government, a series of Patti di sicurezza or security pacts were set up between the prefecture, commune, region and province, which then agreed on common objectives. This instrument drew inspiration from the Local Security Contracts drawn up in France in 1997 (Bonelli, 2010). The security pact was concluded in June 2007 in Genoa, defining shared commitments and intervention priorities (prostitution control, urban requalification for the purposes of security, etc.). The municipality then emerged as a legitimate actor for regulating security, reinforced by the 8/8/2008 national decree. These changes then raised the issue of the centre’s security models.

 

 

2 Les principes publics de la sécurisation du centre

2. Public principles for the centre’s security

La sécurisation du centre implique de définir la conception de la justice spatiale sous-jacente à l’action publique, puis de faire apparaître les catégorisations opérées pour agir sur l’insécurité.

The production of secured spaces in the historic center called for the concept of social justice underlying public action to be defined.Next we’ll have to study the categorisations that are formulated to act on insecurity.

 

 

Réseaux d’acteurs et principes de sécurité, quelle conception de la justice spatiale ?

Actors’ networks and principles of security – what kind of spatial justice?

Les entretiens menés auprès des acteurs publics révèlent la volonté de rattacher la sécurisation urbaine à des principes. En effet, les acteurs de la sécurité au sein de la municipalité de Gênes se réclament de nouvelles méthodologies d’intervention, synthétisées par le FISU, Forum italien de la sécurité urbaine. Le FISU constitue une émanation de l’European Forum for Urban Safety (EFUS), fédération de collectivités territoriales créée en 1987 par l’ancien maire d’Épinay-sur-Seine, Gilbert Bonnemaison, actif dans le champ de la sécurité municipale dans les années 1980 et 1990. L’EFUS rassemble en 2010 plusieurs centaines de collectivités en Europe, notamment en France, Belgique, Espagne, Italie et Portugal. Son action est basée sur une logique préventive et intégratrice (Bonelli, 2010). Le FISU est formé en 1996 et rassemble près de cent collectivités territoriales italiennes. Il agit comme réseau-relais entre des théories et pratiques élaborées à l’étranger et les praticiens et élus italiens, permettant l’accommodation de programmes et les échanges d’expériences.

The interviews conducted with public actors revealed the desire to base urban security on principles. In fact, security actors in Genoa’s municipality claimed to follow the new intervention methodologies summarised by the FISU or Italian Forum for Urban Security. The FISU was an offshoot of the European Forum for Urban Safety (EFUS), a federation of local governments established in 1987 by the former Mayor of Épinay-sur-Seine, Gilbert Bonnemaison, active in the field of municipal security in the 1980s and 1990s. In 2010, the EFUS brought together several hundred local authorities in Europe, particularly in France, Belgium, Spain, Italy and Portugal. Its activities were based on a preventive and integrational rationale (Bonelli, 2010). The FISU was formed in 1996 and brought almost a hundred Italian local governments together. It acted as a relay- network between theories and practices formulated abroad and Italian practitioners and elected representatives, making it possible to adapt programmes and initiate exchanges of experience.

En effet, le FISU édite un certain nombre de préconisations, et se démarque explicitement d’autres formes de sécurisation centrées exclusivement sur le volet répressif ou la prévention situationnelle. Parmi ses principes fondateurs se trouvent l’équilibre entre liberté et sécurité, et l’idée que la sécurité est atteinte plus efficacement par une meilleure intégration et une plus juste répartition des ressources au sein de la ville. Ainsi une condition de répartition socio-spatiale juste est posée, illustrant l'idée d’une justice spatiale interne aux pratiques et discours des acteurs, de façon assumée puisqu’un ouvrage recensant 100 bonnes pratiques évoque « la philosophie intégrale qui oriente les politiques de sécurité » (FISU, 2008). Le manifeste adopté en 2000 par le Forum Européen à Naples, « Sécurité & démocratie, le manifeste des villes », promeut le développement de villes multiculturelles et l’intégration de la sécurité aux politiques urbaines. Il met en avant le principe de la nécessité de « l’inclusion » et de la « prévention », tandis que les politiques exclusivement répressives sont jugées inefficaces. La dimension politique de la sécurisation est posée, permettant d’aller à l’encontre d’une réponse strictement technique qui escamote le débat sur les principes.

In fact, the FISU published a certain number of recommendations and clearly stood apart from other forms of security that were based exclusively on repression or situational prevention. Among its founding principles is the balance between freedom and security and the idea that security is achieved more effectively through better integration and a fairer distribution of resources within the city. Thus, one prerequisite for fair socio-spatial distribution is put forward, illustrating the idea of a spatial justice that is internal to actors’ practices and discourses, and it seems to be accepted as a publication listing 100 best practices mentions “the complete philosophy guiding security principles » (FISU, 2008). The manifesto adopted in 2000 by the European Forum in Naples, « Sécurité & démocratie, le manifeste des villes » (Security and Democracy – The City Manifesto), promotes the development of multi-cultural cities and the inclusion of security in urban policies. It puts forward the principle of the need for « inclusion » and « prevention », while exclusively repressive policies are deemed inefficient. The political dimension of security was therefore laid down, making it possible to oppose strictly technical responses that evaded the debate on principles.

Forum de collectivités locales, ce réseau est porté par l’idée que les villes constituent des rouages et partenaires fondamentaux de l’action publique en terme de sécurité, en mettant en œuvre ses principes fondamentaux diffusés par le partage d’expériences, grâce aux publications consacrées à des compilations de bonnes pratiques. Des formations et séminaires sont proposés aux élus et techniciens locaux, par des praticiens dotés souvent d’une double casquette universitaire et d’acteur public local. La consultation des cours donnés aux responsables et cadres locaux révèle une approche théorique et pratique, mobilisant les théoriciens de la ville et de la sécurité urbaine. Toutefois cela ne signifie pas une adaptation directe des modèles ; au contraire, un travail critique est fait, par exemple en se démarquant de la prévention situationnelle. Ainsi un des formateurs déclare : « Une communauté sûre est une communauté qui prend soin d’elle-même, n’abandonnant aucun de ses membres en difficulté[4]. » (Bonaposta, 2006), ce qui implique des interventions de prévention destinées à créer davantage de lien social. À l'inverse, la prévention situationnelle est jugée inefficace et injuste, laissant « inchangées les causes des problèmes, se limitant seulement, en substance, à les déplacer ailleurs » (FISU, 2006 / cours de D. Bonaposta). Ainsi les principes et modalités d’action portés par le FISU font apparaître une vision spécifique de la justice spatiale articulée à des politiques de prévention, en opposition avec les modèles de la prévention situationnelle et de la répression. Son espace de référence est la ville et pas le quartier, impliquant de considérer à cette échelle les conséquences des politiques de sécurisation menées.

A forum of local authorities, this network is motivated by the idea that cities are the fundamental cogs in the wheel and the main partners in public action regarding security, by implementing its fundamental principles through a sharing of experiences via publications compiling best practices. It offers training programmes and seminars for elected representatives and local technicians, imparted by expert practitioners often wearing two hats – an academician’s and a local public actor’s hat. The courses offered to local officials and management staff include a theoretical as well as practical approach, mobilising urban theoreticians and urban security. However, this does not mean that models are to be directly adapted; on the contrary, a critical study is undertaken, for instance by  standing out from  situational prevention. Thus, one of the trainers said, “A safe community is a community that looks after itself and does not abandon any of its members facing difficulties[4]” (Bonaposta, 2006). This implies preventive measures that seek greater social linkages. Conversely, situational prevention is deemed ineffective and unjust, as it leaves the « cause of the problems unchanged, only limiting itself, in substance, to pushing them elsewhere » (FISU, 2006/class by D. Bonaposta). Thus, the principles and modalities of action promoted by the FISU present a specific vision of spatial justice related to preventive policies, as opposed to situational prevention and repression models. Its reference space is the city and not district, which means that the consequences of security policies must be taken into consideration at this scale.

La municipalité de Gênes adhère activement à ce réseau. La région Ligurie en est également un membre actif, menant des expérimentations dans les différentes villes de la région, dont Gênes. De plus, Claudio Montaldo, adjoint à la sécurité de la région, est depuis plusieurs années président du FISU. Dans cet échange de principes et recommandations autour des politiques locales de sécurisation, la région Ligurie apparaît comme un acteur-relais clef. Un observatoire régional de la sécurité urbaine est monté, dirigé Stefano Padovano, sociologue spécialisé dans l’étude des insécurités urbaines, et son action est suivie directement par Claudio Montaldo. Les expérimentations menées par la région sont relayées par la commune de Gênes, en dépit de quelques divergences (sur l’usage de la vidéosurveillance). Un autre indice de cette conception multidimensionnelle de la sécurité est l'intégration en 2007 au secteur municipal Città sicura de la sociologue Carla Costanzi[5], qui auparavant gérait un service municipal consacré aux problèmes générés par le vieillissement de la population. Ce changement de service est un signe de l’articulation plus forte entre enjeux de société et enjeux de sécurité. La sécurisation urbaine est articulée aux politiques municipales et régionales d’intervention sociale, et repose sur deux piliers : « welfare et requalification urbaine » (entretien S. Padovano, 2008).

Genoa’s municipal authorities actively subscribe to this network. The Ligurie Region too is an active member, conducting experimentations in its different cities, including Genoa. In addition, Claudio Montaldo, the region’s deputy security in-charge has been the FISU president for several years. In the discussions on principles and recommendations related to local security policies, the Ligurie Region has emerged as a key connector and actor. A regional urban security observatory was set up, led by Stefano Padovano, a sociologist specialising in the study of urban insecurities, and Claudio Montaldo monitored its activities directly. The experiments conducted by the region were taken over by the Genoa commune, despite some differences (on the use of video surveillance). Another indication of the multi-dimensional conception of security was the inclusion of the sociologist, Carla Costanza[5] – who previously managed a municipal department that dealt with problems related to the ageing of populations – in the Città sicura municipal department in 2007. The change in department was a sign of greater linkages between social issues and security issues. Urban security was linked to municipal and regional social intervention policies, and was based on two pillars: « welfare and urban requalification » (interview with S. Padovano, 2008).

Les reconfigurations des cadres de l'action publique en matière de sécurisation à Gênes (principes, réorganisations, acteurs mobilisés) s'appuient ainsi sur les recommandations du FISU, déployant une conception particulière de la justice spatiale, basée sur l'idée de la ville comme espace d'intervention et du nécessaire traitement social de la sécurité.

The reconfiguration of public action framework in the field of security in Genoa (principles, re-organisation, actors mobilised) was therefore based on the FISU’s recommendations, deploying a specific conception of spatial justice, rooted in the idea of the city as an area of intervention and of the necessity of handling security through a social prism.

 

 

Gérer les mobilités pour sécuriser les espaces

Managing mobilities to produce secured spaces

Aux recommandations du FISU s'ajoutent d'autres logiques d'intervention sur le long terme, notamment la promotion d'un principe circulatoire et les catégorisations des usagers légitimes, dévoilant une conception de la justice spatiale plurielle, fonctionnant aussi à une autre échelle, en définissant qui a vocation à occuper les espaces réhabilités.

Other long-term intervention rationales were added to the FISU’s recommendations, particularly the promotion of a principle concerning human circulation and the categorisations of legitimate users, unveiling a pluralistic conception of spatial justice, and functioning at another scale as well, by defining who should occupy the rehabilitated areas.

Les premières prises en compte de la sécurité dans les interventions urbanistiques dans les années 1980 reposent sur un postulat qui irradie depuis lors les acteurs publics locaux : la circulation des individus au sein des espaces en crise permet leur récupération et sécurisation. Le premier projet (non réalisé) de ce type est élaboré par l’architecte génois De Carlo pour le secteur de Pré et de la Darsena dans les années 1980, un des plus dégradés, dans le cadre de la régénération urbaine du centre historique préparant l’événement urbain de 1992. Dans ce projet, la création de circulations par la réalisation d’équipements polarisateurs est l’instrument du changement urbain puisque la réhabilitation est « entièrement subordonnée à la réalisation de liaisons efficaces avec le tissu urbain qui lui fait face et de façon plus générale avec la ville » (De Carlo, 1987). Les modalités de récupération du centre historique dans les années 1990 semblent également s’y conformer : les narrations des mutations du centre historique faites en entretien par divers acteurs insistent sur le rôle inaugural de l’implantation d’équipements culturels et universitaires (faculté d’architecture, théâtre de la Tosse), par leur capacité à attirer de nouveaux usagers. Toutefois, les circulations générées produisent de nouveaux usages qui n’aboutissent pas à la simple disparition de pratiques illégales, mais reconfigurent les relations entre pratiques légales et illégales. Ainsi le quartier Sarzano du centre historique est devenu suite à la régénération urbaine des années 1990 un lieu de sortie nocturne pour étudiants et jeunes salariés, générant une relocalisation de pratiques liées à la consommation de drogues. Les activités illicites ne fonctionnent pas séparées du reste de la ville, mais en relation (Dal Lago et Quadrelli, 2006), rendant complexe l’application du principe de circulation.

The first times security was taken into consideration in urbanistic interventions in the 1980s, it was based on a premise that has been upheld since then by local public actors: human traffic flows within crisis areas contribute to their recovery and security. The first (unrealised) project of this type was prepared by the Genoese architect, De Carlo, for the Pré and Darsena neighbourhoods in the 1980s – among the most dilapidated areas – within the framework of the historic centre’s urban regeneration plan, in preparation for the 1992 urban event. Under this project, the creation of human traffic flows through the development of attractive facilities was used as an instrument for bringing about urban changes, since rehabilitation was « entirely subordinated to the establishment of effective transportation links with the urban space facing it and with the city in general » (De Carlo, 1987). The historic centre’s rehabilitation modalities in the 1990s also seemed to comply with this principle; the stories about the changes that took place in the historic centre recounted during interviews with various actors emphasise the role initially played by the establishment of cultural and university facilities (Faculty of Architecture, La Tosse theatre) because of their ability to attract new users. However, the traffic flows thus generated led to new usages that did not lead merely to the disappearance of illegal practices, but, rather, restructured the relationships between legal and illegal practices. Consequently, the historic centre’s Sarzano district became a late-night hangout for students and young employees, leading to the relocation of practices related to drug consumption, following the 1990 urban regeneration. Illicit activities did not take place away from the rest of the city, but in relation to it (Dal Lago and Quadrelli, 2006), making the application of the human traffic flow principle even more complex.

Ce même principe est mobilisé dans les interventions ultérieures. L'espace portuaire Darsena est finalement transformé dans les années 2000, avec l’implantation de la faculté d’économie, générant de nouvelles circulations étudiantes le long des carruggi[6] entre Darsena et via Balbi, traversant la via di Pré, point focal des craintes en terme de sécurité. De même le plan de sécurité élaboré pour le programme d’initiative communautaire Urban 2 (2001 - 2006) mentionne comme stratégie contre l’insécurité la création d’un « flux consistant de personnes capable d’influer sur le [contexte] social, en misant beaucoup sur la création d’hôtels et de logements pour étudiants » (Comune di Genova, Settore Centro Storico, Piano della Sicurezza). Sur la base de ce constat est lancé un programme de création de commerces dans le centre historique, à travers l’incubateur d’entreprises (loi nationale Bersani 266/97), service co-financé par la région et la municipalité apportant une aide aux commerces dans les quartiers en crise[7]. Les nouvelles mobilités générées par les pratiques commerciales (correspondant aux usagers rêvés : touristes, étudiants, gentrifiers) sont supposées constituer un élément de sécurisation. À rebours tout espace en dehors de ces dynamiques circulatoires devient criminogène comme l’indiquait la précédente déléguée municipale à la sécurité Angela Burlando (entretien, 2006) : « le jeune qui vend de la drogue, où va-t-il ? il va surtout dans un environnement qui n’est pas fréquenté, et [un environnement] moins fréquenté est plus dégradé, alors le centre historique a été pendant des années un espace de référence pour la criminalité locale ».

The same principle was applied for subsequent interventions. The Darsena port area was finally transformed in the 2000s, with the establishment of the Economics Faculty, generating new student traffic along the carruggi[6] between Darsena and via Balbi, crossing the via di Pré, the focal point of security related fears. In the same way, the security plan drafted for the Community Initiative Programme, Urban 2 (2001-2006) refers to the creation of a « constant flow of people able to influence the social [context], banking heavily on the construction of hotels and lodgings for students » as a strategy against insecurity (Comune di Genova, Settore Centro Storico, Piano della Sicurezza). On the basis of this observation, a programme for the establishment of shops and stores in the historic centre was launched through the enterprise incubator (266/97 Bersani National Act) – a department co-funded by the region and the municipality, which provides support to shops and stores in crisis-hit districts[7]. The new traffic flows and mobility generated by commercial practices (corresponding to the ideal users: tourists, students, « gentrifiers ») were supposed to constitute an additional security factor. On the other hand, the entire area outside these traffic flow dynamics became conducive to crime, as mentioned by the municipal representative for security, Angela Burlando (interview, 2006): « where do young drug peddlers go? They go essentially to areas that are not so busy, and [an area] that is not very popular is more dilapidated, whereas for years together, the historic centre has been a prime area for local criminality ».

Certaines formulations prennent la forme de la reconquête, par exemple cette présentation du projet du Ghetto, quartier ancien perçu comme dégradé : « Il s’agit d’une tentative de coloniser les parties les plus abandonnées de la ville, qui cependant conservent un certain mystère, à travers une série de phénomènes qui ont contribué à [y] porter une série de personnes qui vivaient en dehors de cette zone au sein du centre historique, entraînant le remplissage de ses places, grâce à des concerts et des événements » (Giberti, 2006). Ici la circulation doit aboutir à une « mixité sociale » supplémentaire, laquelle renvoie à l’arrivée de nouvelles couches sociales, perçue comme condition du renouvellement urbain autant que comme adjuvant de la revalorisation immobilière (comme le confirment les entretiens menés entre 2005 et 2009 avec B. Gabrielli, adjoint à l’urbanisme, ou certaines agences immobilières spécialisées tel Pugliese). À l’inverse, les circulations d’individus avant le processus de régénération urbaine font l’objet d’une déqualification. Par exemple, selon le fondateur du théâtre de la Tosse, avant son implantation le quartier de Sarzano « était désert avec le bar siège du jeu clandestin, personne ne venait » (entretien 2006). Il ne s’agit ainsi pas de favoriser l’anonymat à travers une circulation généralisée, mais bien de maîtriser les catégories circulatoires.

Some formulations took the form of a re-conquest – for instance, the following presentation of the Ghetto project, a former district seen as having deteriorated: « It is an attempt to colonise the most deserted areas of the city, which nonetheless retain a certain mystery, through a series of phenomena that contributed to bringing [in] a string of people who used to live outside the area to the historic centre, leading to its squares filling up, thanks to concerts and events » (Giberti, 2006). Here, traffic was supposed to lead to a further « social mixing », which related back to the advent of new social strata, perceived as a prerequisite for urban renewal and as an additive for real estate value addition (as confirmed by interviews held between 2005 and 2009 with B. Gabrielli, urban development assistant at the municipality, or by certain specialised real estate agencies, such as Pugliese). Conversely, the individuals that circulated in those spaces before urban regeneration are regarded as insignificant. For instance, according to the founder of the La Tosse Theatre, before it was built, the Sarzano district « was deserted, with the bar becoming a hub for clandestine gaming – nobody came here » (meeting in 2006). Hence, it was not about promoting anonymity through widespread human traffic, but about actually controlling the traffic categories.

Toutefois, ce principe induit une tension entre un droit de tous à circuler dans la ville ancienne requalifiée, et une spécification des usagers désirés. En effet, il s’accompagne d’une volonté d’éviction de certaines marginalités incarnées par des individus typifiés, qui apparaissent en creux ou comme cible des politiques menées.

However, this principle led to tension between everyone’s right to movement in the regenerated old town, and the specification of the desirable users. In fact, it was accompanied by the determination to evict certain marginal groups incarnated by typified individuals, who seemed to be at the bottom of the heap or the targets of the policies implemented.

 

 

3. Définir les usagers légitimes des espaces

3. Defining the legitimate users of urban areas

Après avoir examiné les principes publics de sécurisation et leur articulation avec la justice spatiale, cette dernière partie est consacrée aux productions émergentes de sécurisation, manifestant cette idée d'une origine multifocale, publique et privée, formelle et informelle, de la sécurité. Les controverses en termes de justice spatiale portent sur la catégorisation des usagers légitimes ou non, entre éviction et négociations, et les dispositifs qui les accompagnent.

After having examined the public principles of security and their connections with spatial justice, this latter section is devoted to emerging security-related productions – manifestations of the idea of a multi-focal, public and private, formal and informal source of security. The controversies in terms of spatial justice relate to the categorisation of users as legitimate or not, between eviction and negotiations, and the accompanying mechanisms.

 

 

Ouvrir, fermer : prise de contrôle privée sur l’espace et légitimités concurrentes

Opening, closing: Private control over space and concurrent legitimacies

Face aux échecs supposés de la municipalité, des réactions populaires se mettent en place, et prônent une auto-organisation, avec une action sur l’espace urbain lui-même, à travers l’installation de portails pour fermer des ruelles, désormais réservées aux habitants des maisons concernées, qui disposent de la clef. Les fermetures de voies publiques s’inscrivent dans un débat politique important au sein de la ville, avec deux types de légitimations.

Faced with the municipality’s supposed failures, people started reacting to the situation, favouring self-organisation, acting on the urban area itself, by installing gates to close-off lanes in their areas, which were thenceforth reserved for the houses concerned, which alone held keys to them. The closing down of public pathways took place within the framework of a major political debate within the city, with two types of legitimisations.

D’une part, une partie des habitants et des comités revendiquent un droit à la sécurité pour chaque résident dans son espace domestique et ses alentours. Fiorella Guarnero, moteur de ces mouvements, me montre en entretien des coupures de presse et des photos représentant de jeunes individus allongés au milieu de seringues dans une ruelle du centre. Il s’agit de me convaincre du caractère légitime de la fermeture, et cela passe par un droit à la sécurité, jugé au-delà des incuries de l’intervention publique, donnant droit aux citadins « de bonne volonté » de s’auto-organiser. Certains élus de droite dans les conseils de quartier justifient pareillement les actions menées par certains habitants par la nécessité de prendre en main sa propre sécurité. Une expression récurrente est « non è terra di nessuno (no man's land) » (repérée dans plusieurs entretiens en 2008, avec élus de quartier ou habitants proches de ces positions), citation ambivalente qui désigne à la fois la volonté d’éviter toute appropriation arbitraire et le caractère marginal de ceux supposés aujourd’hui contrôler de façon illégitime cet espace, dont la nationalité étrangère, notamment marocaine, est souvent précisée. Cette position d’auto-organisation repose sur des principes discordants par rapport à ceux de la municipalité, et se manifeste par toute une gamme de logiques d’intervention : accusations publiques, écrits relayant leurs positions (Guarnero, Simonetti, 2008), pétitions, alliances et collaborations avec d’autres acteurs, notamment la préfecture ou la police, … Le président du conseil municipal de quartier, Aldo Siri, proche de ces mouvements, identifie une « solidarité déviante » (entretien 2008) pour caractériser les modalités dominantes d’intervention à Gênes : sous prétexte de tolérance tout serait accepté (nuisances nocturnes, ivresse sur la voie publique). Cela établit un volontaire contraste avec les recommandations du FISU, comme le montre la reprise du terme « solidarité ». La justification du positionnement sécuritaire met en œuvre un critère d’efficacité, et une différenciation plus nette des individus entre habitants et usagers moins légitimes. L’idée d’injustice spatiale est présente dans ces mobilisations, et repose sur un décalage entre la situation actuelle du centre historique et les légitimes prétentions des habitants légitimes que sont ces Génois face aux appropriations arbitraires. Les fermetures des ruelles sont légitimées en tant qu’auto-défense rendue nécessaire par l’incurie publique. Ce dispositif spatial, multilocalisé, vise à une remise en ordre socio-spatial.

On the one hand, part of the inhabitants and some committees claimed each resident’s right to security within their domestic space and its surroundings. During a meeting, Fiorella Guarnero, the driving force behind these movements, showed me press cuttings and photos showing people lying surrounded by syringes in a lane in the city centre. The aim was to convince me of the legitimacy of closing-off the lanes, based on the right to security, deemed to be above and beyond negligence of public interventions, giving citizens with « goodwill » the right to organise themselves. Some rightist elected representatives in the District Councils offered the same justification for the actions taken by certain inhabitants due to their need to take their security into their own hands. A recurring expression used was, « non è terra di nessuno (no man’s land) » (mentioned during several interviews in 2008 with elected representatives of the area or inhabitants close to these positions) – a rather ambivalent quotation that designates both the desire to avoid any arbitrary appropriation and the marginal nature of those who were supposedly controlling the area illegitimately, whose foreign nationality – notably Moroccan – was often specifically mentioned. The self-organisation stand taken was based on principles that conflicted with those of the municipality, and took shape through a gamut of different approaches to intervention: public accusation, writings declaring their positions (Guarnero, Simonetti, 2008), petitions, alliances and collaborations with other actors, especially the prefecture or the police, etc. The district’s Municipal Council Chairman, Aldo Siri, close to these movements, used the term « deviant solidarity » (interview, 2008) to characterise the predominant modalities of intervention in Genoa – in the name of tolerance, everything could be considered acceptable (nocturnal nuisance, drunkenness on public roads, etc.). This was in deliberate contrast to the FISU’s recommendations, as shown by the use of the term of « solidarity ». The justification for the security-related stand brought the criterion of efficiency into play, and a clearer differentiation of individuals – between the area’s inhabitants and less legitimate users. The idea of spatial injustice was present in these mobilisations, and was based on the gap between the current situation of the historic centre and the legitimate claims of its legitimate inhabitants – the Genoese facing such arbitrary appropriations. The closing-off of the lanes was legitimised as self-defence, made necessary due to the negligence of the authorities. This multi-location, spatial mechanism was aimed at a socio-spatial restoration.

À l’inverse, une autre partie des habitants du centre fustigent les fermetures d’espaces, au nom de la qualité même de l’espace public. Des actes de vandalisme sont réalisés, avec sabotage de serrures. Le Comitato Santa Brigida, association d'action sociale de quartier (sur les hauteurs du centre historique), organise en 2008 un questionnaire auprès des habitants, pour légitimer sa position. Les membres de cette association critiquent la gestion individualisée du problème par la municipalité, qui autorise l’installation de portails de façon discrétionnaire, dès lors que quelques habitants se plaignent, pour calmer les protestations. L’échelle territoriale de référence de ces citadins (entretiens 2008) est la ville et pas seulement leur propre quartier : fermer une ruelle déplace le problème de la toxico-dépendance ailleurs. Ces deux positions reposent bien sur des argumentaires politiques, qui font place à une conception propre de ce qui est juste ou non, en prenant appui sur une territorialisation spécifique, et envisagent les conséquences en matière de justice spatiale des dispositifs spatiaux.

Conversely, another section of the centre’s inhabitants castigated the closing-off of certain areas in the name of the very quality and character of a public space. Acts of vandalism took place, with the locks on the gates being sabotaged. The Comitato Santa Brigida, a social action association in the district (on the highest part of the historic centre), organised a questionnaire in 2008 addressed to the inhabitants, in order to legitimise its position. The association’s members criticised the individualised management of the problem by the municipality, which authorised the installation of gates at its discretion, as long as a few inhabitants submitted a complaint, in order to calm down the protests. The reference territorial level for these citizens (interviews in 2008) was the city – not just their own district; closing-off a lane displaced the drug dependency problem to another area of the city. These two stands were obviously based on political arguments, which gave way to each side’s own conception of what was right and what was not, based on a specific territorialisation, and envisaging the consequences of spatial provisions in terms of spatial justice.

Confrontée à ces diverses mobilisations, entre fermetures des ruelles et protestations au nom du droit de tous à circuler, la municipalité tente d’élaborer une politique d’espaces publics ouverts dont la gestion est assurée en partie par des acteurs privés. Ainsi la transformation de la place dei Trugoli, menée par l’incubateur d’entreprises du centre historique, consiste dès le départ en une mise en réseau des différents commerces, influencée par les Business Improvement Districts, organisations de commerçants nées aux Etats-Unis, caractérisées par une gestion privée des espaces publics et de leur sécurité (Steel, Symes, 2005). Les commerçants sont organisés en un consortium chargé d'animer la place, en proposant des activités culturelles, créant un sentiment d’unité. Interrogés en entretien (2008), des commerçants évoquent leur participation à la sécurisation par une surveillance informelle des espaces et des activités, pour réguler une micro-criminalité liée à la consommation de drogue : « L’important est de montrer que je n’ai pas peur d’eux, qu’ils se trompent et qu’ils doivent s’éloigner » (commerçante, 2008). Il faut créer un environnement particulier pour les clients, éviter la vue de toxicomanes dans cette place positionnée près d’un axe du trafic de drogue (via di Pré). Certains commerçants regrettent également la teneur sociale de l’ensemble du projet d'aménagement de la place, avec de nombreux logements sociaux, alors que selon eux l’arrivée de nouvelles couches sociales aurait assuré la diffusion de modes de vie plus adéquats. L’insécurité n’est pas une réalité sociale séparée mais est pensée en continuité avec d’autres processus sociaux, dont les questions de mixité sociale au sein de la ville.

Faced with these different kinds of mobilisation, between the closing-off of lanes and protests in the name of every citizen’s right to freedom of movement, the municipality is trying to draft an open public space policy that would be partially managed by private actors. Hence, right from its inception, the transformation of the Dei Trugoli Square, conducted by the historic centre enterprise incubator, was based on networking between the various shops, influenced by the Business Improvement Districts – storeowners’ organisations established in the USA, characterised by the private management of public areas and their security (Steel, Symes, 2005). The storeowners are organised into a consortium that is responsible for organising events in the area, by proposing cultural activities, creating a feeling of unity. Questioned during an interview (2008), storeowners mentioned their participation in securing the district through an informal surveillance of the different areas and activities, in order to regulate petty crimes related to drug use: « What is most important is to show that I don’t fear them, that they are wrong and must move away » (shopkeeper, 2008). A specific environment needs to be created for customers, avoiding glimpses of drug addicts in the square, located close to a drug trafficking route (Via di Pré). Some shopkeepers were also sorry for the social contents of the square’s restoration project  as a whole, with the number of social housing complexes, whereas according to them, the advent of new social strata would have led to the spread of more appropriate ways of living. Insecurity is not a distinct social reality, but is thought of in continuity with other social processes, including the issue of the social mix within the city.

 

 

Sécurisation et évictions : la négociation du droit à la ville

Security and evictions: Negotiating the right to the city

La sécurisation des espaces ne relève ainsi pas d’un foyer unique. Les différentes formes de sécurisation publiques et privées reposent sur des justifications différentes, mettant en œuvre une conception de la justice spatiale aboutissant à une définition du territoire de référence mais aussi des usages et usagers légitimes des espaces, dessinant en creux le droit à la ville-centre, de façon imposée ou négociée.

Securing areas is therefore not confined to a unique source. The various forms of public and private security are based on different justifications, calling a conception of spatial justice into play that leads to the definition of a reference territory but also legitimate uses and users of areas, establishing the right to the city-centre, in an imposed or negotiated manner.

Dès lors est posé de façon croissante le devenir de certaines marginalités. Le maintien dans le centre historique nécessite des stratégies de négociation et résistances, qui s’expriment partiellement en reprenant le langage de la sécurisation.

That leads to a growing concern about the future of certain marginalities. Staying on in the historic centre calls for negotiating strategies and resistance movements, partially expressed by using the language of security.

La prostitution dans le centre historique, construite comme problème urbain, illustre ces enjeux. Cette volonté d’éviction semble correspondre à la direction donnée par les politiques de régénération urbaine en centre-ville en Europe, qui se traduisent de façon croissante par une éviction des prostitués (Hubbard, 2004 ; Kantola, Squires, 2004). Ainsi en Italie la prostitution devient un enjeu croissant : des études nationales sont menées par le Ministère de l'Intérieur, tandis que l’Observatoire régional sur la sécurité urbaine de la Ligurie l’identifie comme une catégorie de criminalité cachée. Ces études construisent la prostitution comme problème. Le Ministère de l'Intérieur par le décret du 8 août 2008 confie aux maires la possibilité d'intervenir sur la prostitution, au nom à la fois des comportements sur la voie publique et de l'exploitation des prostitués. De nombreuses villes prennent des mesures en ce sens.

Prostitution in the historic centre, presented as an urban problem, illustrates these issues. The desire to evict seems to correspond to the direction given by city-centre urban regeneration policies in Europe, which are increasingly translated into the eviction of sex workers (Hubbard, 2004; Kantola, Squires, 2004). Hence, in Italy, prostitution is becoming a highly sensitive issue: national-level studies are being conducted by the Ministry of the Interior, whereas the Liguria’s Regional Urban Safety Observatory sees it as a category of hidden criminality. These studies present prostitution as the problem. The Ministry of the Interior, by its 8 August 2008 decree, granted Mayors the possibility of intervening with regard to prostitution, both in the name of behaviour in public areas and the exploitation of sex workers. Several cities are taking measures in this direction.

À Gênes la prostitution diurne est localisée dans les ruelles qui partent de la Via Garibaldi, cœur du secteur inscrit Patrimoine Mondial de l’Humanité en 2006. L’intervention y est rendue complexe par le caractère hétérogène de la prostitution dans le centre historique. À une prostitution transsexuelle essentiellement italienne dans le quartier du Ghetto, et une prostitution italienne ancienne et mythifiée, chantée par Fabrizio de André, s’ajoute depuis les années 1980 une prostitution étrangère diverse : prostituées d’Amérique Latine, prostituées venues du Nigeria devant rembourser une dette à des passeurs, ou prostituées sous contrôle de groupes d’Europe de l’Est (Abbatecola, 2005). Ces diverses modalités sont apparentées à une forme de dégradation urbaine par une partie des acteurs locaux, en lien avec l’insécurité, générant des conflits avec des résidents (Il Secolo XIX, 21/08/2008).

In Genoa, daytime prostitution is located in the lanes leading out of Via Garibaldi, the heart of the sector that was inscribed as a World Heritage Site in 2006. Interventions here were complicated by the heterogeneous nature of prostitution in the historic centre. Along with essentially Italian transsexual prostitution in the Ghetto district and the legendary Italian prostitution, mythified through the songs of Fabrizio de André, since the 1980s, diversified foreign prostitution was added: sex workers from Latin America, prostitutes from Nigeria who have to reimburse their debts to human traffickers, or prostitutes under the control of East European groups (Abbatecola, 2005). These diverse modalities were related to a form of urban degradation by some local actors, along with insecurity, generating conflicts with residents (Il Secolo XIX, 21/08/2008).

Dans un premier temps, l’action choisie cible non les prostitués mais les conditions urbaines d’exercice de la prostitution, en agissant sur ses espaces. En effet, les prostitués utilisent des locaux au rez-de-chaussée des habitations médiévales, appelés bassi. Un grand nombre d’acteurs en entretien mentionne comme évidents les liens entre bassi et criminalité organisée : les familles de la mafia sicilienne et calabraise seraient propriétaires de certains de ces bassi, loués aux prostitués. La certitude locale de ce lien[8] a entraîné un mode opératoire particulier pour évacuer les prostitués du centre historique, basé sur l’urbanisme réglementaire. Une ordonnance d'août 2008 modifie les usages possibles des bassi, en interdisant les usages résidentiels (la présence d'un lit).

Initially, the action chosen did not target sex workers as such, but the urban conditions in which prostitution took place, by acting on the concerned areas. In fact, sex workers used premises that were on the ground floors of medieval buildings, called « bassi ». In meetings, a large number of actors pointed to the obvious links between the bassi and organised crime – Sicilian and Calabrian mafia families were said to be the owners of these bassi, rented out to sex workers. Local certainty about these links[8] led to a specific operational modality aimed at removing the sex workers from the historic centre, based on regulatory town planning. An August 2008 ordinance changed the possible uses of the bassi, prohibiting residential use (the presence of a bed).

Toutefois cette politique provoque des formes localisées de résistances et négociations. Tout d’abord, les transsexuels présents dans le quartier du Ghetto disposent d’une acceptation sociale accrue, comme le montre leur participation au contrat de quartier mis en place par la municipalité précédente pour le Ghetto ou la négociation des horaires des travaux en fonction de leurs horaires de travail (entretien B. Gabrielli, adjoint au maire en 2007). Ils mobilisent des relais locaux, notamment la communauté catholique San Benedetto et son fondateur le médiatique prêtre Don Gallo[9], et retournent l’argumentaire sur la sécurisation. Les prostitués transsexuels abordés dans le Ghetto en 2008 sur leur lieu de travail face aux bassi dont ils sont souvent propriétaires, me renvoient à un de leur porte parole, qui évoque leur propre rôle dans la sécurisation, notamment face au trafic de drogue grâce à leur présence continue en journée, et l’attachement des habitants à leur présence. Le droit à demeurer dans le centre est ainsi légitimé par une forme de surveillance visuelle territoriale et une sécurisation informelle. Suite à cette mobilisation, le Ghetto échappe à l’ordonnance anti-bassi, illustrant des différenciations entre prostitués, basées sur leur degré d’ancrage local, et sur la nationalité des prostituées.

However, this policy provoked local forms of resistance and negotiation. Firstly, social acceptance of the transsexuals present in the Ghetto district had grown, as can be seen from their participation in the district contract drawn up by the preceding municipality for the Ghetto or in the negotiation of timings for public works in the light of their working hours (meeting with B. Gabrielli, Deputy Mayor in 2007). They mobilised local supporters, in particular the Catholic San Benedetto community and its founder, the famous priest, Don Gallo[9], and turned the whole argument back to securing the area. The transsexual sex workers broached in the Ghetto in 2008 at their working place in front of the bassi that they often owned, referred me to one of their spokespersons, who mentioned their own role in securing the area, especially with regard to drug trafficking, thanks to their continuous presence throughout the day and the inhabitants’ attachment to their presence. The right to remain in the centre was therefore legitimised by a type of visual territorial surveillance and informal security. Following this mobilisation, the Ghetto managed to elude the anti-bassi regulation, illustrating the differentiation between sex workers, based on the degree to which they were locally rooted and their nationality.

Les critiques ultérieures de diverses associations féministes, sociales et de gauche, qui accusent la municipalité d'agir sur le sentiment d'insécurité au détriment des populations les plus fragiles, conduisent à l’annulation de ce dispositif. La question territoriale est encore un élément clef de l’argumentaire, en évoquant le risque de déplacement en périphérie, et donc de démantèlement de la relation des prostitués au territoire, qui permet de leur garantir une sécurité minimale. En entretien plusieurs membres de l’unité de rue qui gère le programme Oltre la strada relèvent le rôle sécurisant de la prostitution sur un territoire concerné par des formes diverses de marginalité, mais aussi leur vulnérabilité forte face à diverses insécurités.

Subsequent criticisms by various feminist, social and leftist associations, who accused the municipality of playing with the inhabitant’s feelings of insecurity to the detriment of the most fragile population groups, led to the cancellation of the regulation. The territorial issue was another key factor in the argument, evoking the risk of displacement to the suburbs and, therefore, dismantling the sex workers’ relationship with the territory, which made it possible to provide them a minimum level of security. During meetings, several members of the road unit managing the programme, Oltre la strada, highlighted the securing role played by sex workers in an area in which diverse forms of marginality were present, but also their high level of vulnerability faced with diverse forms of insecurity.

Le lien entre sécurité et prostitution a ainsi été retourné. Une démarche négociée entre prostitués et municipalité a lieu en 2009. Les prostitués du centre historique s’engagent à une visibilité moindre, par leurs comportements et vêtements, mais aussi à une collaboration avec les acteurs publics, en signalant les actes de micro-criminalité. Le rôle d’individus jugés auparavant indésirables dans la régulation informelle des espaces est ainsi reconnu, suite à l’échec initial de la mairie dans l’éviction du phénomène, mais aussi au retournement des principes mobilisés pour l’éviction des prostitués. En effet, les prostitués ont négocié leur droit à rester dans la ville-centre en argumentant sur leur contribution à la sécurisation des espaces. Le droit à demeurer dans ces espaces est donc négocié, mais toujours précaire, comme en témoigne la nouvelle ordonnance municipale du 26 octobre 2010 mettant en avant le contrôle de formes de racolage passif, et aboutissant à de nouvelles actions de protestation des prostitués du centre historique.

The link between safety and prostitution was therefore turned around. A negotiated approach between the sex workers and the municipality was adopted in 2009. The sex workers in the historic centre undertook to lower their visibility, through their behaviour and clothes, but also to collaborate with public actors, by informing them of petty crimes. The role of individuals earlier deemed as undesirable in the informal regulation of urban areas was therefore recognised, following the Town Hall’s initial failure in evicting the phenomenon, but also after the principles used for the eviction of sex workers were turned on their head. In fact, the sex workers negotiated their right to remain in the city-centre by arguing that they contributed to the area’s security. The right to remain in these areas was therefore negotiated, but remains precarious, as testified by the new 26 October 2010 municipal ordinance highlighting the control of passive forms of soliciting and leading to fresh protest actions by the sex workers in the historic city centre.

Ainsi apparaît le statut ambivalent de catégories d'individus, construits à la fois comme victimes et facteur de dégradation, au croisement de justifications différentes, construisant les arguments permettant de rendre juste ou injuste une occupation territoriale à renégocier.

All this points to the ambivalent status of categories of individuals, deemed both victims and a causal factor of degradation, at the crossroads of different justifications, based on arguments highlighting the rightness or wrongness of a territorial occupancy to be renegotiated.

 

 

Conclusion

Conclusion

Le centre historique de Gênes apparaît ainsi comme le lieu de construction d’une sécurisation multiforme, émanant tant des acteurs publics que de collectifs d’habitants et d’associations. Cette sécurisation plurielle est basée sur des justifications et des échelles de référence différentes. Pour les acteurs publics, elle correspond à un enjeu de renouvellement urbain et à l’influence de modèles, d’expériences et de valeurs partagés, entre municipalité et région, diffusés par le réseau FISU, qui promeut une sécurité articulée à l’intervention sociale et identifie la ville comme territoire cohérent de la sécurisation. L’action municipale est également structurée par un principe de développement de circulations de types d’usagers au sein d’espaces jugés criminogènes, parallèlement à la volonté d’éviction de certaines marginalités, illustrant le rapport entre sécurisation, dispositifs spatiaux, et catégorisation des usagers légitimes des espaces. Toutefois l’intervention publique n’est pas la seule source de constructions de discours et d’interventions en terme de sécurisation, comme le montrent les controverses citadines sur les fermetures de ruelles par des habitants, lesquelles font également apparaître des justifications mobilisant l’idée de justice ou d’injustice spatiale. Enfin, les débats sur l’éviction des prostitués dans le centre historique font apparaître une géographie des négociations qui réarticulent les notions de sécurité et de justice spatiale.

Genoa’s historic centre therefore seems a place where multiple forms of production of security have emerged, stemming both from public sector actors as well as associations and action groups set up by its inhabitants. The plurality of safety mechanism is based on different justifications and scales of reference. For public actors, it corresponds to the issue of urban regeneration and the influence of shared models, experiences and values, between the municipality and the region, disseminated by the FISU network, which promotes a security that is connected with social intervention and identifies the city as a coherent territory for providing security. Municipal action is also structured by the principle of developing mobilities of certain kinds of users within areas deemed crime prone, along with the a desire to evict certain marginal groups, illustrating the relationship between security, spatial mechanisms and the categorisation of the legitimate users of the areas concerned. However, public intervention is not the only source for the development of a security-related discourse and interventions, as can be seen by urban controversies over the closing-off of lanes by inhabitants, with the latter also proffering justifications founded on the idea of spatial justice or injustice. Finally, the debates on the eviction of sex workers from the historic centre point to a certain geography of negotiations that re-structures the notions of security and spatial justice.

L’identification de ces divers foyers de production et discussion de la sécurité repose sur le postulat d’une compétence à la justice des individus, à partir des travaux de L. Boltanski et L. Thévenot, permettant d’étudier la façon dont l’exigence de justice spatiale se déploie dans les politiques publiques de sécurisation, mais aussi à travers des initiatives de collectifs d’habitants et d’acteurs privés, relevant de logiques de substitution, accompagnement, ou résistances. Cette exigence de justice se fragmente en diverses modalités d’identification des légitimités à occuper l’espace, et construit des catégories d'individus et des modalités de spatialisation de la justice. La définition de la justice spatiale demeure de la responsabilité des acteurs et se trouve cristallisée dans les modalités d’intervention de certaines institutions ou les actions informelles des habitants. Justification contre justification, une telle notion de la justice spatiale suppose l'étude des conflits et négociations pour faire apparaître la pluralité des justices possibles, comme M. Dikeç (2007) a pu le mener dans le cas de la politique de la ville. Cela implique une conception procédurale de la justice spatiale, sans pour autant en attendre un résultat univoque, faisant plutôt apparaître le caractère précaire et engagé des définitions d'une situation juste.

The identification of the various configurations in which security is “produced” and discussed is based on the postulate that individuals are competent with regard to justice, according to the work done by L. Boltanski and L. Thévenot, which makes it possible to study how the need for spatial justice is deployed in public security policies, but also through initiatives taken by action groups established by inhabitants and private actors, based on a logic of substitution, support, or resistance. This need for justice may be broken down into several modalities of legitimacies for occupying space, while also establishing categories of individuals and modalities of “spatialising” justice. The definition of spatial justice remains the actors’ responsibility and finds concrete shape in the modalities of intervention of certain institutions or in the inhabitants’ informal activities. If these justifications are placed one against another, such a notion of spatial justice presupposes the examination of conflicts and negotiations in order to bring to light the multiple forms of justice possible, as M. Dikeç (2007) was able to do in the case of the city’s policies. This implies a procedural conception of spatial justice, without, however, waiting for a univocal outcome, but, rather, demonstrating the precarious and committed nature of definitions of a fair situation.

 

 

[1] Il Secolo XIX.

[1] Il Secolo XIX.

[2] Piano Regolatore Generale de 1976, puis Piano Urbanistico Comunale de 2000.

[2] Piano Regolatore Generale in 1976, followed by Piano Urbanistico Comunale in 2000.

[3] Marta Vincenzi, maire de Gênes depuis 2007, est membre du Partito Democratico (centre gauche), tout comme Claudio Burlando, ancien maire et actuel président de la région Ligurie.

[3] Marta Vincenzi, Genoa’s mayor since 2007, is a member of the Partito Democratico (centre-left party), along with Claudio Burlando, the former Mayor and current President of the Ligurie Region.

[4] L’intervention de D. Bonaposta repose sur un commentaire de textes nord-américains, d’où l’usage du terme « comunità » dans son cours, dérivant directement de « community ».

[4] D. Bonaposta’s intervention is based on a commentary of North American texts, hence the use of the term « comunità » in his courses – a direct derivative of the term « community ».

[5] Deux entretiens ont été menés avec Carla Costanza en 2006 et 2008.

[5] Two interviews were conducted with Carla Costanza in 2006 and 2008.

[6] Terme dialectal génois désignant les ruelles étroites du centre historique, associé à un imaginaire de l’insécurité et de la transgression sociale.

[6] Dialectal Genoese term for the narrow lanes and by-lanes of the historic centre, associated with an imaginary world of insecurity and social transgression.

[7] Cet instrument est utilisé dans d'autres villes italiennes, par exemple dans les quartiers en difficulté de Naples (Burroni, Piselli, Ramella, Trigilia, 2009).

[7] This instrument was used in other Italian cities as well, for instance, in degraded districts of Naples (Burroni, Piselli, Ramella, Trigilia, 2009).

[8] Les contrôles fiscaux menés permettent par exemple d’identifier une famille originaire de Calabre propriétaire de 78 bassi (La Repubblica, 04/07/2009).

[8] The tax audits carried out made it possible, for instance, to identify a family from Calabria who owned 78 bassi (La Repubblica, 04/07/2009).

[9] Don Gallo est une figure nationale, engagé auprès des marginaux, se mobilisant pour diverses actions, par exemple la légalisation de drogues.

[9] Don Gallo is a national figure, committed to working for marginalised groups, who mobilises several activities, for instance, for the legalisation of drugs.

 

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