(In)justice des initiatives communautaires

The (in)justice of community-based initiatives

Les formes sociales diverses que l’on regroupe en anglais sous le terme de « communauté » sont considérées comme utiles au changement économique, culturel, politique ou environnemental. C’est notamment dans le domaine de la réponse aux défis environnementaux que la communauté est mise en avant comme « éco-communauté ». Mais il peut s’agir aussi de la communauté comme ciment social, accroissant l’autonomie des acteurs de la base. On peut également avoir affaire (potentiellement en même temps) à une forme de communauté dispensée d’en haut, utilisée pour guider et organiser les populations. Presque toutes ces formes de communauté, et certainement toutes celles qui dépassent le nombre dit « de Dunbar » d’environ 250, sont imaginées, au sens où l’entend Benedict Anderson : nul·le ne peut connaître et avoir une relation directe avec toutes les personnes censées faire partie de sa communauté.

In a variety of fields, pursuing different ends, forms of sociality that go under the English word “community” are seen as useful in journeying towards new economic, cultural, political, and environmental settlements. Prominently community has emerged as a form of eco-community: community used to respond to environmental challenges. This can be community as a social glue used by grassroots actors allowing them to increase agency. Or it could (potentially concurrently) be a form of top-down allocated community, used to guide and arrange populations. Importantly, almost all these forms of community, certainly all forms beyond the so-called “Dunbar Number” of around 250, are imagined, in the sense put forward by Benedict Anderson: Not everyone can know and have a direct relationship with all those supposedly in their community.

D’où qu’elle vienne, et quelle que soit la manière dont elle est utilisée, la communauté qui est mise à contribution pour poursuivre des buts et des objectifs spécifiques (qu’ils soient environnementaux ou non) est l’objet de louanges ou de critiques. Par exemple, Tim Jackson (2005) fait l’éloge du « double dividende » des communautés à faibles émissions de carbone : une vie meilleure accompagnée d’une réduction de la consommation. Même J. K. Gibson-Graham semblent souscrire à l’idée que la communauté est en quelque sorte plus éthique : « Dans tous ces mouvements [communautaires], les décisions économiques […] sont prises à la lumière de discussions éthiques » (Gibson-Graham, 2006, p. 80). La communauté est une forme d’être ensemble à laquelle on prête souvent des préoccupations éthiques plus importantes que dans d’autres formes sociales – qu’il s’agisse de la société, de la main-d’œuvre, des citoyen·ne·s ou des groupes. Cette idée que la communauté met en avant l’éthique fait bénéficier les économies communautaires d’a priori positifs et les rend attractives pour celles et ceux que les alternatives économiques séduisent ou qui critiquent le statu quo (Taylor Aiken, 2018, p. 130). Comme l’écrivent Gibson-Graham : « L’éthique partagée qui sous-tend ces programmes de développement économique communautaire privilégie le soin pour la communauté locale et son environnement » (Gibson-Graham, 2006, p. 80). Karen E. McNamara et al. ont constaté que plus l’initiative est ancrée dans la communauté, plus elle a de chances de réussir et « d’être performante » (McNamara et al., 2020). Si ces termes – « succès », « performance », voire « communauté » – posent souvent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses, ils témoignent d’une adhésion à l’idée du pouvoir de la communauté, parmi les praticien·ne·s, les décideur·e·s et les universitaires dans le monde anglophone à tout le moins.

Wherever it comes from, and however it is used, the community that is put to use pursuing specific aims and objectives (whether environmental or not), is praised or critiqued. For example, Tim Jackson (2005) praises the “double dividend” of low carbon communities: a better life accompanying reduced consumption. Even the critical scholar J.K. Gibson-Graham fall prey to a regular pitfall, that community is somehow more ethical: “In all these [community-based] movements, economic decisions […] are made in the light of ethical discussions” (Gibson-Graham, 2006, p. 80). Community is a form of being together that regularly accompanies the assumption that ethical concerns are more prominent than in other forms of sociality—whether society, workforce, citizenry or group. This idea that community somehow brings to the fore ethical concerns gives community economies their positive associations, and also attraction for those normatively attracted to alternative economic expressions, or critical of the status quo/mainstream (Taylor Aiken, 2018, p. 130). This ethic commonly held positively, Gibson-Graham state: “The shared ethic that underlies these community economic development programs privileges care of the local community and its environment” (Gibson-Graham, 2006, p. 80). For example, Karen E. McNamara et al. found that the more community-based the initiative, the more likely it is to succeed, and also “perform better” (McNamara et al., 2020). While these terms—“success”, “perform”, even “community”—often provide more questions than answers, it points to a persuasive belief in the power of community, among practitioners, policy-makers, and academics, at least in the English-speaking world.

 

 

Désaccords anglais-français : le poids de la philosophie politique et du contexte historique

English-French disagreements: the weight of political philosophy and historical context  

Comme le souligne Claire Hancock (2016), cette vision positive de la communauté est loin d’exister au même degré d’un point de vue français. Comme nous le verrons également, la vision indéfectiblement positive de la communauté est cependant loin d’être la seule dans le monde anglophone. Prendre davantage de distance critique permet de montrer à quel point l’accent mis sur la communauté peut se prêter à un projet néolibéral, dans la mesure où la responsabilité est déléguée à des acteur·rice·s sociaux·ales à plus petite échelle. L’utilisation de communautés à des fins environnementales se conforme également à une orientation néolibérale (Taylor Aiken et al., 2017). Cela se fait d’abord en déléguant à des organisations communautaires et en mettant en œuvre sous une forme individualisée et médiatisée par le marché ce que le gouvernement faisait antérieurement, comme la gestion des espaces verts urbains ou la réduction des émissions de carbone. L’État peut ensuite se détourner de la production de capabilités ou de plans d’action pour traiter les problèmes environnementaux, se reposant alors sur les individus, le marché et la communauté. Si le premier mouvement correspond au « néolibéralisme de déploiement », le second peut être qualifié de « néolibéralisme de repli ». Tous deux délèguent une responsabilité et supposent une agentivité à des groupes de personnes agissant ensemble en tant que communauté, parfois à tort. Il s’agit ici de la responsabilité et de la capacité d’agir sur les questions environnementales. Ce double rôle de la communauté, comme point d’appui des principes néolibéraux et antidote au retrait de l’État, renvoie bien à la polysémie du terme. D’où, dans un contexte général d’a priori positifs, des définitions multiples parfois contradictoires du mot « communauté » en anglais.

As Claire Hancock (2016) draws attention to, the view of community as pertaining to a universalised understanding of human togetherness makes no sense from a French perspective. As we shall see, the universalising, unswervingly positive view of community does not even make sense on its own terms, within the Anglophone world. More critically, this form of community can actually be readily enrolled within a neoliberal agenda, in that it devolves responsibility downwards towards smaller scale social actors. The surrounding context to community’s environmental use is neoliberal (as outlined in Taylor Aiken et al., 2017). This is done through: (i) enacting a previous government task, such as managing urban greenspace, or trying to cut carbon emissions, at arm’s length, through delegated community organisations, and enacting this through an individuated, marker-mediated form; or (ii) cutting back the state provision of capabilities, or action plans to deal with environmental issues, assuming that individuals, the market and community will step in to fill this void. The first way is generally known as “rollout neoliberalism”, and the second one as “rollback neoliberalism”. Both rollout and rollback neoliberalism place a responsibility onto and assume an agency from groups of people acting together as a community, that can be unwarranted. Here we are referring to the responsibility and capability to act on environmental issues. Crucially, this dual assumption of community as rolling out neoliberal principles and covering the rollback of the state is only possible because of “community’s” polysemy. That is, the function of the word “community” in English is positive, and lends itself towards multiple—at times contradictory—definitions.

Les discussions sur ces processus font souvent référence à la responsabilisation des communautés, pour décrire la manière dont les individu·e·s et les communautés sont amené·e·s à se sentir responsables et dont iels sont traité·e·s, comme s’iels étaient responsables de leur propre situation. Par exemple, le livre pionnier de Nikolas Rose (1999), Powers of Freedom, montre comment cette « responsabilisation » se produit, lorsque tâches et responsabilités sont confiées à des groupes et à des quartiers, afin d’en décharger l’État ou les grandes entreprises.

Discussions of these processes often refer to the “responsibilitising” of communities; here used to capture the ways individuals and communities are made to feel responsible, and treated as if they are responsible for their own situation. For example, Nikolas Rose’s (1999) groundbreaking book Powers of Freedom demonstrates how this “responsibilitising” happens, where community, and the delegation of tasks and responsibilities is to groups and neighbourhoods and away from States and externalised from large corporations.

Le terme « communauté » est ainsi devenu un élément clé des politiques localistes britanniques, notamment en matière de développement durable ou de transition (Taylor Aiken, 2015) ; et cela dès la deuxième moitié des années 1990, à travers une politique d’appui aux Agendas 21 locaux qui se distinguait, en Europe, par son approche communautaire (Emelianoff, 2005). Pendant ce temps, en France, on s’évertuait à mettre en place des politiques de décentralisation en encourageant la « territorialisation » des politiques publiques. Le nouveau référentiel du développement et de l’aménagement durables était censé renforcer le pouvoir des collectivités locales et non celui des communautés (Wachter, 2002).

The term “community” has become key to British localist policies, particularly in the area of sustainable development or transition (Taylor Aiken, 2015), starting in the second half of the 1990s, through a policy of support for local Agenda 21s that differed from the rest of Europe by its community-based approach (Emelianoff, 2005). Meanwhile, in France, decentralization policies were implemented alongside the “territorialization” of public policies; the new paradigm of sustainable development and planning was supposed to strengthen the power of local authorities, not of communities (Wachter, 2002).

La community est, dans les contextes politiques anglo-américain, australien ou néo-zélandais, une référence de plus en plus mobilisée pour inciter à l’engagement local de la population dans une optique de self-government et de résilience qui accompagne le retrait continu de l’État. Le Royaume-Uni est ainsi le pays de l’Europe des 15 qui a connu le plus grand retrait de l’État, avec l’attente implicite que d’autres entités sociales, telles que la community, prennent le relais.

In the Anglo-American, Australian and New Zealand political contexts, “community” is increasingly mobilized to encourage the local involvement of the population, in a perspective of “self-government” and “resilience” that goes hand in hand with the rolling back of the state. The United Kingdom is the European country where this rolling back has gone furthest, with an assumption that other social entities, such as the community, will take over.

La situation en France est très différente. La figure de la communauté y sert de repoussoir ou de bouc émissaire, ce qui a limité son usage dans de nombreuses disciplines scientifiques. À partir des années 1990, les débats se crispent particulièrement, avec l’irruption dans les débats politico-médiatiques du terme « communautariste », une version péjorative du mot « communautaire » renvoyant à une conception de la communauté essentialisée et ethnicoreligieuse, et l’instituant en menace pour l’unité nationale (Dhume-Sonzogni, 2016). Selon Fabrice Dhume-Sonzogni, cette entreprise politique et idéologique menée avec l’appui de réseaux intellectuels fait advenir une angoisse destinée à conforter le pouvoir des groupes dominants, ou de leurs représentant·e·s, et à écarter les revendications des minorités (2016). Il faut ajouter que, depuis le début des années 2000, le gouvernement tire une part de sa légitimité de sa fonction de barrage face au parti d’extrême-droite, tout en lui disputant une part de sa rhétorique et de son électorat. La surenchère anti-communautaire récente serait donc à comprendre également dans ce jeu politique de concurrence avec l’extrême-droite.

The outlook is very different in France, where the term “community” has taken on other meanings and serves as a repellent or scapegoat, which has limited its use in many scientific disciplines. From the 1990s onwards, media and political debates have increasingly used the term “communautariste”, a pejorative version of the word “communautaire”, associated with an essentialized and ethnic-religious conception of the community, considered as a threat to national unity (Dhume-Sonzogni, 2016). According to Fabrice Dhume-Sonzogni, this took place with the support of intellectual networks and created an anxiety which consolidates the power of dominant groups or their representatives, and dismisses the claims of minorities (2016). In addition, since the early 2000s, the government has derived part of its legitimacy from its function as a barrier to the far-right party, while at the same time competing with it for a share electorate, by adopting its vocabulary. This political vying with the xenophobic extreme-right accounts for the political trashing of “community”.

Le discours du communautarisme sert à disqualifier aussi bien des revendications sociales et politiques que des analyses scientifiques, en agitant à tout propos le chiffon rouge des intégrismes (ou considérés comme tels) et en s’affranchissant de toute réalité. Ainsi, certaines propositions de citoyen·ne·s tiré·e·s au sort et ayant travaillé collectivement dans le cadre d’une longue concertation nationale, en 2019-2020, pour légiférer sur des mesures d’atténuation du changement climatique, ont pu être qualifiées d’« intégristes » dans le débat politico-médiatique, et rejetées. Cette dénommée « Convention citoyenne pour le climat » faisait suite à une mobilisation populaire contre la taxation des carburants (mouvement dit « des Gilets jaunes ») et a recueilli un large assentiment dans l’opinion publique. Tout aussi, voire même plus graves, ont été les attaques virulentes relayées par le gouvernement et la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, en 2020-2021, contre de nombreux·se·s universitaires français·se·s travaillant dans le champ des études décoloniales ou sur les discriminations, au motif d’un « islamo-gauchisme rampant » qui appuierait notamment les dissensions communautaristes…

The charge of “communitarianism” is used to disqualify social and political demands as well as scientific analyses, by waving the red rag of “fundamentalism”, however unfounded, at every opportunity. Thus, citizens included in a 2019-2020 national consultation about climate change mitigation, were sometimes branded as “fundamentalists” in public debate, and their propositions were rejected. This “Citizens’ Climate Convention” followed a mobilization against fuel taxation (the so-called “Yellow Vests” movement) which received broad public support. The French Minister for Higher Education, Research and Innovation, in 2020-2021, questioned the work of many French academics working in the field of decolonial studies or on discrimination, claiming it constituted a form of “Islamo-leftism” fostering communalist dissensions.

Communauté et community sont, on le voit, des notions particulièrement chargées, négativement ou positivement. En français, « communauté » ne fait pas référence, comme souvent en anglais, à la localité, à l’espace qui supporte la communauté : un village, un voisinage ou un quartier, par exemple. Il s’agit d’une notion déterritorialisée, qui désigne un mode d’être ensemble, sur la base d’un commun qui n’est pas spatial et a fortiori pas local. Cette absence de « sol » traduit un refus d’assigner des groupes sociaux ou culturels à des espaces particuliers et résulte d’une construction politique.

Communauté” is, therefore, a negatively loaded term, whereas “community” tends to be positively so. In French, “community” does not often elide, as it often does in English, with locality, and the space that supports the community: a village, a neighborhood or a district, for example. It is a deterritorialized notion, which designates a mode of being together, based on a commonality that is not spatial or local. There is no assignation of social or cultural groups to particular spaces, as a result of a specific French political construction.

En effet, l’histoire que la France entretient avec les communautés locales, non pas avec le mot, mais avec la réalité qui leur est sous-jacente, est celle d’un désamour et d’un divorce. La République, depuis la Révolution française, a voulu construire une communauté nationale en s’affranchissant des communautés ancrées dans un lieu, « identitaires », chargées de « particularismes ». Les principes socles de la laïcité, de la liberté et de l’égalité de tous les citoyen·ne·s promus par un État centralisé tolèrent très mal l’existence de communautés locales dans une République ayant forgé l’unité nationale au forceps. De plus, l’assimilation d’un groupe social à un sol, à un territoire, renvoie dans l’inconscient collectif aux fascismes, à l’antisémitisme et à la xénophobie qui ont marqué de manière sanglante le XXe siècle.

France has historical issues with local communities. The Republic, since the French Revolution, wanted to build a national community by freeing itself from communities anchored in a place, “identities”, loaded with “particularisms”. The basic principles of secularism, freedom and equality of all citizens promoted by a centralized state do not tolerate the existence of local communities in a Republic that has forged national unity by force. Furthermore, the assimilation of a social group to a territory refers in the collective unconscious to the fascism, anti-Semitism and xenophobia that bloodied the 20th century.

Il reste donc difficile, en France, d’aborder sereinement la notion de communauté, sauf lorsqu’elle concerne l’espace national (Schnapper, 1994) et sauf à la redéfinir entièrement, autour d’un commun non essentialisé, comme une communauté recomposée, réflexive, ouverte, inclusive, hybride ou mêlée, évolutive aussi, autant de conditions pour s’autoriser à parler de « politiques de la communauté » (Rancière et Noudelman, 2003). La communauté doit pouvoir accueillir l’étrange, le non conforme. Mais comme elle est souvent affinitaire, car déspatialisée, on bute sur des difficultés substantielles à accorder cette visée politique et éthique au fonctionnement réel des groupes humains qui s’organisent en communautés politiques pour défendre une cause ou un espace.

It is therefore difficult in France to approach the notion of community calmly, except when it concerns the national scale (Schnapper, 1994). Alternatively, community is redefined entirely, around a non-essentialized common, as reflexive, open, inclusive, hybrid or mixed community, also evolving, so many conditions for allowing “community politics” (Rancière and Noudelman, 2003). The community must be able to welcome the strange, the nonconforming. But since it is not spatial, it is understood as based on affinities, and it is therefore difficult to attribute this political and ethical aim to groups that organize into political communities to defend a cause or a space.

 

 

Des mots en mal d’usages ou de traductions

Words in need of use and translation

Chez les chercheur·e·s francophones, force est de constater que l’usage du terme « communauté » est pour le moins circonspect, quand il n’est pas banni. Le terme peut être couramment utilisé s’il est flanqué d’un qualificatif ou complément de nom qui neutralise sa charge négative : la « communauté linguistique », la « communauté maghrébine ou amérindienne » ou la « communauté de pratiques », entre autres. En revanche, parler de « communauté(s) » en soi renvoie à un univers de convictions, de valeurs, de conceptions du monde qui s’écartent des cadres politiques communs, qui tiennent donc à distance la culture politique dominante. Or, cette culture a imprégné le langage et les champs sémantiques. En un mot, le maniement du terme « communauté » est aujourd’hui malaisé, car il défie les cadres de pensée politique construits et imposés en France depuis au moins deux siècles.

Francophone researchers tend to use the term “community” sparingly, when they do not simply avoid it. It can be flanked by a qualifier that neutralizes its negative charge: for example, the “linguistic community”, the “Maghrebi or Amerindian community” or a “community of practices”. To speak of “community(ies)” is to refer to a number of convictions, values, and worldviews that deviate from the mainstream, and keep the dominant political culture at a distance. But this culture has shaped language and connotations. Handling the term “community” as imported from Anglophone scholarship is difficult because it challenges the frameworks of political thought constructed and imposed in France in the past two centuries.

En conséquence, le terme « communauté » renvoie fréquemment à un regroupement de personnes vivant ensemble pour des motifs religieux, affinitaires ou idéologiques qu’il n’est pas rare de voir qualifier de « sectaires » ; ou bien à une minorité culturelle ou ethnique qui souffrirait d’un défaut d’intégration dans la société, c’est-à-dire dans l’espace républicain ; ou encore à un échelon institutionnel de coopération territoriale ou internationale (la communauté de communes, la Communauté européenne, etc.). Passé dans l’escarcelle des cadres institutionnels et ainsi dompté, le terme perd alors toute charge négative.

As a result, the term “community” frequently refers to a group of people living together for religious, affinity or ideological reasons, which are often described as “sectarian”; or to a cultural or ethnic minority considered as badly integrated into society, i.e., into the republican whole; or to an institutional level of territorial or international cooperation (the community of municipalities, the European Community, etc.). Once the term has been incorporated into the institutional frameworks and thus tamed, it loses all negative connotations.

Béatrice Collignon relevait déjà, il y a vingt ans, le déficit de légitimité des travaux français sur la communauté, soupçonnés d’aggraver les fractures plutôt que de travailler à les réduire (Collignon, 2001). Elle notait aussi que cette conception de la République ne laissait pas de place à une identité intermédiaire entre l’individu·e et la nation. En France, les corps intermédiaires sont institués, dotés d’une personnalité juridique et contrôlés, qu’il s’agisse des syndicats, des chambres professionnelles ou des associations de citoyen·e·s. Ainsi, des communautés au sens anglophone ne peuvent pas exister, car elles n’en ont pas la légitimité : non reconnues, non soutenues, dépréciées, soupçonnées de dissension ou de séparatisme, elles n’ont pas officiellement voix au chapitre dans le débat politique, notamment sur la transition socio-écologique.

Twenty years ago, Béatrice Collignon noted the lack of legitimacy of French work on community, which was suspected of fostering divisions rather than working to reduce them (Collignon, 2001). She also pointed out that this conception of the Republic left no room for an intermediate identity between the individual and the nation. In France, intermediary bodies are instituted, endowed with a legal personality and controlled, whether they are trade unions, professional chambers or citizens’ associations. Thus, communities in the Anglophone sense cannot exist because they lack legitimacy: unrecognized, unsupported, belittled, suspected of dissension or separatism, they have no official voice in political debate, particularly in socioecological transition.

Community n’est donc traduisible que de manière très différenciée, au cas par cas, tout comme la cohorte de termes associés ou qui existent dans son voisinage et qui ont posé dans ce dossier maintes difficultés de traduction et notes de bas de page, d’autant qu’ils constituent des notions souvent centrales pour les articles présentés. Le « community-led housing », par exemple, a été traduit par « habitat participatif », en s’ajustant à la réalité empirique à laquelle se référait l’auteure, Yael Arbell, à savoir l’habitat groupé, les coopératives de logements et les organismes fonciers solidaires. D’autres termes n’ont pas été traduits parce qu’ils n’ont pas de sens dans le contexte politique culturel français. « Safe space », qui se réfère à des lieux ou des configurations qui offrent une protection à des personnes subissant une oppression et une marginalisation par la société dominante, ne peut pas être traduit par « espace sûr », ou « sécurisé » parce qu’il est difficilement pensable ou avouable qu’il faille protéger des populations par une mise à distance d’un espace public qui s’avère nocif pour elles, ou même injuste. L’espace public apparaît en France au-dessus de tout soupçon, en lui-même garant de justice, contrairement à la communauté qui favoriserait ses membres au détriment de ceux qui n’en font pas partie. Tout l’intérêt de la notion de safe space est d’inverser cette rhétorique en décrivant des situations où la communauté protège des agressions subies dans l’espace public. Nous avons dû parfois aussi rectifier des traductions, parce que commons-based, « basé sur les communs », par exemple, ne peut pas être traduit par « communautaire ». Le commoning, « l’être et le faire en commun », et les commoners, « ceux qui font en commun », ont été laissés en anglais dans le texte de Melissa Harrison. Le mouvement sportif nommé « Mixed Ability », ou « capacités mélangées », proposant une lecture des capacités des personnes qu’elles soient en situation de handicap ou non, n’a pas davantage été traduit. En faisant glisser l’attention du handicap vers la capacité, c’est tout un monde de discriminations qui chancelle en venant réinterroger les frontières que les personnes valides érigent autour d’autres personnes catégorisées par leur handicap et non par leurs capacités. Enfin, des mots plus courants comme le terme de « race » ont été traduits par « groupe ethnique » ou « groupe racisé », selon les occurrences, car ce terme est peu audible en français.

“Community” can therefore only be translated in a very differentiated way, on a case-by-case basis, just like the many terms associated with it or existing in its vicinity, and which caused many translation difficulties, made explicit in footnotes, in this double issue, especially since they are often central notions for the articles presented. “Community-led housing”, for example, was translated as “participatory housing” (“habitat participatif”), adjusting to the empirical reality to which the author, Yael Arbell, was referring, i.e., group housing, housing cooperatives and solidarity land organizations. Other terms have not been translated because they do not make sense in the French cultural political context. “Safe space”, which refers to places or configurations that offer protection to people who are oppressed and marginalized by dominant society, cannot be translated straightforwardly in French because it is difficult to think or admit that populations should be protected by distancing themselves from a public space that is harmful to them, or even unjust. In France, public space is assumed to be above suspicion, and in itself a guarantor of justice, unlike community, which is suspected of favoring its members to the detriment of those who are not part of it. The whole point of the notion of safe space is to challenge this viewpoint by describing situations where community protects against aggression in public space. We also sometimes had to rectify translations, because “commons-based”, for example, cannot be translated as such. “Commoning”, being and doing in common, and “commoners”, those who do in common, were left in English in the translation of Melissa Harrison’s text. The sports movement called “Mixed Ability”, which proposes a reading of the abilities of people with and without disabilities, was not translated either. By shifting the focus from disability to ability, the basis of discrimination is challenged, by re-interrogating the boundaries that able-bodied people erect around other people categorized by their disability and not their abilities. Finally, more common words such as “race” have been translated as “ethnic group” (“groupe ethnique”) or “racialized group” (“groupe racisé”), since the term is taboo in French.

Ces difficultés de traduction révèlent des angles morts dans les systèmes de pensée, obligeant à revenir sur leur construction, à grand renfort de néologismes, de guillemets ou de périphrases. Elles ouvrent de passionnants espaces de débat par la confrontation en miroir des mots qui ne se traduisent pas, ou dont les migrations soulèvent des controverses et sont parfois prétextes à bataille et jeux d’influence entre des aires linguistiques, sociales et culturelles (Hancock, 2016). Il serait cependant trop simple de penser que d’un contexte politique culturel à l’autre, les mots de la justice diffèrent et ne sont pas exportables, et d’évacuer ainsi la question de leur transposition. Nous pensons, à l’inverse, que leur caractère incongru ou impertinent alerte sur la nécessité de penser ces décalages. La disqualification dont ils font l’objet dans une langue permet, de manière réflexive, de rouvrir un espace de réflexion sur l’innommable, sur ce que la langue résiste à dire et à prendre en charge. L’importation de concepts forgés dans d’autres contextes culturels et politiques, que l’on s’abstient souvent de traduire tant la langue et/ou la tradition de pensée y est rétive, force la porte et lève un voile. C’est toute la richesse de ce numéro double que de participer à ces intrusions bienvenues, d’accueillir des étrangetés comme le concept de safe space. La réflexion se nourrit ici des analyses en miroir qui décalent les concepts – community, communauté – pour mieux les interroger ou les reconstruire, dans un jeu de critiques croisées constitutives des sciences, à la fois « provinciales » et hybridées.

These translation difficulties reveal blind spots in the systems of thought, forcing us to reconsider their construction, with the help of neologisms, quotation marks or paraphrases. They open up exciting areas of debate around words that do not translate, or whose migrations raise controversies and cause battles and games of influence between linguistic, social and cultural areas (Hancock, 2016). Which is not to say the words expressing the quest for justice are not exportable, and cannot be conveyed across languages. On the contrary, we believe that when they strike us as unusual or out of place, it is a sign we need to think about these discrepancies. Their strangeness in one language stimulates us to reflect on the unspeakable, on what the language resists. The importation of concepts forged in other cultural and political contexts, which we often refrain from translating because language and/or tradition of thought resists, forces the door open and lifts a veil. The aim of this double issue is to participate in these welcome intrusions, to welcome the strangeness of untranslatable words. This helps us shift concepts—community, communauté—in order to better question or reconstruct them, with mutual criticism constitutive of science, as both provincial and hybridized.

 

 

Emprunts et mises en tension réciproques

Borrowings and reciprocal tensions

Internationaliser les points de vue provinciaux sans pour autant décontextualiser l’usage des notions peut sembler un exercice périlleux, mais il force à interroger un ensemble de présupposés. Les résistances et salves de critiques francophones à l’égard de concepts tels que la communauté nourrissent un dialogue international qui pousse parfois les auteurs à sortir de leur zone de confort. Importer la critique issue de la French theory peut être utile aux auteurs anglophones pour interroger les effets de contexte dans les constructions théoriques, pour visualiser aussi ce que la culture politique ambiante a voilé. C’est ainsi que les travaux de Jacques Rancière et, en particulier, la notion de dissentiment (Rancière et Noudelmann, 2003) peuvent fertiliser les réflexions anglophones sur la communauté, comme on le voit dans l’article de Melissa Harrison.

Internationalizing “provincial” concepts and ideas, without decontextualization may seem perilous but it forces us to question a set of presuppositions. The resistance of Francophone critics towards concepts such as community fosters an international dialogue that sometimes pushes authors out of their comfort zone. Importing criticism from “French theory” can be useful for English-speaking authors to interrogate the effects of context in theoretical constructions, and also to visualize what the surrounding political culture has obscured. Thus, the work of Jacques Rancière, and in particular the notion of dissent (Rancière and Noudelmann, 2003) feeds reflections on community, as we see in Melissa Harrison’s article.

Les travaux en anglais sur les communautés viennent percuter deux ordres de réalité : d’une part, le fait que les cadres institutionnels, politiques et culturels français occultent des processus communautaires fragiles, mais effectifs, qu’ils soient contestataires ou simplement silencieux ou invisibilisés ; d’autre part, le fait que la littérature scientifique francophone ne soit pas toujours consciente de ses propres biais d’analyse liés à l’appartenance sociale, professionnelle, ethnique, de genre, etc. (Chivallon, 2001). Or, les inégalités et discriminations ethniques, culturelles, sociales, de genre, validistes (relatives à une situation de handicap) ou même spécistes (dues à l’appartenance à une espèce) ne sont pas faciles à appréhender sans mobiliser des notions que l’on s’interdit souvent de manier, comme la communauté, ou sans recourir à l’outillage notionnel développé dans le monde anglophone. Le care en est un exemple frappant. Un second apport majeur de cette littérature anglophone concerne la dimension spatiale de la communauté, face à un cadre politique français qui gomme les interfaces entre mobilisations citoyennes et environnements locaux, qui efface donc le sol des mobilisations. Faire atterrir la réflexion sur l’action politique environnementale portée non pas par des citoyen·ne·s universel·le·s et abstrait·e·s, mais par des citoyen.ne.s doté·e·s de milieux, et comprendre leurs mobilisations à partir du souci de la préservation de ces milieux est nécessaire en France (Blanc et Estèbe, 2003) et peut s’appuyer sur les travaux anglophones concernant l’environnementalisme civique (Sirianni et Friedland, 2001) et le rôle des communautés dans la transition socio-écologique.

Anglophone literature on community helps unveil (at least) two phenomena: on the one hand, the fact that French institutional, political, and cultural frameworks conceal fragile but effective community processes, whether contentious or simply silent or invisibilized; on the other hand, the fact that French literature is not always aware of its own biases linked to social, professional, ethnic, gender characteristics, among others (Chivallon, 2001). Yet, ethnic, cultural, social, gender, validist (relating to a situation of disability) or even speciesist (due to belonging to a species) inequalities and discriminations are not easy to apprehend without mobilizing notions that Francophone scholarship often refrains from using, such as community, or without resorting to the tools developed in the English-speaking world. The notion of care is a striking example. A second major contribution of this Anglophone literature has to do with the spatial dimension of community, with goes against the grain of French political understandings that downplay the interfaces between citizen mobilizations and local environments, and thus erase the “ground” of mobilizations. In France, further reflection is needed on environmental political action carried out not by universal and abstract citizens, but by citizens embedded in an environment; we need to understand their mobilizations as based on concern for the preservation of their environment (Blanc and Estèbe, 2003). Work on civic environmentalism (Sirianni and Friedland, 2001) and the role of communities in the socioecological transition can be of use here.

Ces apports croisés, dont nous avons souligné l’asymétrie et qui fonctionnent par effets de contraste, ne doivent pas masquer quelques points communs eux aussi sujets à interrogation. Ainsi la quasi-totalité des auteur·e·s du dossier présenté (numéros 16 et 17) sont des femmes. Au-delà des différences de contextes politiques et culturels, et dans le champ des études environnementales, il resterait à l’œuvre un grand partage entre les travaux, souvent masculins, sur l’anthropocène ou le droit à la ville, et ceux, plutôt féminins, sur les communautés, plus associés à l’espace des pratiques, du quotidien et/ou de l’éthique du care. Si ce dernier « est une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer “notre monde”, de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible » (Tronto et Fischer, 1990), cette activité et ce rapport au monde restent largement dévolus aux femmes.

These cross-fertilizations and contrasts should not obscure some common points to the work we present here. Almost all the authors of the dossier presented (numbers 16 and 17) are women. Beyond the differences in political and cultural contexts, and in the field of environmental studies, there remains a great divide between the work, often authored by men, on the Anthropocene or the right to the city, and that, rather authored by women, on communities, more associated with the space of practices, daily life and/or the ethics of care. If care “is a generic activity that includes everything we do to maintain, perpetuate and repair ‘our world’, so that we can live in it as well as possible” (Tronto and Fischer, 1990), it appears this activity and this relationship to the world are still assigned to women.

 

 

La communauté dans les études environnementales

Community and environment

Pour approfondir la discussion sur l’entrée thématique de ce numéro double, il faut encore examiner la façon dont les chercheur·e·s se saisissent de la notion de communauté dans le champ de l’environnement. Dans la littérature francophone, une première utilisation du terme mobilise la notion de communauté dans une acception universaliste, pour désigner un mode d’être ensemble motivé par des ressorts politiques ou éthiques, dans un espace appréhendé à une échelle macro, que ce soit la planète, une société, un pays ou une catégorie sociale englobante. Des philosophes comme Jacques Rancière ou Hicham-Stéphane Afeissa se réfèrent ainsi à une communauté qui s’élargit, selon Afeissa, à tous les êtres vivants (2010). À l’inverse, la pensée réticulaire de Bruno Latour, l’un des penseurs français les plus influents pour analyser l’articulation des humains et des non-humains en politique, exclut la notion de communauté en contestant son existence (Astruc, sans date), contrairement, par exemple, aux auteur·e·s féministes nord-américain·e·s tel·le·s que Joan C. Tronto (1993) qui ancrent les pratiques politiques porteuses de renouveau dans le soin à l’égard des autres, vivants et non vivants inclus, au sein d’une communauté de vie.

Turning now to the theme of this double issue, it is necessary to examine the way in which researchers have grasped the notion of community in the field of the environment. A first use of the term “community”, in French literature, mobilizes the notion in a universalist sense, to designate a mode of being together motivated by political or ethical motives, in a space apprehended on a macro scale, be it the Earth, a society, a country or an encompassing social category. Philosophers such as Jacques Rancière or Hicham-Stéphane Afeissa refer to a community that extends to all living beings (Afeissa, 2010). Conversely, Bruno Latour, one of the most influential French thinkers in analyzing the articulation of humans and non-humans in politics, excludes the notion of community by contesting its existence (Astruc, undated), in contrast, for example, to North American feminist authors such as Joan C. Tronto (1993), who anchors the political practices that bring about renewal in the care of others, living and non-living included, within a community.

À l’échelle locale cette fois, un deuxième usage du terme « communauté » l’appréhende dans un rapport de résistance face au pouvoir central : un rapport de forces politique, conflictuel, bien analysé notamment dans les travaux sur la géopolitique locale de l’aménagement du territoire (Subra, 2007). Ce rapport de force peut également opposer des acteurs nationaux ou transnationaux à des communautés locales, plus couramment appréhendées comme des « collectifs locaux ». Les « zones à défendre » et les luttes contre les « grands projets inutiles et imposés », qui se comptent par dizaines en France, regroupent des militant·e·s et des habitant·e·s qui occupent l’espace pour s’opposer à de multiples projets d’aménagement (aéroport, centre commercial, barrage, tunnel, ligne ferroviaire à grande vitesse, etc.). Ces luttes forgent des communautés composites qui dénoncent les préjudices portés aux milieux de vie et aux populations locales ainsi que l’injustice environnementale pour les territoires destinés à accueillir des équipements qui engendrent de fortes nuisances ou des risques.

At the local level, a second use of the term “community” sees it as resistance to central power: a conflictual power relationship, analyzed in particular in work on the local geopolitics of land use planning (Subra, 2007). This relationship can also pit national or transnational actors against local communities, more commonly understood as “local collectives”. The “zones to be defended” and the struggles against “major useless and imposed projects”, which number in the dozens in France, bring together activists and inhabitants who occupy space to oppose development projects (airports, shopping centers, dams, tunnels, high-speed rail lines, etc.). These struggles forge complex communities, which oppose the damage done to living environments and local populations, as well as the environmental injustice arising from facilities that generate strong nuisances or risks.

Dans ce dossier, l’article de Diane Robert décrit les processus à l’œuvre dans le Sud tunisien, où des populations mobilisées contre les pollutions industrielles et pétrolières se défendent de se constituer en communauté et s’identifient en tant que collectifs citoyens pour ne pas délégitimer leur lutte. En effet, l’État, très centralisé, laisse peu de place à l’expression des diversités régionales ou locales dans ce pays en partie francophone. La critique de la communauté est donc internalisée par les leaders des mobilisations. L’auteure explique aussi que les nuisances mettent en péril les lieux, donc la base de la communauté, de sa dignité, et finalement de sa reconnaissance dans l’espace national. Les populations du Sud tunisien industrialisé se sentent discriminées et le sentiment d’injustice environnementale croît et redouble celui d’une injustice territoriale. Les mobilisations locales se déploient lorsque la main de fer du gouvernement se desserre, après la chute du régime de Zine el-Abidine Ben Ali.

In this issue, Diane Robert’s article describes the processes at work in southern Tunisia, where populations mobilized against industrial and oil pollution do not identify as a community and call themselves “citizen” groups in order not to delegitimize their struggle. The highly centralized state leaves little room for the expression of regional or local diversity in this country, and the criticism of “community” is internalized by the leaders of the mobilizations. Robert also explains that the nuisances threaten the places, the very basis of the community, its dignity and ultimately its recognition. The populations of the industrialized South of Tunisia feel discriminated against and the feeling of environmental injustice compounds this general sense of territorial injustice. Local mobilizations unfolded when the iron fist of the government loosened, after the fall of the Zine el-Abidine Ben Ali regime.

Comprise dans un rapport de tension et de conflit avec l’État, la communauté peut être également défaite par le rapport de forces politique. L’article de Diane Robert montre bien comment les communautés locales sont instrumentalisées par le pouvoir central qui distribue des compensations inégales, ce qui a pour effet d’attiser les rivalités et les rancœurs entre communautés, et de paralyser l’action. Leur unité aurait permis aux mobilisations locales de parvenir à leurs fins, et de produire ainsi plus de justice environnementale et sociale au lieu d’obtenir de maigres contreparties.

When in conflict with the state, the community can also be defeated by the political balance of power. Robert’s article clearly shows how local communities are instrumentalized by the central government, which distributes unequal compensation to some, fanning rivalries and resentments between communities, and paralyzing action. Unity of local mobilizations could have brought about more environmental and social justice rather than inadequate compensations.

Un troisième type de travaux sur les communautés en France concerne les communautés alternatives et non confrontationnelles. L’ancrage au lieu est fort, mais en bonne partie consécutif à l’établissement de la communauté. Dans la veine de la contre-culture des années 1960, du néoruralisme qui s’en est ensuivi, et qui connaît un regain de dynamisme avec les mouvements pour la décroissance et la crise de la COVID-19, le retour à la terre a été largement documenté. Certaines communautés ont été étudiées pour leurs initiatives écologiques (Mésini et Barthes, 2008) ou de transition (Semal, 2013). Ces travaux s’intéressent plus à la dimension politique de l’expérience de la communauté qu’aux discriminations latentes qu’elle pourrait susciter, à la manière dont elle inclut ou exclut ses membres.

A third type of work on communities in France concerns alternative and non-confrontational communities. The embeddedness in place is strong but mostly comes after the establishment of the community. In the counterculture of the 1960s, neo-ruralism, which is experiencing a revival with degrowth movements and the COVID-19 crisis, and the “return to the land” have been documented. Some communities have been studied for their ecological (Mésini and Barthes, 2008), transitional initiatives (Semal, 2013). This work considers the political dimension of the experience of “community” rather than the latent discriminations in the way it includes or excludes.

Les études sur la communauté porteuse d’un ordre politique alternatif à l’État et au marché ont connu un essor récent en France sous la bannière des « communs », comme dans de nombreux pays. La constitution de communs environnementaux, intentionnelle et à consonance politique, concerne les milieux urbains aussi bien que ruraux. Les travaux s’enracinent dans l’écologie sociale de Murray Bookchin, dans la gestion des ressources environnementales comme biens communs théorisée par Elinor Ostrom ou encore dans la pensée néomarxiste d’Henri Lefebvre et David Harvey, revivifiées par les réflexions espagnoles sur le nouveau municipalisme (Rendueles et Subirats, 2019), l’école italienne des territorialistes (Magnaghi, 2004) ou encore le mouvement de la production pair à pair (Bauwens et Kostakis, 2017). Le potentiel socio-écologique des communautés de makers, cultivateurs de l’urbain, transitionneurs décroissants ou éphémères dans des espaces urbains en friche ou reconquis de haute lutte est analysé, sans abandonner l’idée plus large d’un changement de régime politique (Alix et al., 2018).

Studies on the community as bearer of an alternative to the state and the market have recently flourished under the banner of the “commons”, in many countries. The constitution of environmental commons, both intentional and political, has been studied in urban as well as in rural areas. The work is rooted in the social ecology of Murray Bookchin, in the management of environmental resources as commons theorized by Elinor Ostrom, or in the neo-Marxist thinking of Henri Lefebvre and David Harvey, revived by Spanish reflections on the new municipalism (Rendueles and Subirats, 2019), the Italian school of territorialists (Magnaghi, 2004), or the peer-to-peer production movement (Bauwens and Kostakis, 2017). The emphasis is on the socioecological potential of communities of makers, cultivators of the urban, transitioners in reclaimed urban spaces, though the broader idea of a change in political regime remains present (Alix et al., 2018).

Dans ce double numéro, les contributions de Damien Deville et Guga Nagib et de Melissa Harrison renvoient à ces communs urbains. Les premiers les voient comme des espaces arrachés ou soustraits à la ville néolibérale, tandis que Harrison décrit avec précision la manière dont la communauté se construit en s’appuyant sur des formes de dissentiment dans un processus d’ouverture à l’altérité.

In this double issue, contributions by Damien Deville and Guga Nagib, and by Melissa Harrison refer to these urban commons. Whereas Deville and Nagib see them as spaces wrested from the neoliberal city, Harrison describes how community is constructed through forms of dissent in a process of openness to alterity.

Les acceptions du terme « communauté » se référant à une alternative politique sont les plus nombreuses dans l’espace de recherche francophone lié à la transition socio-écologique. Et c’est finalement dans le sens courant en anglais d’une communauté ordinaire, attachée à son milieu de vie, que l’on trouve au contraire le moins de travaux, sauf au Québec, plus influencé par la culture anglo-américaine. On mentionnera, dans cette dernière veine, une recherche sur les « communautés environnementales » composées d’habitant·e·s capables de transformer l’environnement quotidien, de le défendre éventuellement contre des assauts extérieurs, dans un mouvement d’émancipation collective porté par un sentiment d’injustice environnementale (Blanc et Emelianoff, 2008). Parallèlement aux travaux états-uniens sur l’environnementalisme civique (Sirianni et Friedman, 2001), mais dans un autre cadre, les mobilisations environnementales ordinaires sont alors étudiées. L’invisibilité ou l’invisibilisation des opérations de transformation des milieux de vie qui ne passent pas par le conflit ou la lutte (Blanc et Paddeu, 2018) sont mises en lumière par ces analyses qui s’attachent à la communauté de vie.

Uses of the term “community” to refer to a political alternative are most frequent in French-language research on socioecological transition. Overall, the meaning most common in English, an ordinary community, attached to its living environment, is rarely found in French-language work, except in Quebec, more influenced by Anglo-American culture. There is however some work on “environmental communities” of residents capable of transforming their daily environment, possibly defending it against external assaults, in a movement of collective emancipation driven by a feeling of environmental injustice (Blanc and Emelianoff, 2008). In parallel to the American work on civic environmentalism (Sirianni and Friedman, 2001), but in a different framework, ordinary environmental mobilizations are studied. The invisibility or invisibilization of operations to transform living environments that do not involve conflict or struggle (Blanc and Paddeu, 2018) is a key feature of this understanding of the “living community”.

Du côté des auteur·e·s anglophones inscrit·e·s dans le champ de l’environnement, le rôle politique de la communauté est appréhendé de manière très diversifiée. Certain·e·s sont très critiques quant à l’utilisation de la communauté pour répondre à des préoccupations plus structurelles. Il existe un point de vue selon lequel ce que nous appelons « communauté » est supposé être un état d’esprit réfléchi et conscient : la communauté est supposée éthique. Cependant, de nombreux écrits sur la communauté prouvent le contraire : cette dernière est associée au suivisme, à la soumission aux normes et aux hiérarchies, ou au fait de se concentrer sur ses relations sociales immédiates et visibles au détriment de relations sociales et économiques distantes et moins visibles (Taylor Aiken, 2018). Les critiques insistent également souvent sur le fait que la communauté permet ou encourage une certaine forme de néolibéralisme : ce que Marie Anne MacLeod et Akwugo Emejulu (2014) appellent, en faisant référence aux questions environnementales, « le néolibéralisme avec un visage communautaire ». Si ces exemples se concentrent sur la dimension environnementale, la communauté est également utilisée de manière plus large et transversale, comme on peut le voir avec son rôle dans les débats sur le localisme, le bénévolat, la prestation de services du tiers secteur ainsi que sur l’activisme.

Among Anglophone authors in the environmental field, the political role of the community is understood in a variety of ways. Some are highly critical of the use of community to address more structural concerns. There is a persuasive view that what we call community is presumed to be a more reflective and conscious state of mind: community is ethical. However much writing on community reveals the opposite: community is associated with groupthink, unthinking social norms and hierarchies, or focusing on one’s immediate and seen social relations at the expense of distant and perhaps unseen social and economic relations (Taylor Aiken, 2018). Critiques also often run along the lines of arguing that community either allows or encourages some form of “neoliberalism”: what Marie Anne MacLeod and Akwugo Emejulu (2014) call, in passing reference to environmental issues, “neoliberalism with a community face”. While these examples are inflected through an environmental lens, community is also used more widely and cross-cuttingly, as can be seen with its role in debates around localism, volunteering, third sector service provision, as much as around purposive activism.

Alors que la communauté a souvent été vue à travers ces prismes positifs ou négatifs, nous souhaitons dépasser ces jugements de valeur et nous concentrer plutôt sur le contexte dans lequel chaque initiative communautaire apparaît. Le principal élément de contexte aujourd’hui est le néolibéralisme. Cela ne veut pas dire que la communauté elle-même est toujours néolibérale, mais que le contexte dans lequel elle émerge et avec lequel elle compose ou contre lequel elle lutte l’est. Le néolibéralisme explique en partie la montée des mouvements communautaires pour la durabilité, qui considèrent que la responsabilité d’agir, et plus récemment la « capacité d’adaptation », sont ancrées localement. Historiquement, les « communautés durables » étaient considérées comme un levier pour transformer l’ensemble de la société (Van der Ryn et Calthorpe, 1986 ; Sirianni et Friedman, 2001), dans la lignée du « mouvement civique » prôné par Patrick Geddes ancré dans l’anarchisme (Geddes, 1915). L’échec de ce projet ou ses résultats limités, avec l’intégration croissante de l’action communautaire par diverses institutions, ont conduit à des visions plus désenchantées. Aujourd’hui, « les réponses à la dégradation de l’environnement […] se situent au niveau individuel/communautaire et se résument essentiellement à augmenter la “résilience” des populations affectées face aux chocs “externes” » (Felli et Castree, 2012, p. 2). Cette convergence de mouvements progressistes pour le changement et d’une vision néolibérale coercitive du monde nous incite à être prudent·e·s lorsque nous prétendons que les mouvements ou les actions communautaires peuvent être considérés comme justes.

While community has often been seen through these positive and negative lenses, here we wish to sidestep this judgement, instead focus on the context within which each community initiatives emerges. The main overarching and undermining context today is neoliberalism. This is not to say that community itself is always neoliberal, but that this in the context it emerges in, from, and either swims with or against. Neoliberalism as a context partly explains the rise of community movements for sustainability, who hold responsibility for action, and more recently where “capacity to adapt” is locally rooted. Historically, “sustainable communities” were considered as a lever to transform the whole society (Van der Ryn and Calthorpe, 1986; Sirianni and Friedman, 2001), in the line of the “civic movement” advocated by Patrick Geddes, rooted in anarchism (Geddes, 1915). The failure of this project or its limited results, with the growing embedding of community action by diverse institutions, led to more disenchanted visions. Nowadays “responses to environmental degradation […] are located at the individual/community level and essentially amount to increasing the ‘resilience’ of the affected populations to ‘external’ shocks” (Felli and Castree, 2012, p. 2). This dovetailing of progressive movements for change, together with a coercive neoliberal worldview gives us cause to be wary wherever we claim that community movements or action can be seen as “just”.

La communauté, cependant, n’est pas condamnée à s’inscrire dans un horizon néolibéral. Doreen Massey, dans l’un des derniers articles qu’elle a publiés avec Michael Rustin, fait la distinction entre l’émergence de l’individualisme, dont Foucault fait état dans Surveiller et punir, et un modèle plus collectif et normativement souhaitable de « nourrir, améliorer et apprendre » (Rustin et Massey, 2015). Les initiatives communautaires sont l’occasion de résister, d’expérimenter et de forger des manières alternatives d’être et de devenir ensemble. Ainsi, les relations sociales et spatiales dans les initiatives communautaires peuvent encore être des outils utiles pour construire un monde plus juste.

Community, though, is not destined to be enrolled within a neoliberal agenda. In one of Doreen Massey’s last published pieces she, together with Michael Rustin, distinguishes between the emergence of the individualism Foucault traces in Discipline and Punish, and a more collective and normatively desirable “nurture, improve, and learn” (Rustin and Massey, 2015). Community initiatives provide an opportunity to resist, experiment, to model and forge alternative ways to be and become together. Thus, the social and spatial relations that can be found in community initiatives can still be useful tools in building a more just world.

Cependant, pour beaucoup des articles rassemblés ici, de telles hypothèses sont encore sujettes à caution. Plutôt que de promouvoir naïvement la communauté, comme le fait une grande partie de la recherche tournée vers l’action, la question que nous posons ici est : que fait la communauté sur le terrain ? Quelle est la fonction remplie, et pour qui, par cette forme particulière et contestée d’unité qu’est la communauté ?

However, for many of the papers in this issue, such assumptions are still open to question. Rather than naively promote community, as some research on community can do, the question asked here is what does community do on the ground? What is the heavy lifting carried out, and for whom, by this particular, contested, form of togetherness: community?

 

 

Langue, communauté et (in)justice

Language, community and (in)justice

Ce numéro de Justice spatiale | Spatial Justice analyse la place plus ou moins « juste » de la communauté dans la poursuite d’objectifs environnementaux, culturels et sociaux. Nous présentons ici des articles qui examinent le potentiel ou les utilisations contre-productives de la communauté dans la quête de plus de justice. Il s’agit de voir la justice de manière globale : l’action communautaire environnementale vise à servir non seulement ses membres, mais aussi les populations éloignées dans l’espace et le temps, les humains comme les non-humains, par la réduction du CO2, la protection des écosystèmes ou de la biodiversité, par exemple.

This issue of Justice spatiale | Spatial Justice explores how the use of community in pursuing environmental, cultural, and social aims and objectives can be more or less just. We present papers that look to the potential for, or counterproductive uses of, community to achieve justice. Environmental community action is intended to serve not only its members but distant populations in the space and time, humans as well as non-humans, through CO2 reduction, ecosystems or biodiversity protection, for example.

Le bilinguisme de la revue permet de mettre en perspective la spécificité, ou le caractère provincialisé, des débats anglophones ou francophones sur ces questions. Une grande partie de la théorie de la communauté, dans les sciences sociales anglophones, est construite à partir d’exemples en langue anglaise. Ainsi, l’idée de communauté est « imprégnée des perspectives et applications occidentales, et en particulier anglophones, de la communauté » (Kumar et Taylor Aiken, 2020, p. 203). Replacer certaines théories de la communauté dans leur contexte anglophone permet de contextualiser cette dernière. Dans une langue comme, par exemple, l’allemand, il n’existe pas de traduction directe du mot et du concept anglais « community ». La célèbre distinction entre « Gemeinschaft » et « Gesellschaft » dans les premiers travaux sociologiques sur la communauté montre que la Gemeinschaft constitue un niveau d’appartenance sociale très particulier et à petite échelle. D’autres mots distincts, que ce soit « Gemeinde », « Öffentlichkeit », « Kollektiv », voire « Sippe », sont tous traduits par le mot anglais « community », alors qu’il existe d’autres traductions pour chacun de ces termes en français – par exemple, « public », « collectifs », « clans » –. Les différents termes « communauté musulmane », « communauté scientifique », « communauté internationale » et « communauté locale » sont souvent désignés par un seul et même terme à connotation positive : « community ». En anglais, ce terme a un caractère polysémique très englobant ainsi qu’une connotation affective qui influence l’imagination et reflète cette positivité générale. Est-ce un seul et même processus à l’œuvre dans tous ces cas différents ? Ou est-ce que les regrouper sous un même mot, « communauté », détermine la façon dont on les aborde ?

As we have seen, given the Anglo-French nature of the journal, one pleasing aspect of these papers is the addressing of the specificity, or provincialized character, of Anglo- or Francophone debates in these areas. Much of community theory, in the Anglophone social sciences, is built from English language examples. Thus, the idea of community is “overly wedded to Western, and particularly English-language understandings and applications of community” (Kumar and Taylor Aiken, 2020, p. 203). Placing theories of community in their English-language provinciality contextualises this “community”. In a language like, say, German, no direct translation to the English word and concept community exists. The famous distinction between “Gemeinschaft” and “Gesellschaft” in early sociological work on community, shows that Gemeinschaft” forms one very particular and small-scale, level of social belonging. Distinct other words, whether “Gemeinde”, “Öffentlichkeit”, “Kollektiv”, even “Sippe”, are all bundled within the English word community. While other translations for each of these exist in English—say, “public”, “collectives”, “clans”—in English the various terms “Muslim community”, “scientific community”, “international community”, and “local community”, all of these are often folded within the one, catch-all, positively inflected shorthand: “community”. In English, “community” has a polysemic character that is capacious and an affectivity which both have a hold on the imagination, and reflects this general positivity. Can we then say that the same processes are underway in that context? Or does the ability to capture these processes under one word, “community”, also give them their own life and representation?

Si les définitions et les modes d’analyse de la communauté émergent de contextes anglophones, alors dans quelle mesure peut-on les transférer à d’autres contextes ? Lorsqu’on interroge le lien entre initiatives communautaires et justice, dans quelle mesure la notion même d’(in)justice est-elle colorée par cette vision de la communauté ?

If community’s definition(s) and pattern(s) of use emerge from English-language contexts, are these transferrable beyond this provincialized context? When we come to question the relationship of community-based initiatives to justice then, the very term itself (the word “community”, and associated definitions) accompanies questions of (in)justice.

Dans ce numéro double, nous extrayons délibérément la communauté de cette inscription pour l’interroger dans de nombreuses situations et contextes peu familiers – des terrains de rugby en Angleterre aux quartiers indigènes qui s’embourgeoisent et se verdissent – au-delà des hypothèses linguistiques naturalisées. Une telle approche est utile pour rapprocher la notion de communauté de celle de justice. Il s’agit de se détacher des associations simplistes qui font de la communauté en soi quelque chose de « bien » ou de « mal » : non seulement ce n’est jamais aussi simple, mais cela n’aide pas, en outre, à savoir si une communauté donnée est juste. Comme nous l’avons vu plus haut, la notion de communauté en anglais n’est jamais purement descriptive, elle fait appel à une charge affective et à une foule de connotations. Pour saisir si une communauté est juste, nous devons prêter attention à ce qu’elle fait et non pas seulement à ce qu’elle signifie.

Here, we take community out of this safety net, and question it in many unfamiliar situations and contexts—from rugby fields in England, to indigenous gentrifying and greenifying neighbourhoods, beyond naturalized linguistic assumptions. Such a multilingual approach to “community” is helpful in moving community into closer conversation with justice. It is not simply to say that “community is good”, or “community is bad”, or a whole range of linked semantic meanings and values in between. Not only is it not this simple, it is actually unhelpful in answering the question of how just any given community is. As stated above community in English is never purely descriptive, calling on a host of other affectations and implications. In order to grasp just how just community is, we need to pay attention to what community does, not only what it means.

De nombreux articles de ce numéro 16 s’intéressent à l’ambiguïté qui entoure ces initiatives communautaires en tant qu’idée ou pratique. Melissa Harrison montre que les « communs urbains » sont un terme sans définition fixe (bien que de nombreuses définitions existent) et elle s’attache principalement à leur portée sociale et politique. Après une remarquable synthèse théorique, elle ancre sa réflexion dans un travail ethnographique conduit dans un jardin partagé à Berlin sur une friche et un centre social et culturel d’Athènes, ancienne cafétéria municipale désaffectée et occupée. L’auteure montre comment ces communs urbains, par les luttes qui les ont constitués, tiennent tête à la ville néolibérale tout en tentant de résister aux processus de cooptation et de fermeture de la communauté afin d’établir une praxis sociospatiale et politique transformative juste. Les enjeux de justice et la dimension politique structurent cette analyse qui s’attache aux conditions par lesquelles les processus de clôture peuvent être évités grâce au déploiement de manières d’être transformatrices et contre-hégémoniques, marquées par le care et l’acquisition de capacités de défense politiques face à l’État-marché. Les communs urbains mettent en jeu une nouvelle socialité qui pourrait gagner du terrain par l’extension et la mise en réseau translocale de ces initiatives.

Many papers of the issue number 16 pay attention to the ambiguity surrounding these community initiatives as an idea or practice. Melissa Harrison provides a survey of how “urban commons” is a term without any fixed definition (albeit many definitions do exist) and pays close attention to their social and political scope. After a remarkable theoretical overview, she presents her ethnographic work conducted in a shared garden on wasteland in Berlin, and a disused and occupied municipal cafeteria now social and cultural center in Athens. The author shows how these urban commons, through the struggles that have constituted them, stand up to the neoliberal city while attempting to resist the processes of co-optation and closure of the community, in order to establish a just transformative sociospatial and political praxis. Issues of justice and politics structure this analysis, which focuses on the conditions by which processes of closure can be avoided through the deployment of transformative and counter-hegemonic ways of being, marked by care and the acquisition of political defensive capacities in the face of the market state. The urban commons foster a new sociality, which could gain ground through the extension and translocal networking of such initiatives.

La question de la fermeture ou de l’ouverture de la communauté est analysée par Yael Arbell dans une perspective différente. L’article décrit comment deux initiatives communautaires de logement peuvent produire des safe spaces à l’abri du néolibéralisme, mais montre aussi que ces initiatives risquent également de reproduire en leur sein des formes d’oppression. C’est cette ambiguïté des initiatives communautaires qui fait que le terme « communauté » n’est jamais univoque. Le logement communautaire n’est ni valorisé ni rejeté, mais jugé sur pièces. Les initiatives peuvent produire de l’exclusion. Cette forme d’exclusion ne constitue pas pour autant nécessairement une injustice et peut contribuer à créer un espace protecteur. Dans d’autres cas, c’est le cas quand les initiatives sont ethniquement homogènes, l’exclusion peut être considérée source d’injustice. La communauté en elle-même n’est ni juste ni injuste, mais en retraçant la manière dont elle opère dans des cas particuliers, nous pouvons avoir un aperçu de la relation de la communauté – dans ce cas, la capacité à tracer une frontière dedans/dehors – avec les exclusions et les injustices. Dans une perspective politique plus large, cet article révèle le contexte croissant d’insécurité lié au néolibéralisme, modifiant, si l’on ajoute la déstabilisation des conditions de vie environnementales, la conception, le sens et peut-être les échelles de la politique. Là où la politique se situait, au XXe siècle, dans le vivre-ensemble, on assiste aujourd’hui à un glissement vers le protéger-ensemble, souvent dans un rayon d’action ou de projection plus étroit.

The question of the closed or open character of community is analysed by Yael Arbell with a quite different perspective. The article outlines how two community-led housing initiatives can produce safe spaces to protect themselves from a prevailing neoliberalism and that these initiatives ultimately suffer from the same weaknesses as other types of safe space since they can reproduce forms of oppression within themselves. It is this “both/and” quality to community initiatives that allows community to have an ambivalent relationship to meaning, in a strict sense. Community-led housing is neither valorised nor dismissed, but met on its own terms. Community-led housing initiatives can be exclusive. This form of exclusion need not be a source of injustice though, and could help create a protective safe space. In other cases, for example with regards to a more homogeneous ethnicity within some of these initiatives, this exclusion can become a source of injustice. Again, community itself, is not just or unjust, but by tracing what community does in particular instances, we can outline the relationship of community—in this case the ability to draw an in/out boundary—to exclusions and injustices. On a broader political perspective, this article reveals the growing context of insecurity linked with neoliberalism, changing, if we add the destabilization of environmental life conditions, the conception, the meaning and perhaps the scales of politics. Where politics lay in the 20th century in living together, we see nowadays a slip towards protecting togetherness, often with a narrower focus.

La rupture des limites de la communauté est un point clé de l’analyse de Jen Dyer, Lucie Middlemiss et Harriet Thew. Elles attirent l’attention sur la façon dont les initiatives communautaires qui se pensent inclusives, comme les équipes de rugby, peuvent au contraire propager l’exclusivité. Si l’on élargit, une grande partie du travail universitaire sur la façon dont la communauté répond aux défis de la durabilité est excessivement blanche, de classe moyenne et bien-portante, ce qui se ressent dans le discours, les hypothèses et la participation aux enquêtes. Il en va de même de l’étude du mouvement de préservation de la nature (Evans, 2002). Cet article retrace méthodiquement les manières dont l’exclusion est mise en œuvre à la fois matériellement et symboliquement, donnant des clés pour l’avenir si la communauté doit développer une approche plus juste. L’initiative Mixed Ability est un exemple de travail et d’apprentissage en commun réussis pour briser les limites, surmonter les peurs et les préjugés.

Breaking the boundaries of the community is a key point for the analysis of Jen Dyer, Lucie Middlemiss and Harriet Thew, who draw attention to much of the ways in which so-called, and self-regardingly “inclusive”, community initiatives, such as rugby teams, can instead propagate exclusivity. By extension, much academic work on how community responds to sustainability challenges is overly white, middle-class and able-bodied, in discourse, assumptions and participant make-up, as for the movement of nature conservation (Evans, 2002). This paper carefully traces the ways in which exclusion is realised and enacted both materially and symbolically, in ways that will be essential going forward if community is to firmly ally itself with a more just approach. The Mixed Ability initiative is an example of successful working and learning together to break the boundaries, overcome fears and prejudices.

 

 

Conclusion

Conclusion

La relation entre la communauté et son instrumentalisation politique est donc un objet de recherche émergent, lorsqu’on prête attention au contexte de la communauté, qu’il s’agisse du contexte de la recherche, du contexte géographique de chaque initiative ou du contexte politique, économique et historique dans lequel se trouve chaque communauté. Dans cet ensemble de textes sur la communauté et la justice, nous avons mis l’accent sur ce que fait réellement la communauté, plutôt que de nous attarder sur ce qu’elle pourrait signifier. En effet, le mot « communauté » recouvre des réalités bien différentes, y compris des assignations d’en haut, pour désigner les habitant·e·s d’un quartier, une identité ou une caractéristique. Des visions restrictives cohabitent avec des visions de communautés qui s’ouvrent et s’impliquent avec d’autres, développant leur pouvoir d’agir et forgeant des solidarités au-delà des différences.

Carefully handling community’s relationship to political use is thus an emergent theme when paying attention to community’s context: whether the context of scholarship, the geographic context of each initiative, or the political, economic, and historical context each community finds itself in. In this collection of writing on community and justice, we have focused on what community actually does, rather than being caught up over what community might mean. This is because the word “community” covers a lot of ground, including a top-down “allocation”—containing people in a neighbourhood, identity, or characteristic. This restrictive view of community exists alongside others which involve opening up and getting involved with others, increasing agency and forging solidarities across any given differences.

Décrire une situation ou un arrangement comme une communauté, c’est faire appel à une foule de valeurs connexes, dont on a vu qu’elles variaient dans leurs connotations, plutôt positives en anglais, péjoratives en français. C’est ce bagage normatif que porte la communauté qui est au cœur des conflits sur son sens et son usage. Ces charges positives ou négatives révèlent des divergences dans les analyses politiques, les philosophies politiques et les espoirs, de l’éco-anarchisme et l’écoféminisme au républicanisme ancien ou nouveau, par exemple. Mais la signification politique de la communauté dépend du contexte, et elle est entretenue par des arrangements sociaux ou des normes communautaires (Barnett, 2017). Le mot « communauté » est donc sous-tendu par le contexte dans lequel s’inscrit la communauté. Il s’agit donc d’être attentif à ces contextes plutôt que d’établir des définitions précises et « neutres ». Comme les chercheur·e·s féministes et d’autres le rappellent, l’établissement d’une définition unique et englobante n’est jamais un processus neutre, mais un processus ancré dans les relations de pouvoir où certaines significations, certaines pratiques et certain·e·s acteur·ice·s sont reconnu·e·s alors que d’autres ne le sont pas (Young, 1990).

To describe a situation or arrangement as a community is to call on a host of related values of collectives, similarity, and, in English language at least, praiseworthiness, the French language tending to be more depreciative. It is this evaluative baggage community brings with it that lies at the heart of conflicts over community’s meaning and use. These positive or negative charges reveal divergences in political analyses, political philosophies and hopes, from eco-anarchism, eco-feminism to old or new republicanism, for example. But the political meaning of community is context-dependent, and one that is held together through social arrangements, or “community norms” (Barnett, 2017). “Community” (as a word) is therefore held together by community (as a context). The task then is to be alive to these contexts, rather than establish precise and “neutral” definitions. As feminist scholars and others remind us, the establishment of a single encompassing definition is never a neutral process, but one embedded with power relations where some meanings, practices, and actors are recognised while others are not (Young, 1990).

Par conséquent, ce que signifie la communauté doit rester ouvert, et il n’y a pas un aspect unique que la communauté devrait signifier. Du point de vue de la ou du géographe, rien de neuf à cela. Ce n’est pas seulement ce que la communauté signifie qui est important, et encore moins ce qu’elle devrait signifier, mais pourquoi et comment la communauté en vient à signifier ce qu’elle signifie qui importe, pourquoi et comment elle est remobilisée pour porter ou renouveler des voies d’action politiques. Considérer la communauté comme « émergeant de l’ethnographie » (Barnett, 2017) ne signifie pas que l’ethnographie soit la seule méthodologie capable d’appréhender correctement la communauté, même si elle est utilisée ici. Il s’agit plutôt de considérer que le sens et le pouvoir de la communauté se révèlent dans diverses situations, divers contextes et objets, et que l’interprétation des significations variables et des portées politiques de la communauté nécessite « une sensibilité à l’épaisseur contextuelle » (Barnett, 2017, p. 72). Cette sensibilité au contexte est requise pour évaluer de manière juste la façon dont la communauté est utilisée à des fins environnementales.

Consequently, what community means should remain open, and that there is not any one aspect that community should mean. From geographer’s eyes, it seems to be an old truth. It is not only what community means that is important, still less what it should mean, but why and how community comes to mean what it means that matters, and how and why community can be repurposed to pursuit different political ends. Seeing community as ethnographically emergent (Barnett, 2017) is not to place ethnography as the only methodology capable of properly getting to grips with community. Instead it sees that the meaning and the power of community are revealed in community’s embedded extensions in various situations, contexts and objects, and that interpreting community’s variable meanings and political scopes requires “a sensitivity to contextual thickness” (Barnett, 2017, p. 72). It is this sensitivity to context that is required to approach a just evaluation of how community is used environmentally.

 

 

Pour citer cet article

To quote this article

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Emelianoff Cyria, Taylor Aiken Gerald, « (In)justice des initiatives communautaires » [“The (in)justice of community-based initiatives”], Justice spatiale | Spatial Justice, no 16, 2021 (http://www.jssj.org).

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