L’agriculture urbaine et le droit à la ville à Paris et à Alès

Urban agriculture and the right to the city in Paris and Alès

L’agriculture urbaine : un outil pour la production de l’espace

Urban agriculture: a tool for the production of space

L’agriculture urbaine se décline sous de multiples expressions dans les espaces intra et périurbains, telles que les jardins partagés, ouvriers ou familiaux, domestiques, scolaires, l’horticulture maraîchère, la production d’herbes phytothérapeutiques ou encore, la culture de fleurs, etc., et ses bénéfices sont extrêmement diversifiés (Duchemin, 2012). En fonction des formes agricoles mobilisées, elle permet une appropriation citoyenne des espaces vacants (Demailly, 2015), une défense de la biodiversité urbaine et une meilleure gestion des flux de matière et d’énergie (Mayol et Gangneron, 2019). Elle offre aussi des modalités d’éducation environnementale à travers des démarches de sensibilisation et d’autonomisation de personnes en situation de marginalité (Granchamp-Florentino, 2012). Elle peut également se prêter à la mise en place d’un engagement politique pour les projets agricoles se voulant actifs (Ambrosino et Andres, 2008 ; Laurens, 2015). De plus, elle joue un rôle sanitaire et social en stimulant l’activité physique en plein air, en proposant des espaces de loisirs et de structuration de nouveaux liens sociaux (Nahmias et Le Caro, 2012) ainsi qu’en incitant à consommer des aliments de qualité (Mougeot, 2005). Si dans les pays du Nord l’agriculture urbaine est davantage étudiée au prisme des services sociaux et environnementaux, elle prend des formes singulièrement différentes dans ceux du Sud. Dans ces derniers, qui connaissent des processus d’urbanisation rapide (Santos, 2010), elle est perçue comme un véritable outil de résilience économique et sociale permettant d’améliorer la sécurité alimentaire des familles les plus pauvres (Thornton, 2020). En somme, les fonctions de l’agriculture urbaine sont nombreuses et permettent d’appuyer des démarches d’aménagement urbain, de gestion de l’environnement, de développement de nouveaux réseaux économiques et sociaux et, dans certains contextes, de constituer un véritable outil de lutte contre la précarité (Manier, 2012).

Urban agriculture in intra-urban and peri-urban zones can take multiple forms, such as community gardens, allotments, allotment gardens, domestic gardens, school gardens, market gardens, medical herb gardens, flower gardens, etc. Its benefits are multiple and diverse (Duchemin, 2012). In its different forms, it can be a way for citizens to appropriate vacant spaces (Demailly, 2015), to defend urban biodiversity and to better manage flows of materials and energy (Mayol and Gagneron, 2019). It also offers opportunities for environmental education through awareness raising and through the empowerment of marginal populations (Granchamp-Florentino, 2012). It can also lend itself to the propagation of political commitment for agricultural projects with an activist dimension (Ambrosino and Andres, 2008; Laurens, 2015). It also performs a function in the social and health spheres by stimulating outdoor physical activity, by providing leisure spaces and connections creating new social bonds (Nahmias and Le Caro, 2012), and by encouraging improved dietary practices (Mougeot, 2005). While urban agriculture in the Global North tends to be studied through the prism of social and environmental services, it takes markedly different forms in the countries of the Global South. Here, where rapid urbanisation processes are taking place (Santos, 2010), it is perceived as a real tool of economic and social resilience, with the capacity to improve food security for the poorest families (Thornton, 2020). In short, urban agriculture has numerous functions, and can contribute to domains as diverse as urban planning, environmental management, the development of new economic and social networks, and in certain conditions acts as a real tool against precarity and poverty (Manier, 2012).

Notre démarche de réflexion cherche ici à comprendre l’agriculture urbaine au XXIe siècle sous l’angle du « droit à la ville » (Lefebvre, 1968 ; Harvey, 2015 [2012]). Si l’agriculture urbaine a toujours été présente dans les espaces urbains, les enjeux propres à l’urbanité ne cessent d’évoluer (Cabannes, 2012). La production de l’urbain peut être considérée comme un mécanisme relevant entièrement du système capitaliste (Harvey, 2015 [2012]). La ville fait coexister des intérêts différents dont la concentration matérielle dans l’espace conduit à une interdépendance des personnes et des activités. Ce faisant, elle est également un espace de conflits où se confrontent en permanence des intérêts contradictoires et des formes d’organisation et de reproduction sociale participant à des inégalités structurelles (Lefebvre, 2000). Face à un contexte historique dans lequel la propriété privée guide l’organisation et les usages attribués aux lieux, l’espace est considéré et produit comme une marchandise parmi d’autres dans des logiques de marché et dans des investissements intersectoriels portés par les acteurs urbains (ibid. ; Harvey, 2015 [2012]).

The aim of our approach here is to understand urban agriculture in the 21st century through the prism of the “right to the city” (Lefebvre, 1968; Harvey, 2015). While farming has always been present in urban areas, the challenges of urban life constantly evolve (Cabannes, 2012). The production of the urban can be considered as a mechanism that is driven entirely by the capitalist system (Harvey, 2015). The city enables the coexistence of different interests whose material concentration in space leads to interdependence between people and activities. At the same time, the city is a space of conflict characterised by permanent confrontation between contradictory interests and forms of organisation and social reproduction that contribute to structural inequalities (Lefebvre, 2000). Given a historical context in which private ownership governs how places are organised and used, spaces are perceived and produced as just one commodity among many according to market logics and through intersectoral investments driven by urban actors (ibid.; Harvey, 2012).

Dans cette perspective, l’agriculture urbaine peut se révéler être une possibilité intéressante pour contrer le tout marchand au cœur des espaces urbains. En effet, les actions citoyennes qui la matérialisent sous la forme de potagers dans les espaces publics en viennent à présenter un caractère contestataire de l’ordre économique actuel, en plus de proposer de nouvelles conditions d’utilisation et de fonctionnement démocratiques des espaces collectifs. Ainsi pensée et portée, l’agriculture urbaine constitue un véritable outil d’appropriation permettant aux citadin·e·s qui pratiquent la ville de jouir d’un « droit collectif non seulement sur le résultat de leur production, mais aussi sur les décisions touchant le genre d’urbanisme qu’il convient de produire, où et comment » (Harvey, 2015 [2012], p. 22).

From this perspective, urban agriculture can be an interesting possibility to the total commodification of urban space. Indeed, the civic processes involved in the emergence of urban agriculture in the form of vegetable gardens in public spaces have come to present a form of opposition to the current economic order, as well as offering new conditions for the democratic use and practice of community spaces. Conceived and implemented in this way, urban agriculture constitutes a real tool of appropriation which enables city dwellers to enjoy “a collective right not only to that which they produce, but also to decide what kind of urbanism is to be produced where, and how” (Harvey, 2012, p. 137).

L’objectif principal de cet article est d’analyser la capacité de l’agriculture urbaine à restructurer des espaces urbains et la concrétisation de ce que certains auteurs appellent le « droit à la ville » (Lefebvre, 1968 ; Harvey, 2015 [2012]). L’agriculture urbaine est ici mobilisée comme un outil permettant d’étudier les problèmes urbains contemporains et comme un instrument potentiel de diffusion d’une ville plus juste et inclusive. Pour cela, nous proposons de nous concentrer sur les pratiques des acteurs qui caractérisent les jardins partagés à Paris et les jardins familiaux à Alès. L’article est issu de deux recherches distinctes, menées dans ces deux villes qui traduisent des contextes urbains différents (une métropole mondialisée d’un côté, une ville moyenne en difficulté de l’autre). Nous souhaitons dans cet article examiner comment l’agriculture urbaine est une pratique sociale permettant d’approfondir une analyse critique de la production de l’urbain. Notre contribution vise donc à imbriquer les initiatives d’agriculture urbaine dans le débat contemporain en France sur le droit à la ville, assumant le potentiel matériel et utopique de cette agriculture pour repenser les espaces urbains, à la lumière des crises sociales et environnementales.

The main objective of this article is to analyse the capacity of urban agriculture to restructure urban spaces and the realisation of what some authors call the “right to the city” (Lefebvre, 1968; Harvey, 2012). Urban agriculture is employed here as a tool for studying contemporary urban problems and as a potential instrument for the emergence of a fairer and more inclusive city. To this end, we propose to concentrate on the actors practices within community gardens in Paris and allotment gardens in Alès. The article is based on two separate pieces of research, conducted in these two cities. Since they reflect different urban conditions (a global metropolis, on the one hand, a mid-sized city in decline, on the other), our wish in this article is to examine how urban agriculture is a social practice that can form the basis of an in-depth critical analysis of the production of the urban. The aim of our contribution is therefore to embed urban agriculture initiatives within the contemporary debate in France on the right to the city, recognising the practical and utopian potential of such agriculture for conceiving urban spaces in a new way in a context of social and environmental crisis.

De manière générale, penser l’agriculture urbaine comme pratique transformatrice de l’espace urbain est l’occasion d’engager la discussion sur sa dimension politique. Selon Peter Ladner (2011), intégrer la production alimentaire dans l’espace urbain peut permettre aux citoyen·ne·s d’avoir un contrôle accru sur leur nourriture et leur vie, ce qui contribue à une nouvelle perception de l’espace urbain, impliquant nécessairement de nouvelles lectures politiques des territoires. Spécifiquement pour le cas français, le paysage urbain est ainsi présenté comme une expérience politique (Rancière, 2020), comme un objet pour redéfinir la manière de penser et de produire les espaces urbains. En effet, les jardins potagers portent en eux la capacité de donner à la ville une dimension agricole, de permettre à des familles de cultiver leur nourriture et d’être proches de la nature, de (re)créer du lien social en ville ou encore de participer à produire de nouveaux espaces urbains qui deviennent parties prenantes des politiques de la ville (Aubry, Bardou, Consalès et al., 2014 ; Scheromm, 2015). Autrement dit, il est possible de comprendre l’agriculture urbaine contemporaine dans ses dimensions critiques par rapport au modèle de la société urbaine et industrielle.

Broadly speaking, approaching urban architecture as a practice that is transformative of urban space steers the discussion towards its political dimension. According to Peter Ladner (2011), integrating food production into urban space can give citizens greater control over what they eat and how they live, and thereby contribute to a new perception of urban space, which demands new political readings of urban territories. Specifically for the French case, the urban landscape is thus presented as a political experience (Rancière, 2020), as an object that can help us to redefine how urban spaces are conceived and produced. Urban vegetable gardens have the capacity to give an agricultural dimension to the city, to enable families to grow their own food and come closer to nature, to (re)create social bonds in the city or else to help produce new urban spaces that become integral parts of the politics of the city (Aubry et al., 2014; Scheromm, 2015). In other words, contemporary urban agriculture can form part of a critique of the existing model of urban and industrial society.

 

 

L’agriculture urbaine pour redécouvrir le droit à la ville 

Urban agriculture: a way to rediscover the right to the city

Analyser l’agriculture urbaine comme mécanisme possible de changement des espaces urbains et des espaces sociaux permet de convoquer le concept de droit à la ville. Formalisé par Henri Lefebvre, le droit à la ville a connu un très large espace d’influence, tant dans la pensée académique et critique que dans de nouvelles démarches d’aménagement de l’urbain, le concept étant parfois mobilisé dans les discours de la société civile et dans ceux des pouvoirs publics.

Analysing urban agriculture as a possible mechanism for changing urban and social spaces brings into play the concept of the right to the city. Formalised in 1968 by Henri Lefebvre, the concept of the right to the city has been highly influential both in academic and critical thought and in new approaches to urban planning, and has been employed at times in both civil society and government discourses.

Né au printemps 1968, dans un contexte politique où la critique du modèle capitaliste catalyse la pensée intellectuelle et les engagements sociaux, le droit à la ville défend une approche « inclusive et radicale de la production urbaine » (Demazière, Erdi, Galhardo et al., 2018), afin de faire émerger dans les villes des « espaces “réussis”, c’est-à-dire favorables au bonheur » (Lefebvre, 1968, p. 100). L’auteur imaginait alors une construction urbaine autour de deux processus interdépendants : l’appropriation des espaces par les citadin·e·s à des fins culturelles, sociales et écologiques ainsi que l’émergence de nouveaux processus de participation dans les prises de décision politiques (ibid.). Ces deux dynamiques conjointes ont pour seul et même objectif de changer les manières d’habiter et de participer à l’érosion des uniques logiques de marché dans la façon dont la ville est conçue et vécue (Arslan, 2018).

Coined in the spring of 1968, in a political context where criticism of the capitalist model was catalysing intellectual thought and social movements, the right to the city argues for an “inclusive and radical approach to urban production” (Demazière et al., 2018), which would foster the emergence of “these ‘successful’ spaces favourable to happiness” (Lefebvre, 1969, p. 100). The author then envisaged the building of a city around two interdependent processes: the appropriation of spaces by inhabitants for cultural, social and ecological purposes, and the emergence of new forms of participation in political decision-making (ibid.). These two linked dynamics with the single objective of changing how the city is inhabited and contributing to the erosion of the recourse to market logics alone in the manner in which the city is conceived and experienced (Arslan, 2018).

Le concept de droit à la ville a eu une grande incidence dans la pensée urbaine anglophone. Mobilisé par des auteurs influents comme Edward Soja ou David Harvey, il a fait naître des lectures critiques sur les modalités de construction de l’urbain, tout en essayant d’expliquer des dynamiques de mobilisations autres telles que les squats en ville, l’appropriation des friches urbaines, les conseils de quartiers, les grandes manifestations urbaines à l’image de Seattle en 1999 ou des printemps arabes en 2010, les budgets participatifs et, plus généralement, différentes structures de la société civile portant des discours de justice spatiale et sociale (Garnier, 2014). Récemment, le concept a également été repris par de grandes organisations internationales souhaitant lui donner un véritable souffle politique. Dans les années 2000, des institutions telles que l’Organisation des Nations unies (Onu), le PNUD et l’Unesco ont organisé des événements pour établir les lignes directrices d’une inscription du droit à la ville dans les agendas politiques internationaux. Ce dernier était alors perçu comme un outil stratégique pour une urbanisation inclusive de différents niveaux de richesses et de différentes classes sociales (UN-HABITAT, 2017). L’un dans l’autre, les usages contemporains du droit à la ville ont donné des discours foisonnants, hétérogènes, voire contradictoires, dont certains auteurs ont pointé les risques et les excès : le concept est devenu fortement malléable et adaptable à tout type de situation en ville, renforçant la difficulté de le définir avec précision et d’en faire une stratégie politique cohérente et pertinente (Kuymulu, 2013).

The concept of the right to the city has had a big influence on urban thought in the English-speaking world. Employed by influential authors like Edward Soja or David Harvey, it gave rise to critical readings of the methods of making the city, while trying to highlight alternative dynamics of action such as urban squats, the appropriation of urban wastelands, neighbourhood councils, big urban protest movements like that of Seattle in 1999 or the Arab springs of 2010, participatory budgets, and more generally, different civil society structures inspired by ideas relating to spatial and social justice (Garnier, 2014). Recently, the concept has also been adopted by international organisations keen to give it real political impetus in society. In the 2000s, institutions like the UN, UNPD and UNESCO organised events to establish guidelines for the inclusion of the right to the city in international political agendas. The right to the city was perceived at the time as a strategic tool for inclusive urbanisation across different levels of wealth and different social classes (UN-HABITAT, 2017). All in all, contemporary uses of the right of the city have prompted a proliferation of heterogeneous, not to say contradictory discourses, in which some authors have pointed out the risks and excesses: the concept has become highly malleable and adaptable to every type of urban situation, increasing the difficulty of arriving at a precise definition and making it a coherent and targeted political strategy (Kuymulu, 2013).

Malgré le foisonnement des définitions et des démarches analytiques, la grille de lecture que véhicule le droit à la ville reste aujourd’hui pertinente pour comprendre des modes d’habiter alternatifs et contestataires. Dans un ouvrage collectif récent (Erdi-Lelandais, 2014), les auteur·ice·s recensent une diversité de situations, allant de la résistance urbaine des populations roms à Istanbul aux formes d’urbanisme participatif, à partir desquelles la mobilisation du concept du droit à la ville permet de mettre en lumière des processus de résistance à la ville néolibérale, tant dans les discours que dans les pratiques spatiales des citadin·e·s. Ces analyses ont l’intérêt de montrer que le droit à la ville, par sa maniabilité, favorise l’explication de situations localisées, correspondant à des enjeux spécifiques, et s’inventant en grande partie en dehors des grandes mobilisations contestataires (ibid.). En effet, si les événements marquants des printemps arabes ou des émeutes de Seattle ont permis à des penseur·euse·s du droit à la ville de prouver que des revendications fortes et non violentes pouvaient jouir d’un important retour médiatique, ils se sont également révélés éphémères, même s’ils ont fédéré des centaines de milliers de personnes (Rousseau, 2014). Si, pendant quelques jours, ces événements dévoilent l’espoir d’un avenir commun, ils laissent finalement place à un retour routinier du marché capitaliste et des systèmes d’oppression sous-jacents. Et s’ils ont pu provoquer des changements effectifs notables, à l’image des printemps arabes, des auteurs ont montré que les évolutions produites prenaient source dans une déformation de la parole citoyenne : les partis politiques existants ont repris, tout en les déformant, les revendications publiques des manifestants (ibid.). Derrière une écoute apparente des demandes des citoyen·ne·s, les changements politiques sous-jacents ne sont que la continuité d’une parole reprise, inhibée et déformée (Spivak, 2009).

Despite the proliferation of definitions and analytical approaches, the interpretive framework surrounding the right to the city remains relevant today to understanding alternative and anti-establishment modes of urban living. In a recent collection of essays (Erdi-Lelandais, 2014), the authors identify a diversity of situations, ranging from the urban resistance of Roma populations in Istanbul to forms of participatory urbanism, in which the use of the concept of the right to the city highlights processes of resistance to the neoliberal city, both in the discourses and the spatial practices of city dwellers. What is interesting about these analyses is that they show that the right to the city, because of its versatility, can be used to elucidate localised situations that correspond to specific issues and largely emerge outside broad anti-establishment movements (ibid.). Indeed, while the arresting events of the Arab Springs or the Seattle riots enabled analysts of the right to the city to prove that powerful and nonviolent claims could generate significant media coverage, those arresting events, which brought together hundreds of thousands of people, also proved ephemeral (Rousseau, 2014). While for a few days they raised hopes of a shared future, they finally gave way to a routine return of the capitalist market and its underlying systems of oppression. And when they brought about real significant changes, as in the case of the Arab springs, authors have shown that those changes entailed a distortion of citizens’ speech: the political parties adopted distorted versions of the protesters’ public demands (ibid.). Behind the appearance of listening to citizen demands, the underlying political changes were simply an attenuated and distorted version of the initial discourses (Spivak, 2009).

Une question se pose dès lors : comment penser un droit à la ville cohérent à travers les expériences jardinières sans pervertir les actes et paroles portés par les citoyen·ne·s ? Un « retour à l’ordinaire » (Chauvier, 2017) comme proposé dans le livre collectif Understanding the City: Henri Lefebvre and Urban Studies (Erdi-Lelandais, 2014) apparaît alors pertinent. En effet, derrière les apparences, les gestes quotidiens des citadin·e·s sont de magnifiques espaces de création et de résistance (Loftus, 2015). Dans son maître livre L’invention du quotidien, l’historien et sociologue Michel de Certeau (1990) analysait déjà les actes ordinaires comme une production permanente de culture et de partage. Selon lui, les citadin·e·s ne se contentent pas de consommer : ils produisent et inventent le quotidien par d’innombrables mécanismes de créativité et par des pratiques sociales sans cesse renouvelées. Pour emprunter l’expression de Claude Lévi-Strauss (1990), les citadin·e·s « bricolent » avec les espaces qu’ils fréquentent et les contraintes d’un modèle social pour s’inventer un parcours de vie en grande partie choisi et qui participe à leur émancipation.

This gives rise to a question: how can a coherent right to the city be conceived through gardening experiences without perverting the actions and speech of citizens? To this end, a “return to the ordinary” (Chauvier, 2017), as proposed in the collection “Understanding the City: Henri Lefebvre and Urban Studies” (Erdi-Lelandais, 2014), would seem appropriate. Indeed, behind the ordinary appearance, the day-to-day actions of city dwellers are magnificent spaces of creativity and of resistance (Loftus, 2015) In his masterwork L’invention du quotidien, the historian and sociologist Michel de Certeau (1990) analysed ordinary acts as a permanent production of culture and sharing. In his view, city dwellers are not content simply to consume: they produce and invent everyday life through innumerable creative mechanisms and by the constant reinvention of social practices. To borrow Claude Lévi-Strauss’s expression (1990), city dwellers “tinker” with the spaces where they spend their time and the constraints of a social model to invent a life path that is substantially chosen and contributes to their emancipation.

Ainsi, il est possible d’analyser les transformations citoyennes fondées sur de nouveaux liens avec la nature : des actions collectives de reconnexion avec les cycles naturels qui sortent des logiques strictes du marché (Demailly et Darly, 2017). En ce sens, l’acte collectif dans les initiatives de jardinage et l’introduction de pratiques agricoles en milieu urbain portent un questionnement qui peut être compris comme une négation de la nature comme valeur d’échange ou comme marchandise, la nature en ville s’orientant ainsi vers des valeurs renouvelant le vivre ensemble (Lefebvre, 1968).

It is therefore possible to analyse citizen transformations based on new links with nature: collective processes of reconnecting with natural cycles, a move away from the strict logic of the market (Demailly and Darly, 2017). In this sense, the collective act in gardening initiatives and the introduction of farming practices into the urban environment has an exploratory content that can be understood as a negation of the perception of nature as an exchange value or a commodity, in which nature is associated instead with values that revive the notion of community life (Lefebvre, 1968).

Le jardinage urbain peut être un instrument de revendication de l’espace public par les citoyen·ne·s, espace où ils se rassemblent autour d’un intérêt commun (Schmelzkopf, 2002). Se tourner vers le jardinage urbain sous l’angle du droit à la ville entend également mettre l’accent sur les modèles d’organisation citoyenne qui cherchent à insister sur la solidarité, les relations de réciprocité et l’engagement citoyen·ne autour d’une petite production horticole dans les parcelles disponibles de la ville (Purcell et Tyman, 2014). Parmi les différents contextes et typologies d’agriculture urbaine qui sont présentés ici, il existe des processus continus de changement socio-environnemental dans les villes (Shillington, 2013), où le droit au jardinage est une activité qui inscrit des usages collectifs et communs dans l’espace urbain (Purcell et Tyman, 2014).

Urban gardening can be an instrument for the reclamation of public space, where people come together around something of common interest (Schmelzkopf, 2002). Looking at urban gardening through the prism of the right to the city also turns the spotlight on the models of citizen organisations that stress solidarity, relations of reciprocity and citizen engagement around small-scale garden production on available plots of land in the city (Purcell and Tyman, 2014). Among the different contexts and typologies of urban agriculture that are described here, there is continuity in processes of socio-environmental change in cities (Shillington, 2013), where the right to garden is an activity that anchors collective and communal practices in urban space (Purcell and Tyman, 2014).

Il devient alors intéressant de lire les démarches de l’agriculture urbaine à la lumière du droit à la ville. En effet, il arrive régulièrement qu’au-delà de la production agronomique, les jardins revêtent des dimensions militantes (Nagib, 2018). Ils sont ainsi un outil de réorientation des espaces urbains vers des lieux d’agrégations sociales et de liens renouvelés avec la nature, deux facteurs directement liés à la dimension politique de l’occupation collective des espaces urbains (Demailly et Darly, 2017). Une récente étude (Deville et Brondeau, 2017), au cœur des murs à pêches de Montreuil, a montré que sur un même espace portant des initiatives d’agriculture urbaine, différentes idéologies se télescopent, faisant naître des conflits d’usages et d’intérêts. À Détroit, les jardins sont des espaces de diffusion d’identités individuelles et collectives renforçant les sentiments d’appartenance communautaire et, dans ce cadre, la diffusion d’une justice urbaine à destination des communautés opprimées (Paddeu, 2016). De manière plus ordinaire, un jardin est un acte de création et de production, et peut être considéré de facto comme une démarche d’appropriation de l’urbain (Demailly et Darly, 2017). Dans les jardins familiaux comme dans les jardins partagés, les acteurs mobilisent ainsi des friches urbaines (Ambrosino et Andres, 2008 ; Laurens, 2015) propices à des changements fonctionnels de l’espace urbain. Le jardinage consiste en partie à créer un espace et à déployer des cultures maraîchères, à construire des outils et des bâtiments éventuels, à travailler avec le vivant, avec soi-même (Duchemin, 2012). Une création susceptible de modifier « l’esthétisme de la ville » (Blanc, 2008), et de participer tant au renouvellement des représentations urbaines que des façons d’habiter la ville au quotidien.

All this explains why it is interesting to approach urban agriculture from the perspective of the right of the city. Indeed, in addition to places of food production, gardens can often be associated with an activist dimension (Nagib, 2018). They can be a tool for the repurchasing of urban spaces as places of social gathering and renewed connections with nature, two factors that are directly linked with the political dimension of the collective occupation of urban spaces (Demailly and Darly, 2017). A recent study (Deville and Brondeau, 2017), at the heart of the murs à pêches (peaches walls) of Montreuil, showed that in a single space containing urban agriculture initiatives, different ideologies are telescoped together, giving rise to conflicts of uses and interests. In Detroit, gardens are spaces for the dissemination of individual and collective identities that reinforce feelings of community belonging and, in that environment, foster the spread of an urban justice targeting oppressed communities (Paddeu, 2016). In a more ordinary way, a garden is an act of creation and production, and can therefore be considered as a means of appropriating the urban (Demailly and Darly, 2017). In allotment gardens and community gardens alike, people thus make use of urban wastelands (Ambrosino and Andres, 2008; Laurens, 2015) suitable for functional changes in urban space. Gardening consists in part in the creation of a space and the creation of vegetable beds, in the making of tools and even buildings, in working with the living world and with oneself (Duchemin, 2012). A creative process that has the capacity to modify “the aestheticism of the city” (Blanc, 2008) and to contribute to the renewal both of urban representations and of everyday ways of inhabiting the city.

Les formes d’agriculture urbaine varient énormément d’une ville à l’autre en fonction des enjeux propres à chaque territoire, des idéologies dont sont animés les porteurs de projet, et des relations qui sont construites entre un lieu agricole et la ville en tant que telle (Deville et Brondeau, 2017). Ainsi, chaque territorialité dispose de modèles de jardins potagers spécifiques rendant d’autant plus difficile la mobilisation d’une définition claire et commune des processus sociaux et spatiaux à l’œuvre. Nous faisons néanmoins nôtre la définition générique que lui donne Luc J. A. Mougeot (2005) : selon l’auteur, davantage que l’emplacement, c’est le fait que les initiatives d’agriculture urbaine, dont font partie les jardins, appartiennent au système social, économique et écologique de la ville qui les définit comme « urbaines ». Toutefois, aucune définition ne fait clairement la différence entre des expressions entrepreneuriales, ayant vocation à générer des revenus et à pérenniser un chiffre d’affaires et des emplois, et des initiatives plus citoyennes à vocations sociales et écologiques.

The forms of urban agriculture vary enormously from one city to the next depending on the specific conditions of each territory, the ideologies espoused by the project’s initiators, and the relations built between a farming space and the city proper (Deville and Brondeau, 2017). Each territoriality thus has its own models of urban gardens, which makes it all the more difficult to apply a clear and generic definition of the social and spatial processes at work. Nonetheless, we adopt the generic definition employed by Luc J. A. Mougeot (2005): according to the author, more than the location, it is the fact that urban agriculture initiatives—including gardens—are part of the social, economic and ecological system of the city, which defines them as “urban”. However, no definition makes a clear distinction between entrepreneurial gardens intended to generate income and maintain revenues and jobs, and more civic initiatives pursued for social and ecological purposes.

Pourtant, ces pratiques, parfois considérées comme relevant d’une seule et même dynamique, peuvent très largement s’opposer dans la façon de penser et de produire la ville. Alors que les projets entrepreneuriaux sacrifient parfois les valeurs environnementales et sociales de l’agriculture sur l’autel de la compétitivité économique, nombre d’initiatives citoyennes s’ancrent dans un militantisme de rupture en pratiquant des appropriations nouvelles de l’espace public et en promouvant l’hétérogénéité et la diversité des usages de la ville (Nagib, 2018). De plus, une mise en perspective historique de certaines initiatives d’agriculture urbaine, notamment des jardins partagés et des jardins familiaux, montre que la production domestique peut devenir une source d’approvisionnement permettant aux citadin·e·s de faire face à d’éventuels déficits alimentaires et économiques (Mok, Williamson, Grove et al., 2014).

Yet these practices, sometimes seen as belonging to the same dynamic, can be very sharply opposed in their ways of conceiving and producing the city. Whereas entrepreneurial projects sometimes sacrifice environmental and social values on the altar of economic competitiveness, many citizen initiatives are founded in an activism of disruption, practising new appropriations of public space and promoting heterogeneity and diversity in the uses of the city (Nagib, 2018). Moreover, a historical comparison of certain urban agriculture initiatives, in particular community gardens and allotment gardens, shows that domestic production can become a source of provision that enables city dwellers to cope with potential shortages of food and financial resources (Mok et al., 2014).

 

 

Les jardins partagés à Paris et les jardins familiaux à Alès : des espaces d’appropriation et de mobilisation

Community gardens in Paris and allotment gardens in Alès: spaces of appropriation and mobilisation

Les jardins partagés et familiaux sont des initiatives particulièrement intéressantes pour visualiser les engagements sociaux et politiques qui motivent les citadin·e·s à pratiquer l’agriculture. En partant de l’hypothèse que dans la majorité des cas les jardins potagers urbains portent en eux des formes de revendication liées au droit à la ville, nous avons essayé de répondre à la problématique suivante : dans quelle mesure les jardins familiaux d’Alès et les jardins partagés de Paris participent à une réappropriation citoyenne des espaces urbains ?

Community and allotment gardens are particularly interesting initiatives through which to look at the social and political factors that motivate city dwellers to practice agriculture. Starting from the hypothesis that in the majority of cases urban vegetable gardens are vehicles for forms of expectation linked to the right to the city, we wished to tackle the following question: to what extent are the allotment gardens of Alès and the community gardens of Paris part of a civic reappropriation of urban spaces?

Pour répondre à cette question de recherche, nous avons sélectionné différents espaces jardinés à Alès et à Paris et nous y avons mené des entretiens au cours des années 2018 et 2019. Dans cet article, l’accent est mis sur les pratiques de transformation de l’espace urbain. Cela signifie qu’il ne s’agit pas de mettre en place un tableau comparatif entre Paris et Alès, mais de rapprocher les motivations et les pratiques des jardinier·ère·s urbain·e·s. En effet, si les contextes de ces villes sont différents, nous avons retrouvé des motivations similaires dans les discours et les pratiques : à Paris comme Alès, les jardinier·ère·s placent dans leurs jardins des espoirs d’amélioration de leur cadre de vie.

To answer this research question, we selected different garden spaces in Alès and Paris and conducted interviews there over the years 2018 and 2019. In this article, the emphasis is placed on the practices of transformation of urban space. This means that the aim is not to establish a tabular comparison between Paris and Alès, but to compare the motives and practices of urban gardeners. Indeed, while conditions in the gardens are different in the two cities, we found similar motivations in the discourses and practices of the gardeners: in both Paris and Alès, they place hope in their gardens for improvement in their living environment.

Selon Cyrielle Den Hartigh, « les jardins partagés “de quartier” […] sont des lieux de convivialité, de vie de quartier et de contact avec la nature, souvent de taille assez petite » (2012, p. 11). Les jardins familiaux, « directement issus des jardins ouvriers, sont divisés en parcelles individuelles et sont principalement tournés vers la production alimentaire et le plaisir de jouir d’un petit jardin privé » (ibid.). « [L]es jardins familiaux de développement social sont présents dans des territoires à la population le plus souvent pauvre ou confrontée à des difficultés sociales. Ce sont des projets collectifs, en concertation avec les habitant·e·s, tournés vers le social » (ibid.). De manière générale, l’agriculture urbaine offre également des fenêtres d’interpénétration entre le rural et l’urbain (Poulot, 2015), la pénétration de la campagne en ville (Robert-Bœuf, 2019) et la relation entre ville et agriculture (Salomon Cavin, 2012), là où avant les démarches politiques avaient tendance à séparer les espaces (Le Goff, 1997).

According to Cyrielle Den Hartigh, “shared ‘community’ gardens […] are places of sociability, of communal life and of contact with nature, often at a fairly small scale” (2012, p. 11). For their part, allotment gardens, “directly derived from family gardens, are divided into individual plots and are mainly cultivated for food production and the enjoyment of a small private garden” (ibid.). The “social development allotment gardens are present in areas where the populations are usually poor or exposed to social difficulties. They are community projects, developed in consultation with residents, with a social purpose” (ibid.). As a general rule, urban agriculture also offers opportunities for interpenetration between the rural and the urban (Poulot, 2015), the infiltration of the countryside into the city (Robert-Bœuf, 2019) and for relations between city and agriculture (Salomon Cavin, 2012), where previous political approaches had tended to keep the spaces separate (Le Goff, 1997).

À Paris, l’ensemble de la capitale (intra-muros) a été considéré comme terrain d’étude. Le référencement officiel de tous les jardins partagés effectué par la ville de Paris a constitué notre cadre initial. Des associations de quartier ont ensuite été contactées et un total de 129 jardins partagés ont finalement été répertoriés. Nous avons pu visiter la moitié de ces jardins, ce panel couvrant la totalité des arrondissements parisiens. À partir d’une méthodologie de recherche qualitative, en privilégiant les entretiens avec les jardinier·ère·s et l’observation participante, nous avons pu faire des rencontres et analyser les différentes réalités jardinières au cours d’une année. Cette manière de procéder nous a permis d’observer les particularités de chaque jardin, mais également d’analyser les expériences de celles et ceux qui pratiquent le jardinage au quotidien. À partir de cet échantillon de jardins et d’entretiens, nous avons souhaité sortir des approches individuelles pour dégager une pratique sociospatiale commune à l’ensemble des jardinier·ère·s : la dimension politique de l’engagement citoyen autour des collectifs qui s’inventent dans les jardins et des discours qui sous-tendent la pratique jardinière.

In Paris, we made the entire capital (inner Paris) our field of study. The official register of all the community gardens produced by the city of Paris was our initial framework. Neighbourhood organisations were then contacted and a total of 129 community gardens were finally listed. We were able to visit half of these, a sample that covers all the arrondissements of Paris. Through qualitative research based on interviews with the gardeners and participant observation, we were able to conduct meetings and analyse the different gardening realities over a period of a year. This methodology enabled us to observe the specificities of each garden, but also to analyse the day-to-day lived experiences of the gardeners. By drawing on this sample of gardens and the interviews, we wanted to move away from individual approaches to identify a sociospatial practice that would be common to all the gardeners: the political dimension of citizen engagement around the collectives that are created in gardens and the discourses that underpin the practice of gardening.

À Paris, le profil socio-économique des jardinier·ère·s est diversifié. Selon un échantillon (n=12) qui a accepté de fournir ces informations sur la base de l’anonymat, chacun appartenant à un jardin différent, nous avons constaté que la diversité socio-économique des participants était grande, depuis la « classe économique » D1 jusqu’à D71 (Insee, 2018). Dans ce groupe, on comptait une majorité de femmes (n=8) âgées de 30 à 65 ans. Au-delà de ces données issues de l’échantillon susmentionné (n=12), les discussions informelles sur le terrain au cours de cette recherche ont concerné un groupe beaucoup plus large, et nous avons enregistré des témoignages de jardinier·ère·s d’au moins 30 jardins différents (les informations sont détaillées ci-dessous). Il est important de remarquer qu’il y a aussi des associations qui accueillent des jardinier·ère·s dans le cadre de l’insertion, ce qui renforce la diversité socio-économique.

In Paris, the socioeconomic profile of gardeners is disparate. On the basis of a sample of people (n=12) who agreed to provide this information anonymously, each associated with a different garden, we found that the socioeconomic diversity of the participants was substantial, from “economic class” D1 to D71 (INSEE, 2018). The majority of people in this group were women (n=8) aged 30 to 65. However, in addition to these data from this 12-person sample, informal discussions in situ extended to a much larger group, and we recorded personal accounts from at least 30 different gardens (details given below). It is important to be aware that there are also civil society organisations that support gardeners as part of a social integration process aimed at increasing socioeconomic diversity.

Chaque jardin brasse en effet un public pluriel en fonction du quartier dans lequel il s’intègre. Bien que les tranches d’âge des jardinier·ère·s soient également variées, la présence de jeunes de 12 à 20 ans n’a été constatée que lors des activités et des ateliers ponctuels proposés tout au long de l’année. Ils ne participent donc pas au fonctionnement des jardins au quotidien. Les activités scolaires sporadiques observées pendant toute la recherche ont toujours coïncidé avec des visites de groupes d’enfants pouvant aller jusqu’à l’âge de 10 ans, mais pas au-delà. En revanche, la présence de personnes âgées (plus de 60 ans) et de retraités est remarquable, justifiée par le temps libre dont ils disposent et qu’ils consacrent à l’horticulture et au jardinage. Nous avons également observé des femmes de plus de 45 ans et de jeunes parents qui fréquentent les jardins avec leurs enfants. Les entretiens et les observations sur le terrain ont révélé une certaine prise de conscience environnementale : l’importance des espaces verts dans la ville pour la biodiversité est souvent affirmée par les jardinier·ère·s autant que la nécessité de s’orienter vers des pratiques agricoles associées à la permaculture et à l’agroécologie et de permettre aux populations urbaines de se reconnecter avec la nature.

In fact, each garden attracts a mixed population, depending on the neighbourhood. Although the age ranges of the gardeners also varied, young people aged between 12 and 20 only attended one-off activities and workshops provided throughout the year, and do not take part in the day-to-day work of the gardens. The sporadic educational activities observed in the course of the research always coincided with visits by groups of children up to, but not beyond, the age of 10. On the other hand, older people (over the age of 60) and retirees were very present, because of the time that this population category has to devote to gardening activities. We also observed women over the age of 45 and generations of young parents who frequent the gardens with their children. Interviews and observations on the ground revealed a certain level of environmental awareness: the gardeners often stressed the importance of green spaces in the city for biodiversity, as well as the need to move towards gardening practices associated with permaculture and agroecology, and the need for urban populations to reconnect with nature.

Nous orienter vers les jardins partagés nous a permis d’essayer de comprendre également les mobilisations sociales autour de l’occupation des espaces publics (places, squares, parcs, etc.) motivées par le programme Main verte de la ville de Paris. Une relation dialectique entre les politiques publiques et l’engagement des citoyen·ne·s a été reconnue, car la ville a répondu aux inquiétudes croissantes d’habitant·e·s en créant des jardins comestibles dans Paris, en même temps qu’elle les a encouragés dans leurs pratiques jardinières par ce programme qui autorise l’occupation de l’espace public à des fins d’horticulture intra-urbaine non commerciale.

Focusing on community gardens also helped us to explore the social engagements around the use of public spaces (squares, parks, etc.) motivated by the city of Paris’s Main verte (Green Hand) programme. We observed a dialectical relationship between public policies and citizen engagement, with the city responding to the growing anxieties of resident by creating food gardens in Paris, while at the same time encouraging inhabitants in their gardening practices through the Main verte programme, which allows the use of public space for purposes of non-commercial urban gardening.

À Alès, il n’existe pas de jardins partagés. Néanmoins, la ville, anciennement spécialisée dans le tissu industriel, a vu se développer des jardins ouvriers au début du XXe siècle qui sont devenus, par la suite, des jardins familiaux et qui existent encore aujourd’hui. Situés sur des terres non urbanisables, ils ont pu être préservés au fil du temps. Comme ils sont parfois visibles depuis la rue, parfois cachés derrière d’imposantes clôtures, nous avons utilisé des outils satellitaires pour pouvoir référencer la totalité de ceux présents sur la commune. Trois formes de jardins ont été référencées : des jardins familiaux associatifs gouvernés par la fédération des jardins familiaux ; des jardins familiaux sur foncier privé non urbanisable, appartenant le plus souvent à celles et ceux qui les jardinent, et, enfin, des jardins familiaux plus récents, développés dans les années 2010 par la mairie dans les quartiers HLM du nord de la commune. Nous avons ensuite mené des observations participantes et des entretiens semi-directifs avec des jardinier·ère·s de ces trois formes de jardins (n=25). À partir de ces entretiens, nous avons voulu comprendre dans quelle mesure les jardins familiaux, bien qu’hérités du passé, dialoguaient avec des enjeux contemporains dans la manière des jardinier·ère·s de se réapproprier la ville et de répondre aux enjeux sociaux et environnementaux qui traversent la commune.

In Alès, there are no community gardens. However, the city—formerly a centre of industry—saw the development of working-class garden plots in the early 20th century which subsequently became allotment gardens that still exist today. Developing on non-constructible land, they have managed to survive over time. Though sometimes visible from the street, these gardens are sometimes hidden behind imposing gates, so we used satellite tools to reference all the allotment gardens in the city. Three forms of gardens were referenced: allotment gardens managed by community groups and governed by the federation of allotment gardens, allotment gardens on non-constructible private land, which usually belong to the people who cultivate them, and finally more recent allotment gardens developed in the 2010s by the municipality in the social housing districts in the north of the city. We then conducted participant observations and semi-structured interviews with gardeners from the three types of garden (n=25). Through these interviews, our aim was to understand to what extent the allotment gardens, although inherited from the past, are in dialogue with contemporary issues regarding the reappropriation of the city by the gardeners and constitute responses to the social and environmental challenges it faces.

Les profils sociologiques des jardinier·ère·s à Alès diffèrent de ceux de Paris. Les jardiniers sont majoritairement des hommes (n=20) et âgés de plus de 50 ans (n=23). Ils ont tous une trajectoire professionnelle ouvrière, et disposent souvent de revenus modestes lorsqu’ils ne touchent pas uniquement le revenu de solidarité active (RSA). La rapide fermeture des industries de la région a rendu l’accès à l’emploi difficile pour les personnes peu diplômées. Ayant connu des périodes de chômage récurrentes, disposant de petits revenus ou de petites retraites, les jardinier·ère·s alésien·ne·s se caractérisent par de faibles capitaux économiques. Les jardins à Alès sont issus de l’histoire des jardins ouvriers et familiaux : si certains ont été créés récemment sur le territoire, d’autres sont l’héritage des jardins qui maillaient les quartiers ouvriers à l’époque de l’épopée minière d’Alès, pendant l’entre-deux guerre. Les parcelles sont donc toutes individuelles et peuvent couvrir d’importantes surfaces. Si les jardins récemment mis en place par la mairie offrent 50 m2 par bénéficiaire, les jardins créés pendant l’époque ouvrière peuvent mesurer jusqu’à 800 m2 pour un·e seul·e jardinier·ère.

The sociological profiles of the gardeners in Alès differ from those observed in Paris. The majority of the gardeners are men (n=20) and aged over 50 (n=23). They are all in working-class occupations and often on low pay, or else live entirely on active solidarity payments (RSA). The rapid shutdown of the region’s industries made access to employment difficult for people with few qualifications. Having experienced recurrent periods of unemployment, receiving little income or small pensions, the gardeners of Alès are characterised by low levels of financial capital. The gardens of Alès originate in the history of family and allotment gardens: while some are a recent creation, others are a legacy of the gardens that crisscrossed working-class neighbourhoods at the height of the mining boom in Alès in the interwar years. All the plots are therefore individual, some of them large. While the gardens recently allocated by the municipality provide 50 m² per family, the gardens inherited from the industrial era can measure as much as 800 m² for a single gardener.

Malgré des typologies différentes, les jardins partagés de Paris et les jardins collectifs d’Alès sont des expressions de l’agriculture urbaine qui permettent aujourd’hui une nouvelle lecture citoyenne du vivre ensemble en ville. Dans la suite de cet article, nous souhaitons réaliser la lecture des jardins de Paris et d’Alès dans le cadre théorique du droit à la ville. Par cette analyse, nous pouvons essayer de déterminer dans quelle mesure les jardins sont des espaces qui proposent une critique du modèle dominant des villes et dans quelle mesure ils instituent de nouvelles formes de relations sociales à l’échelle de la commune.

Despite different typologies, the community gardens of Paris and the allotment gardens of Alès are expressions of urban agriculture that constitute a new civic prism through which to interpret community life in the city. In the rest of this article, we offer an interpretation of the gardens of Paris and Alès through the theoretical framework of the right to the city. By means of this analysis, we can try to determine the extent to which gardens are spaces that embody a critique of the dominant model of city production and to what extent they institute new forms of social relations at the scale of the city.

 

 

Paris et Alès, des espaces différents, mais une même production de l’urbain

Paris and Alès, different spaces but the same production of the urban

Dans le cadre de cette étude, nous avons choisi de comparer deux contextes diversifiés : la métropole parisienne d’une part et la ville de taille moyenne d’Alès d’autre part. Si les contextes géographiques et les enjeux socio-économiques des deux territoires cités peuvent paraître en première lecture extrêmement différents, ils sont aujourd’hui tous deux pris dans les mêmes politiques de développement néolibérales. En effet, selon le géographe Guillaume Faburel (2018), les politiques territoriales de ces dernières décennies s’articulent autour d’une seule idéologie : celle de la compétitivité et de l’attractivité des territoires à l’échelle internationale. Chaque territoire, chaque métropole, chaque ville moyenne est encouragé à développer des filières d’avenir structurées, le plus souvent, autour de l’industrie du numérique et des start-ups, de l’attractivité touristique ainsi que de pôles de recherche et de développement jugés prometteurs (Bouba-Olga, Chauchefoin, Chiron et al., 2017). Les dynamiques urbaines ont alors tendance à s’accélérer (Faburel, 2018) donnant naissance à de nouveaux processus de précarité urbaine.

For the purpose of this study, we chose to compare two different contexts: on the one hand, the metropolis of Paris, and, on the other hand, the mid-sized town of Alès. While the geographical and socioeconomic conditions of the two territories might at first sight seem extremely different, both of them today are caught up in the same neoliberal policies of development. Indeed, according to the geographer Guillaume Faburel (2018), the territorial policies pursued in recent decades are clustered around a single ideology: the push for international competitiveness and attractiveness. Every territory, every giant metropolis, every mid-sized town is encouraged to develop high-potential economic sectors usually associated with the digital economy and start-ups, along with tourist attractions and research and development hubs in fields perceived as promising (Bouba-Olga et al., 2017). The result is an exhilarating urban dynamic (Faburel, 2018) that constantly generates new processes of urban insecurity.

Dans les grandes métropoles, la concentration urbaine fait apparaître de nouveaux formes de mal-être alors que les espaces se construisent à plusieurs vitesses (Donzelot, 2009) : les hypercentres se gentrifient, les classes moyennes s’orientent vers des logements plus grands à prix accessibles dans les espaces périurbains alors que les populations les plus vulnérables sont reléguées dans les quartiers d’entre-deux, des quartiers de « relégation » caractérisés par des injustices sociales et spatiales (ibid.). Paris en est l’une des manifestations. En effet, il y règne une ambiguïté dans les actions publiques concernant la politique du logement social et de la démocratisation des espaces urbains. Les nouveaux aménagements publics, les politiques culturelles et la mise en valeur des espaces verts peuvent entraîner la gentrification d’espaces où les classes les plus populaires résistent encore (Clerval et Fleury, 2009). Les jardins, en améliorant le cadre de vie d’un quartier, peuvent participer à ces mêmes mécanismes de gentrification (Quastel, 2009). En ce sens, les espaces de nature sont incorporés dans la gestion néolibérale de la commune (Kotsila, Anguelovski, Baró et al., 2020) et relèvent d’une marchandise augmentant la valeur ajoutée de certains lieux (Lefebvre, 1968 ; McClintock, 2018).

In the big cities, concentration has led to the emergence of new forms of ill-being as areas develop at different speeds (Donzelot, 2009): inner-city areas gentrify, the middle classes move to larger houses at affordable prices in the suburbs, whereas the most vulnerable populations are banished to intermediate zones, areas of “relegation” characterised by social and spatial injustices (ibid.). Paris is one example of this process. Indeed, there is an ambiguity in public actions there concerning social housing policy and the democratisation of urban spaces. New public developments, cultural policies and the emphasis on green spaces can drive gentrification in areas where the most working-class populations are still hanging on (Clerval and Fleury, 2009). By improving a living environment, gardens can contribute to those same gentrification mechanisms (Quastel, 2009). In this respect, zones of nature are incorporated into the neoliberal management of the city (Kotsila et al. 2020), and become a commodity that increases the added value of certain places (Lefebvre, 1968; McClintock, 2018).

La construction d’une métropole à trois vitesses crée des gagnants et des perdants, mais génère surtout une importante ségrégation spatiale. Entre quartiers gentrifiés et quartiers relégués, la grande ville offre des récits très largement différenciés d’une trajectoire de vie à l’autre ainsi qu’une bicéphalie sociale et paysagère entre des mondes sociaux contrastés, aux ressources différenciées. Alors que le taux de pauvreté avoisine les 10 % pour les arrondissements les plus prisés du tissu parisien, du 1er au 11e arrondissement, ils dépassent les 20 % pour des arrondissements comme le 18e, le 19e ou encore le 20e arrondissement (Insee, 2022a). De manière générale, Paris reste contrainte par des modalités hiérarchiques très descendantes dans la façon dont est fabriqué l’urbain (Faburel, 2018). Selon Harvey (2015 [2012]), la polarisation croissante des richesses et du pouvoir urbain est une partie constituante des formes de construction spatiale des villes ; ces dernières se transformant souvent en une pluralité d’espaces fragmentés et fortifiés, de communautés murées et d’espaces publics maintenus sous surveillance constante. L’un dans l’autre, les citadin·e·s sont régulièrement privé·e·s d’espace d’appropriation collective permettant de traduire, dans l’habiter urbain, des modalités de bien-être et de justice sociale (ibid.).

The construction of a three-speed metropolis produces winners and losers, but above all significant spatial segregation. Between gentrified neighbourhoods, and relegated neighbourhoods, the big city offers narratives that differ widely between life trajectories, as well as a social and landscape split between contrasting social worlds with differing resources. Whereas poverty rate for the most prized districts in Paris stand at around 10%, from the 1st to the 11th arrondissements, they exceed 20% for areas such as the 18th, 19th or 20th arrondissements (Insee, 2022a). In general, Paris continues to be dominated by very top-down hierarchical approaches to urban production (Faburel, 2018). According to Harvey (2012), the growing polarisation of wealth and urban power is an integral part of the spatial construction of cities, many of which are breaking up into a multiplicity of fragmented and fortified spaces, gated communities and public spaces kept under permanent surveillance. All in all, city dwellers are regularly deprived of spaces of collective appropriation that would make it possible to transpose forms of well-being and social justice into the experience of inhabiting the city (ibid.).

De surcroît, ces dynamiques se retrouvent très largement dans les villes moyennes, également affectées par des politiques fortement concurrentielles. Le système urbain français est pensé et développé par les rapports hiérarchiques que les villes entretiennent entre elles (Santamaria, 2012). Dans ce cadre, les villes moyennes sont souvent considérées par leurs fonctions périphériques aux grandes métropoles, rendant particulièrement difficile l’autonomisation de leurs processus de développement. Plus important encore, la rapide transition de la France vers une économie de service a conduit de nombreuses villes moyennes à une relégation économique (ibid.). En outre, les effets des restructurations industrielles sont beaucoup plus dévastateurs dans les villes qui se sont inventées pendant des décennies à travers une dépendance majeure à une seule activité industrielle, voire à une seule entreprise. Cette transition a fortement augmenté la précarité dans les villes anciennement spécialisées dans la production de tissu industriel, mais a également créé des inégalités nouvelles dans l’accès à l’emploi : alors que le chômage affecte 14,4 % de la classe ouvrière, il est de 10,3 % chez les employés et de « seulement » 3,7 % pour les cadres supérieurs (Depraz, 2017).

These dynamics are often found very extensively in mid-sized towns, which are also impacted by highly competitive policies. France’s urban system is shaped and driven by the hierarchical relations between cities (Santamaria, 2012). Under these circumstances, mid-sized towns are often considered in terms of their functions as adjuncts to the big cities, making it particularly difficult for them to achieve autonomy in their development processes. Even more important, France’s rapid transition to a service economy has led many mid-sized towns to economic relegation (ibid.). In addition, the effects of industrial restructuring are much more devastating in towns that have grown over decades through major dependency on a single industrial activity or even a single company. This transition has sharply increased insecurity in cities formerly dependent on an industrial fabric production, but has also created new inequalities in access to jobs: whereas working-class unemployment stands at 14.4%, the level is 10.3% among clerical workers and “only” 3.7% for senior executives (Depraz, 2017).

La commune d’Alès constitue un bon exemple de la rupture industrielle française. Spécialisée, pendant l’entre-deux-guerres, dans l’industrie minière et métallurgique, la ville attirait les travailleurs de l’arrière-pays autant que de l’étranger. La fin des activités industrielles a entraîné une forte montée de la précarité. Ces difficultés, couplées à son relatif enclavement géographique et aux concurrences métropolitaines de Montpellier, Toulouse, Lyon ou Marseille, rendent la capacité d’attractivité de la ville d’Alès particulièrement faible. Alors que les jeunes partent vers des horizons où l’emploi est plus accessible, la commune doit maintenant composer avec une ancienne population ouvrière, toujours en âge de travailler, mais qui peine à trouver des débouchés sur le territoire. Aujourd’hui, Alès affiche des taux de chômage et de pauvreté respectivement de 27 % et 29 %, soit 15 points au-dessus de la moyenne nationale, et 10 points au-dessus de la moyenne régionale (Insee, 2022b ; 2022c).

The town of Alès is a good example of France’s industrial divide. Specialising in the mining and metallurgy industry in the interwar years, the town attracted workers both from its hinterland and from abroad. The closure of its industrial activities led to a sharp rise in insecurity. These difficulties, combined with its relative geographical isolation and metropolitan competition from Montpelier, Toulouse, Lyon or Marseille, made it particularly hard for Alès to maintain its attractiveness. While young people head off to places with more job opportunities, the town now has to accommodate to a former working-class population still of working age but hard put to find employment in the local area. Today, Alès has unemployment and poverty rates of respectively 27% and 29%, 15 points above the national average and 10 points above the regional average (Insee, 2022b; 2022c).

En France, les villes semblent donc en proie à des précarités, tant symboliques qu’économiques, qui prennent leur source dans les politiques de mise en compétitivité des territoires. Cette situation permet d’établir de nouveaux dialogues entre territoires, dans des contextes urbains pluriels, sur le potentiel des jardins potagers.

In France, therefore, cities seem subject to insecurities, both symbolic and economic, that originate in policies of inter-territorial competition. This situation is an opportunity to develop new dialogue between territories, in varying urban conditions, on the potential of urban gardens.

 

 

Le jardinage de Paris à Alès : changer sa vie pour changer la ville

Gardening from Paris to Alès: changing one’s life to change the city

À Paris, Graine de jardins est un réseau de jardins partagés créé en 2001. Institutionnalisé et reconnu par le conseil municipal, il a pour ambition de fédérer des acteurs associatifs et institutionnels afin de multiplier ces initiatives jardinières à Paris. Le partage, le respect de l’environnement urbain et la solidarité sont les valeurs communes qui régissent chaque jardin du réseau. Graine de jardins organise des campagnes annuelles d’adhésion et fait vivre un site internet recensant les différentes initiatives de jardins partagés dans la métropole parisienne.

In Paris, Graine de Jardins is a network of community gardens set up in 2001. As an institution recognised by the municipal council, its goal is to bring together civil society and institutional actors to develop gardening initiatives in Paris. Sharing, respect for the urban environment, and solidarity are the common values that govern each garden in the network. Graine de Jardins organises annual membership campaigns and runs a website that covers the different community garden initiatives in the Paris metropolitan region.

La ville de Paris encourage également le développement de l’agriculture urbaine et des mesures incitant à la végétalisation des terrasses, des balcons et des toits. C’est notamment ce que promeuvent la charte Main verte, qui contribue à la création et à la légitimation de jardins partagés (en 2019, 129 jardins ont été référencés), et le programme Parisculteurs qui vise à développer de nouvelles entreprises de production agricole dans la ville (à l’image des fermes urbaines). Les politiques d’agriculture urbaine portées par la ville de Paris envisagent également de pérenniser des corridors écologiques permettant une libre circulation de la biodiversité à l’échelle métropolitaine.

The city of Paris also encourages the development of urban agriculture and measures to stimulate planting on terraces, balconies and roofs. This is notably promoted by the Main Verte charter, which contributes to the creation and licensing of community gardens (in 2019, 129 gardens were listed), and by the Parisculteurs programme, which seeks to develop new agricultural production enterprises in the city (such as urban farms). The urban agriculture policies pursued by the City of Paris also seek to develop permanent ecological corridors to allow biodiversity to be developed freely across the metropolitan region.

C’est donc dans un contexte relativement favorable que se développent les initiatives jardinières. Si la plupart des initiatives parisiennes n’ont pas pour vocation d’avoir une production alimentaire importante, elles offrent de nouvelles pratiques de l’espace à l’échelle urbaine. Le jardin est vécu comme un espace commun où de nouvelles relations sociales et horizontales peuvent s’inventer. De plus, les jardins partagés, par le rapprochement qu’ils souhaitent mettre en place entre des personnes à trajectoires sociales diverses, stimulent le sentiment de communauté à l’échelle locale. Si certains d’entre eux peuvent favoriser des dynamiques d’entre-soi de personnes issues d’une seule et même classe sociale (Mestdagh, 2016), d’autres sont animés par des associations favorisant les activités d’insertion ou pédagogiques. Il existe plusieurs exemples de jardins parisiens qui misent sur la mixité sociale pour faire vivre le lieu. C’est notamment le cas du jardin du Monde (14e arrondissement) qui réunit toute la diversité culturelle de la Cité internationale universitaire ; du Trèfle d’Éole (18e) aux objectifs d’insertion et d’agrégation communautaire ; du jardin sur le Toit (20e) utilisé par une association d’insertion et les riverain·e·s ; des jardins partagés du 7e et du 9e arrondissement que les écoles fréquentent ainsi que d’un large éventail de jardins dans des espaces ouverts au sein des places et des squares où l’interaction des utilisateur·rice·s des espaces verts est fréquente, comme Le Poireau agile (10e) ou encore des jardins d’Abel (13e).

The gardening initiatives are thus expanding under relatively favourable conditions. While the objective of most of the Paris initiatives is not to produce food on a large scale, they offer new ways of using space within the city. The garden is experienced as a communal space where new social and horizontal relations can emerge. In addition, community gardens—by seeking to foster a rapprochement between people from different social backgrounds—stimulate the sense of community at local level. While certain gardens can generate “one-of-us” dynamics with people from the same social background (Mestdagh, 2016), other community gardens are run by civil society organisations that undertake integration activities or educational programmes. There are several examples of Parisian gardens that rely on a social mix to create a lively space. These notably include: jardin du Monde (14th arrondissement) which reflects all the cultural diversity of the Cité internationale universitaire; Trèfle d’Éole (18th) with its objectives of community integration and diversity; jardin sur le Toit (20th) used by the integration association and local people; the community gardens of the 7th and 9th arrondissements, which the schools use for activities with the children; and a wide range of gardens in spaces located in city squares where interaction between the users of the green spaces is frequent, such as Le Poireau agile (10th) or jardins d’Abel (13th).

Dans les jardins, les conversations dépassent très souvent les seules pratiques agricoles et de nombreux sujets, propres à la vie urbaine, sont régulièrement soulevés par les jardinier·ère·s créant ainsi un espace d’échange démocratique. Cela se vérifie lors des réunions hebdomadaires pour la plantation, l’entretien, l’irrigation et les récoltes par des conversations sur différents thèmes, des discussions volontaires sur les débats politiques actuels s’invitant naturellement dans les échanges, des enseignements sur la façon de planter correctement un légume, la gestion collective du composteur, l’organisation de fêtes saisonnières avec partage de nourriture et de boissons ou encore des rencontres sporadiques entre ami·e·s. Dans les espaces publics, ces événements et lieux de rencontre sont visibles par tou·te·s et appellent à la participation du grand public, servant de mécanisme pour débloquer le manque d’interaction entre les personnes qui fréquentent les jardins, ce qui s’observe notamment lorsque les passants s’arrêtent au niveau du jardin pour regarder les cultures, identifier des plantes ou engager une conversation avec les jardinier·ère·s sur des conseils de culture ou de cuisine. Ces échanges spontanés peuvent évidemment être ponctuels, mais peuvent aussi être un moyen de démontrer l’intérêt de créer de nouveaux liens (pérennes) d’amitié et d’engagement dans le jardin (l’envie d’agir). Puisqu’il n’est pas lié à des objectifs productivistes, l’engagement à faire vivre le jardin nourrit une possibilité d’apprentissage, à la fois pour partager des légumes et de petites parcelles de terre, mais aussi pour rencontrer de nouvelles personnes ou passer du temps avec des gens que l’on apprécie. Dans tous les jardins visités, la production biologique (selon des principes de la permaculture ou de l’agroécologie) a été mentionnée. L’appréciation de la qualité de la nourriture est mobilisée, non pas comme objectif productiviste, mais comme outil de transition vers un modèle plus durable d’alimentation collective et de gestion de la nature en ville. Bien que la mairie interdise toute utilisation de pesticides dans les jardins, les bannir ne fait pas partie d’une imposition gouvernementale, mais d’une mobilisation écologiste des citoyen·ne·s qui pratiquent l’agroécologie fièrement : dans tous les jardins visités, l’importance d’avoir des productions agricoles sans produit chimique et de respecter la biodiversité urbaine est systématiquement valorisée.

The conversations, in these gardens, very often go well beyond the subject of gardening itself, and many issues specific to urban life are regularly raised by the gardeners, creating a locus of democratic exchange. This is confirmed at weekly meetings on planting, maintenance, irrigation and harvesting, with discussions on a variety of subjects, spontaneous conversations about current affairs, advice on the best way to plant a vegetable, the collective management of the composter, the organisation of seasonal parties with the sharing of food and drink, or else occasional meetings between friends. In public spaces, these events and places of encounter are visible to everyone and are an invitation to public participation, acting as a mechanism to mitigate the lack of interaction between people who visit the gardens. This interaction can be observed in particular when passers-by stop by the garden to look at the beds, to identify plants or begin a conversation with the gardeners and ask for advice on growing or cooking. These spontaneous exchanges can obviously be occasional, but it can also be a way of demonstrating the interest in creating new (lasting) ties of friendship and involvement with the garden (the desire to act). Since the goals are not productivist, the willingness to maintain the garden raises a possibility of learning, both to share vegetables and small plots of land, but also to meet new people or spend more time with acquaintances or friends. In all the gardens we visited, organic production (applying permaculture or agroecological principles) was mentioned. The issue of food quality was raised not as a productivist objective, but as a tool of transition towards a more sustainable model for community food growing and for managing nature in the city. Although the municipality bans all use of pesticides in the gardens, the prohibition is not something imposed by the government but reflects the ecological concerns of residents, who are proud to practice agroecology: in all the gardens we visited, the importance of growing chemical-free produce and maintaining urban biodiversity was invariably emphasised.

Les jardins partagés sont donc des outils qui permettent de créer et de cultiver un espace commun. Pour concrétiser leurs actions de jardinage, conformément à la loi, les citoyen·ne·s se structurent souvent sous la forme d’une association. Cette dernière a pour rôle de régir la vie collective en définissant un socle de règles et de méthodes de participation démocratique. Si la création d’association est une obligation imposée par la ville de Paris, aucun jardin partagé ne peut être entretenu sans l’implication d’un groupe de jardinier·ère·s. L’association a donc également pour fonction de garantir que le jardin véhicule quotidiennement des valeurs sociales et pédagogiques partagées par ce groupe et qu’il permet de renouer des liens avec la nature. À Paris, l’agriculture urbaine correspond ainsi à la fois à un outil de planification de l’espace urbain par les pouvoirs publics et à des espaces de nouvelles appropriations citoyennes.

The community gardens are therefore tools for the creation and cultivation of a shared space. In order to formalise their gardening practices, as required by law, people often form civil society organisations. They perform the role of managing community life by defining a baseline of rules and methods for democratic participation. If the creation of formal structures is an obligation imposed by the city of Paris, no community garden can be maintained without the commitment of a group of gardeners. The existence of an organisation also ensures that the garden constantly pursues social and educational values shared by this group and helps to revive connections with nature. In Paris, urban agriculture is therefore both a tool used by the authorities to plan urban space and a source of new spatial appropriations for citizens.

La mobilisation d’un collectif de jardinier·ère·s et de personnes intéressées est en effet une condition de l’existence d’un jardin partagé. Si la ville dispose d’un programme spécifique en vue de cela et qu’elle soutient cette pratique, le jardin n’a de pérennité localement que lorsque des habitant·e·s décident de s’y engager quotidiennement. Le désir de jardiner est la prémisse fondamentale de l’existence d’un jardin partagé. Nos observations de terrain ont révélé la présence de jardinier·ère·s au moins une fois par semaine sur les lieux. L’engagement réel dans les activités communes du jardin est variable d’un·e jardinier·ère à l’autre. Les collectifs peuvent néanmoins trouver des « référent·e·s locales ou locaux » parmi les personnes qui mobilisent le plus de temps pour les jardins, car elles sont associées à la capacité de pérenniser les actions de jardinage. Les différents niveaux de connaissances sur le vivant, les semences, les techniques agricoles sont extrêmement variables entre les jardinier·ère·s, ce qui favorise les échanges entre débutant·e·s et expérimenté·e·s. Ces différents facteurs définissant la capacité d’un jardin à se pérenniser, l’entretien et l’animation des jardins partagés et familiaux s’orientent vers l’amplification de modèles participatifs directs, dans lesquels le droit à la ville est mobilisé comme condition de reproduction de matérialités qui échappent à la logique marchande (Lefebvre, 1968).

The mobilisation of a collective of gardeners and interested people is in fact a condition of the existence of a community garden. While the city has a specific programme for this purpose and supports the practice, the garden only survives locally when residents decide to make a daily commitment to it. The desire to garden is the fundamental condition of the existence of a community garden. Our field observations revealed the presence of gardeners at least once a week in situ. The actual involvement in collective garden activities varies between participants, enabling the groups to designate “local contacts” among people who commit the most time to the gardens, in so far as they are associated with the capacity to maintain gardening activities over time. Knowledge about the living world, about seeds and about gardening techniques vary widely between gardeners, another source of interchange between novice and experienced gardeners. These different factors that govern a garden’s capacity to survive, the maintenance and running of community and allotment gardens, tend to favour models of direct participation in which the right to the city is employed as a condition for the reproduction of materialities that fall outside market mechanisms (Lefebvre, 1968).

À Alès, on observe la coexistence de deux discours dans la façon dont les jardins sont pensés et mis en avant par les acteurs locaux. Les pouvoirs publics, cherchant à rendre leur ville plus attractive à travers l’investissement dans des filières d’avenir et de véritables politiques d’embellissement, valorisent les jardins comme un outil participant à l’amélioration de l’esthétisme de la ville et du cadre de vie. Sur le site internet de la mairie, ainsi que dans les différentes démarches de communication des pouvoirs publics, les jardins appuient un discours élogieux dont l’objectif principal est d’augmenter la capacité d’attraction du territoire.

What can be observed in Alès is the coexistence of two discourses in the way the gardens are perceived and valued by the local actors. The authorities, keen to make their city more attractive through investment in high-potential sectors and a real policy of beautification, value the gardens as a tool that contribute to the aesthetic enhancement of the city and its living environment. On the municipal website, as well as in various local authority communication media, gardens are part of a eulogistic discourse which is primarily intended to maximise the city’s attractiveness.

Les individus qui jardinent les parcelles mises à disposition par la mairie s’ancrent davantage dans des stratégies d’adaptation économiques et sociales. Nos enquêtes ont montré que les jardins sont pour eux un espace de production, qui leur permet de diversifier leur alimentation, mais également un espace de loisir. Si les citoyen·ne·s s’étaient peu approprié·e·s les lieux qui n’étaient pas à proximité immédiate de leurs habitations, les jardins leur offrent désormais un espace d’appropriation de la ville. Néanmoins, les pratiques de jardinage, très encadrées par les pouvoirs publics qui dédient des animateurs à la gestion des lieux, sont perçues par les jardinier·ère·s comme un outil de surveillance et de régulation. Nombre d’entre elles et eux évoquent leur volonté de faire autrement, d’avoir une parcelle plus grande, de se sentir plus libre dans leurs manières de faire quotidiennes tout en reconnaissant la chance que la mairie leur offre. À Alès, dans les jardins potagers portés par la mairie, une dialectique entre jardinier·ère·s et pouvoirs publics s’est mise en place : entre confiance et méfiance, les potagers sont des lieux où s’expérimentent des stratégies jardinières entre le respect des règles et l’appropriation individuelle de l’espace qui permet en partie de contourner ces dernières. C’est le cas, par exemple, de quelques jardinier·ère·s qui cachent, dans les coffres dont sont pourvus les jardins, du matériel de récupération qui est utilisé à l’abri des regards, matériel dont la mairie interdit en partie l’usage pour assurer une plus-value esthétique aux jardins.

The individuals who cultivate the plots granted by the municipality are more interested in strategies of economic and social adaptation. Our surveys show that for them the gardens are spaces of production that give them access to a more varied diet, but also to leisure spaces. If residents had little ownership of places that were not in the immediate vicinity of their homes, the gardens offer a space of appropriation. Nevertheless, the activities of the gardeners are closely overseen by the authorities who allocate dedicated staff to managing the site, and are perceived by the gardeners as an instrument of surveillance and regulation. Many of them speak of their desire to do things differently, to have a larger plot, to feel freer in their day-to-day practices, while acknowledging the opportunity made available by the municipality. In Alès, in the vegetable gardens run by the municipality, a dialectic between the gardeners and the authorities has been established: between trust and distrust, the vegetable gardens are places where gardening strategies are tested out, a mix of respect for the rules and individual appropriation of a space where those rules can be partially bypassed. Some gardeners, for example, use the bins in the gardens to conceal scrap equipment, equipment which they use surreptitiously in order to get round the partial ban imposed by the municipality in its efforts to maintain the aesthetic qualities of the gardens.

Dans les jardins de la société civile, qu’ils soient privés ou associatifs, les jardinier·ère·s semblent plus libres de leurs pratiques agricoles. Les jardinier·ère·s s’approprient de multiples façons des jardins parfois très grands (jusqu’à 800 m2) : ils constituent des espaces véritablement habités où chaque parcelle est en grande partie la composante de l’identité des jardinier·ère·s. Ainsi, en fonction des origines et des trajectoires de vie de chacun, on observe, dans les parcelles, des semences diverses : des fraises, des courges, des fèves et de la menthe pour des jardinier·ère·s d’origine maghrébine, ou encore des semences tropicales pour des personnes d’origine antillaise. Les jardins sont également des refuges où chacun cultive, plus que des plantes, sa propre personnalité. Cela se caractérise par l’aménagement d’espaces de détente, au sein de chaque parcelle, dédiés aux loisirs, au repos, aux barbecues entre amis, à la fabrication d’une cabane originale que chaque jardinier·ère·s décore suivant ses goûts : un poster d’un paysage apprécié, un électroménager d’appoint (réfrigérateur, glacière, cafetière), une petite lampe à huile en référence à l’héritage minier de la commune, un vieux chapeau, une pièce de matériel agricole ayant appartenu à un oncle, une tante, un parent.

In the non-municipal gardens, whether private or run by associations, the gardeners seem freer in their gardening practices. The gardens are sometimes very large (up to 800 m²) and are used in multiple ways by the gardeners: they constitute inhabited spaces where each plot is to a large degree part of the gardeners’ identity. Depending on the background and life trajectories of each gardener, therefore, the plots may contain a variety of seeds: strawberries and pumpkins, beans and mint for gardeners with North African roots, or else tropical seeds for people of West Indian origin. The gardens are also refuges where—more than plants—each person cultivates their own personality. This takes the form of relaxation spaces created on each plot, dedicated to leisure, rest, barbecues between friends, the construction of an unusual shed which each gardener decorates according to their taste: a poster of a favourite landscape, domestic devices (fridge, icebox, coffee jug), a small oil lamp in reference to the town’s mining history, an old hat, a piece of farming equipment that had belonged to an uncle, an aunt, a relative.

Faire valoir sa personnalité est également la faire connaître. Dans les jardins potagers alésiens, les pratiques et les connaissances sont diffusées et partagées. Les jardins urbains, aujourd’hui comme avant, constituent un miroir du prestige social. Les jardins sont des lieux où les échanges et la solidarité sont monnaie courante (les jardinier·ère·s s’échangent semences, conseils et connaissances en permanence) et où ils sont même encouragés par le bureau de l’association des jardins familiaux d’Alès qui cherche à organiser régulièrement des événements communs tout en responsabilisant chacun à l’entretien des espaces collectifs. Ils sont également des lieux de compétitions invisibles où la taille des plantes, la qualité et l’originalité des légumes, la propreté des parcelles constituent une grille hiérarchique en permanence remodelée. Ainsi, un·e jardinier·ère faisant preuve de beaucoup de soin sur sa parcelle et dont les plantations sont un succès jouit d’une notoriété particulière à l’échelle du jardin et est considéré·e comme une personne-ressource par les autres. Finalement, les tenants et les aboutissants des codes sociétaux se retrouvent également dans les jardins, fabriqués néanmoins dans un espace collectif que les citadin·e·s s’approprient de nouveau, là où la ville, par les difficultés qui la traversent, avait nombre d’espaces vacants.

To claim a personality is also to express it. In the vegetable gardens of Alès, practices and knowledge are disseminated and shared. Now as in the past, the urban gardens are a mirror of social status. The gardens are places where conversation and solidarity are common currency (the gardeners constantly exchange seeds, advice and know-how), and where interchanges are even encouraged by the office of the Alès Association of allotment gardens, which regularly seeks to organise regular communal events while making each gardener responsible for maintaining the collective spaces. They are also places of unseen competition where the size of the plants, the quality and originality of the vegetables, the neatness of the plots constitute a constantly adjusting hierarchical grid. So for example, a gardener who shows great care and success on their plot will enjoy a particular reputation in the garden and will be considered as a resource person by the others. Finally, although the gardens are also places where all the ins and outs of societal codes can be found, they are nevertheless produced by a collective space that has been returned to its residents in a place where the municipality, because of the difficulties it faced, had many vacant spaces.

Ainsi, à Alès, les jardins constituent des outils pour porter le droit à la ville. En effet, ils sont des lieux de création pour des populations qui ont tendance à être oubliées des politiques publiques et permettent aux jardinier·ère·s de contourner l’action publique pour répondre à leurs besoins. Celles-ci et ceux-ci aménagent l’espace en partie selon leur propre volonté, structurent de nouvelles relations sociales, font vivre les jardins à travers différentes animations, depuis l’accueil de leurs familles sur leurs parcelles jusqu’à de nouvelles rencontres rendues possibles par la vie communautaire qui s’invente dans les jardins familiaux. Ce faisant, les jardins participent à une production de l’urbanité, dans le sens où ils permettent une nouvelle structuration paysagère de l’espace, autant qu’ils modifient localement les tissus sociaux qui s’y inventent. Ils sont des instruments permettant à chaque citoyen·ne de participer à l’invention de la ville et de mobiliser des ressources, de créer des espaces et de les animer, pour celles et ceux qui la vivent au quotidien.

In Alès, therefore, the gardens are a vehicle of the right to the city. Indeed, they are places of creativity for populations who tend to be neglected in public policies, places where gardeners can bypass public action to meet their needs. The gardeners partly arrange the space as they wish, develop new social relations, give life to the gardens through different events, whether by bringing their families onto their plots or through new encounters made possible by the community life that emerges in allotment gardens. In so doing, the gardens contribute to the production of urban character, in the sense that they prompt a new spatial structuring of space, as well as modifying the local social fabrics that they generate. They are tools that enable each citizen to participate in the invention of the city and to mobilise resources, to create spaces of new animation for the men and women who enjoy them on a day-to-day basis.

À Paris comme à Alès, les jardins deviennent donc des lieux de partage et de mobilisation, qui répondent certes à des contextes différents, mais où la production de l’urbain est similaire : elle structure, par la création d’espaces et par les usages qui s’y nouent, des dynamiques qui répondent à la revendication d’une nouvelle manière de s’approprier l’espace urbain et de le faire vivre quotidiennement.

In Paris, as in Alès, gardens also become places of sharing and of mobilisation which, though they reflect different conditions, are similar in their production of the urban: by the creation of spaces and by the practices that emerge, this production shapes dynamics that reflect the demand for a new way of appropriating urban space and instilling life into it from one day to the next.

 

 

Conclusion

Conclusion

Que ce soit à Paris ou à Alès, les jardins partagés et familiaux ont une capacité à produire de nouveaux espaces géographiques et sociaux. Ils ouvrent la possibilité, d’un point de vue empirique, d’approfondir le débat sur le droit à la ville aujourd’hui. Cela signifie qu’ils se révèlent comme des moyens par lesquels des individus s’organisent pour développer des espaces jardinier·ère·s et les animer au quotidien. Ces espaces répondent à des motivations telles que l’accès à des lieux de nature, les rencontres sociales ou encore la volonté d’accéder à une certaine autonomie alimentaire. Ce sont également des espaces où les échanges ont lieu en grande partie en dehors des logiques marchandes. Ils permettent, de plus, une réappropriation des espaces vacants à des fins tant individuelles que collectives et font émerger de nouvelles pratiques sociales en ville.

Whether in Paris or in Alès, shared allotment gardens have the capacity to produce new geographical and social spaces. Empirically speaking, they open the possibility of developing a more in-depth debate today on the right to the city. This means that they prove to be means whereby individuals organise to develop and manage garden spaces as an everyday practice. These spaces fulfil aspirations such as access to nature, social encounters or the desire to achieve a degree of autonomy in food supply. They are also spaces where exchanges largely take place outside market systems. They offer a way to reappropriate vacant spaces for both individual and collective purposes and foster the emergence of new social practices in the city.

Malgré la diversité des profils sociologiques étudiés et les différences de contextes territoriaux, nous considérons que chaque activité de jardinage correspond à une réponse aux limites de la ville néolibérale et à une façon de se réapproprier les espaces en ville et aux manières de les fabriquer.

Despite the diversity of the sociological profiles encountered and the differences in territorial conditions, we suggest that each gardening activity constitutes a response to the limitations of the neoliberal city and a way of re-appropriating and producing spaces within the city.

Si les jardins que nous avons observés et les jardinier·ère·s qui ont participé à notre enquête ne sont pas compris comme des (re)producteur·rice·s d’actes militants (ou de discours politiques contestataires), leurs pratiques agricoles ont la capacité de modifier en profondeur les façons qu’ont les individus de vivre la ville et l’ambiance des milieux urbains.

While the gardens we observed and the gardeners we surveyed are not understood as the (re)producers of practical activism (or anti-establishment political discourses), their farming practices have the capacity to profoundly alter the ways in which individuals experience the city and the atmosphere of urban environments.

Ces résultats nous conduisent à conclure que le jardinage urbain est un outil de diffusion du droit à la ville qui se pratique ici par des formes de mobilisations spatiales et sociales, en l’occurrence l’aménagement des jardins, leur entretien et leur animation. Ces derniers ont alors la capacité de produire de nouveaux espaces permettant une transformation dans la façon de vivre la ville et, ce faisant, celle de participer à la transition sociale et écologique des villes.

These findings lead us to conclude that urban gardening is an instrument for propagating the right to the city, which is practised here in forms of spatial and social mobilisation, i.e. the creation, maintenance and management of gardens. These gardens therefore have the capacity to produce new spaces that effect a transformation in how the city is experienced and in this respect have the potential to contribute to the social and ecological transition of cities.

 

 

Pour citer cet article

To quote this article

Deville Damien, Nagib Gustavo, « L’agriculture urbaine et le droit à la ville à Paris et à Alès » [“Urban agriculture and the right to the city in Paris and Alès”], Justice spatiale | Spatial Justice, no 17, 2022 (http://www.jssj.org/article/lagriculture-urbaine-et-le-droit-a-la-ville-a-paris-et-a-ales).

Deville Damien, Nagib Gustavo, « L’agriculture urbaine et le droit à la ville à Paris et à Alès » [“Urban agriculture and the right to the city in Paris and Alès”], Justice spatiale | Spatial Justice, no 17, 2022 (http://www.jssj.org/article/lagriculture-urbaine-et-le-droit-a-la-ville-a-paris-et-a-ales).

1 Revenu familial annuel moyen de : 13 630 € pour la classe économique D1 ; 17 470 € pour D2 ; 21 120 € pour D3 ; 25 390 € pour D4 ; 30 040 € pour D5 ; 35 060 € pour D6 ; 41 290 € pour D7 ; 49 350 € pour D8 et 63 210 € pour D9 (Insee, 2018).

1. Average annual family income of €13,630 for D1 economic class; €17,470 for D2 economic class; €21,120 for D3 economic class; €25,390 for D4 economic class; €30,040 for D5 economic class; €35,060 for D6 economic class; €41,290 for D7 economic class; €49,350 for D8 economic class; €63,210 for D9 economic class (INSEE, 2018).

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