Inégalités spatiales, politiques urbaines « néolibérales » et géographies de l’injustice à Londres

Spatial inequalities, “neoliberal” urban policy and the geography of injustice in London

« Les quartiers en difficultés sont la manifestation spatiale d’injustices économiques et culturelles. Ils reflètent la mauvaise distribution des ressources sociales, le manque de reconnaissance et la subordination du statut des groupes culturels non-dominants » (Perrons et Skyers, 2003)[1].

Areas of deprivation are the spatial manifestation of economic and cultural injustice. They reflect the mal-distribution of social resources and the misrecognition and status subordination of non-dominant cultural groups” (Perrons et Skyers, 2003).

Les décennies qui suivent l’intervention du FMI au Royaume-Uni en 1976 peuvent être vues comme une longue séquence de mise en place d’une économie néolibérale (Gough et Eisenschitz, 1996), pendant laquelle les gouvernements et les politiques urbaines à Londres se transforment et se reconfigurent pour finir par graviter autour d’un double consensus : la certitude que la régénération urbaine (urban regeneration) doit être avant tout menée par les acteurs du secteur privé (market-led regeneration) et la nécessité de mettre en place des exigences de rentabilité dans la gestion de l’ensemble des services fournis par la puissance publique.

The decades which followed IMF intervention in the UK in 1976 could be seen as a long period in which the organisation of a neoliberal economy took place: “The programme for the national economy carried out by the British Government since 1975 is essentially neoliberal” (Gough and Eisenschitz, 1996 quoted in Jones and Ward, 2002). Over this period London government and urban policies were transformed and reconfigured, but nonetheless they tended to revolve around a twofold consensus: first, the certainty that urban regeneration had to be led by the private sector; second, the growing use of profitability targets for managing services provided by the public sector.

Pour autant, dans cette séquence qui consacre l’avènement de l’urbanisme néolibéral britannique, on constate une certaine diversité de la forme et des objectifs des politiques qui se succèdent, certaines cherchant parfois à corriger les injustices spatiales produites par les initiatives précédentes. Comment ces injustices sont-elles formulées et saisies par ces politiques ? Quelles réponses y sont apportées ? À l’horizon de ces questions se pose celle de savoir si l’urbanisme néolibéral peut corriger (certaines) des injustices qu’il produit et de quelles façons.

In spite of this, one can observe at this time of triumphant neoliberal urbanism a certain amount of diversity in the form and goals of its policies, with some even trying to repair injustices created by other policies. How were injustices measured and understood by neoliberal policy makers? What mitigative solutions did they devise? The problem underlying these questions is whether or not neoliberal urbanism could amend some of the injustices it had produced and if so, how?

Nous nous intéressons dans cet article à la séquence qui précède l’arrivée au pouvoir de l’actuelle coalition Droite/Centre-Droite[2] et proposons de regarder comment se sont manifestés et articulés politiques urbaines, injustice spatiale et néolibéralisme depuis la mise en place de politiques néolibérales au Royaume-Uni.

This paper seeks to examine the events that precede the coming to power of the current Conservative and Liberal Democrat coalition government in the UK[1] in order to assess how urban policies, spatial injustice and neoliberalism were articulated in London during the neoliberal transformation of the state.

La première partie est consacrée à un rappel des modalités de la mutation néolibérale du Royaume-Uni et de sa traduction dans les politiques urbaines. Nous examinons ensuite comment les formulations de la justice par J. Rawls (1971, 2001) et D. Harvey (1973) permettent de qualifier les injustices produites par les politiques urbaines thatchériennes. Ces dernières ont en effet conduit à une diminution de l’égalité politique et à la dégradation des conditions socioéconomiques des plus mal-lotis.

The first section gives an overview of the neoliberal mutation of the British state and the implications of this on urban policies. Liberal and radical formulations of justice by Rawls (Rawls,1971) (Rawls, 2001) and Harvey (Harvey, 1973) are drawn upon to help frame injustices produced by the Conservatives’ urban policies (1979-1997) around a dual problem: the growth of political inequality and the deteriorating socio-economic conditions of the least well-off segment of society.

Face à cette double injustice, nous regardons dans un deuxième temps comment le New Labour (1997-2010) s’est saisi de ce problème. Tout en maintenant une politique économique néolibérale, les gouvernements successifs ont décidé d’agir sur les inégalités d’opportunités politiques et économiques en mettant en place un programme de « citoyenneté active » et une méritocratie citoyenne, réponse à la crise de représentation des politiques précédentes. Nous présentons la mutation du projet politique du New Labour avant de voir comment elle fut concrètement mise en place dans les politiques de la ville. Le New Deal for Communities (NDC), programme territorialisé de lutte contre l’exclusion des espaces urbains les plus en marge, nous sert de cas d’étude pour observer ces processus.

In the following section, I go on to explore New Labour’s response to this problem (1997-2010). Indeed, while successive New Labour governments continued to apply neoliberal economic policies, they decided to act upon the inequalities in political and economical opportunities with a new « active citizenship » programme, focusing on a meritocratic model of citizenship, which was justified by the failure of citizens’ representation in previous urban policies. A presentation of the transformation of New Labour’s political project follows along with a subsequent illustration of how it was actually applied to urban policies. The New Deal for Communities (NDC), an area-based initiative targeted at deprived areas, is used as a case study to analyse these processes.

Les sources mobilisées pour cette étude sont le résultat d’une compilation de documents de différente nature. Une vingtaine d’entretiens ont été réalisés auprès des administrations locales, des agences parapubliques en charge des financements de la régénération urbaine (regeneration agencies), des universitaires ayant suivi la mise en place des programmes et des membres de la société civile qui y ont participé. Ils ont été réalisés entre 2010 et 2012, en parallèle d’un travail doctoral portant sur les mobilisations collectives et les contestations des projets de renouvellement urbain menés dans des zones du NDC. Ces entretiens ont été complétés par une étude des rapports permettant de comparer les projets NDC entre eux, en particulier les stratégies d’investissement (delivery plans) obtenus auprès des municipalités et des consultants recrutés pour l’établissement de certains plans

The sources used in this study are the result of a compilation of different types of documents. Twenty interviews were conducted in local administrations and regeneration agencies, as well as with academics and members of civil society who followed the implementation of the programmes discussed here. The interviews were conducted between 2010 and 2012 while I was working on my PhD dissertation about collective mobilisations and discontent about urban regeneration in NDC zones. The interviews were completed by a study of the reports allowing a comparison of the different NDCs, in particular the « delivery plans » obtained from boroughs’ administrations or private consultants involved in the production of some plans.

En conclusion, nous revenons sur les formes d’injustices produites par les politiques du New Labour en distinguant celles qui relèvent manifestement du maintien de politiques économiques néolibérales de celles qui relèvent de dysfonctionnements institutionnels et procéduraux.

To conclude, I distinguish two types of injustices produced by New Labour’s urban policies: those which stem from sustained neoliberal economic policies and those which are the result of institutional and procedural failures.

 

 

1- Inégalités, injustices spatiales et premières politiques urbaines néolibérales au Royaume-Uni

1. Inequalities, Spatial Injustices and the First Neoliberal Urban Policies in the UK

Les villes britanniques, a fortiori Londres, n’ont pas attendu l’avènement du néolibéralisme pour être inégales et particulièrement injustes. Les descriptions d’Engels en 1844 témoignent déjà de l’extrême inégalité de la distribution des ressources qui marque le paysage urbain londonien transformé par l’avancée de l’industrialisation (Engels, 1872). Les cartes produites par C. Booth quelques années après (Topalov, 1991) donnent à voir à l’échelle de la ville l’ampleur géographique du développement social et économique inégal qui y règne.

British cities, a fortiori London, were unequal and unjust before the neoliberal era. Engels in 1844 had already noted how extreme differences in distribution of resources were shaping the London urban landscape, which had been transformed by industrialisation (Engels, 1872). C. Booth maps of the same period display at the London scale the magnitude of its unequal development (Topalov, 1991).

Les années de reconstruction qui accompagnent le développement de l’État keynésien facilitent la mise en place de politiques redistributives qui maintiennent les inégalités économiques à un niveau constant et assez faible jusqu’à la fin des années 1970 (indice de Gini = 0.25 –cité par Hills et al., 2005). Cependant, les politiques urbaines de l’État Providence possèdent également leur lot de mécontentements et d’injustices. Des taux élevés de pauvreté urbaine se maintiennent tout au long de la période, ou s’accentuent en raison des politiques de déconcentration et de délocalisation des activités économiques mises en place par l’État central (More et Rhodes, 1973), en particulier dans les zones des inner cities[3]. Peu d’efforts sont concédés pour lutter contre les injustices politiques dont sont victimes les immigrés et les habitants de ces quartiers qui subissent différentes formes de discrimination, en particulier dans l’accès au logement (Glynn, 2005)

With post-WWII reconstruction and the development of the Keynesian state, redistributive policies were set up and helped to maintain a constant low level of economic inequalities until the end of the 1970s (Gini index at 0.25) (Hills and Stewart, 2005). However, welfare state urban policies were not devoid of injustices. There were lasting high levels of urban poverty, in some cases worsened by industrial policies of decentralization affecting inner cities (More and Rhodes, 1973). Little was done to tackle political injustices affecting immigrants and inner cities inhabitants suffering from various forms of discrimination, for example when applying for social housing (Glynn, 2005).

Le retour de la « question urbaine » (c’est-à-dire la pauvreté et les discriminations qui affectent les quartiers situés dans les inner cities) sur l’agenda politique régulièrement à partir de 1968 signifie surtout l’absence de politiques permettant de changer significativement la situation socio-économique et politique des personnes qui résident dans ces lieux évités par les flux d’investissement. Désertés par les capitaux privés depuis la fin de la Guerre (Harvey, 1973), puis par les investissements publics à partir des années 1960 (Howard, 1968) fortement touchés par les conséquences de la désindustrialisation, ces quartiers se dégradent rapidement malgré les subventions accordées dans le cadre des premières politiques de la ville. Le développement de processus de gentrification qui s’y observent à partir des années 1960 (Glass, 1964) (Hamnett, 1976) (Butler et Rustin, 1996) se produit sur fond d’une dynamique générale de dégradation de la situation socio-économique de la majorité des habitants.

The fact that these « urban issues » had often been on the agenda of political programmes since 1968 mostly signifies the lack of success of policies aiming at changing significantly the socio-economic conditions and political isolation of the inner-cities. Abandoned by private investment after World War II (Harvey 1973), receiving little to no public funds since 1960 (Howard 1968), severely hit by de-industrialisation, these areas declined quickly despite the efforts of initial urban programs. While gentrification processes had started back in 1960 (Glass 1964) (Butler and Rustin 1996), the socio-economic situation of the majority of inner-cities inhabitants was declining.

Dans ce contexte de développement urbain inégal hérité des politiques d’après-guerre, quels furent les impacts des politiques urbaines néolibérales menées par les gouvernements conservateurs (1979-1997) ? Ont-elles participé d’une augmentation ou de la création de nouvelles injustices, et de quelles façons ?

In this context of unequal urban development inherited from British post-war history, what were the effects of the Conservatives’ neoliberal urban policies (1979-1997)? Did they create or augment injustices, and if so, how?

 

 

La greffe néolibérale sur l’État keynésien britannique : privatiser et réaffecter l’État (privatizing and retasking the state) (Peck, 2010)

The Neoliberal Transplant on the British Keynesian State: Privatizing and Retasking the State (Peck, 2010)

Pour autant qu’elle semble aujourd’hui omniprésente, l’idéologie néolibérale ne constitue pas un ensemble cohérent et homogène de préceptes qui s’appliqueraient uniformément. De la même façon qu’il existe de nombreuses formes de capitalismes nationaux précédant la mutation néolibérale (Peck et Theodore, 2007), cette dernière n’a pas conduit à la diffusion d’un modèle d’État néolibéral unique. Force est de constater qu’il existe de nombreuses résistances, des « différences résilientes » dans les systèmes nationaux et à des échelles infranationales (ibid.). Le Royaume-Uni, à l’avant-garde de la mise en place de ces politiques, toujours cité en exemple dans les ouvrages d’introduction au néolibéralisme (Harvey, 2005) (Steger et Roy, 2010), n’échappe pas à ce constat. Avant de regarder plus en détails les effets des reconfigurations néolibérales sur les politiques urbaines, rappelons les modalités de l’importation de cette idéologie au Royaume-Uni.

Although neoliberal ideology seems omnipresent, it does not constitute a coherent and homogeneous set of principles, uniformly applied. In the same way as they were several different national forms of capitalism before its neoliberal mutation (Peck and Theodore, 2007), this transformation did not yield a unique model for the neoliberal state. Admittedly, there are numerous resistances, « resilient differences » in national systems and at sub-national scales. The UK, as one of the first neoliberal states, a textbook example (Harvey, 2007) (Steger and Roy, 2010) for the development of neoliberalism, is not an exception to this rule. Before taking a closer look at the effects of neoliberal reconfigurations on urban policies, I will recall how neoliberal ideology was imported into the UK.

Le néolibéralisme désigne en premier lieu une idéologie qui se diffuse à partir de la fin des années 1970. Elle se caractérise par ce qui a parfois été défini comme un fondamentalisme de marché, selon lequel des marchés régulés a minima et libérés des interférences étatiques seraient plus efficaces et moins coûteux dans la création et la distribution des biens et des ressources :

Neoliberalism refers first of all to an ideology that began to spread at the end of the 1970s[2]. It is characterised by what has sometimes been called « market fundamentalism », according to which unfettered markets free from state interference are the most efficient and cheapest way to create and distribute goods and resources.

« La clé de voûte de l’idéologie néolibérale est la croyance que les marchés ouverts, concurrentiels et non réglementés, libérés de toute forme d’ingérence étatique, représentent le mécanisme optimal pour le développement économique » (Brenner et Theodore, 2002)

“The linchpin of neoliberal ideology is the belief that open, competitive, and unregulated markets, liberated from all forms of state interference, represent the optimal mechanism for economic development” (Brenner and Theodore, 2002).

Si sa diffusion date des années 1970, ses origines sont bien antérieures et remontent à l’entre-deux-guerres. Pour une généalogie du concept et de ses filiations dans les milieux économiques et politiques on peut se référer à Peck (2010) et Audier (2012). Il existe une littérature abondante sur le développement de cette idéologie dans les milieux politiques et intellectuels britanniques relatant sa greffe sur l’État keynésien qui s’était développé dans la période d’après-guerre (Dixon, 2008). Suite à l’intervention du FMI en 1976 et face à une inflation extrêmement élevée (qui atteint 20% à la fin des années 1970), son application concerne en premier lieu la mise en place d’une politique économique monétariste inspirée des recommandations de Friedman (Friedman, 1960) destinée à contrôler l’inflation.

There is a large body of work about the progress of this ideology in British political and intellectual circles, describing its transplantation onto the post-war Keynesian state (Dixon, 2008). Following IMF intervention in 1976 and in order to counter an extremely high inflation rate – 20% at the end of the 1970s – neoliberalism was first applied as a monetarist economic policy inspired by Friedman’s recommendations (Friedman, 1960), aimed at controlling inflation.

Ce cadre macro-économique justifie les nombreuses privatisations auxquelles on assiste dans la décennie 1980, suivies ou accompagnées d’une série d’externalisations des services de l’État, en particulier ceux qui relevaient de l’échelon local de gouvernement (Le Galès, 2005). Cependant, il ne permet pas de rendre compte de la mutation plus générale du rôle de l’État qui s’est opérée au Royaume-Uni pendant la même décennie.

This macro-economic framework was used to justify numerous privatizations of the 1980s as well as outsourcing of public services, primarily those within the authority of local governments. However, this framework is not sufficient to give an account of the wider mutations of the state in the UK during this decade.

Loin de se caractériser par un « retrait de l’État », le néolibéralisme thatchérien s’est en effet caractérisé par la reconfiguration de son rôle et par la mobilisation de son appareil vers des buts différents des décennies keynésiennes précédentes. J. Peck cite par exemple la mobilisation de l’appareil d’État au service de la mise en place d’une politique de workfare (la conditionnalité de l’attribution de certaines aides sociales à la population active et une politique de sanction pour les chômeurs refusant les offres de travail qui leur sont faites). Loin d’être un exemple de dérégulation du marché du travail, ces actions furent plutôt signifiantes d’une volonté d’agir sur la forme de ce marché :

Thatcherian neoliberalism was not characterised by a « withdrawal of the state », but rather during that period the role of the state was reconfigured and its administration was mobilised toward different goals than those of the Keneysian decades. For example, Peck has shown how the state administration was reorganized in order to set up the workfare policy (Peck, 2010). As opposd to being an example of labour market deregulation, these actions where a sign of the will to shape the labour markets:

« Le projet n’était pas de « faire reculer les frontières de l’État », comme Thatcher a pu caractériser son programme, mais de restructurer et réaffecter l’État, de mettre en place de nouvelles formes d’intervention et de régulation fondées sur de nouveaux objectifs stratégiques [...] Leur objectif [celui des conservateurs] n’était pas simplement d’éponger le chômage, mais de favoriser des attitudes plus ‘flexibles’ chez les personnes sans-emploi afin de réduire les salaires de réserve, de redéfinir les compétences (vers le bas), et de jeter les bases d’un marché du travail plus compétitif. Bien que cela s’accompagnât d’un discours selon lequel il s’agissait ‘d’aider au meilleur fonctionnement des marchés’, en aucun cas ces actions ne correspondaient à une forme classique de déréglementation » (Peck, op. cit.).

« This was not about ‘rolling back the frontiers of the state’ as Thatcher once characterized her program, but about restructuring and re tasking the state, about new forms of intervention and regulation based on new strategic goals » […] « Their [the Conservatives] objective was not simply to mop up unemployment, but to foster more ‘flexible’ attitudes amongst the workless, to lower reservations wages, to redefine skills (down), and to build the foundations for a more competitive job market. While this was being done in the name of ‘helping markets to work better’, in no sense was it a textbook form of deregulation » (Peck, 2010).

 

Les traductions urbaines du néolibéralisme

The Translation of Neoliberalism into Urban Policies

Il n’existe pas une seule traduction ou l’importation d’un seul modèle qui serait représentatif de l’ensemble de cette mutation dans les politiques urbaines. Les études concernant ses manifestations ont en commun d’avoir cherché à dépasser le seul constat de la diffusion de l’idéologie néolibérale. Refusant de se limiter à son invocation pour expliquer les processus observés, ces travaux ont poursuivi empiriquement le débat théorique ouvert par Brenner et Theodore à propos des villes et des « géographies effectives du néolibéralisme » (Brenner et Theodore, art. cit.).

There was not a unique translation, or only one model of adaptation, to represent the entire neoliberal mutation of urban policies. Studies of its manifestations have all tried to go beyond the simple observation of the spread of neoliberal ideology.

Dans le cas britannique, on peut remarquer que les politiques mises en place à partir des années 1970 ne sont pas qualifiées de néolibérale avant les années 2000. Leur évolution dans les années 1980 est d’abord décrite comme « entrepreneuriale » (Harvey, 1988, Deakin et Edwards, 1993). Elles se manifestent par le passage d’une gestion et d’une production de la ville keynésienne basée sur une régulation stricte des usages du sol à un modèle où le marché joue un rôle croissant dans la distribution spatiale des activités, ce que Peck a décrit comme une « néolibéralisation » de l’espace (Peck, 2002).

In the UK’s case it is worth noting that the policies implemented from the 1970s onward would not be qualified as neoliberal until the 2000s. Their evolution during the 1980s was at first described as « entrepreneurial » (Harvey 1988, Deakin and Edwards, 1993). They consisted in the transition from a Keynesian framework for the production and management of urban fabric based upon a strict regulation of land uses to a model where the market played an increasingly important role in the spatial distribution of social activities. This is what Peck called the process of « neoliberalizing space » (Peck, 2002).

Dans les faits, trois principes s’imposent : la certitude que la régénération urbaine (urban regeneration) doit être avant tout menée par les acteurs du secteur privé[4] (market-led regeneration), la nécessité de mettre en place des exigences de rentabilité dans la gestion de l’ensemble des services fournis par la puissance publique et, dans un second temps, la généralisation de la compétition territoriale. À partir des années 1970, l’ensemble du spectre politique s’accorde pour affirmer que la racine des problèmes urbains est avant tout économique. Face à cette situation et dans un contexte de refus (et d’impossibilité) de l’augmentation des dépenses publiques, la réponse proposée par la Droite est d’agir sur les régulations locales des espaces les plus affectés, en les supprimant dans les cas les plus extrêmes, afin d’orienter des flux d’investissements vers ces territoires.

In fact three principles emerged: 1. the certainty that urban regeneration had to be led by the private sector, 2. the widespread use of profitability targets for managing services provided by the public sector and later 3. the broadening of competition between territories for public funding. From the 1970s onwards there was a consensus across the political spectrum that the root of these issues was the economy. In order to deal with this situation, and in a context where a growth of public spending was not acceptable (or even possible), the Conservatives’ decision was to fix (or suppress in some extreme cases) the local regulations of the worst off urban areas in order to steer investment towards them.

Le modèle des Docklands, dont la plus spectaculaire réalisation demeure Canary Wharf, vaste dalle d’immeubles de bureaux construits par un promoteur canadien au début des années 1990, est l’emblème de cette politique d’aménagement menée par l’investissement immobilier (property-led regeneration). Les mesures mises en place pour favoriser cette compétitivité ont commencé par la mise en place d’un territoire d’exception échappant aux régulations locales, considérées comme un désavantage compétitif, et l’établissement d’une zone franche. L’attractivité du territoire pour les investissements fut consolidée dans un deuxième temps par un apport considérable d’argent public investi dans le financement d’infrastructures de transport (Brownill, 1990). Ces actions furent justifiées par une idéologie utilitariste selon laquelle la croissance générée dans des espaces échappant aux régulations d’aménagement et équipés en infrastructures par la puissance publique se redistribuerait mécaniquement sur les espaces pauvres adjacents (trickle down effect), sans qu’il soit nécessaire d’intervenir sur la redistribution.

The Docklands model, with its most spectacular achievement in Canary Wharf, a large area of high rise office buildings built by a Canadian developer from the early 1990s, is a symbol of the property led regeneration policy. The policies adopted in order to increase the competitiveness of the area started with the creation of the Urban Development Corporation removing some of the Isle of Dogs territories from the governance of local representative democracy, considered there as an obstacle to redevelopment, and then granting the Isle of Dogs enterprise zone status. The area’s attractiveness was later augmented by a notably large public fund investment in transport infrastructure (Brownhill, 1990). The justification of this course of action was to be found in utilitarian ideology, according to which growth in the enterprise zone and public investment in transport would mechanically make the poorer areas around it better off (the trickledown effect), without the need for direct intervention on redistribution.

À la fin des années 1980, l’idée que les villes peuvent devenir le lieu d’élaboration d’une réponse à la crise fordiste-keynésienne que connaît alors le pays se généralise (Deakin et Edwards, 1993, cités par Jones et Ward, 2002). La ville devient le lieu d’émergence de tout un ensemble de nouvelles institutions et d’arrangements partenariaux para-gouvernement qui visent à reproduire à une échelle moindre la logique mise en œuvre dans les Docklands. Le paysage urbain institutionnel est bouleversé par une combinaison « d’actions de privatisation, de promotion de la concurrence, de réforme des finances locales, de redistribution de la responsabilité exécutive loin du contrôle des municipalités [et] par la promotion du travail en partenariat » (Buck et al., op. cit.). Cela permet de garantir un contrôle serré de l’allocation des fonds publics, le but étant d’éviter que les investissements ne viennent créer de nouveaux emplois publics ou des logements sociaux.

By the late 1980s, the idea that cities could be the origin of a response to the fordist-keynesian crisis affecting the country started to be widely accepted (Deakin and Edward, 1993) as cited by Jones and Ward (2002). The city became a hub where new institutions and private public partnerships emerged, trying to reproduce at a smaller scale the policies tested in the Docklands. The urban institutional landscape was challenged by a combination of « privatization, promotion of competition, reform of local government finances, redistribution of executive responsibility away from local authority control [and] promotion of partnership work » (Buck et al., op. cit). This situation allowed for tight control of public spending, with the objective of avoiding investment in new public sector jobs or social housing.

La compétition interterritoriale, y compris pour les territoires les plus en marge, se généralise dans la décennie suivante avec la mise en place de deux fonds à destination des inner cities : City Challenge (1991) et Single Regeneration Budget (SRB) (1993) (voir tableau 1). Après une décennie d’antagonisme entre le centre et les niveaux de gouvernement locaux, ces deux politiques permettent la restauration de logiques partenariales dans le secteur public, garanties par une culture d’audit très développée et contraignante (Le Galès, op. cit). Ces programmes génèrent également une certaine fragmentation territoriale provoquée par la territorialisation des programmes à un échelon infracommunal (area-based initiatives).

During the following decade, the creation of two new funds for inner cities (City Challenge in 1991 and Single Regeneration Budget in 1996) increased competition between areas, including amongst the most marginalised areas. After a decade of antagonism between central and local government, these policies brought the restoration of public private partnerships at the local level, controlled by a strong set of auditing practices (for the evolution of auditing in the 1980’s and 1990’s see Le Galès, 2005). Another consequence of these programmes was the fragmentation of some boroughs’ territory through the funding of area-based initiatives, where the area receiving the investment was limited to a small part of the borough.

Figure 1. Les programmes de régénération urbaine au Royaume-Uni : 1991-2000

Figure 1. Urban Regeneration Programmes 1991 – 2000

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2. Néolibéralisme urbain et justice

2. Urban Neoliberalism and Justice

S’il est clair que ces politiques correspondent à certains aspects des principes du néolibéralisme énoncés précédemment, et peuvent ainsi être représentatives de politiques urbaines néolibérales, sont-elles pour autant injustes ? Pour essayer de répondre à cette question, regardons dans un premier temps comment se pose généralement l’articulation entre analyse géographique du capitalisme contemporain et théorie politique normative, avant de voir quelle fut sa traduction dans les évaluations des programmes City Challenge et Single Regeneration Budget.

Even though it is clear that these policies were implementing some of the neoliberal principles as previously described, are they for this reason necessarily unjust? In order to tackle this question, I will first consider how geographical analysis of contemporary capitalism and normative political theory are usually combined in this debate, before moving on to the question of the evaluation of the SRB and City Challenge programmes.

 

Le débat D. Harvey – J. Rawls

The Harvey-Rawls Debate

L’articulation entre analyse du fonctionnement géographique du capitalisme contemporain et théorie politique normative est un problème qui se pose dès les années 1970, au moment où David Harvey propose de critiquer la proposition rawlsienne publiée deux années auparavant (Rawls, 1971) sur la base d’une analyse marxiste de la production de l’urbain (Harvey, 1973).

The link between a geographical analysis of contemporary capitalism and normative political theory has been subject to controversy since the early 1970s when Harvey set out to criticize Rawls’s thesis, published two years earlier (Rawls 1971), with the aid of a marxist analysis of urban growth (Harvey 1973).

D. Harvey s’oppose à Rawls sur la question de la nature des inégalités. Pour Rawls, les inégalités sont avant tout d’opportunités et une démocratie juste est une société où les individus bénéficient d’un accès similaire aux ressources qui peuvent leur permettre d’améliorer leur condition. L’exercice de cette forme de justice qui soumet l’action politique à l’amélioration du sort des plus mal lotis n’est pas incompatible avec l’existence de marchés capitalistes.

Their views differ on the question of the nature of inequality. According to Rawls, inequalities are first and foremost a lack of fair equality of opportunities and a just democracy is a society where all individuals have similar access to the resources which will allow them to be better off. This type of justice, which assigns the goal of political action as the amelioration of the situation of the worst off part of society, is not incompatible with free market capitalism.

Pour D. Harvey, la formulation libérale de Rawls n’est pas satisfaisante car elle laisse de côté, ou du moins n’aborde pas frontalement, la question de la forme des systèmes de production, en particulier le rôle du capitalisme, et avec lui, celui de la propriété privée, dans la création d’injustices. La justice sociale, selon D. Harvey, ne devrait pas être regardée comme « une question de justice et de morale éternelle » mais doit être étudiée comme un phénomène « subordonné à des processus sociaux qui opèrent dans la société dans son ensemble » (Harvey, 1973, cité par Katznelson, 1997). Cette analyse matérialiste des inégalités refuse par conséquent la proposition théorique de Rawls, au nom de l’impossibilité de faire coexister démocratie libérale et socialisme : « il [Harvey] a traité ces options comme s’excluant mutuellement: le libéralisme ou le socialisme » (Katznelson, ibid.)

According to Harvey, Rawls’s liberal theory of justice is not satisfying because it undermines the question of the role of production systems, and in particular capitalism and private property, in the creation of injustice. Social justice, according to Harvey, is not « a matter of eternal justice and morality […] contingent upon the social processes operating in society as a whole » (Harvey 1973, as cited by Katznelson, 1997). This materialist analysis of inequalities leads to a rejection of Rawls’s liberal theory, and to the refusal of a coexistence of liberal democracy and socialism. « He [Harvey] treated these options as mutually exclusive: liberalism or socialism » (Katznelson, 1997)

Cette approche pose un double problème. En premier lieu, si la théorie de Rawls n’est pas incompatible avec une économie de marché, elle est en revanche beaucoup plus radicale que la lecture proposée par D. Harvey. Rawls s’oppose en effet fermement à une forte concentration des richesses, incompatible selon lui avec l’égalité politique. Face au capitalisme de laissez-faire, sa réponse est claire : il n’assure qu’une égalité formelle et ne vise que l’efficacité économique (Page, 2003).

This approach has two problems. Firstly, while it is true that Rawls’s theory is not incompatible with a free market economy, it appears to be a much more radical proposition than what Harvey reads into it. Indeed, Rawls argues with might against high concentrations of wealth, which he deems as incompatible with political equality. His analysis of laissez-faire capitalism is that it guarantees a formal equality while its only real goal is economic efficiency (Page, 2003).

Deuxièmement, à l’instar d’une partie de la tradition marxiste qui récuse les catégories libérales parce qu’elles ne sont qu’un avatar de la domination bourgeoise, récuser le projet rawlsien en bloc, c’est se priver d’outils puissants qui permettent d’évaluer les politiques publiques contemporaines :

Secondly, following the marxist tradition in refusing to use liberal categories because they are an avatar of bourgeois domination, and rejecting the rawlsian project en bloc, amounts to depriving oneself of powerful tools for the evaluation of public policies:

« La théorie libérale telle qu’elle s’est développée au cours des deux dernières décennies mérite toute notre attention car elle constitue actuellement le seul site sérieux pour délibérer des principes et des convictions qui pourraient aider à produire des régimes politiques souhaitables fondés sur des bases libérales » (Katznelson, ibid.)

« liberal theory as it has been developed in the past two decades or so deserves our close attention because it currently constitutes the only serious site for deliberation about the principles and convictions that might help craft desirable political regimes based on liberal foundations. » (Ibid)

Sans nécessairement adhérer à l’idée que la théorie libérale constitue le seul site pour délibérer de ces sujets, on peut noter que cette remarque rejoint la proposition d’autres chercheurs qui ont montré l’utilité et la radicalité des théories rawlsiennes pour évaluer les politiques urbaines contemporaines (Fainstein, 2010) ou les inégalités socio-spatiales (Bret, 2009).

Even if one does not agree with the idea that liberal theory is the only site for discussing these issues, one has to admit that this remark echoes the suggestions of other researchers who emphasized the usefulness and radicalism of Rawls’s propositions in order to evaluate contemporary urban policies (Fainstein, 2010) or socio-spatial inequalities (Bret, 2009).

 

L’évaluation de la première vague des politiques urbaines néolibérales au Royaume-Uni

Evaluation of the First Wave of Neoliberal Urban Policies in the UK

À partir de ces différentes acceptions de la justice, comment s’est formulée, dans le débat public et académique, l’évaluation critique de la première vague de politiques urbaines néolibérales au Royaume-Uni ?

I will now turn to the question of how these different perspectives on justice have shaped the critical analysis of the first wave of neoliberal urban policies in the UK both in academic and public debates.

Une première série d’évaluation mit l’accent sur les défauts de procédures et souligna les déséquilibres de pouvoir, le manque de transparence, quand ce n’était pas l’absence de tout contrôle démocratique sur les institutions produites par ces politiques, en particulier dans la période thatchérienne (Brownhill, 1993, 1998).

A series of evaluations identified the procedural defects and highlighted the unfair distribution of power, lack of transparency or even the lack of democratic control over the institutions created by these policies, particularly during the thatcherian period (Brownhill, 1993, 1998).

Ces critiques procédurales s’insèrent dans une seconde série de critiques qui remettent en cause le modèle urbain entrepreneurial développé pendant les années 1980. L’ouvrage dirigé par R. Imrie et H. Thomas (1999) établit ainsi un bilan des différentes UDC (Urban Development Corporations) selon plusieurs perspectives (économique, sociale, politique). Concernant la zone des Docklands, S. Pile (1995) a documenté les résistances provoquées par l’exclusion politique des habitants. Au niveau de l’aménagement, P. Michon (2008) a montré, à long terme, les effets pervers de la reconfiguration des rapports de pouvoir entre secteurs public et privé. Son étude du fonctionnement des espaces publics illustre la manière dont la privatisation de la gestion des services publics urbains a amené à une augmentation de la fragmentation et des inégalités socio-spatiales.

This procedural analysis was later reaffirmed by a second series of evaluations challenging the entrepreneurial urban model developed in the 1980s. In a book edited by Imrie and Thomas, an assessment was made of the various UDC (Urban Development Cooperations) based on different perspectives: economical, social and political. In the Docklands area, Pile (1995) documented the struggles against the political exclusion of the inhabitants. In the case of planning, Michon (2008) showed the long term perverse effects of the changes in the power equilibrium between the private and public sectors. Her study of the regulation of public spaces highlighted how privatization of urban public services leads to a greater socio-spatial fragmentation and a greater amount of spatial inequalities.

La seconde vague de programmes de régénération urbaine sous les conservateurs (City Challenge et Single Regeneration Budget) donnait à voir en théorie une gouvernance plus transparente et mettait l’accent sur les processus délibératifs pour fixer localement les priorités des programmes. Cependant, l’observation fine des processus de prise de décision a montré que les demandes des habitants associés étaient rarement prises en compte et que les délibérations aboutissaient à la création d’un consensus de façade (Davoudi et Healey, 1995).

The second wave of regeneration policies under the Tory government (City Challenge and Single Regeneration Budget) exhibited a priori more transparent governance; it championed deliberative processes in order to set the programmes priorities locally. A careful examination of these processes, though, showed that the demands of associated inhabitants were rarely taken into account and that deliberation often only led to a surface consensus (Davoudi and Healey, 1995).

Du reste, d’autres critiques ont montré les effets très limités, voire contestables (déplacements), de ces politiques sur les conditions socioéconomiques des populations affectées (Chatterton et Bradley, 2000), quand elle ne fut pas à l’origine de tensions entre les quartiers qui bénéficiaient de l’attribution de financements et ceux qui en étaient dépourvus (Jones et Ward, 2002). Le principe d’attribution compétitif des financements, avec une prise en compte limitée des niveaux réels d’inégalités socio-spatiales (ce ne sont pas les territoires les plus pauvres qui ont bénéficié des financements, mais ceux qui constituaient une « opportunité » foncière ou ceux dont les dirigeants étaient connectés aux instances nationales), constitue en lui-même une source d’injustice procédurale.

Later, critics showed that these policies did very little, and in some cases worsened, the socio-economic conditions of the affected populations. It was also shown that this set of policies created tensions between neighbourhoods receiving funding and those were not (Jones and Ward, 2002). The system of competitive attribution of funding, together with partial consideration of real levels of inequality, is a source of procedural injustice: it is not the worst off territories which receive funding, but those which constitute an investment opportunity for the property sector, or those whose leaders are connected to national institutions.

Que l’on adopte un cadre matérialiste ou libéral d’appréhension des inégalités, à ce stade de l’analyse, il est facile de convenir que ces politiques urbaines furent injustes. La question de savoir si ces injustices découlent du caractère néolibéral de ces programmes semble moins évidente. Au nom du contrôle de l’inflation, ces politiques réduisent grandement les dépenses publiques ; au service d’un fondamentalisme de marché, elles distribuent l’argent public dans des investissements qui permettent de nouvelles dynamiques d’accumulation dans des espaces où les marchés sont défaillants ; mais cela n’explique pas pour autant les injustices qui sont créées. Ces dernières s’expliquent par le refus systématique d’intervenir sur la distribution des plus-values foncières réalisées grâce à la mobilisation de l’argent public pour équiper certains territoires.

Whether one uses a materialist or a liberal framework to understand these inequalities, it is plain to see that the aforementioned urban policies were unjust. It is more difficult to show that this injustice stems from the neoliberal aspects of the policies. In the name of inflation control, they organise large public spending cuts; following market fundamentalism by the book, they invest public funds in projects creating new accumulation dynamics in spaces singled out as market failures; however, this does not explain the injustices that these policies have created. What explains the injustices is the persistent refusal to intervene on the issue distribution of land value gains, a product of public investment in certain territories’ equipment.

L’absence d’action sur les mécanismes de redistribution de la plus-value et des profits produits par la valorisation foncière a ainsi conduit à sa concentration dans les mains d’une minorité. Pour illustration, les inégalités au Royaume-Uni, mesurée par l’indice de Gini, ont connu une augmentation de 30% entre 1978 et 1991 (Hills et al., op. cit.). Londres n’échappe évidemment pas à ce constat. Les niveaux d’inégalité y sont parmi les plus élevés des pays de l’OCDE et la polarisation des marchés de l’emploi y est plus forte que dans les autres villes du pays (Kaplanis, 2007)

This refusal has led to the concentration of land value gains and profits in the hands of a minority. This is illustrated by the fact that economic inequalities, as measured by the Gini index, increased by 30% between 1978 and 1991 (Hills et al., op. cit.). Of course this is the case in London as well. Inequality levels are the highest in OCDE countries and labour market polarisation in London is the worst in the UK (Kaplanis, 2007).

Ce refus systématique d’agir sur l’accroissement des inégalités socioéconomiques passe, aux yeux de nombreux penseurs du néolibéralisme, y compris les plus radicaux comme Hayek, pour une dérive des institutions, plutôt que pour un effet de leur théorie (Gamel, 2008).

The continuous refusal to fix increasing social and economic inequalities was seen by numerous neoliberal thinkers, including radicals like Hayek, as an institutional failure rather than a consequence of their theories (Gamel, 2008).

 

3. Les réponses du New Labour à ces injustices

3. New Labour’s Answer

 

La substitution de la pauvreté par la concentration spatiale de l’exclusion

From Poverty to Spatial Concentration of Exclusion

En 1997, le gouvernement néotravailliste doit affronter un niveau de pauvreté et d’inégalités record depuis la Deuxième Guerre mondiale : 1 enfant sur 4 dans le pays vit dans une pauvreté relative, alors que ce chiffre était de 1 pour 8 en 1979, quand les travaillistes perdirent les élections générales ; 16% des ménages sont sans emploi, deux fois plus qu’en 1979. Les écarts de revenus à Londres ont connu l’accroissement le plus fort du pays : alors que les 25% les plus pauvres gagnaient encore 50% du revenu médian en 1980, en 1988, ils ne gagnent plus que 39% (Logan et al., 1992 cités par Imrie et Raco, 2003), conduisant le marché du travail à une polarisation qui n’a cessé d’augmenter (Wills et al., 2009). En 1997, le Royaume-Uni a atteint un niveau d’inégalité que seuls les États-Unis dépassent dans la cohorte des pays industrialisés.

In 1997, the New Labour government had to deal with the highest levels of poverty and inequality since WWII. One child out of four was living in relative poverty, whereas in 1979 when Labour lost the general election it was one child out of eight. Sixteen percent of households were out of work, twice the amount compared to in 1979. Disparities of income in London had the highest increase in the country: although in 1980 25% of poor people where still earning 50% of median national income, in 1988 they were only earning 39% (Logan et al., 1992 as cited by Raco, 2003). This drove the labour market in a polarisation that has not stopped increasing since (Wills et al., 2009). In 1997, the UK had reached a level of inequality that was only exceeded by the USA in the industrialised countries group.

Face à cette situation, les néotravaillistes promettent de mettre en place les conditions d’une « société plus égale » (Mandelson 1997), tout en poursuivant la politique économique des conservateurs (contrôle des dépenses publiques et monétarisme). Les inégalités éducatives et l’inégal accès au marché du travail sont perçus comme les deux causes principales de l’exclusion, terme qui remplace dès lors ceux de pauvreté et inégalité économique. Le manifeste du parti évite soigneusement de mentionner d’éventuelles mesures visant à lutter de front contre les inégalités de revenus ou de patrimoine, et se concentre sur la promotion de l’éducation, la mise en place de programmes de lutte contre le chômage (via l’expansion du workfare –Peck et Theodore, 2001) et des mesures d’amélioration des conditions des travailleurs pauvres (instauration d’un salaire minimum).

In order to deal with this situation, New Labour promised to deliver the necessary conditions to create a « more equal society » (Mandelson, 1997) while continuing the Tories’ economic policies (public spending control and monetarism). Inequality in education and access to the labour market were perceived as the two main causes of exclusion, a term which had now replaced poverty and economic inequality. The New Labour programme cautiously avoided mentioning measures that would tackle income or assets inequality and concentrates on new education policies, programmes to reduce unemployment (thanks to the generalisation of the workfare policies (Peck and Theodore, 2001) and programmes which aimed to provide better working conditions for poor workers (minimum wage implementation).

En 1997, la Social Exclusion Unit est créée, commission dont le but est de mesurer et qualifier l’exclusion sociale, dénoncée comme étant « la crise sociale la plus importante de notre époque » (Mandelson, op. cit.). L’exclusion sociale ne jamais sera clairement définie par le gouvernement (Hills et al., op. cit.), ni strictement équivalente à la pauvreté matérielle, mais elle sera considérée comme étant le résultat d’une combinaison de processus. Elle désigne en effet :

The Social Exclusion Unit was created in 1997. The objective of this commission was to measure and qualify social exclusion, denounced as « the greatest social crisis of our time » (Mandelson op. cit.). Social exclusion would never be clearly defined by the government (Hills et al., op. cit.) nor was it equivalent to material poverty; it was considered as the result of a combination of processes. Indeed it was meant as:

« Un raccourci pour décrire ce qui peut arriver lorsque des individus ou des espaces souffrent d’une combinaison de problèmes imbriqués tels que le chômage, de faibles compétences, des revenus peu élevés, de mauvaises conditions de logement, des environnements où s’exerce une criminalité élevée, des difficultés de santé et des ruptures familiales. » (SEU, 1997)

« a short-hand label for what can happen when individuals or areas suffer from a combination of linked problems such as employment, poor skills, low incomes, poor housing, high crime environments, bad health and family breakdowns. » (SEU 1997)

Cette citation montre bien que pour les néotravaillistes, ce sont les personnes et les lieux qui souffrent d’exclusion. Or, cette vision qui soutient des politiques territorialisées de lutte contre l’exclusion est loin d’être consensuelle au Royaume-Uni, en particulier suite aux bilans des deux programmes urbains menés dans les années 1990. Elle s’oppose ainsi à ceux qui considèrent qu’une telle approche ne permet pas de lutter contre l’exclusion en général (Kleinman, 1999) car elle manque tous les individus (nombreux) qui ne vivent pas dans des zones considérées comme exclues.

This quote clearly shows that, according to New Labour, « people » and « places » could equally suffer from exclusion. This vision of area-based initiatives to fight exclusion is far from being consensual in the UK, especially in view of the evaluation of the two 1990s urban programmes. It has been argued that such an approach cannot efficiently fight exclusion (Kleinman, 1999) because it will miss all individuals (there are many) who do not live in zones considered excluded.

À l’horizon de ce débat se situe plus généralement la question de l’efficacité des initiatives territorialisées (area based initiatives) de lutte contre l’exclusion, qui ont fait l’objet de nombreuses critiques, dès la fin des années 1970 (Townsend, 1979). Formulée en termes de justice spatiale, la question est de savoir dans quelle mesure des initiatives territorialisée de lutte contre l’exclusion associée à une compétition territoriale ne sont pas à l’origine d’un renforcement de certaines inégalités territoriales. Dans de nombreux cas, comme nous l’avons dit précédemment, ce ne sont pas les territoires les plus mal-lotis qui remportent les fonds, ce qui semble dès le départ problématique. Le manque de ressources pour ceux qui perdent les compétitions pèse d’autant plus que ces territoires sont déjà en marge.

The horizon of this debate is the question of the efficiency of area based initiatives in order to fight exclusion, a policy which had been widely criticised since the 1970s (Townsend, 1979). In terms of spatial justice, the problem is to evaluate whether area based initiatives coupled with inter-territorial competition are not reinforcing territorial inequality. In many cases, as previously shown, it is not the worst off territories that receive funds, which highlights a deeply rooted contradiction. The lack of resources of those who lose competitions weighs all the more heavily as these territories are already marginalised.

 

La reformulation méritocratique de la citoyenneté

A Meritocratic Reformulation of Citizenship

Si l’emphase rhétorique sur la « communauté » pour améliorer la situation des quartiers en marge n’est pas nouvelle au Royaume-Uni, puisqu’elle accompagne les premières heures de la politique de la ville (CDP, 1977), elle se situe au cœur du discours du New Labour qui procède ainsi à une reformulation de son projet politique néolibéral.

Although the rhetorical emphasis on the role of « community » in the amelioration of the situation of marginalised neighbourhoods was not new in the UK, it was indeed present in the early days of urban policy making (CDP, 1977), it was at the heart of the New Labour agenda in the reformulation of its neoliberal project.

La croissance économique de la période 2003-2008 permet aux gouvernements de bénéficier d’une plus grande marge de manœuvre pour financer différents programmes sociaux (Hills et al., 2009), tout en maintenant un cadre économique néolibéral. Dans ce contexte, les néotravaillistes mettent de côté la question de la justice sociale et le problème des inégalités économiques (un nouveau record d’inégalité de revenus fut ainsi atteint en 2009 –Davies, art. cité) pour se concentrer sur le déficit de participation politique et le manque d’engagement citoyen qui semblent particulièrement affecter les quartiers pauvres. Les auteurs s’accordent pour reconnaître que si ces politiques constituent plus un prolongement qu’une rupture des gouvernements conservateurs précédents, les politiques d’encouragement à la participation ont cependant été bien plus financées que dans les deux décennies précédentes et constituent en ce sens une caractéristique propre du blairisme (Davies, 2012).

Economic growth between 2003 and 2008 gave the government greater latitude to finance social programmes (Hills et al., 2009) while maintaining a neoliberal economic framework. In this context, New Labour sidelined questions of social justice[3] and economical inequalities to concentrate on the lack of political participation and civic engagement that seemed to affect poorer neighbourhoods most. Although many authors have noted that New Labour economical policies were more in line with those of the previous Tory government rather than in opposition to them, policies to foster participation received much more funding during their rule than in the previous two decades and as such they seem to have been a specific characteristic of blairism (Davies 2012).

L’encouragement à la participation rejoint des préoccupations et des recommandations qui se développent depuis les années 1980 et 1990, sous l’influence d’Habermas et de la prise de conscience de la nécessité de favoriser les débats publics et les instances délibératives pour améliorer le fonctionnement démocratique (Healey, 1997).

Encouraging participation fits in with concerns and recommendations developed in the 1980s and 1990s, looking to facilitate public debate and build stronger deliberative arenas in order to improve the democratic process (Healey, 1997).

Sous les néotravaillistes, le projet revêt cependant un caractère plus autoritaire, permettant un pas de plus vers une reconfiguration du rôle de l’État dans un contexte économique néolibéral. Il ne s’agit pas pour ce dernier de stimuler le débat démocratique en offrant aux citoyens une égalité de représentation et de participation à la détermination des décisions collectives mais de financer la création d’infrastructures collectives à l’échelon local, les « communautés » pour favoriser, in fine, un transfert de compétences vers la société civile (ou le secteur privé, voir Drozdz, art. cité). Le citoyen ne possède plus un droit de participation, mais une obligation. Ainsi reformulée, la citoyenneté « active » permet un désengagement de l’État au niveau local :

Under New Labour, this project took a more authoritarian turn, allowing yet another step in the reconfiguration of the State’s role in the neoliberal context. Its role was not to stimulate the debate by giving each citizen the same weight in the determination of collective decisions but rather to fund the creation of local institutions (« communities ») in order to help, in fine, a transfer of State level services and responsibilities towards civil society (or the private sector, see Drozdz, art. cit.). Citizens were not so much entitled to participate anymore as obligated to. Reformulated this way, « active citizenship » facilitated the withdrawal of the state at a local level:

« Dans la mesure où les pouvoirs et les responsabilités peuvent être transférés à des échelles plus petites, la politique et le gouvernement sont ainsi libres de se concentrer sur ce que eux seuls peuvent faire... penser stratégiquement, tout en laissant les citoyens et les communautés se gouverner eux-mêmes », G. Mulgan, conseiller du Premier Ministre - cité par M. Raco et R. Imrie (op. cit.).

« To the extent that powers and responsibilities can be passed down to smaller scales, politics and government can be freed to concentrate on what they alone can do … of thinking strategically, while leaving citizens and communities to govern themselves » – G. Mulgan chief adviser to the prime minister, as cited by Raco and Imrie (2003).

Ce soutien à la participation active des citoyens à la gestion et au contrôle de leur quartier via la « communauté »[5] s’accommode parfaitement d’un traitement inégalitaire des citoyens. Ce dernier est en effet justifié par une approche méritocratique de la citoyenneté, et soutenu, comme l’ont noté R. Imrie et M. Raco (ibid.) par la construction d’un discours opposant les citoyens méritants aux autres (deserving versus underserving citizens).

This support to citizens taking an active part in the management and control of their neighbourhood via the « community »[4] can easily be combined with an unfair treatment of citizens. This is justified by a meritocratic redefinition of citizenship and enforced in a discourse opposing deserving citizens to undeserving citizens, as noted by Imrie and Raco (ibid).

 

4. La mise en pratique de l’urbanisme néolibéral du New Labour : l’exemple du New Deal for Communities

4. Implementation of New Labour Neoliberal Urbanism: the Case of the New Deal for Communities (NDC)

 

Le programme et sa gouvernance « communautarienne »

The NDC Programme and its « Communitarian » Governance

Comment cette seconde vague néolibérale s’est-elle manifestée dans les politiques urbaines ? Le New Deal for Communities (NDC), programme emblématique de « construction des communautés » dans les quartiers où se concentre l’exclusion (deprived neighbourhoods) permet d’observer son application.

How did the second wave of neoliberalism manifest itself in urban policies? Its implementation can be seen the New Deal for Communities, a programme championing « community building » in deprived neighbourhoods.

Dans ce cadre, le gouvernement travailliste donne aux municipalités des inner cities la mission de lutter contre la marginalité sociale, économique et politique qui caractérise ces espaces, dans le but d’améliorer leur score d’exclusion (deprivation index score) et la perception du quartier[6]. Alors que les gouvernements précédents avaient insisté sur la nécessité de stimuler la fonction entrepreneuriale des gouvernements locaux et de réparer ces marchés défaillants, les néotravaillistes proposent donc d’y ajouter une dimension sociale et politique.

With this programme, the New Labour government tasked local boroughs with fighting social, economical and political exclusion with the goal to improve their deprivation index score and the perception of their territories[5]. Whereas previous governments insisted on the need to stimulate entrepreneurship and fix broken markets, New Labour added a political and social dimension to their programme.

Dans son application, le programme s’éloigne de la politique de compétition territoriale mise en place par les gouvernements précédents. Les municipalités[7]choisissent en effet, à l’intérieur de leur territoire, un quartier où l’indice d’exclusion est particulièrement élevé et soumettent une proposition dans laquelle ils expliquent quelle sera la stratégie d’inclusion des groupes locaux dans le projet.

In its implementation, the programme diverged from the policy of territorial competition organised by previous governments. Boroughs could pick a neighbourhood where the deprivation index was particularly high and apply with a proposal outlining their strategy in order to include local groups in the project.

Figure 2 : Le programme New Deal for Communities (1999-2009)*

Figure 2. The New Deal for Communities 1999 – 2009[6]

figure 2 fr figure 2 ENG

Les municipalités (boroughs) sélectionnées reçoivent en moyenne 50 millions de livres (60 M€) sur dix ans, qu’elles peuvent dépenser comme elles le souhaitent. Les programmes sont multisectoriels et peuvent concerner l’amélioration des services d’éducation, de santé, de formation, mais aussi les logements et les espaces publics. Ils prolongent le programme précédent, Single Regeneration Budget, pour lequel les subventions étaient bien moindres.

The selected boroughs received on average GBP 50 million over a 10 year period, and were free to spend it as they wished. The projects were multi-sectoral and they could target improvements in education, health, training, and also housing or public spaces. They continued the previous programme SRB, with much more funding.

Les priorités sont décidées par un partenariat (board) qui inclut principalement des représentants élus des résidants, des responsables associatifs et des représentants des agences paragouvernementales (en particulier les agences de régénération urbaine). Afin de créer localement le capital social nécessaire à l’activation des habitants, la première année est considérée comme une « année zéro » pendant laquelle les investissements sont consacrés à des actions de sensibilisation des habitants, à la mise en place du programme et à l’identification de leaders potentiels. Le mode de désignation des membres non élus du board se fait par cooptation, valorisant les réseaux sociaux locaux existants et marginalisant, de fait, la voix de groupes qui sont mal représentés par ce type de structures.

The priorities were set by a board including elected residents’ representatives , members of associations, and representatives of para governmental organisations (in particular regeneration agencies). In order to accumulate enough social capital to « activate » citizens, the first year was considered a « year zero » during which investment was used to inform and mobilise residents, to set up the programmes and to identify potential local leaders. Non-elected board members were co-opted, reinforcing the power of local social networks and undermining groups who were already less represented in this type of structure.

Dans le cadre du NDC mené à Tower Hamlets, seuls 4 membres du partenariat sur 23 ont été élus pour représenter les habitants du quartier affectés par le plan de rénovation urbaine. Les 9 autres membres de la société civile élus étaient très impliqués dans des associations locales, en particulier religieuses, antérieurement au programme, ce qui donnait peu de voix aux groupes qui n’étaient pas organisés comme tels ou dont les associations étaient moins établies.

In the case of the Tower Hamlets NDC, only 4 members of the board (out of 23) were elected to represent residents of neighbourhoods affected by the NDC scheme. The 9 other co-opted members from the civil society were preeminent members of local associations (often religious groups) founded before the programme started. As a result, less established groups and associations were not directly represented on the board.

À Seven Sisters (dans la municipalité de Haringey), ce mode de gouvernance a eu pour conséquence de marginaliser la voix des derniers arrivés (Dillon, 2011). Seven Sisters se caractérise en effet par une très forte proportion de primo-arrivants (pour 40% des résidants, l’Anglais n’est pas leur langue maternelle), résultat de plusieurs vagues migratoires, dans les années 1980 (Kurdes de Turquie, Turcs, Chypriote, ressortissants des pays d’Afrique de l’Est) et depuis la fin des années 1990 (Somaliens, ressortissants des PECO et d’Amérique latine). Certains groupes n’étaient pas représentés dans la gouvernance du board alors que les projets décidés dans le cadre du NDC, en particulier immobiliers, les affectaient directement.

In Seven Sisters (Haringey Borough), this type of governance marginalised the most recently arrived groups (Dillon, 2011). Indeed Seven Sisters’ population has a large proportion of newly arrived migrants (40% of its residents do not speak English as their first language). This is the result of several waves of immigration, first in the 1980s (Kurds from Turkey, Turks, Cypriots, nationals from East African countries ), then at the end of the 1990s (Somalis, nationals from the PECO and Latin America). Some of these groups were not represented in the NDC board although they were directly affected by the NDC projects, most noticeably in real estate projects.

En théorie, chaque board est donc censé produire une stratégie différente, du « sur-mesure » local qui répondrait avant tout aux préoccupations des résidants représentés par cette structure qui leur permet de choisir, sous la bienveillance des administrateurs, les priorités d’investissement.

In theory each board would produce a different strategy, tailor made to suit the local context, meeting the specific needs of the residents represented by the boards, who chose investment priorities under the guidance of appointed officials.

Figure 3. Géographie de l’exclusion à Londres et périmètres NDC

Figure 3. The geography of exclusion in London and NDCs boundaries (map)

Drozdz_JusticeSpatiale_Carte1

À Londres, un programme majoritairement tourné vers la rénovation urbaine

A majority of programmes geared toward regeneration in London.

Or, à Londres, la comparaison des différents programmes qui sont réalisés montre que la majorité des fonds a été allouée à un secteur spécifique : le logement. Dans ces actions, deux traits se retrouvent systématiquement : le transfert du parc social municipal à des bailleurs privés, la valorisation des équipements locaux (en particulier les espaces verts et les espaces publics).

Despite this, in London a comparison of the different programmes shows that the majority of the funds were attributed to one specific sector: housing. Looking at the programmes details two features stand out systematically: the transfer of public social housing ownership to the private sector, and investment in local amenities, especially parks and public spaces.

Figure 4. Part des financements NDC consacrés au logement (réhabilitation et rénovation urbaine) à Londres (2000-2007)

Figure 4. Percentage of NDC funds invested in housing in London (2000-2007)

figure 4 fr

Comment expliquer une telle uniformité ? Premièrement, la majorité des NDC se situe dans des quartiers d’habitat social où les logements se sont fortement dégradés sous l’effet d’un sous-investissement chronique depuis le milieu des années 1980 : « L’un des principaux problèmes ici concerne les conditions de logement qui ont souffert du manque d’investissement durant les 25 dernières années », administrateur du programme NDC Ocean (à Tower Hamlets), cité par J. Bennington et al. (2004). Par conséquent, l’amélioration des conditions de logement est perçue par les résidants et les administrateurs municipaux comme une priorité.

Why is there such a uniformity across the different NDC programmes? Firstly, the majority of NDC projects were targeting social housing neighbourhoods, which were severely deteriorated as a result of under-investment since the 1980s. Consequently, better housing conditions were seen as a priority by residents and council administrators[7].

La gouvernance du board constitue un second facteur. Dans la plupart des cas, au moins un tiers des membres sont des professionnels de la régénération, favorables au modèle property-led regeneration qui encourage l’orientation des investissements vers l’amélioration des équipements, l’augmentation des densités locales et la création d’un marché immobilier à destination des classes moyennes (Diamond, 2007). Pour cela, le transfert de la propriété des logements sociaux au secteur privé représente la stratégie majoritaire mise en place dans les programmes NDC de Londres. Le partenariat entre la municipalité et un bailleur permet de dégager des fonds à partir de la vente des nouveaux logements construits dans le cadre des programmes de rénovation et de financer ainsi la réhabilitation des immeubles qui ne sont pas détruits, sans alourdir les budgets municipaux. La dynamique récente des marchés immobiliers résidentiels à Londres encourage d’autant plus cette approche (carte 2).

The Boards’ governance is a second reason for this uniformity. In most cases, a third of the board members were regeneration professionals in favor of a property-led regeneration that encourages investment in better amenities, greater densities and the creation of a real estate market for the middle class (Diamond, 2007). In order to realise this, the main strategy used in London NDC programmes was the transfer to the private sector of social housing ownership. Partnerships between the Boroughs and housing associations made funds available through the sale of new housing built in NDC projects; these funds were then invested in the renovation of older social housing stock that had not been demolished. The dynamics of real estate markets in London encouraged this approach.

Figure 5. Évolution des prix du logement à Londres (2005-2009) et périmètres NDC

Figure 5. Residential prices in London (2005-2009) and NDCs boundaries (map)

Drozdz_JusticeSpatiale_Carte2

La municipalité a peu de marge de manœuvre pour envisager d’autres modalités de financement, en raison de la mise en place de mesures de rétention des fonds en cas d’opposition au transfert des parcs de logements sociaux (Watt, 2009). Ainsi, dans le cas de Tower Hamlets, 20 des 50 millions de livres (24 M€) alloués au programme NDC furent gelés suite au refus du transfert vers un bailleur privé[8]. Le reste des fonds ne fut accessible qu’une fois une médiation trouvée entre la municipalité et les habitants, impliquant cette fois non pas le transfert de la propriété mais celui de la gestion des bâtiments, permettant de poursuivre le projet sans le soumettre de nouveau à un vote des résidants. La gouvernance du projet fut également révisée au profit d’une diminution du nombre de participants (de 23 à 11 membres) et d’une baisse du nombre de représentants des habitants (2 membres) au profit de la représentation des experts, de la municipalité et des promoteurs immobiliers (9 membres).

Boroughs had little latitude in finding different methods of funding as subsidies were withheld if they opposed the transfer of public housing stocks (Watt, 2009). In Tower Hamlets, for example, 20 of the 50 million pounds allocated to the NDC programme was withheld following the refusal to transfer public housing ownership to a private lessor[8]. The funds only became available after mediation between the borough and residents, this time it was only the management of the buildings being transferred and not ownership, which allowed the project to go ahead without residents’ votes. The NDC board was also reduced to 11 members, including only 2 residents representatives versus 9 municipal experts and real estate developers.

Le NDC fut donc bien un véhicule supplémentaire pour poursuivre, au moins à Londres, une politique de régénération urbaine menée par les acteurs du secteur privé, en particulier les promoteurs immobiliers, assistés par les municipalités. Dans ce processus, les injustices observées dans la période précédentes se maintiennent et sont loin d’être réparées. La dimension communautarienne du projet politique néolibéral ne concerne que les projets d’envergure modeste. Les projets stratégiques, comme la privatisation des infrastructures collectives ou celle des logements sociaux, échappent finalement au débat public.

In London at least the NDC was a new way of implementing an urban regeneration policy driven by the private sector, in particular real estate developers, assisted by the boroughs’ councils. This process maintained the injustices observed during the previous period and far from mitigated them. The communitarian aspect of the neoliberal project only applied to small scale projects. Strategic projects like the privatisation of collective infrastructures or public housing did not enter the public debate.

 

 

Conclusion

Conclusion

L’analyse de la construction, de la diffusion et de la reformulation des politiques urbaines néolibérales à Londres à l’aide des outils proposés par la théorie politique normative montre une véritable « grammaire » des injustices (Lees, 2013) qui se construit pendant trois décennies. Si elles sont réalisée au nom de l’idéologie néolibérale, force est de constater qu’elles en constituent une interprétation dégradée. L’importance de l’égalité d’opportunité se situe au cœur de toutes les pensées libérales contemporaines (van Parijs, 1991), et ne peut s’accommoder de tels niveaux d’inégalités socioéconomiques qui constituent une entrave à l’exercice de la liberté politique, de surcroît dans un contexte qui met l’accent sur la nécessité de s’autogouverner au niveau local.

The analysis of the construction, diffusion and reformulation of neoliberal urban policies in London, in light of normative political theory, shows a « grammar » of injustices (Lees, 2013) produced over three decades. As much as they were implemented in the name of neoliberalism, it has to be said that these policies were driven by a degraded interpretation. Equality of opportunities is a tenet of contemporary neoliberal theories (Van Parijs, 1991) but such levels of socio-economic inequalities impede the exercise of political freedom, which is made more unacceptable by the simultaneous promotion of local self-government.

L’exemple du NDC montre que dans ce contexte, l’hégémonie de l’exigence de rentabilité des politiques de redistribution a finalement conduit à un déni de reconnaissance de la voix des résidants affectés par l’exclusion. Dans ce cas, la reformulation méritocratique de la citoyenneté ajoute une inégalité de représentation à des inégalités socioéconomiques croissantes.

The NDC example shows how the hegemony of profitability targets for redistribution policies has led to the failure to acknowledge the voices of residents affected by deprivation. In this case, the meritocratic reformulation of citizenship adds to growing socio-economic inequalities and inequality of political representation.

Il montre également que l’on peut douter de la capacité de telles politiques urbaines néolibérales, fussent-elles agrémentées d’une reformulation communautarienne, à lutter contre les inégalités qu’elles produisent, puisque la concentration de l’investissement dans des espaces « rentables » ou dont ont perçoit la rentabilité future induit systématiquement un décrochage des espaces et des groupes qui ont peu à offrir sur ce terrain.

It shows as well that one should be wary of the capacity of these neoliberal urban policies, even with the added communitarian aspect, to repair the unfairness they produce. The concentration of investment on « profitable » (now or in the future) areas implies that the territories and groups who have less to offer in this regard are left behind.

Pour autant qu’elles soient nécessaires pour permettre de corriger des injustices qui ne sont pas abordées par une approche matérialiste des inégalités, les actions qui cherchent à améliorer la reconnaissance culturelle et politique de certains groupes ne permet qu’une inclusion discursive si elles ne s’accompagnent pas d’un programme agissant sur les mécanismes de redistribution. Sans cette action sur les injustices sociales, elles sont condamnées à échouer à transformer la structure des opportunités des plus mal-lotis, loin des promesses de transformation qui permettraient de corriger les injustices dont sont victimes les résidants des quartiers marginalisés (Perrons et Skyers, 2003).

Political and cultural recognition are necessary concepts in order to remedy injustices that are often not acknowledged in materialist analyses of fairness. Nevertheless, actions towards a greater political and cultural recognition of certain groups will only lead to surface inclusion if they are not matched with programmes targeting redistribution mechanisms. Without action against social injustices, they are bound in fail at transforming the structures of opportunities of the worst off, as well as correcting injustices affecting residents of marginalised neighbourhoods (Perrons and Skyers, 2003).

Les moyens que l’on peut imaginer pour réparer ou lutter contre ces injustices sont donc de différents ordres ; elles appellent à remettre en cause l’économie orthodoxe et, comme le propose J. Peck, à écouter la parole marginalisée des économistes hétérodoxes (Peck 2010) ; plus généralement, elles encouragent à poursuivre le débat sur la capacité des marchés à réguler les activités sociales. Les injustices institutionnelles appellent quant à elles une réflexion sur les défauts des procédures démocratiques existantes. Dans ce cadre, le rythme des programmes de régénération urbaine est régulièrement incriminé et ne permet souvent que d’inclure les groupes qui sont déjà ancrés dans les quartiers. La reconnaissance des plus exclus nécessite souvent un travail d’inclusion qui requiert plus de temps (Perrons et Skyers, art. cit.). La reformulation méritocratique de la citoyenneté, si elle parvient à élargir l’espace public de la régénération urbaine, apparaît donc peu efficace pour offrir des moyens de corriger l’inégale inclusion politique des groupes concernés.

One can imagine different ways to remedy or prevent these injustices; they call for a critical examination of mainstream economics, as suggested by Peck, and to pay closer attention to the voices of heterodox economists (Peck, 2010). More generally they encourage us to consider again the debate about the degree to which one can leave markets to regulate social activities. Injustices in institutional settings call for an analysis of the democratic process as it is implemented. In this regard, the rapid succession of regeneration programmes has been criticized as it often only allows groups to participate when are they already involved in local activities. Including the most excluded often requires more time than is allowed by regeneration programmes (Perrons and Skyers, op. cit.). Although the meritocratic conception of citizenship has widened the regeneration public sphere, it does not seem very efficient when it comes to correcting unequal political inclusion, which seems to affect those groups most concerned by regeneration.

 

 

Ce texte a bénéficié des commentaires de Marianne Morange et Frédéric Dufaux lors de la présentation d’une version initiale à l’atelier « La fabrique capitaliste de l’espace » du colloque Espace et rapports sociaux de domination : chantiers de recherche tenu à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée le 20 septembre 2012 et des critiques bienveillantes de deux relecteurs anonymes. Qu’ils en soient remerciés

I am grateful to M. Morange and F. Dufaux for their inital useful comments on the first version of this paper presented at the conference “Espace et rapports sociaux de domination : chantiers de recherché” held at Université Paris-Est Marne-la-Vallée, on September 20, 2012, and two anonymous reviewers for valuable written comments on the earlier draft in French. This text aims at presenting to a French-speaking audience some of the recent analyses regarding urban policies and regeneration in Britain, in particular the debate around social citizenship, with specific attention to its implementation in the London context. As noted by Colomb, recent academic research on urban policies in the UK has scarcely been disseminated in France, and along with other recent accounts (Colomb, 2006, Epstein, 2013), this article seeks to fill some of the exisiting gaps.The opportunity to render it legible to an English-speaking audience urges me to state my debt to all the London-based academics and activists who shared their knowledge and helped me to navigate the very rich literature published on this topic. Usual disclaimers apply and I am happy to discuss or clarify any statement written in this account. I am deeply grateful to Pierre Schmidt and Gertrude Najjombwe for their help with the translation.

A propos de l’auteur : Martine Drozdz est agrégée de géographie, doctorante à l’Université Lumière Lyon II, UMR EVS/IRG

About the author: Martine Drozdz is a Ph.D. candidate in Geography and Urban Planning at the Environnement Ville Société/Institut de Recherches Géographiques Department, Université de Lyon, France.

Pour citer cet article : Martine Drozdz, « Inégalités spatiales, politiques urbaines « néolibérales » et géographies de l’injustice à Londres », justice spatiale | spatial justice, n° 6 juin 2014, http://www.jssj.org/

To quote this article: Martine Drozdz, « Spatial inequalities, “neoliberal” urban policy and the geography of injustice in London », justice spatiale | spatial justice, n° 6 june 2014, http://www.jssj.org/

[1] Toutes les traductions sont de l’auteure. Les citations originales se trouvent dans la version anglaise de l’article.

[1] For an account of some of the consequences of the change of majority cf. Drozdz (2013)

[2] Pour un compte-rendu de certains effets de ce changement de majorité voir Drozdz, 2012.

[2]The origins of the term predate its circulation in the 1970s. For a detailed account of its intellectual roots see Peck (2010) and Audier (2012).

[3] Le terme caractérise autant une position géographique (les espaces péricentraux, par opposition aux banlieues résidentielles éloignées des centres-villes) qu’une situation socioéconomique, caractérisée depuis les années 1960 par un déclin démographique doublé de difficultés économiques (pénuries d’emplois, faibles investissements privés et publics).

[3] A new record in income inequality was obtained in 2009 (Davis, art. cit.).

[4] Il est possible de discuter ce point, comme l’a fait Chris Pickvance dans son article sur les limites du recours à l’idéologie néolibérale pour rendre compte des évolutions de l’action des gouvernements locaux au Royaume-Uni (Pickvance, 2012). Il mentionne à juste titre que la mise en place de partenariats publics-privés, en particulier pour la construction de logements sociaux, est bien antérieure à celle de politiques urbaines néolibérales. Néanmoins, on peut lui opposer la généralisation du dispositif comme caractéristique de la diffusion de l’idéologie néolibérale.

[4]R. Imrie et M. Raco (op. cit.), in their study of New Labour communautarian public policies gave the following definition of the term “community”: “Community”, given this interpretation, is the aggregation of families connected through social networks, in and through which a cohesive or organic society, with “common goals and a shared vision”(Home Office 1999), can emerge”.

[5] R. Imrie et M. Raco (op. cit.), dans leur étude des politiques publiques communautariennes du New Labour donnent la définition suivante du terme « communauté » : « Selon cette interprétation, le terme ‘communauté’ désigne l’agrégation des familles connectées via leurs réseaux sociaux, dans et par laquelle une société cohésive ou organique, avec des ‘buts communs et une vision partagée’ (Home Office, 1999) peut émerger ».

[5] The project has been surveyed every two years by the market research company IPSO MORI.This has allowed them to measure the change in inhabitants’ perception of participation,risk, neighbourhood quality as well as measuring thematerial deprivation of the residents. These studies where completed by anobservation of the variations of the deprivation index score of relevantterritories (an index tracking data relative to training, health andemployment).

[6] Le projet fait en effet l’objet d’une évaluation menée tous les deux ans par l’organisme de sondage IPSO MORI, en partenariat avec l’Université de Sheffield Hallam. L’enquête est menée simultanément dans les quartiers qui bénéficient du programme NDC et dans des quartiers-témoins qui présentent des caractéristiques similaires mais ne font pas partie du NDC. L’évaluation porte sur les conditions socioéconomiques des ménages et la perception des habitants quant à leur participation, la dangerosité de leur quartier, la qualité de son environnement et de ses équipements. Cette évaluation se double d’une observation de la variation de l’indice d’exclusion sur les territoires concernés (qui comprend des données relatives à l’accès aux marchés du travail, aux services de formation et de santé).

[6]The NDC programme was supposed to end in 2009. In fact, some partnerships continued to receive funding up to 2011.

[7] L’Angleterre ne compte que 326 municipalités pour un territoire de 130 000 km². Les municipalités sont donc plutôt des agglomérations de plusieurs centres urbains, qui, dans le cas de Londres, ont été agglomérés au moment de la réforme du gouvernement local de 1963.

[7]« One of the main problems here are the housing conditions because of lack of investment in the stock over the last 25 years. » (Ocean NDC Officer) as quoted in Bennington and al. (2004).

[8] Le transfert de la propriété des logements sociaux au secteur privé est soumis à un vote des locataires. Dans le cas de Ocean Estate, ces derniers, satisfaits de leur relation avec la municipalité et incertains des conséquences sur le montant des loyers et la durée des baux (tenancy), votèrent contre le transfert.

[8] The transfer of ownership of public housing to the private sector was sanctioned by a vote of the residents. In this case the residents were satisfied with the borough management and wary of the consequences of a transfer to a private owner, in particular regarding the level of rents and the length of tenancy agreements, as a result they voted against the transfer.

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