« Quand femme rime avec local » : logique de promotion ou nouveau confinement dans les villes africaines ?

Women and the Local: Promotion or New Confinement in African Cities?

Bien qu’il soit inspiré de l’étude de capitales ouest-africaines, ce texte entend contribuer plus généralement au débat d’idées sur les enjeux territoriaux de la « promotion féminine » et sur les enjeux politiques de l’espace. Dans ces villes en cours de métropolisation, notamment au Mali francophone et au Ghana anglophone, la question des femmes ressort d’abord de l’analyse de la gestion foncière. Celle-ci souligne dès le début des années 1990 la percée des citadines dans la demande de parcelles à bâtir, sur certains segments de l’offre des lotissements et filières d’accès au sol. Elle entérine leur rôle croissant dans l’espace politique des communes urbaines dans la vague des transitions démocratiques africaines (Bertrand, 2001). Dans le même temps, de croissantes mobilités résidentielles marquent les processus d’insertion et de précarisation qui concernent les femmes, en propre et dans leurs rapports aux hommes. Le flux de « cadettes » observé à Bamako apparaît lié à la mobilisation du travail domestique et à l’engagement de leurs aînées dans le marché du travail urbain. Près d’une décennie plus tard, l’analyse des pratiques résidentielles au sein du Grand Accra met en évidence les formes non moins ambivalentes de sécurisation des adultes dans les marchés du sol et du logement (Bertrand, 2004)[1].

Although this article is inspired by a study of West African capital cities, its intention is to contribute more generally to debates concerning gender-based territorial issues and spatial politics. In cities undergoing metropolisation, in Mali and Ghana in particular, gender-based issues are found first in land management analyses which, already from the beginning of the 1990s, highlight a breakthrough for women applying for building lots in certain land segments and through specific land access networks. These analyses also confirmed the increasing importance of women in urban politics during Africa’s democratic transitions (Bertrand, 2001). At the same time, increasing residential mobility marked the integration and jeopardising of women per se, and in their relations to men. The influx of “young girls” observed in Bamako, seems to be linked to domestic employment and to the employment of their elders in urban areas. Almost a decade later, an analysis of residential practices within the Greater Accra Region highlighted the fact that adults had managed to secure land and housing markets (Bertrand, 2004)[1].

Au-delà de ces études de cas, la liberté de choix et d’action des femmes – selon la définition que la Banque mondiale donne du terme d’empowerment – intéresse aujourd’hui la démarche géographique à plus d’un titre. Parmi trois éléments notables, relevons d’abord l’impact des « études genre » dans la problématique générale du développement, notamment en Afrique subsaharienne (UNDP, 2003 ; Imam, et al., 2004). Il renvoie à une tradition plus ancienne et plus structurée dans les espaces académiques anglophones[2]. Avec la généralisation des programmes d’ajustement structurel dans les années 1980, puis leur critique, avec enfin la définition des Objectifs du Millénaire pour le Développement, les bailleurs de fonds internationaux du développement ont d’autre part renouvelé leur évaluation de la question de la pauvreté, impliquant des cibles à désigner pour sa réduction (World Bank, 2001)[3]. Enfin, répondant inégalement à ces termes de référence, ou anticipant sur leur circulation, les « sociétés civiles » des pays en développement ont exprimé une demande de reconnaissance impliquant particulièrement des femmes. Cette pression, forte bien que souvent dispersée, émane des organisations non gouvernementales, des associations à base territoriale, et de formes variées de coopération décentralisée.

Today, women’s empowerment (i.e. freedom of choice and action according to the World Bank) is geographically related for several reasons. It concerns first of all the impact of gender studies in the general problematic of development, particularly in Sub-Saharan Africa (UNDP, 2003; Imam, et al., 2004), which refers to an older and more structured tradition in Anglophone academic circles[2]. Secondly, with the generalisation of structural adjustment programmes in the 1980s, their subsequent criticism and the definition of the Millennium Development Goals, international donors for development re-assessed the issue of poverty and set out targets for its reduction (World Bank, 2001)[3]. Thirdly, with a view to meeting or in anticipation of such programmes and objectives, civil societies in developing countries have expressed a desire to be recognised, particularly women. This often widespread pressure came from NGOs, community-based associations and various forms of decentralised co-operation.

L’article envisage ici les promotions concomitantes des femmes et du « local » dans la problématique du développement, et s’interroge sur le sens politique d’un tel effet de cadrage. Selon quels modèles de participation ou références citoyennes se présente-t-il comme plus juste ? N’est-il pas porteur cependant de nouvelles injustices spatiales quand il produit du confinement sous les apparences ou dans les limites de la promotion ? Depuis l’Afrique subsaharienne, le propos s’attachera en particulier à la logique de « Projets » qui domine désormais l’aménagement des villes et la formulation des normes de gestion urbaine. A l’égard de conditionnalités qui les concernent en propre, les capacités d’appropriation et d’instrumentalisation des femmes elles-mêmes justifieraient une analyse en soi qui dépasse le cadre du présent article. Parmi les trois éléments cités plus haut, on se concentrera donc sur le deuxième – la formulation des politiques –, avant d’aborder comment il interfère avec des trajectoires différenciées de construction des espaces politiques locaux.

This article examines the concomitant promotion of women and the local in development issues, and questions the political meaning of refocusing on women. According to which models of citizen participation does development appear fairer? Couldn’t it lead to new instances of spatial injustice when it creates confinements under the appearance or within the limits of promotion? In Sub-Saharan Africa, of importance in this regard is the “Project” principle which is now dominant in urban development, and in the formulation of urban management standards. Concerning conditions, women’s capacities for appropriation and exploitation justify more analyses, but these are beyond the scope of this article. Among the three elements referred to above, we will focus on the second, i.e. policy formulation, before considering how it interferes with the differentiated trajectories of local political space construction.

 

1. New Development Idealities and Conditionalities

1. Nouvelles idéalités et conditionnalités du développement

Since the 1990s, structural adjustment programmes aimed at the economies of the South have given way to new discourses and credit systems. International donors promote the “social dimension of development” and “fight against poverty”. This change is reflected in the diagnosis of the risks associated with poverty (Lachaud, 1997 and 1999). Development results which were previously reported to national accounting, are now also evaluated by the yardstick of household living conditions before being set against a multidimensional approach of vulnerability (Rakodi, 1995; Chambers, 1995)[4]. The impact of the informal sector on survival strategies is now the focus of attention. In this regard, we are looking into women’s contribution to home economics and low wage employment: food production and trade, exchanges and donations as well as therapy businesses. Indeed, in urban areas in particular, households have shown to hold out against the depreciation of their purchasing power through the increasing involvement of youth and women in small commercial activities. This affects the way relationships between generations and genders are structured (Adjamagbo, et al., 2009).

Depuis les années 1990, les programmes d’ajustement structurel destinés aux économies du Sud ont cédé la place à de nouveaux discours et dispositifs de crédit. Les bailleurs de fonds internationaux promeuvent ainsi la « dimension sociale du développement » puis la « lutte contre la pauvreté ». Ce changement se traduit dans le diagnostic des risques d’appauvrissement (Lachaud, 1997 et 1999). Rapportées jusqu’alors à la comptabilité économique nationale, les performances du développement sont aussi évaluées à l’aune des conditions de vie des ménages, avant que ne soit défendue une approche multidimensionnelle de la vulnérabilité (Rakodi, 1995 ; Chambers, 1995)[4]. L’impact du secteur informel sur les stratégies de survie fait l’objet de nouvelles attentions. On suit en particulier la contribution des femmes à l’économie domestique et au travail peu rémunéré : production et commerce vivrier, échanges et dons divers, entreprises thérapeutiques. Car il est désormais bien montré, en ville en particulier, que les ménages ont résisté à la dépréciation de leur pouvoir d’achat par un engagement croissant des jeunes et des femmes dans les petites activités marchandes, ce qui ne manque pas de recomposer les rapports de générations et de genre (Adjamagbo, et al., 2009).

Expert studies dedicated to poverty advocate moral requirements in particular. But, as the need for in-depth analyses of the problem is being felt, e.g. as regards the more equitable access of producers and users to land resources, their implementation in the Poverty Reduction Strategies and in targeted projects, in fact, comes down to the compartmentalised management of the poor. In addition, the World Bank often refers to women through what is supposed to be promoted as a collective subject – The voices of the poor “crying out for change” (Narayan, et al., 2000 and 2002; Blackden and Bhanu, 1999).

Les expertises consacrées à la pauvreté prennent surtout le ton de l’exigence morale. Mais au fur et à mesure que s’affirme la nécessité d’un traitement de fond du problème, par exemple en matière d’accès plus équitable des producteurs et des usagers aux ressources foncières, sa mise en œuvre dans les Stratégies de réduction de la pauvreté et dans des projets ciblés s’étrique de fait en une gestion compartimentée des pauvres. Dans cet affichage social, la Banque mondiale met abondamment en scène la figure des femmes au travers de ce qui est censé être promu comme un sujet collectif – Voices of the poor – “crying out for change” (Narayan, et al., 2000 et 2002 ; Blackden and Bhanu, 1999).

Rhetoric Chain of Poverty Reduction Strategies

 

During the last two decades, the terms of reference have been expanding and those involved in poverty reduction have been arguing for some form of intrinsic process, while frequently referring to previous and later terms of reference, listed as follows (as if to obtain credits by following a compulsory set of steps): adjusting the offer of commercial services to the solvability of the demand, ensuring stabilised partnership between public and private actors, providing a security net mechanism for the destitute, imperatively ensuring good governance (rolling back the state, decentralisation, participation), managing natural resources sustainably, promoting women and, finally, developing cultural heritage.

La chaîne rhétorique des Poverty Reduction Strategies

In addition to balanced national accounting, new requirements have been imposed upon states and organisations requesting loans, often echoing UN conferences. Yet, with agendas renewed on an international scale, organisations benefitting from loans appear to be divided up into broad categories: young/old, migrant/indigenous, active/idle etc. Poverty figures are treated independently from one another and from an analysis of wealth: unemployed graduates, volunteers agreeing to take pre-retirement, economic micro-operators, women heading households affected by droughts, war etc. Cities are also carved into poverty-solving labels ready for financial support: high-intensity labour projects, land servicing, community rehabilitation, alternative offers of service and opening up, etc.

Les termes de référence se sont en effet ramifiés dans les deux dernières décennies. Chacun justifie un traitement intrinsèque tout en renvoyant abondamment aux termes chevillés en amont et en aval. Le discours d’ensemble aligne ainsi, tel un parcours obligé pour l’obtention des crédits : l’ajustement de l’offre de services marchands à la solvabilité de la demande, un partenariat assaini entre acteurs publics et privés, un dispositif de « filets de sécurité » à l’intention des plus démunis, l’impératif de la bonne gouvernance (désétatisation, décentralisation, participation), la gestion durable des ressources naturelles, la promotion des femmes et la valorisation des patrimoines culturels.

In this adjustment of displays and actions, the ‘gender dimension’ appears to be set in many development-related themes. Combining the theme of women with concerns of land management, purification, out-of-season market gardening, basic health and the repatriation of international migration savings, amongst others. Country by country, the increasing number of seminars dealing with and recycling these themes cannot be understood without this overall rhetorical refocusing: once the state rigidities have been stigmatised by structural adjustment, development strategies race out of control by mutually reinforcing one another.

A l’équilibre des comptes nationaux se sont donc ajoutées de nouvelles exigences à l’égard des Etats et collectivités demandeurs de prêts, souvent en écho des conférences onusiennes. Mais sous des agendas renouvelés à l’échelle internationale, la société destinatrice des crédits apparaît tronçonnée en catégories fragmentaires : jeunes / âgés, migrants / indigènes, actifs / désœuvrés… Les figures de l’appauvrissement sont tour à tour traitées indépendamment les unes des autres et indépendamment d’une analyse de la richesse : diplômés sans emploi, partants volontaires à la retraite, micro-opérateurs économiques, femmes en charge de ménages déstructurés par la sécheresse, ou la guerre, etc. La ville se trouve de même découpée en « labels de sortie de pauvreté » à soutenir par quelques prêts-à-banquer : travaux à haute intensité de main-d’œuvre, viabilisation de terrains, réhabilitation communautaire, offres alternatives de services et de désenclavement, etc.

Engendering Development – Women and the Local: A Virtuous Pair

Dans cet ajustement des affichages et des actions, la « dimension genre » apparaît elle aussi enchâssée dans de nombreux thèmes porteurs du développement. Le couplage des femmes avec d’autres termes intéresse la gestion foncière, l’assainissement, le maraîchage de contre-saison, la santé « de base », le rapatriement d’épargnes migratoires internationales, etc. Pays par pays, l’inflation de séminaires se prévalant de ces thèmes, et les recyclant, ne peut se comprendre sans ce recadrage rhétorique d’ensemble : une fois les rigidités de l’Etat stigmatisées par l’ajustement structurel, les angles d’attaque du développement s’emballent en se renforçant mutuellement.

Among redundant paired relations, the gender-based and local development relation is particularly promising. In the middle of the 2000s, the World Bank’s website PovertyNet promoted the reinforcement of women’s capacities, by referring to the keywords: ‘participation’, ‘community development’ and ‘environment’. The ‘gender’ page of the UNDP is also linked to the pages on ‘poverty’, the ‘environment’ and ‘governance’. It is in this context of the wide-ranging promotion of civil society that the ‘women’ subject emerges, sometimes as an obvious actor to be developed, sometimes as a potential to be revealed.

 

Yet, for over two decades now, these themes have also been promoting another redundancy effect internationally, concerning “the local”. Just as the Conference on Women held in Beijing in 1995[5] had an impact, the institutional reforms of decentralisation justify the attention paid by donors to the ‘social dimension of the adjustment’. They also justify that the ‘women component’ of local development, confers upon the basic referent of geographic space real virtues to fight against the general impoverishment process in the South: solidarity versus exclusion, mobilisation versus abdication and abstention, democracy versus vote-catching. Formulated in community or municipal terms[6], this territorial refocusing is associated with primary sociability and basic economic solidarity.

“Engendering development” : le couple vertueux des femmes et du local

However, the geographic referent remains vague, variable and not fully delimited. “The local” is sometimes used to describe the position of a metropolitan district in relation to the regional or national environment, sometimes pieces of a town: deprived suburbs, ethnic enclaves or islands of poverty in a truly mixed urban network. Just as in rural areas where sometimes it refers to a set of village communities having decided on a common county-town, sometimes it only concerns an association of producers within a restricted land. This vagueness is claimed indeed, unlike administrative strictness, as a condition for regulation or even for an end to financial or environmental crises which would be inherent to proximity spaces.

Parmi ces liens redondants, celui d’un développement sexo-spécifié et du développement local se présente comme étant particulièrement prometteur. Au milieu des années 2000, le site PovertyNet de la Banque mondiale met en avant le renforcement des « capacités » des femmes en renvoyant aux mots clefs de la participation, du développement communautaire, et de l’environnement. La page gender des Nations Unies pour le Développement et la Population est de même liée à celles de la pauvreté, de l’environnement et de la gouvernance. C’est dans ce contexte de promotion tous azimuts de la société civile, que le sujet « femmes » émerge tantôt comme un acteur déjà patent, à valoriser, tantôt comme un potentiel à révéler.

It is in this uncertainty that women are increasingly representing a source of inspiration for “thinking globally / acting locally”. Such a bottom-up refocusing implies first of all that sub-groups need to be isolated so as to define the potential targets of predetermined programmes, i.e. “women in search of micro-credit”, “women responsible for food-producing businesses”, “migrant girls oriented towards domestic work” and other “new types of entrepreneurship”. The adopted methodology to isolate sub-groups often refrains from making comparisons, all things being otherwise equal, between these categories in their different contexts. Nonetheless, women as “head of households” are certainly catching the attention of donors (Lockwood and Whitehead, 1999). With these female-headed households as the ‘poorest of the poor’, what is emphasised is the fact that, first, women must not be considered only as individuals, and secondly that they are especially “embedded in family and community structures which play a large role in determining their behaviour and possibilities” (Chant, 2003: 41). Women’s responsibility with regard to development is then associated with the trust values and consensus of tontine funds and community-based groupings. Their sociability, often seen through rosy lenses, is immensely popular with funding agencies.

Or ces termes participent eux-mêmes d’une promotion internationale forte, depuis plus de deux décennies, d’un autre effet de redondance à l’égard « du local ». Autant que l’impact de la Conférence de Pékin[5], les réformes institutionnelles de la décentralisation justifient l’attention des bailleurs de fonds pour la « dimension sociale de l’ajustement » et pour la « composante femme » du développement local. Ce dernier confère au référent de base de l’espace géographique de véritables vertus pour lutter contre un processus d’appauvrissement général au Sud : solidarité contre exclusion, mobilisation contre démission et abstention, démocratie contre clientélisme. Formulé en termes communautaires ou sous l’angle municipal[6], ce recadrage territorial est associé aux sociabilités primaires et aux solidarités économiques élémentaires.

In Sub-Saharan Africa, the women-local link moved from the countryside to the cities at the same time as donors were recognising the unavoidable or even beneficial nature of the urban phenomenon[7]. During the last decade, urban projects mentioning women and promoting their involvement have abounded and been characterised by proximity solutions: neighbourhood interaction, suburb mobilisation, micro-lending or even, as in the North of Mali which is affected by the Tuareg crisis, the pacification of inter-ethnic relations. All these put together seem to guarantee greater efficiency and ‘fairness’. The fact that town planning is decentralised in this manner in a few informal neighbourhoods and ‘pilot communities’ (Bertrand, 2002-a)[8], does not fail to remind us of those domestic and merchant needs managed by women living in cities (access to drinking water, reproductive health and children’s health), around basic equipment and in favour of better cost recovery.

Mais le référent géographique reste imprécis, à géométrie variable, fractal dans ses contours. « Le local » qualifie tantôt l’assise d’un district métropolitain par rapport à l’environnement régional ou à l’englobant national, tantôt des morceaux de ville : quartiers déshérités, enclaves ethniques ou îlots de pauvreté dans une trame urbaine réellement composite. Tout comme en milieu rural où tantôt il désigne un ensemble de communautés villageoises ayant fait le choix d’un chef-lieu commun, tantôt il ne concerne qu’une association de producteurs au sein d’un terroir limité. Ce flou est bien revendiqué, à l’encontre de rigidités administratives, comme la condition d’une régulation, voire d’une sortie de crise – financière, environnementale –, qui serait inhérente aux espaces de proximité.

In the end, the lack of geographical precision of ‘the local’ which boasts the participation of urban women, makes it possible to envisage women as a collective figure confronted with the authorities and on the margins of the actions of men, and as a coherent political subject “at the local level and in the environmental domain” (Hainard and Verschuur, 2001, 2002, 2004 and 2006). Because women are to be found side by side with men at this level, it is seen as the level at which women should be granted citizenship. Admittedly, ambiguities abound around these issues, and hopes are not always followed by the expected effects. But it is no accident that space is being thought along the lines of “small is better” just as development is being reformulated in feminine terms. In the end, whatever the origin of urban dysfunctions and, more generally, of the crises affecting economies and societies, which neoliberal interpretations as well Keynesian orientations have failed to account for, the idea is to remain pragmatic and assist basic solidarities to counter the risks of social exclusion and costs. In this regard, various initiatives are given as examples: intra-urban food production, drainage of private savings in favour of water points and garbage collection, exploitation of municipal showers or public toilets in markets. The ‘women’ dimension and the local development dimension have jointly become part of an argument which has been interiorised by city-dwellers to gain access to credit.

C’est dans cette imprécision que les femmes inspirent de plus en plus de déclinaisons du « penser global / agir local ». Un tel recadrage par le bas implique d’abord d’en isoler des sous-groupes, pour définir les cibles potentielles de programmes fléchés. Sont donc identifiées « des femmes en quête de microcrédit », « des femmes en charge de la commercialisation vivrière », « des filles migrantes orientées vers le travail domestique » et autre « nouvel entrepreneuriat ». La méthodologie retenue se dispense souvent de comparer, toutes choses égales par ailleurs, chacune de ces catégories dans leurs différents contextes. Mais ce sont principalement les « femmes chefs de ménage » qui retiennent l’attention des bailleurs de fonds (Lockwood and Whitehead, 1999). Avec ces Female-headed Households as the ‘Poorest of the Poor’, l’accent est mis sur le fait que les femmes ne doivent pas être considérées seulement comme individus, mais qu’elles sont surtout “embedded in family and community structures which play a large role in determining their behaviour and possibilities” (Chant, 2003 : 41). La responsabilité des femmes à l’égard du développement est alors associée aux valeurs de confiance et aux consensus qu’ont éprouvés bien des tontines d’épargne et groupements communautaires. Parfois même affublée d’une convivialité naïve, leur sociabilité a le vent en poupe auprès des agences de coopération.

The importance given to gender is clearly growing in poverty reduction operations, and in relation to decentralisation. In this regard, things are becoming increasingly efficient as far as the action programmes of multilateral and bilateral co-operation initiatives are concerned. The same goes for the many instances of civil society in which the role of women appears de facto to concern local intervention scales, while any decentralisation measure is inevitably accompanied by “gender empowerment”[9].

En Afrique au sud du Sahara, ces liens vertueux du local et des femmes se sont déplacés des campagnes vers les villes en même temps que les bailleurs de fonds admettaient le caractère inéluctable, voire bénéfique, du fait urbain[7]. Dans la dernière décennie, les « Projets urbains » abondent ainsi en références aux femmes et en exhortations à leur implication. Les qualités attribuées à leurs médiations font échos à celles conférées aux solutions de proximité : interactions de voisinage, mobilisations de quartiers, diffusion du microcrédit, voire même, comme dans le Nord malien affecté par la crise touarègue, pacification des rapports interethniques. Les unes comme les autres, et surtout les deux ensembles, apparaissent garantes d’une plus grande efficience et d’une meilleure « équité ». L’urbanisme ainsi décentralisé dans quelques quartiers irréguliers et « communautés pilotes » (Bertrand, 2002-a)[8]ne manque pas de rappeler les besoins domestiques et marchands que gèrent les citadines en propre (accès à l’eau potable, santé reproductive et des enfants), autour d’équipements de base et en faveur d’un meilleur recouvrement de leurs coûts.

 

C’est finalement bien l’imprécision géographique « du local » qui rallie le slogan, également émergent, de cette participation des citadines. Elle permet d’envisager les femmes comme une figure collective face à l’autorité et aux marges d’actions des hommes, et comme un sujet politique cohérent « au niveau local et dans le domaine de l’environnement » (Hainard et Verschuur, 2001, 2002, 2004 et 2006). Pacifié par l’intervention des femmes aux côtés des hommes, ce niveau deviendrait l’horizon par excellence d’une nouvelle citoyenneté offerte aux premières. Certes les ambiguïtés abondent autour de ce que l’on met derrière ces enjeux, et les espoirs ne sont pas souvent suivis des effets attendus. Mais la coïncidence n’est pas fortuite entre un espace réifié sous l’angle du « small is better » et le développement reformulé au féminin. Peu importe finalement l’origine des dysfonctionnements de la ville, plus largement des crises affectant économies et sociétés, sur laquelle ont achoppé tant les interprétations néolibérales que les analyses marxistes ou les orientations keynésiennes : il s’agit en effet d’être pragmatique et d’assister les solidarités de base face aux risques et aux coûts de l’exclusion sociale. Diverses initiatives sont ainsi données en exemple : production vivrière intra-urbaine, drainage des épargnes privées en faveur de points d’eau et de collecte des ordures ménagères, exploitation de douches de quartier ou de toilettes de marchés. La dimension « femmes » et la dimension locale du développement sont devenues, concomitamment, un argumentaire bien intériorisé par les citadin(e)s pour accéder aux lignes de crédit.

Geographic Issue, Political Category

Au total, l’intérêt porté au genre croît manifestement dans les opérations de réduction de la pauvreté et en relation avec la décentralisation. L’association se rôde dans les programmes d’action des coopérations multilatérales et bilatérales, et parmi les relais plus diffus de la société civile. Le rôle des femmes y apparaît de facto chevillé à l’échelle d’intervention « du local », tandis que toute mesure de décentralisation suscite immanquablement une extension « gender empowerment »[9].

In rhetorical shifts between North and South, the issue of women is ascribed a “local” geographic dimension while, at the same time, space is conferred a political dimension, i.e. women’s participation. And so we might ask: what does the association of territoriality and the gender variable consist in?

 

Women’s relationship to space is not only expressed in terms of places and movements which are either over-invested or forbidden, or according to co-presence or specific geographic distributions (Bard, 2004). It also has to do with choices locating analyses and actions at the smallest territorial level. “Poor among the poor”, but also fully-fledged actors of economic adjustment, women appear to be no longer defined by a space delineated only by a scale defining their roles and expressions. As privileged actors of development policies whether concerning land, urban neighbourhoods or administrative hierarchies, women confer upon local instances the positivity of their growing visibility on public issues.

Enjeu géographique, catégorie politique

While women’s participation appears more constrained spatially than men’s, women have definitely developed an ideal relation to space, beyond any topological reasoning on localisation. This territoriality is not just a concern with material layout or appropriation, socialisation, consumption or mobility practices. It also gives political meaning to gender relations, which brings us to a somewhat less classic geographic issue: the mode of territorial focus in which women could run the risk of being confined again, for in discourses at least, their promotion on the development scene is explicitly focused on situating and managing problems. Women’s potential or actual initiatives are referred to a space characterised by a scale of analysis, i.e. a true political marker.

Parmi ces figures imposées, souvent recyclées entre Nord et Sud, un tel couplage rhétorique et pratique confère une dimension géographique à la question des femmes, qui se voit habillée de la catégorie du local. Il confère en même temps une dimension politique à l’espace, celle de la participation des femmes. En quoi donc consiste cette territorialité associée à la variable du sexe ?

Yet, there is nothing new about the fact that ‘the local’, just like other categories of cognitive division of reality, gives rise to reification. Indeed, there is nothing unusual about the existing confusion between an object of study or institutional measurement, and one of its approaches: it occurs in discourses on decentralisation, in the North as in the South, or in engaged research. “The local”, as a relative element of appreciation, among other things, of a complex geographic reality, becomes THE prototypical spatial category through which gender issues are addressed. The methodological efforts deployed to categorise data on poverty according to gender, and the institutional endeavour to involve women in managing their needs, are thus brought down to the ‘local’ paradigm. This is used to justify a downsizing of the credits allocated to development, while development is supposed to become more humane and sustainable.

La relation des femmes à l’espace ne s’exprime pas seulement dans des lieux et des déplacements, surinvestis versus interdits, selon des coprésences ou des distributions géographiques singulières (Bard, 2004). Elle relève également de surenchères liées au choix de cadrer analyses et actions au niveau territorial le plus fin. « Pauvres parmi les pauvres », mais aussi « acteurs à part entière » de l’ajustement économique, les femmes apparaissent spécifiées non plus tant par un espace borné que par un niveau d’échelle affecté à leurs rôles et expressions. Animatrices privilégiées d’un angle d’attaque du développement – à la base des terroirs, au cœur des voisinages urbains ou par le bas des hiérarchies administratives – elles confèrent à l’instance locale, en retour, la charge positive de leur visibilité croissante sur des enjeux publics.

In the end, spaces of proximity emerge as the node of a triple regulation: a better articulation of national authorities and grass-roots social actors; the reconciliation of public missions and private commercial ventures; and more equal relations between men and women. That this spatial dimension is attributed de facto to the category of women is probably not scientifically better founded than the territorial references of a civil society into which they fit more generally. The ideological content of the guidelines – a citizenship defined by the “tool boxes” of the donors – is crucial here. The idea is to neutralise another ideological issue at the national level, women’s involvement in class and economic inequality principles.

Ainsi pensées dans un horizon participatif plus petit que celui des hommes, les femmes engagent bel et bien un rapport idéel à l’espace, qui dépasse les seules logiques topologiques de la localisation. Cette territorialité ne relève pas seulement d’un agencement matériel, celui de pratiques d’appropriation, de socialisation, de consommation ou de mobilité. Elle donne également du sens politique aux rapports de genre. On en vient alors à un enjeu moins classique de la géographie, à la modalité du cadrage territorial dans laquelle se joue le risque d’un nouveau confinement des femmes. Car dans les discours, au moins, leur promotion sur la scène du développement est explicitement liée à une focale, pour situer des problèmes et organiser leur gestion. Inscrite sous le sceau de la proximité, l’action potentielle ou réelle des femmes témoigne bien d’un espace qualifié par une échelle d’analyse, dans le registre du slogan, soit un véritable marqueur politique.

Taking city-dwelling women into consideration is indeed not new in development issues. It is the change of scale of this consideration which has been of concern to us in the last decades. In the 1970s-1980s, experiences in development would link the entry of women into modernity with national and often nationalistic construction imperatives. But the state turned out to be too unstable in many respects to carry out a global social project. Confronted with a crisis in terms of national recognition and public funding, populations are increasingly incited to take responsibility for themselves, and to take over from discredited administrative and political authorities. Women are designated as stakeholders in local governance. It is now at the level of village groupings, neighbourhoods and municipalities that the commercial and political requirements of globalisation are reformulated: switching to management without public subsidies, adjusting the price of services, integrating the poor to the free market, and ensuring free competition for procurement contracts.

Ce n’est pourtant pas un fait nouveau que « le local », comme d’autres catégories de découpage cognitif du réel, donne lieu à réification. La confusion entre un objet (d’étude ou de mesure institutionnelle) et l’un de ses angles d’approche n’est pas rare, en effet : ni dans les discours sur la décentralisation, au Nord comme au Sud, ni dans la recherche-action. Elément d’appréciation relatif, parmi d’autres, d’une réalité géographique composite, « le local » devient LA catégorie spatiale par excellence pour poser les enjeux de genre. L’effort méthodologique qui est déployé pour désagréger les données sur la pauvreté selon la variable du sexe, l’effort institutionnel qui est requis pour impliquer les femmes dans la gestion de leurs besoins, sont ainsi rapportés au paradigme « du local ». Celui-ci justifie un redimensionnement des crédits au développement, en même temps que ce développement est censé devenir plus humain et plus durable.

With this end-of-century evolution, space can be interpreted as a gendered construction, and gender as a social relationship embodied in space. Development is no longer thought in technicist, productivist and more masculine terms, as it was during the decades of ambitious integrated projects and pioneering developments. The change in the level of intervention is striking. Not that the issue of women had not been discussed before the structural adjustment measures. But the conquest of rights was linked to public action, to the legal and planning state. Gender equality was being questioned in the very places where it was being asserted (marriage and family codes in particular) or negotiated (labour representations for example)[10]. From being the object of national measures or concerns, women are becoming a collective actor of basic regulations in the discourse of the following decade, when associations, more or less assisted by various international networks, become part of the governance problematic.

L’espace des proximités s’impose finalement comme le nœud d’une triple régulation : meilleure articulation des instances administratives nationales et des acteurs sociaux de la base ; réconciliation des missions publiques et des entreprises marchandes privées ; rapports hommes / femmes plus égalitaires. Cette dimension spatiale attribuée de fait à la catégorie des femmes n’est sans doute pas mieux fondée scientifiquement que les références territoriales d’une société civile dans laquelle elles s’insèrent plus généralement. C’est bien la charge idéologique du cadrage – une citoyenneté définie par les « boîtes à outils » des bailleurs de fonds – qui a son intérêt ici. Car il s’agit de neutraliser une autre charge idéologique constituée sur la scène nationale, l’implication des femmes dans les logiques de classes et d’inégalité économique.

2. Interpretations of Localism

La prise en compte des citadines n’est en effet pas nouvelle dans la question du développement. C’est le changement d’échelle de cette prise en compte qui nous interpelle dans les dernières décennies. Dans les années 1970-1980, les expériences de développement liaient au contraire l’entrée des femmes dans la modernité aux impératifs d’une construction nationale, souvent nationaliste. Mais l’Etat s’est révélé à bien des égards défaillant pour porter un projet global de société. Face à la crise de reconnaissance de la nation et à la crise des financements publics, les « populations » sont de plus en plus incitées à se prendre en charge elles-mêmes, à relayer des instances administratives et politiques décrédibilisées. Les femmes sont alors désignées comme partenaires de la gouvernance locale. C’est désormais au niveau des groupements villageois, des quartiers et des municipalités que sont reformulées les exigences marchandes et politiques de la globalisation : débarrasser les gestions de restes de subvention, mettre les services au juste prix, intégrer les pauvres au libre jeu du marché, mettre en concurrence les initiatives privées dans la passation des marchés publics.

Out of realism and pragmatism, women’s responsibilities and initiatives appear to be limited to ‘the local’: their educational and financial capital is lower than the men’s; their know-how is also narrower. However, social and geographic proximity also carries the seeds of social relations based on patronage, confinement, the prospect of a relative isolation, and the risk of new forms of exploitation.

Avec cette évolution de fin de siècle, on complète alors l’interprétation de l’espace comme une construction sexuée, et l’interprétation du genre comme un rapport social signifié par un référent spatial. Car le développement est rapporté à un autre angle d’analyse que lorsqu’il s’agissait, dans les décennies d’ambitieux projets intégrés et des mises en valeur pionnières, de le porter en termes technicistes, productivistes, et plus masculins. Le changement de niveau d’intervention est patent. Non que la question des femmes n’ait pas été discutée avant les mesures d’ajustement structurel. Mais la conquête de droits, si elle était alors revendiquée, était liée au volontarisme public, à l’Etat juriste et planificateur. L’égalité hommes / femmes se trouvait interrogée dans ses lieux d’affirmation (codes du mariage et de la famille en particulier) ou de négociation (représentations syndicales par exemple)[10]. D’objet de mesures ou de sollicitudes nationales, les femmes deviennent un acteur collectif des régulations de base dans le discours de la décennie suivante, quand le terrain associatif, plus ou moins assisté par divers réseaux internationaux, s’introduit dans la problématique de la gouvernance.

Limits of the Univocal Territoriality of Women in Civil Society

 

In my research on urban housing, I felt fieldwork had to take such conditions into account, in particular because all countries seemed to be echoing them, and networks were being established between them. However, what went on in the housing market necessarily led women to engage with the city generally, beyond their local neighbourhoods. Both their behaviours and representations moved between different places and levels of reference, in complex territorial webs. While urban programmes undeniably value neighbourhood associations (water conveyance and electricity supply, cleaning up and land security), their scope must still be measured in relation to external migrations and internal flows in the city, which influence inhabitants’ perceived and relational space. It is also in a metropolised framework, and in the sociability relating to often complex forms of living (multi-residence, reduction of cohabitation rate between generations), that the potential for future participations in public space is being constituted. There are therefore three different ways in which the pairing of women and the local is questionable:

2. Interprétations du localisme

1. The first limit stems from the standardised character of development actions targeting women ‘at the root’. An analysis of the poverty affecting them sometimes disregards their geographic mobility and sometimes interprets their vulnerability simplistically, in terms of a mobility deficit and as the result of the unequal decompartmentalisation of the relation between city dwellers and their living space (Diaz Olvera, et al., 2004; Bertrand, 2010). Yet, this constrained territoriality established for the poor, and ‘the poorest of the poor’ in particular (households headed by single women), calls for discussion when migration and residential movements are observed in depth in the capital cities of West Africa. In this regard, the Greater Accra Region constitutes a classic example. According to a survey on “Housing Practices and Residential Mobility (2000-2001)”[11], almost 28% of households were headed by women in the Ghanaian capital city. This longitudinal survey followed the trajectories of 1 400 adults, some of whom were sedentary residents from deprived neighbourhoods and others, residents from new suburbs (they move around the most). The first type showed the lowest intra-urban mobility rates during their lifetime, while the second ended up occupying the most valuable detached living units. A major factor of their economic success appeared to be their educational achievements, which led them to migrate towards the Ghanaian capital, and to redeploy there on a long term basis.

Par réalisme et par pragmatisme, les responsabilités et les initiatives des femmes apparaissent donc de portée limitée « au local » : leur capital scolaire et financier est plus faible que celui des hommes ; leur entregent est également plus étroit. Mais la double proximité, sociale et géographique, porte aussi les germes de rapports sociaux clientélistes, les stigmates de l’enclavement, la perspective d’un enfermement relatif et le risque de nouvelles instrumentalisations.

In this context, female household heads were clearly over-represented in poor neighbourhoods populated by “natives” (non-migrants) and eligible for a few urban rehabilitation operations. In the suburb of Teshie, which donors finally adopted at the end of the 1990s, the share of women as household heads far exceeded the urban average with 48%; they relied on family usufruct rights to avoid the financial constraint of renting, but at the price of living in highly crowded conditions in courtyards. Their activities were derived from fishing and in many respects were restricted to the neighbourhood in which they originated on the Atlantic coast. While this typical profile could well be validating the thesis according to which the poorest are relatively confined in urban space, it is nonetheless far from representing all the forms of poverty: other forms of confinement concern renting households that are not very quick to develop their environment, households in which women are not the main decision-makers or bread-winners. Furthermore, another indigenous area similar to Teshie, i.e. with usufructuary women living in mediocre and densely populated buildings, concentrates on the outskirts of the city poor people who are much more mobile. While women who head households are also more represented there than on average (42 % of households), they did not miss out on the inter- and intra-regional mobility which is strongly restructuring this area and making the mobilisation of its community uncertain in the medium term. The assumption that there is a unified perspective to be had on women in a given city was therefore challenged by this basic comparison of different areas.

 

2. The second limit of a development refocused on the local scale and within women’s reach, lies in the fact that the urban practices studied concern a double inequality, not only between women and men but also and especially between women. In this light, the gender variable appears less discriminatory than those of intergenerational relations and economic differentiation. This is particularly the case when a market adjusted to neoliberal standards, e.g. those of building lots, becomes more selective (Bertrand, 2003). While housewives in search of land security are doing the round of town halls to plead their case with auctioneers, and are even accumulating in the process several serviced lands and rental investments, the range of market positions hardly leads to a unified feminine figure.

Limites d’une territorialité univoque des femmes dans la société civile

3. The third limit lies in the final term of the women-local combination, which would imply an increased potential for participation. On this important political ground, many studies show firstly that the grass-roots/mobilisation equation does not always function; secondly that it does not go without conflicts, diversions of meaning and interest or disputes for leadership that can inhibiting development actors (Bertrand, 1999 and 2002-b); and that, finally, the particular equation of women and local consensus is not happening as per expectations. Perhaps this is what justifies the new requirements for poverty to be appreciated within a more phenomenological framework, stressing the awareness which interested parties have of their own capacities and the manner in which they assess their limits. Their assessment goes beyond the scope of this article.

Travaillant sur le logement urbain, nous pensions qu’une recherche de terrain devait prendre acte de telles idéalités, du fait des échos qu’elles suscitaient d’un pays à l’autre et de la promptitude d’acteurs locaux à se mettre ainsi en réseau. Les pratiques à l’œuvre sur le marché des terrains à bâtir engagent pourtant les citadines au-delà de leurs quartiers, à des échelles plus variées du fait urbain. Comportements et représentations interrogent de multiples lieux et niveaux de référence qui fondent la territorialité des familles et le cadre de vie des femmes en propre. Si les Projets urbains valorisent incontestablement des collectifs de voisinage (adduction d’eau et électricité, assainissement, sécurisation foncière), la portée de ces programmes reste à mesurer relativement au jeu des migrations externes et des flux internes aux villes, autant de mouvements qui recomposent l’espace relationnel et perçu de leurs habitants. C’est bien aussi dans un cadre métropolisé, et dans la sociabilité afférente à des formes d’habiter souvent complexes (multi-résidence, décohabitations imparfaites), que se constitue le potentiel de futures participations à l’espace public. On apportera ainsi trois limites au tandem promotionnel du local et des femmes.

Two Registers of Local Legitimisation

La première tient au caractère standardisé des actions de développement ciblant des femmes « à la base ». L’analyse de la pauvreté qui les sous-tend tantôt fait abstraction de leur mobilité géographique, tantôt interprète leur vulnérabilité de manière univoque, comme un déficit de mobilité et le fruit d’un inégal décloisonnement du rapport des citadins à leur espace de vie (Diaz Olvera, et al., 2004 ; Bertrand, 2010). Mais cette territorialité contrainte établie pour les pauvres, et notamment « les plus pauvres des pauvres » (les ménages monoparentaux de femmes), appelle à discussion lorsque les mouvements migratoires et résidentiels sont observés de manière approfondie dans les capitales ouest-africaines. La Région du Grand Accra constitue à cet égard un cas d’école. D’après notre enquête “Housing Practices and Residential Mobility (2000-2001)”[11], les femmes en charge de leur ménage représentaient près de 28 % des ménages de la capitale ghanéenne. Le suivi des déménagements vécus par 1 400 adultes enquêtés en longitudinal opposaient ainsi les résidents de quartiers déshérités, particulièrement sédentaires, et ceux de nouvelles banlieues, les plus mobiles dans leurs cursus biographiques. Les premiers montraient les plus faibles taux de mobilité intra-urbaine au cours de leur vie, tandis que les seconds finissaient par occuper les unités d’habitation les plus valorisantes et les mieux individualisées. Principal facteur de leur réussite économique, leur capital scolaire les conduisait à migrer vers la capitale ghanéenne puis à s’y redéployer durablement.

Refocusing development from the bottom-up is not a novelty. In many respects it constitutes the new version – in the South as in the North – of a localism already proposed as a way to resolve crises. Furthermore, there is nothing new about taking African women city-dwellers into account as a dominated as well as active category (Vidal, 1977; Copans, 1987).

Dans ce contexte, les femmes chefs de ménage se retrouvaient nettement surreprésentées dans les quartiers peuplés d’« autochtones » (non-migrants), de surcroît pauvres et éligibles à quelques opérations de réhabilitation urbaine. Dans celui de Teshie, que retiendront finalement les bailleurs de fonds des Projets à la fin des années 1990, les femmes en charge de leur ménage dépassent de beaucoup (48 %) la moyenne urbaine ; elles se replient sur des droits familiaux d’usufruits pour échapper à la contrainte financière de la location, mais au prix d’une promiscuité très forte dans l’habitat de cour. Leurs activités sont dérivées de la pêche, et se limitent à bien des égards au quartier dont elles sont originaires sur la côte atlantique. Validant la thèse d’une relative assignation à résidence des plus pauvres dans l’espace urbain, ce profil-type est cependant loin de résumer toutes les figures de la pauvreté : d’autres formes de cantonnement concernent des ménages locataires, peu prompts à valoriser leur environnement, au sein desquels les femmes apparaissent en retrait des choix et du financement du logement. Enfin, proche de Teshie par l’impact des usufruitières dans un bâti médiocre et densément occupé, un autre quartier autochtone concentre en périphérie urbaine des pauvres beaucoup plus mobiles. Si les femmes chefs de ménage y sont également plus représentées que la moyenne (42 % des ménages), elles ne sont pas en reste de la mobilité inter- et intra-régionale qui recompose fortement ce quartier et rend sa mobilisation communautaire incertaine à moyen terme. L’unité de problème et de perspective des femmes en ville a donc volé en éclats dans la comparaison élémentaire de quelques contextes territoriaux de la métropole.

Using these expressions eventually leads to the analysis of governmentality which is more varied than what appears at first. However, the trend is for national representations to be withdrawn and for state bureaucracies to shrink. General modernisation is no longer aspired to, its regulatory and political implications having been decried. The focus is on the fragmentary preservation of regulation capacities, and of short and medium term accountability. Funding choices place potential aid targets in competition with one another. The conditions imposed by international donors, in a public action reduced to pilot operations, define a narrow context in relation to decades of easy credit. Selection processes give rise to a real sense of exclusion on the part of those who do not benefit from loans. Yet, the political authorities responsible for implementing such selections no longer base them on the expression of unitary appearance that prevailed under nationalist juntas or under the monopole of one-party regimes. Today, transparent reasons justify arbitrations in a political landscape which is sometimes chaotic but which one assumes is pluralist.

La deuxième limite d’un développement recadré à l’échelle locale et à la portée des femmes réside dans le fait que les pratiques urbaines étudiées engagent une double inégalité : non seulement des femmes à l’égard des hommes mais aussi et surtout des femmes entre elles. La variable du sexe apparaît alors moins discriminante que celles des rapports intergénérationnels et de la différenciation économique. C’est notamment le cas lorsqu’un marché mis aux normes néolibérales, celui des parcelles à bâtir en l’occurrence, devient plus sélectif (Bertrand, 2003). Des simples ménagères en quête d’une sécurisation foncière de survie, et faisant le siège des mairies pour plaider leur cause, aux « gros bonnets » de ventes aux enchères, cumulant même plusieurs terrains viabilisés et investissements locatifs, l’éventail des positions marchandes dément la cohérence d’un sujet politique féminin.

In this general context, “gender empowerment” or the ‘women’ ramifications of sectoral programmes play an important role. But it is more a question of legitimising those political authorities responsible for implementing operations than promoting real social change. There are two interpretations of this politically correct link between women and the local in the currently globalised understanding of development.

La troisième limite tient au terme final du couplage des femmes et du local, qui impliquerait un potentiel accru de participation. Sur ce terrain politique important, bien des études montrent que l’équation de la base et de la mobilisation ne fonctionne pas toujours ; qu’elle ne va pas en outre sans conflits, détournements de sens et d’intérêt, ni querelles de leaderships pouvant même inhiber les acteurs du développement (Bertrand, 1999 et 2002-b) ; qu’enfin l’équation particulière des femmes et de consensus locaux ne se concrétise pas à la hauteur des attentes. C’est ce qui justifie sans doute de nouvelles exigences pour que la pauvreté soit appréciée sous un angle plus phénoménologique valorisant la conscience que les intéressées ont de leurs capacités propres et la manière dont elles évaluent leurs limites. Leur bilan dépasse le cadre de cet article.

1. The first interpretation follows from a community perspective. The women’s promotion model shifted from national public issues – linked to state controls and legislation – to a specific expression of citizenship in local action systems[12].

 

Indeed, many studies insist on the bottleneck – and consequently the potential for empowerment – represented by the recognition of land rights when going from the private expression of women’s problems (physical and economic violence, excessive domestic work), to a public expression[13]. In a perspective that emphasises roots in a community of origin, family status and belonging based on geographic proximity appear crucial to the evolution of women’s contribution to development. As such, the analyses and recommendations particularly reflect the precariousness generated by the unequal distribution of land, customary rules on land use and the protection of land tenure. Urban areas are also affected by this type of perspective, as shown by the survey of the Greater Accra Region: in 2000, 53 % of households headed by women were housed in usufruct or were occupying an inherited family dwelling for free, whereas only 30% of households headed by men benefitting from of shared property rights. During surveys conducted prior to urban rehabilitation operations, it was essential to hold group discussions with women’s representatives in order to show good territorial cohesion.

Deux registres de légitimation locale

However, concerning markers of lineage and community, conquered rights or standards claimed locally by women, political cultures diverge in Anglophone and Francophone Africa, and from the coast to the Sudano-Sahelian interior. In Mali for example, Islamic law ensures that heiresses are demoted in favour of heirs, and inheritance practices often push them aside from estates. Moreover, the Republican tradition inherited from French colonisation made a long-lasting mark on the land development legal system. State-owned property occupies a central place in land use requisitions, redistributions and conversions. The national development imperative prevails over customary interests. In town, administered estates, which constitute a reference even for informal settlements, continue to influence the rehabilitation of deprived suburbs. Therefore, it is in reference to public power and its political expression – based on patronage in particular – that women are gaining ground as far as their residential positions are concerned, including in informal settlements and in favour of land regularisations, but not as regards community frameworks.

Le recadrage du développement par le bas n’est pas, en effet, une véritable nouveauté. Il constitue à bien des égards la nouvelle version, au Sud comme au Nord, d’un localisme déjà proposé comme voie de sortie de crise. De même n’est pas nouvelle la prise en compte des femmes africaines, notamment citadines, comme une catégorie à la fois dominée et actrice (Vidal, 1977 ; Copans, 1987).

Anglophone Ghana, on the contrary, conforms to the hypothesis of persistent customary pressures and tenacious land issues in political, local and national expression. In the wake of indirect colonial rule, the land jurisdiction recognises collective family, clan and chieftainship rights. The fact that a citizen is rooted in his/her hometown, whether or not s/he resides there, as long as s/he claims a share of the land inheritance, constitutes a first step towards belonging to the Ghanaian nation. The exercise of national civil and political rights is influenced by the local definition of land rights. From this territorial attachment which is common to highly differentiated ethnic frameworks in the country, follows an implication of women in development. The classification of their commitments is linked to the varied community rules for the transmission of properties and statuses. As seen in the Ghanaian capital, the benefit of usufruct over family courtyards varies between women, those who head households in particular, according to whether they are migrants or natives, impoverished or committed to an increasing residential mobility, individualised in their initiatives or subjected to men’s.

Le chevillage des termes débouche finalement sur l’analyse d’une gouvernementalité plus variée qu’il n’y paraît de prime abord. Mais en la matière, l’heure est au retrait des représentations nationales et au désengagement des bureaucraties d’Etat. Les ambitions ne relèvent plus d’une modernisation d’ensemble, dont les implications réglementaires et politiques ont été fort critiquées. Elles se mesurent au contraire à l’aune d’une préservation fragmentaire des capacités de régulation, et de responsabilités justifiées (accountability) à court et moyen termes. Les choix de financement placent les cibles potentielles de l’aide en concurrence les unes par rapport aux autres. Les conditions imposées par les bailleurs de fonds internationaux, dans une action publique réduite à des opérations-pilotes, définissent un contexte étriqué par rapport aux décennies du crédit facile. Les logiques de sélection suscitent de réels sentiments d’exclusion de la part de ceux qui ne figurent pas parmi les destinataires de prêts. Or les instances politiques chargées de mettre en œuvre ces tris ne sont plus portées par l’expression d’apparence unitaire qui prévalait sous le régime de juntes nationalistes ou sous le monopole de partis uniques. C’est désormais un format de « raisons transparentes » qu’il faut jouer pour justifier les arbitrages, dans un paysage politique parfois chaotique mais censé tendre vers l’alternance.

The attention paid to women, youth or customary owners in setting up projects for the rehabilitation of neighbourhoods, is not formalised in Ghana. The research consultancies in charge of proposing underprivileged communities in need of rehabilitation, usually vouch for communities that will be prompt in getting involved in focus group discussions, a technique which is valued in development expertise. These favour a collective expression of needs and commitments. By removing gender issues from participation, the approach seems to validate (better than in the Francophone environment) business solvability imperatives (i.e. ability and willingness to pay) and those of decentralised governance (i.e. demonstrations of community initiatives and cohesiveness).

Dans ce contexte, le thème du « gender empowerment », globalement, ou les ramifications « femmes » de programmes sectoriels, jouent un rôle notable. Mais il s’agit davantage de légitimer l’instance politique chargée de mettre en œuvre ces opérations que de promouvoir une véritable politique du changement social. Proposons deux interprétations de ce lien « politiquement correct » des femmes et du local dans la compréhension désormais mondialisée du développement.

Yet, even rooted as it is in political culture, this model of community solidarity relies on myth and has encountered many limitations (Mayoux, 1995; Guijt and Shah, 1998). As in rural projects, obstacles lie in the first as much as the second imperative: the lack of mobilisation and the divergence of interests does not concern women less than men; women’s participation is not necessarily more exemplary or better reproducible than men’s commitment when it comes co-financing local facilities for example. The categories of women, poverty and the local do not establish long-lasting practices. Neither the semantic promotion of each term nor their association can hide the theoretical poverty of the argument. Beyond the community approach, there is development make-believe: an approach by projects, not based on a broader analysis of social inequalities, a fight against vulnerability reduced to management measures, and a promotion of proximity that does away with the issue of geographic mobility.

La première interprétation découle d’une perspective communautaire. Le modèle de promotion des femmes s’est déplacé d’enjeux publics nationaux, liés aux leviers et législations d’Etat, à une expression particulière de la citoyenneté dans les systèmes d’action locaux[12].

2. The second interpretation of women’s participation is sceptical as regards the current discourse on community loans. The issue of women should contribute further to the preservation of public services. The regulatory role of the state is essential as far as specific local characteristics and the market are concerned. It is apparent here in the definition of objectives and criteria of male-female parity. Concerning women, the change from domestic expression to public claims ends up being played during elections, which then puts women in competition with men. The governance concerned here is indeed national in scope. It reflects quotas of women added – whether explicitly or not – to the representation of political parties for legislative and municipal elections, and by the selection of female candidatures in primary elections. It falls to the democratic authorities to implement them at grass-roots level first of all, as illustrated by the consecutive elections for reforms on decentralisation held in Mali from 1993 to 1996[14].

De nombreuses études insistent en effet sur le goulet d’étranglement – et par conséquent le terrain d’empowerment – que représente la reconnaissance de droits fonciers dans le passage d’une expression privée des problèmes des femmes (violences physiques et économiques, surtravail domestique), à une expression publique[13]. En vertu de logiques d’enracinement dans les communautés d’origine, les statuts familiaux et les appartenances fondées sur la proximité géographique apparaissent décisifs pour faire évoluer la contribution des femmes au développement. Les analyses et les recommandations s’attachent donc particulièrement aux précarités que génère une inégale distribution des terres, aux règles coutumières d’usage du sol et à la protection des tenures foncières. Les milieux urbains n’échappent pas à ce type de perspective, comme l’a montré l’enquête résidentielle du Grand Accra : en 2000, 53 % des ménages dirigés par une femme se trouvaient logés en en usufruit ou occupaient à titre gratuit un patrimoine familial hérité ; dans le même temps, le bénéfice de ces droits partagés de propriété ne concernait que 30 % des ménages dirigés par un homme. Lors des enquêtes préalables aux opérations de réhabilitation urbaine, les discussions de groupes avec les représentantes des femmes constituent alors un parcours obligé pour la démonstration d’une bonne cohésion territoriale.

However, there were many instances of dissidence generated by imposed sponsorships, and of turmoil in a few influential towns as regards feminine promotion, which probably equals the turmoil created by rivalries between men and defined by them in the pluralist regimes or within one-party political systems. In the end, the ‘voice of the poor’ has natural limits: the local is not all that consensual, individual careers are advanced under the pretence of collective arguments, women remain poorly represented in elections and destitute populations remain suspicious of a state that did recover sufficient credibility with the multiparty system.

Mais sur ces repères lignagers et communautaires, des droits conquis ou des normes localement revendiquées par les femmes, les cultures politiques divergent en Afrique anglophone et francophone, et de la côte à l’intérieur soudano-sahélien. Au Mali par exemple, l’Islam place la part des héritières en retrait de celle des héritiers, et les pratiques successorales les écartent souvent des biens fonciers. De plus, la tradition républicaine héritée de la colonisation française a durablement marqué le dispositif juridique de mise en valeur de la terre. Le domaine d’Etat occupe une place centrale dans les réquisitions, les redistributions et les reconversions d’usage du sol. L’impératif du développement national s’affirme au-dessus des intérêts associés à la coutume. En ville, la pratique des lotissements administrés et la référence qu’elle constitue, y compris dans l’habitat irrégulier, continuent d’influencer la réhabilitation des quartiers déshérités. C’est donc en référence à la puissance publique et à son expression politique, particulièrement clientéliste, que les femmes font progresser leurs positions résidentielles, y compris dans les quartiers non lotis et à la faveur de régularisations foncières, non à l’égard de cadres communautaires.

Official or unofficial quotas for women are certainly promoting their visibility at different levels of local expression, and in various institutions of social and political representation. However, the future of the promised reinforcement of women’s collective capacities is still conceived of as smaller, more confined and less open than that of men, based on private and daily life: the courtyard (while men monopolise decisions in district councils), neighbourhood sociability (while men bustle about in town), and leaderships of regional county-towns (while men speak in favour of women on the governmental or international scene).

Le Ghana anglophone valorise au contraire mieux l’hypothèse de pressions coutumières persistantes et de jeux de terroir tenaces dans l’expression politique, locale et nationale. Dans le sillage de l’indirect rule coloniale, la juridiction foncière reconnaît des droits collectifs : familiaux, claniques et de chefferie. L’ancrage de tout citoyen dans son hometown d’origine, qu’il y réside ou non pourvu qu’il en revendique une part de l’héritage foncier, constitue le premier terme de l’appartenance à la nation ghanéenne. L’exercice de droits civiques nationaux est conditionné par la définition locale de droits sur la terre. De cet attachement territorial, commun à des cadres ethniques fort différenciés dans le pays, découle une réelle responsabilisation des femmes à l’égard du développement. La classification de leurs engagements est liée aux règles communautaires, elles-mêmes variées, de transmission des biens et des statuts. Comme on l’a aussi vu dans la capitale ghanéenne, le bénéfice d’usufruits sur les cours familiales intéresse inégalement les citadines, tout particulièrement les femmes chefs de ménage, selon qu’elles sont migrantes ou autochtones, paupérisées ou engagées dans une mobilité résidentielle ascendante, individualisées dans leurs initiatives ou soumises à celles des hommes.

Conclusion

L’attention portée aux femmes dans le montage des projets de réhabilitation de quartiers, au même titre qu’aux jeunes et aux propriétaires coutumiers, n’est donc pas formelle au Ghana. Les bureaux d’études qui ont la charge de proposer telle ou telle « communauté déshéritée » à réhabiliter mettent en avant sa promptitude à s’impliquer dans les focus group discussions selon une technique ici prisée dans l’expertise au développement. Ils font ainsi remonter une expression collective de besoins et d’engagements. En désagrégeant les termes masculins et féminins de la participation, l’approche semble donc, mieux qu’en milieu francophone, valider les impératifs de la solvabilité marchande (ability and willingness to pay) et ceux de la gouvernance décentralisée (demonstrations of community initiatives and cohesiveness).

At the turn of the century, women’s entry into the terms of reference of globalised development was played at ‘the local’ level. The ‘gender’ and ‘decentralised’ dimensions which many associations claim to represent, like the financial set-ups of the World Bank in favour of the poor, cannot be understood without going back two decades: a real flight of enthusiasm for developmental themes following the duller terms of structural adjustment; a close link between the epistemological promotion of gender and the pragmatic alternative (once the African state was disowned) of good practices at grass-roots level. Space and time – i.e. local space and project deadlines – are more than ever necessary to analyse the context effects which could confer truly varied political issues on the dual springboard of community and elections upon women. However, their promotion never fails to be called for, despite serious misgivings on the part of researchers and the sense that localism bears new dependencies towards external donors.

Mais même ancré dans une culture politique de long terme, ce modèle de la solidarité communautaire fonde plus d’un mythe et butte sur de nombreuses limites (Mayoux, 1995 ; Guijt and Shah, 1998). Comme dans les projets ruraux, les obstacles tiennent autant au second qu’au premier impératif : le défaut de mobilisation et les divergences d’intérêts ne concernent pas moins les femmes que les hommes ; la participation des premières n’est pas nécessairement plus exemplaire ni mieux reproductible, par exemple quand il s’agit de cofinancer des équipements de quartier, que l’engagement des seconds. Ni la catégorie des femmes, ni celles de la pauvreté et du local ne fondent de pratique durable. Ni la promotion sémantique de chacun des termes, ni leur association, ne masquent sur le fond la minceur théorique du propos. Par delà l’approche communautaire se cachent bien des faux-semblants du développement : une logique de projets débarrassée de l’analyse d’ensemble des inégalités sociales, une lutte contre la vulnérabilité réduite à des mesures gestionnaires, une promotion de la proximité évacuant la question de la mobilité géographique.

About the author

La seconde interprétation de la participation des femmes est ainsi plus sceptique à l’égard du discours ambiant sur le crédit communautaire. La question des femmes devrait davantage contribuer à la préservation des missions de service public. Le rôle régulateur de l’Etat s’impose à l’égard des particularismes locaux autant qu’à l’égard du marché. Il se manifeste ici dans la définition d’objectifs et de critères de parité hommes/femmes. Pour les secondes, le passage d’une expression domestique à des revendications publiques se joue alors sur le terrain des urnes, qui les place de fait en concurrence avec les premiers. La gouvernance en cause ici est bien de référence nationale. Elle se traduit par des quotas de femmes ajoutés explicitement ou non à la représentation des partis sur les scènes législatives et municipales, et par la sélection de candidatures féminines dans les primaires aux votes. Il revient donc aux instances démocratiques de les mettre en œuvre d’abord à la base, comme l’ont montré au Mali les élections consécutives aux réformes de décentralisation de 1993-1996[14].

Monique Bertrand

Mais les dissidences qu’ont générées ces parrainages imposés, les remous enregistrés dans quelques communes-phares de la promotion féminine n’ont rien à envier aux troubles semés par les rivalités dont les hommes ont donné le ton dans les régimes pluralistes ou au sein des partis uniques. La « voix des pauvres » achoppe alors sur d’autres limites : le caractère finalement peu consensuel « du local », les carrières individuelles menées sur le dos d’argumentaires collectifs, la faible présence électorale des femmes et la méfiance des populations démunies à l’égard d’un Etat que le multipartisme n’a pas suffit à re-crédibiliser.

 

Au total, avouées ou non les logiques de quotas font certes progresser la visibilité des femmes à différents niveaux d’expression locale, dans différentes instances de représentation sociale et politique. Sur le fond toutefois l’horizon qui se dessine pour un renforcement de leurs capacités collectives est toujours énoncé comme « plus petit », plus confiné et moins ouvert que celui des hommes, inspiré de l’intimité et du quotidien : espace de la cour quand les hommes monopolisent la décision dans les conseils de quartiers, sociabilité de voisinage quand les hommes s’affairent plus largement en ville, leaderships de chefs-lieux régionaux quand les hommes plaident… pour les femmes sur la scène gouvernementale ou internationale.

To quote this article

 

Monique Bertrand, “Women and the Local: Promotion or New Confinement in African Cities?”, [«’Quand femme rime avec local’ : logique de promotion ou nouveau confinement dans les villes africaines ?»], justice spatiale | spatial justice | n° 03 mars | march 2011 | http://www.jssj.org/

Conclusion

[NOTES]

Au tournant du siècle, l’entrée des femmes dans les termes de référence d’un développement globalisé s’est donc jouée par la porte « du local ». Les dimensions « genre » et « décentralisée » dont se réclament de nombreuses associations, comme les montages financiers de la Banque mondiale en faveur des pauvres, ne peuvent se comprendre sans le recul de deux décennies : un réel emballement des thèmes porteurs du développement qui succèdent aux termes plus moroses de l’ajustement structurel ; un lien étroit entre la promotion épistémologique du genre et l’alternative pragmatique – une fois désavoué l’Etat africain – des bonnes pratiques de la base. L’espace (local) et le temps (les échéances des Projets) sont donc plus que jamais nécessaires à l’analyse des effets de contexte qui confèrent aux femmes des enjeux politiques réellement variés sur le double tremplin communautaire et électoral. Mais si leur promotion ne manque pas d’être rappelée, c’est au prix d’incertitudes scientifiques tenaces et d’un localisme porteur de nouvelles dépendances à l’égard des bailleurs de fonds extérieurs.

 

[1] Bertrand, 2004; also Bertrand Monique, “L’insertion des femmes chefs de ménage dans la région du Grand Accra, Ghana. Ménages, couples, individuation”, Journée d’étude Genre, Inégalités et Territoire, 24 May 2002, Bordeaux, Regards-CNRS and IFAID-Aquitaine.

A propos de l'auteur

Monique Bertrand

 

[2] The crossing of colonial histories and women’s history gives rise to different orientations in particular (Bulbeck, 1998; Hugon, 2004).

Pour citer cet article

Monique Bertrand, «'Quand femme rime avec local' : logique de promotion ou nouveau confinement dans les villes africaines ?», [“Women and the Local: Promotion or New Confinement in African Cities?”], justice spatiale | spatial justice | n° 03 mars | march 2011 | http://www.jssj.org/

[1] Bertrand, 2004 ; également Bertrand Monique, « L’insertion des femmes chefs de ménage dans la région du Grand Accra, Ghana. Ménages, couples, individuation », Journée d’étude Genre, Inégalités et Territoire, 24 mai 2002, Bordeaux, Regards-CNRS et IFAID-Aquitaine.

[4] For a sectorial application involving the gender-related dimension of poverty, see Booth, et al., 2000; Turner and Fouracre, 1995.

[2] Le croisement des histoires coloniales et de l’histoire des femmes suscite notamment des orientations différentes (Bulbeck, 1998 ; Hugon, 2004).

[5] Many NGOs took part in the 1995 Conference on Women and contributed to making their rights and needs more legible in their respective countries.

[3] Le troisième des huit OMD s’attache à promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, tandis que le 5ème est plus classiquement consacré à l’amélioration de la santé maternelle.

[6] Creation of new communes in Mali, institutional reinforcement of districts in Ghana. Both countries are designated as being exemplary by their donors in the decentralisation process currently taking place in Africa.

[4] Pour une application sectorielle faisant jouer la dimension sexo-spécifiée de la pauvreté : Booth, et al., 2000 ; Turner and Fouracre, 1995.

[7] The international conference of Addis Abeba held from 28 April to 1 May 1998 on “African Women and Economic Development: Investing in our Future”, organised by the UN’s Economic Commission for Africa, African Centre for Women, developed the “self-management of neighbourhoods on a domestic and familial basis” in a mainly rural environment. Focused on cities, the MOST-UNESCO Project entitled “Cities, the Environment and Social Relations between Men and Women”, closely follows the points of convergence between Africa, Latin America and Switzerland (references mentioned hereunder).

[5] De nombreuses ONG ont participé à la Conférence internationale sur les Femmes de 1995 et ont contribué à rendre leurs droits et besoins plus lisibles dans leurs pays respectifs.

[8] The third Urban Project in Mali, which is completed today, supported the programme entitled “Let’s Save our Suburb” which concerned 25 suburbs of Bamako in the middle of the 1990s (Diallo A., Vaa M., 2000, “The Urban Poor, Gender and the Fight Against Poverty. The Case of Mali”, International Conference on Urban Futures, Witwatersrand University, 10-14 July 2000, Working group on Gender and the City). Since 1997, Urban Environmental Sanitation Project and its extension UESP 2 support the development of poor suburbs in the Greater Accra Region.

[6] Création de nouvelles communes au Mali, renforcement institutionnel des Districts au Ghana. Les deux pays sont désignés comme exemplaires par leurs bailleurs dans le processus de décentralisation en cours en Afrique.

[9] L’Afrique municipale, « Impliquer les femmes dans la gestion locale », Bulletin thématique du Programme de Développement Municipal, n° 14, 2000.

[7] La Conférence Internationale d’Addis Abeba du 28 avril-1er mai 1998 (« Les femmes africaines et le développement économique : investir dans notre avenir », ONU, Commission Economique pour l’Afrique, Centre africain pour la Femme) valorise le “self-management of neighbourhoods on a domestic and familial basis” dans un environnement principalement rural. Centré sur des villes, le Projet MOST-UNESCO “Cities, the Environment and Social Relations between Men and Women” s’attache quant à lui aux points de convergence entre Afrique, Amérique latine et Suisse (références citées plus bas).

[10] Peuples méditerranéens : « Les femmes et la modernité », n° 44-45, July-December 1998.

[8] Aujourd’hui achevé, le troisième Projet Urbain du Mali a ainsi appuyé le programme « Sauvons notre Quartier » intéressant 25 quartiers de Bamako au milieu des années 1990 (Diallo A., Vaa M., 2000, “The urban poor, gender and the fight against poverty. The case of Mali”, International Conference on Urban Futures, Witwatersrand University, 10-14 July 2000, Working group on Gender and the City). Depuis 1997, Urban Environmental Sanitation Project et son prolongement UESP 2 soutiennent l’aménagement de quartiers pauvres de l’agglomération d’Accra.

[11] IRD, UR 013 and University of Ghana, Legon (Bertrand and Delaunay, 2005).

[9]L’Afrique municipale, « Impliquer les femmes dans la gestion locale », Bulletin thématique du Programme de Développement Municipal, n° 14, 2000.

[12] “One of the strengths of the participatory empowerment approach to development has been its focus on the local and its belief that even the poorest communities can understand and solve their own developmental problem.” (Parpart J.L., “Rethinking Participatory Empowerment, Gender and Development in a Global/Local World”, Montreal: MacGill University, Centre for Developing-Area Studies, 67-74, 2003).

[10] Peuples méditerranéens : « Les femmes et la modernité », n° 44-45, juillet-décembre 1998.

[13] The influence of Hernando de Soto’s theses on the recommendations of the World Bank as regards “Making Markets’ Work Better for the Poor” is obvious: small entrepreneurship is erected as a vulnerability exit model by securing land rights.

[11] IRD, UR 013 and University of Ghana, Legon (Bertrand et Delaunay, 2005).

[14] For the first elections in the series, see Bertrand, 1998.

[/NOTES]

[12] “One of the strengths of the participatory empowerment approach to development has been its focus on the local and its belief that even the poorest communities can understand and solve their own developmental problem.” (Parpart J.L., “Rethinking Participatory Empowerment, Gender and Development in a Global/Local World”, Montreal: MacGill University, Centre for Developing-Area Studies, 67-74, 2003).

[13] L’influence des thèses de Hernando de Soto sur les recommandations de la Banque mondiale en matière de “Making Markets’ Work Better for the Poor” est patente : le petit entrepreneuriat est érigé en modèle de sortie de la vulnérabilité par la sécurisation de droits fonciers.

[14] Pour les premières de la série : Bertrand, 1998.

Bibliographie

References

Adjamagbo Agnès, et al., « Comment les femmes concilient-elles mariage et travail à Dakar et à Lomé ? », in Villes du Sud. Dynamiques, diversités et enjeux démographiques et sociaux, Mouftaou Amadou Sanni, Pierre Klissou, Richard Marcoux et Dominique Tabutin, 103-123. Paris : Editions des archives contemporaines et AUF, 2009.

Bard Christine (dir.), Le genre des territoires. Féminin, masculin, neutre., Angers : Presses de l’Université d’Angers, 2004.

Bertrand Monique, « Les élections communales maliennes de 1998, première édition : étirement électoral et remue-ménage partisan », Politique africaine, n°72, 212-220, 1998.

Bertrand Monique, « Décentralisation et culture politique locale au Mali : de la réforme territoriale au cas de Bamako », Autrepart, n°10, 23-40, 1999.

Bertrand Monique, « Femmes et marchés fonciers urbains : mesures et déterminants d’une percée à Bamako, Mali », Autrepart, n°19, 29-48, 2001.

Bertrand Monique, « Gestion foncière et logique de projet urbain : expériences comparées en Afrique occidentale, francophone et anglophone », Historiens & Géographes, n°379, 77-90, 2002-a.

Bertrand Monique, « Profils du leadership local au Ghana : conflits et fragmentation urbaine dans la métropole du Grand Accra », Autrepart, n°21, 135-149, 2002-b.

Bertrand Monique, « Mondialisation, marché foncier et dynamique sociale à Bamako, Mali », in Villes et citadins dans la mondialisation, Annick Osmont et Charles Goldblum, 151-167, Paris : Karthala-GEMDEV, 2003.

Bertrand Monique, « Femmes et modernité citadine au Mali », in Femmes et villes, Sylvette Denèfle, 283-304, Tours : Presses Universitaires François-Rabelais, 2004.

Bertrand Monique, « Mobilité, pauvretés : les villes interrogées. Introduction. », Revue Tiers Monde, n°201, 7-23, 2010.

Bertrand Monique, Delaunay, Daniel, La mobilité résidentielle dans la Région du Grand Accra. Différenciations individuelle et géographique, Paris : CEPED, 2005.

Blackden Mark C., Bhanu Chitra, Gender, Growth and Poverty Reduction. Special Program of Assistance for Africa, 1998 Status Report on Poverty in Sub-Saharan Africa, Washington D.C.: The World Bank,1999.

Booth David, Hanmer Lucia, Lovell Elizabeth, Poverty and Transport. Final Report, London: Overseas Development Institute, 2000.

Bulbeck Chilla, Re-orienting Western Feminisms: Women’s Diversity in a Postcolonial World, Cambridge: University of Cambridge Press, 1998.

Chambers Robert, “Poverty and livelihoods: whose reality counts”, Environment and Urbanization, Vol. 7, n°1, 173-204, 1995.

Chant Sylvia, “The ‘Engendering’ of Poverty Analysis in Developing Regions: Progress Since the United Nations Decade for Women, and Priorities for the Future”, London School of Economics: Gender Institute, New Working Papers Series, 2003.

Copans Jean, « Des modes domestiques aux modes salariés : cycles de prolétarisation et proto-prolétarisation féminine. Réflexions à partir d’exemples africains », Cahiers des Sciences Humaines, vol. 23, n°1, 75-87, 1987.

DiazOlvera Lourdes, et al., « Mobilités quotidiennes des femmes en Afrique subsaharienne », in Femmes et villes, Sylvette Denèfle, 135-153, Tours : Presses Universitaires François-Rabelais, 2004.

Guijt Irene, ShahMeera K. (eds.), The Myth of Community: Gender issues in participatory development, London: Intermediate Technology Publications, 1998.

Hainard François, Verschuur Christine, « Filling the Urban Policy Breach: Women’s Empowerment, grass-roots Organizations, and urban Gouvernance », International Political Science Review, vol. 22, n°1, 33-54, 2001.

Hainard François, Verschuur Christine, Femmes dans les crises urbaines. Relations de genre et environnements précaires, Paris : Karthala-MOST, 2002.

Hainard François, Verschuur Christine, Femmes et politiques urbaines : ruses, luttes et stratégies, Paris : Unesco-Karthala, 2004.

Hainard François, Verschuur Christine, Mouvements de quartier et environnements urbains. La prise de pouvoir des femmes dans les pays du Sud et de l’Est, Dakar et Paris : ENDA Diapol-Karthala, 2006.

Hugon Anne(dir.), Histoire des femmes en situation coloniale. Afrique et Asie, XXème siècle, Paris : Karthala, 2004

Iman Ayesha M., Mama Amina, Sow Fatou(dir.), Sexe, genre et société. Engendrer les sciences sociales africaines, Paris/Dakar : Karthala/Codesria, 2004.

Lachaud Jean-Pierre, Les femmes et le marché de travail urbain en Afrique subsaharienne, Paris : L’Harmattan, 1997.

Lachaud Jean-Pierre, Pauvreté, ménages et genre en Afrique subsaharienne. Nouvelles dimensions analytiques, Bordeaux : CED, 1999.

Lockwood Matthew, Whitehead Ann, “Gendering Poverty: A Review of Six World Bank African Poverty Assessments”, Development and Change, Vol. 30, n°3, 525-555, 1999.

Mayoux Linda, “Beyond Naivety: Women, Gender Inequality and Participatory Development”, Development and Change, Vol. 26, n°2, 235-258, 1995.

Narayan Deepa, et al., Voices of the Poor: Can Anyone Hear Us?, New York: Oxford University Press for the World Bank, 2000.

Narayan Deepa, et al., Voices of the Poor: Crying Out for Change, New York: Oxford University Press for the World Bank, 2000.

Narayan Deepa, et al., Voices of the Poor: From Many Lands, New York: Oxford University Press for the World Bank, 2002.

Rakodi Carole, “Poverty Lines or Household Strategies. A Review of conceptual Issues in the Study of Urban Poverty”, Habitat International, Vol. 19, n°4, 407-426, 1995.

Turner Jeff, Fouracre Philip, “Women and Transport in Developing Countries”, Transport Reviews, Vol. 15, n°1, 77-96, 1995.

United Nations Development Programme, Transforming the Mainstream. Gender in UNDP, New York: UNDP, 2003.

Vidal Claudine, « Guerre des sexes à Abidjan. Masculin, féminin, CFA », Cahiers d’études africaines, vol. XVII (1), n°65, 121-153, 1977.

World Bank, Engendering Development: Through Gender Equality in Rights, Resources and Voice, Washington DC: Oxford University Press, World Bank Policy Research Report, 2001.

More