Etre noir et pauvre dans le Ghetto. Un entretien avec William Julius WILSON

Being black and poor in the Ghetto. An Interview with William Julius WILSON

 Entretien réalisé le 27 octobre 2012 à l'Université Paris Ouest Nanterre à l’occasion du colloque autour The Wire

The interview was made at the University Paris Ouest Nanterre, on October 27, 2012, on the occasion of an international conference around The Wire [1]

Réalisation : Aurore Carroué
Assistante : Claire Carroué

Director: Aurore Carroué
Assistant Director: Claire Carroué

JSSJ : Professeur William Julius Wilson, vous êtes professeur de sociologie à l’Université de Harvard. C’est un grand honneur et un plaisir pour la revue Justice spatiale / Spatial Justice d’avoir cet entretien avec vous !

JSSJ: Professor William Julius Wilson, you are a distinguished professor of sociology in the University of Harvard. It is a great honor and pleasure for the journal Justice spatiale / Spatial Justice to have this interview with you.

Dans votre livre le plus récent - de 2010 : More than just Race[1]-, vous expliquez comment à la fois des obstacles institutionnels et systémiques, et des manques culturels, empêchent les Noirs pauvres de sortir de la pauvreté et d'échapper au Ghetto.

In your most recent book -in 2010- : More than just Race[2], you explain how both institutional and systemic impediments, and cultural deficiencies keep poor blacks from escaping poverty and escaping the ghetto.

Pourriez-vous nous en dire plus sur votre analyse du rôle respectif de la structure et de la culture dans le Ghetto?

Could you tell us more of your analysis of the respective role of structure and culture in the Ghetto, please?

27 oct 2012

W.J. Wilson: Oui. Si vous me demandez ce qui est le plus important, je dirais que c’est la structure, et je pense que les obstacles liés aux structures - qu'ils soient des problèmes raciaux, tels que la discrimination, la ségrégation, ou des obstacles non raciaux, liés aux mutations économiques, ou même à certaines actions politiques, comme par exemple le nouveau fédéralisme de l'administration Reagan, qui a fortement diminué le soutien aux zones urbaines où les Noirs étaient concentrés -, ces choses sont beaucoup plus importantes que les attitudes, les croyances, les visions du monde… toutes ces choses que nous associons à la culture. Je défends l’idée que si beaucoup des réponses culturelles aux conditions sociales - dans ce cas, la dépendance raciale et économique chronique – peuvent renforcer la marginalité économique des Noirs pauvres-, cette position économique marginale n'a pas été causée principalement par ces réponses culturelles. Donc, la culture répond aux obstacles structurels : des réponses culturelles face aux possibilités d’accès à l’emploi bloquées que nous associons aux facteurs structurels, tant raciaux que non-raciaux. Et parfois, ces réponses culturelles renforcent la marginalisation économique engendrée par les obstacles structurels. Par exemple, il est impossible de rendre compte de la situation actuelle de tant de Noirs pauvres sans prendre en considération l'héritage de la discrimination et de la ségrégation raciales, et comment les problèmes créés par la ségrégation et la discrimination raciales ont été renforcés par les changements économiques. Ainsi, le racisme et la discrimination ont bloqué beaucoup des Noirs pauvres dans leur situation économique, dans des problèmes structurels, et les ont laissés sur le bord de la route regarder les changements et les mutations technologiques rendre cette situation encore plus permanente.

W.J. Wilson: Yes. If you ask me which is more important, I would say structure, and I feel that structure impediments, whether they be racial impediments, racial problems, such as discrimination, segregation, or non-racial impediments, associated with changes in the economy, or even some political actions, for example the new federalism of the Reagan administration, which sharply decreased support for urban areas where blacks were concentrated, these things were far more important than attitudes, beliefs, world views, things that we associate with culture. I maintain that a lot of the cultural responses to conditions and society – in this case, chronic racial and economic subordination – sometimes reinforce the marginal economic position of poor blacks, but poor blacks marginal economic position has not been driven mainly by these cultural responses. So you have culture responding to the structural impediments, cultural responses to blocked opportunities that we associate with structural factors, ranging from those that are racial to those that are non-racial. And sometimes these cultural responses reinforce the marginal economic position created by the structural impediments. For example: there is no way that you can appreciate the current position of so many poor blacks without considering the legacy of racial discrimination and segregation, and how problems created by racial segregation and discrimination have been reinforced by changes in the economy. For example, racism and discrimination, put a lot of poor blacks in their economic place, in structural problems, and stepped aside to watch changes and technology make that place even more permanent.

Donc, fondamentalement, je dirais que, pour arriver à une compréhension complète de l'inégalité raciale, vous devez prendre en compte à la fois les problèmes structurels - raciaux comme non-raciaux- et les réponses culturelles aux inégalités structurelles. Si vous souhaitez l’explication la plus complète, ce n'est pas l’une ou bien l’autre ; cependant, je mettrais beaucoup plus l'accent sur les obstacles structurels que sur les réponses culturelles à ces obstacles.

So basically, I would say that, in order to come up with a complete comprehensive understanding of racial inequality, you have to consider both structural problems ranging from those that are racial to those that are non-racial, and cultural responses to structural inequities. If you want the most comprehensive explanation, it’s not either/or, but I would place far more emphasis on the structural impediments than on the cultural responses to these impediments.

 

 

27 oct 2012

JSSJ: Dans votre livre, vous faisiez le parallèle avec la situation de la Grande Dépression, avec la possibilité de voir apparaître un nouveau Roosevelt –un Franklin Delano Roosevelt-, avec des formes d'intervention publique créant des emplois par milliers, ou plutôt par millions...

JSSJ: In your book, you were making the parallel with the situation of the Great Depression, with the possibility to have some sort of Roosevelt -Franklin Delano Roosevelt-, a sort of public intervention creating jobs by thousands -or millions actually…

W.J. Wilson: Eh bien, si vous regardez les propositions actuelles visant à résoudre les problèmes des quartiers centraux, il n’y en a pas beaucoup qui proposent le type de réforme globale que vous pourriez associer au New Deal. Et selon qui initie telle ou telle proposition politique, vous pouvez vite savoir si elles sont libérales ou conservatrices.

 W.J. Wilson: Well, if you look at current proposals to address problems in the inner city, not many of them represent a kind of comprehensive reform that you associate with the New Deal. And depending on who is pushing certain policy positions, you can soon determine whether they are liberal or conservative.

Les conservateurs mettront beaucoup plus l'accent, par exemple, sur la réforme de l'aide sociale, en pensant que ce que vous avez à faire, c’est de changer les comportements individuels, tandis que les politiciens plus libéraux mettront l'accent beaucoup plus sur l'amélioration des possibilités d'emploi, la formation de la main-d'œuvre et l'éducation…, tout en reconnaissant que beaucoup de gens dans notre société, en particulier les Noirs pauvres, font face à des possibilités d’emploi limitées, et que nous devons ouvrir ces possibilités, afin que les gens puissent s'aider eux-mêmes. Les conservateurs, de leur côté, associent la situation économique marginale des Noirs pauvres à des défauts personnels. Par conséquent, leur but est d'améliorer les comportements et de faire en sorte que les gens prennent l’engagement de travailler, etc.

The conservatives will place far more emphasis, for example, on welfare reform, thinking that what you’ve got to do is change individual behavior, whereas more liberal politicians will focus far more on improving job opportunities, manpower training and education, these kinds of things, recognizing that many people in our society, particularly poor blacks, face limited opportunities, and we have to open up the opportunity structure, so people can help themselves. Conservatives, on the other hand, associate the marginal economic position of poor blacks with personal shortcomings. Therefore their purpose is on improving attitudes and making sure that people make commitments to work, and so on.

Et donc, cela dépend de qui est au pouvoir. Si vous me posez la question, je pense que Barack Obama a beaucoup plus mis l'accent sur les facteurs structurels - même s'il n'a pas explicitement formulé des politiques profitant aux Noirs pauvres-, mais il a beaucoup plus mis l'accent sur les facteurs structurels que sur les facteurs culturels. Bien sûr, il parle de certains facteurs culturels, il parle de pères prenant davantage soin de leurs enfants, etc. Mais il dit aussi: donnons-leur la possibilité de s’améliorer, créons des emplois pour eux, offrons-leur formation et éducation. Une fois que nous aurons fourni toutes ces choses, nous pouvons nous attendre  à ce qu’ils soient à la hauteur de leurs responsabilités...

So, it depends on who’s in position of power. If you ask me, I think that Barack Obama has placed far more emphasis on structural factors, even though he hasn’t explicitly spelled out policies that benefit poor blacks, but he has placed far more emphasis on structural factors than on cultural factors. He does talk about some cultural factors; he does talk about fathers taking greater responsibility for their children, and so on… But he also says: let’s give them the opportunity to improve themselves, let’s provide jobs for them, let’s provide training and education. Once we provide these things, which can expect them to live up to their responsibilities…

 

 

JSSJ: Les dynamiques économiques… : elles mettent les ghettos sous une forte pression. Les relations raciales et sociales sont beaucoup plus sous pression du fait du retournement économique, de la crise financière ...

JSSJ: Economic dynamics: they put a lot of pressure on the ghetto, actually. The racial and social relationships are much under pressure because of the economic turndown, because of the financial crisis…

W.J. Wilson: Oui, les gens des ghettos, des ghettos des quartiers centraux, étaient dans des situations très difficiles avant la crise économique : la crise économique a aggravé les problèmes qu'ils vivaient. Le chômage est beaucoup plus élevé aujourd'hui qu'il ne l'était avant la grande récession, et je ne parle pas seulement de chômage, - parce que le chômage aux États-Unis fait référence aux personnes qui font officiellement partie des actifs, qui n'ont pas été sorties de la population active… Je ne parle pas seulement de chômage - les taux de chômage augmentent -, mais aussi... beaucoup de gens ont tout simplement renoncé à chercher du travail. Et donc, il y a une forte augmentation de ce que nous appelons la non-participation à la force de travail. La mesure que nous utilisons pour saisir la non-participation à la force de travail et le chômage est ce que nous appelons le taux d’activité de la population[2]. Le pourcentage des adultes qui ont un emploi, et en particulier le pourcentage des hommes jeunes qui ont un emploi dans beaucoup de ces quartiers centraux, est vraiment extrêmement faible. Et cela crée des problèmes de long terme, car un quartier de chômeurs est beaucoup plus dangereux qu'un quartier où les gens sont pauvres, mais travaillent. Et une grande partie des quartiers centraux sont marqués désormais non seulement par la pauvreté, mais par ce que nous appelons la « pauvreté sans emploi ». C'est une situation terrible à affronter pour les habitants du quartier.

W.J. Wilson: Yes, people in the ghetto, the inner city ghetto, were in dire straits, difficult situation, before the economic downturn, and the economic downturn has aggravated the problems that they’ve experienced. Joblessness is much higher now than it was before the great Recession, and I’m not only speaking of unemployment, – because unemployment in the United States refers to those who are officially part of the labor force, they haven’t been brought out of the labor force… So I’m not only speaking of unemployment -the unemployment rates increase-, but also… lots of people have just given up looking for work. So you have a sharp increase of what we call non-labor force participation. The measure that we use to capture non-labor force participation and unemployment is what we call the employment population ratio. The percentage of adults who are employed, and the percentage of the young men especially, who are employed in a lot of those inner-city neighborhoods, is extremely low, extremely low. And this creates problems in the long term, because a jobless neighborhood is much more dangerous than a neighborhood in which people are poor, but are working. And a lot of the inner-city neighborhoods now feature not only poverty, but what we call “jobless poverty”. That’s a terrible situation for residents of the neighborhood to confront.

 

 

JSSJ: Pour aller un peu plus loin, ces quartiers sans emploi, comme nous l'avons vu ce matin, sont soumis à la pression de l'économie de la drogue, en particulier dans ce contexte…

JSSJ: To push a little further, these jobless neighborhoods, as we saw this morning, are submitted to the pressure of the drugs economics, especially in this context…

W.J. Wilson: Oui, une des caractéristiques des quartiers marqués par le chômage est bien sûr le manque d'opportunités économiques… Nous avons fait une étude à Chicago, où nous avons passé beaucoup de temps à échanger avec les habitants du quartier, et j'ai été frappé par le nombre de personnes que j'ai rencontrées qui me disaient: « Ecoutez. Je ne veux pas être trafiquant de drogues, c’est très dangereux, mais je ne peux pas trouver d’emploi. Qu’est-ce que je peux faire? Vous savez, il faut que j’aide ma famille. »

W.J. Wilson: Yes, one of the features of jobless neighborhoods of course is the lack of economic opportunity… We did a study in Chicago where we spent a lot of time interacting with the residents in the neighborhood, and I was struck by how often I ran across individuals who say: “Look. I don’t want to be dealing drugs, it’s very dangerous, but I can’t find a job. What am I going to do? I have my family to support, you know.”

 Et là-bas, le trafic de drogue s’offre à eux : le trafic de drogue prospère dans des quartiers avec des niveaux élevés de chômage, car des jeunes là-bas essaient de trouver une forme quelconque d’emploi, alors ils se tournent vers l’industrie de la drogue. Et l'une des raisons pour lesquelles l'industrie de la drogue est en plein essor dans le genre de quartiers représentés par The Wire, c'est à cause de l'absence de perspectives économiques.

And there is a drug trade there that’s available, and the drug trade thrives in neighborhoods that feature high levels of joblessness because there are youngsters out there who are trying to find a way to find some kind of employment, so they are going to the drug industry. And one of the reasons why the drug industry is thriving in the kind of neighborhoods that captured HBO’s The Wire, is because of the lack of economic opportunity that exist.

Et je crois que, si nous n'avons pas une reprise économique solide dans un avenir proche, beaucoup de ces quartiers, déjà en proie au trafic de drogues, connaîtront encore plus de problèmes.

And I suspect that if we don’t have a significant economic recovery in the near future, that a lot of these neighborhoods that are plagued by drug trafficking will experience even greater problems.

C'est un cercle vicieux: Je suis très inquiet à ce sujet.

It’s a vicious cycle: I’m very concerned about it.

Voyez-vous, la grande récession a commencé il y a seulement quelques années, et nous n'avons toujours pas de données empiriques concrètes sur comment les gens font face, sur les stratégies qu'ils utilisent, et comment ça a affecté leur santé mentale, leur santé physique… Mais je pense qu'une fois que les données seront là, leurs histoires vont être vraiment très dures.

You see, the Great Recession started just a few years ago, and we still don’t have the concrete data -empirical data- on how people are coping, and what strategies they are using, and how this has affected their mental health, their physical health, and so on. But I think that once the data come out, the stories are going to be very depressing, indeed.

 

 

27 oct 2012

JSSJ: Vous avez été l'un des premiers à développer la notion de spatial mismatch, en 1987, dans The truly disadvantaged[3]. Pourriez-vous nous en dire plus, préciser les liens entre espace et injustice dans le ghetto ?

JSSJ: You were one of the first, maybe you were the first, to elaborate the notion of “spatial mismatch”, in 1987, in The truly disadvantaged[3]. More broadly, could you tell us more, could you elaborate about the links between space and injustice in the Ghetto?

W.J. Wilson: Permettez-moi d'abord de corriger une chose : je n'étais pas l'un des premiers à parler de spatial mismatch, mais The truly disadvantaged a amplifié le débat sur le spatial mismatch. Et beaucoup de scientifiques qui avaient fait des recherches sur le spatial mismatch, m’ont remercié d’avoir publié de The truly disadvantaged : « Maintenant, nous sommes cités ...! Vous en avez fait un sujet qui vaut la peine d'une discussion sérieuse non seulement dans le milieu universitaire, mais aussi en dehors. »

W.J. Wilson: Let me just first correct one thing: I wasn’t one of the first to talk about spatial mismatch, but The truly disadvantaged increased the discussion about the spatial mismatch. And I have a lot of scholars who had done research on the spatial mismatch, and they thank me for publishing The truly disadvantaged because “Now we are being cited…! You made it a topic that’s worth a serious discussion not only within the Academy, but outside of Academia.”

Oui, l'un des problèmes des ghettos dans les centres des villes est le manque d'emplois, non seulement dans le quartier, mais même à proximité. Vous voyez, il y a eu un glissement important des emplois des parties centrales des villes vers les zones suburbaines et cela pose un problème particulier pour les personnes dans les quartiers centraux : notre recherche montre que seule une petite partie d’entre eux ont accès à la voiture.

Yes, one of the problems inner-city ghettoes face is the lack of jobs, not only within the neighborhood but even nearby. You see there has been a significant movement of jobs from the central city to suburban areas and this presents a special problem for the people in the inner-city, because our research reveals that only a small percentage really have access to automobiles.

Je ne connais pas grand-chose de Paris, mais je peux parier que le système de transports en commun à Paris est vraiment bien meilleur que le système de transports en commun de nombreuses villes américaines. Il est donc extrêmement difficile pour les gens du centre de se rendre là où se trouvent les emplois. Au cours des dernières décennies, les zones de croissance de l'emploi n'ont pas été dans les quartiers centraux, ils ont été en dehors de la ville - même les emplois de base auxquels les pauvres pourraient avoir accès : la croissance est beaucoup plus forte en dehors des quartiers centraux qu’en ville. Les gens doivent parcourir de longues distances simplement pour accéder à des emplois de base, non qualifiés. Et oui, ça pose un vrai problème : ils ont fait cette étude : Moving to opportunity[4], où ils ont en quelque sorte testé certaines de mes idées de The truly disadvantaged. Et ils ont dit : Eh bien, si Wilson pense que le quartier, c’est vraiment important, alors nous allons voir ce qui se passe quand nous déplaçons des gens depuis des quartiers de grands ensembles, où il y a de vraies concentrations de pauvreté, et que nous leur donnons des aides, et nous les laissons déménager vers des zones moins pauvres.

I don’t know that much about Paris, but I bet the public transit system in Paris is much much better than the public transit system in many American cities. So it’s extremely difficult for people in the inner city to get to where the jobs are. The job growth areas, in recent decades, have not been in the central areas, they’ve been outside the city. And even entry-level jobs that poor people would have access to: far greater growth outside the central city than within the city. People have to travel long distances just to get to entry-level, opening unskilled jobs in many cases. And so, this presents a real problem, and there is this study: Moving to opportunity[4], where they were sort of testing some of my ideas in The truly disadvantaged. And they were saying: well, if Wilson is saying that neighborhoods really matter, then let’s see what will happen when we move people from the housing projects, where you have real concentrated poverty, and give them vouchers, and let them move to areas of lower poverty.

Eh bien, dans cette expérience, beaucoup des Noirs qui avaient reçu des aides  - 80% d'entre eux -, se sont déplacés vers des zones qui étaient également à dominante noire, même si c’était avec un taux de pauvreté plus bas. Mais, même avec des taux de pauvreté moins forts, ces quartiers noirs n'avaient pas accès aux zones de croissance de l'emploi, ils étaient plus éloignés de ces zones de croissance que les quartiers blancs comparables.

Well, in this experiment, a lot of blacks who received vouchers -80% of them- moved to areas that were still predominantly black, even though a lower poverty rate. But even the black areas with the lower poverty rate did not have access to job growth areas, they were further away from job growth areas than comparable white neighborhoods.

Donc, c'est un problème pour les quartiers noirs en général, en raison de la ségrégation raciale, c'est un problème particulièrement pour les ghettos centraux, parce que non seulement ils sont éloignés des zones de croissance de l'emploi, mais [leurs habitants] n'ont pas les moyens de s'y rendre. C'est parce qu'ils n'ont pas accès à l'automobile et parfois - je me souviens en particulier de la recherche que nous avons menée à Chicago - certains résidents de quartiers centraux se plaignaient : il leur fallait deux heures et demie pour se rendre à certains emplois. Ils dépensent plus d'argent en transports que ce qu’ils gagnent. Bon, c'est une exagération! Mais ils dépensent vraiment beaucoup d'argent en transports, pour essayer de se rendre là où sont les emplois. Donc, le spatial mismatch est un problème grave, et on doit agir à ce sujet. Bien sûr, l'absence d'un système de transports en commun adéquat rend la situation extrêmement difficile pour beaucoup d'habitants des ghettos du centre-ville.

So it’s a problem for black neighborhoods in general because of racial segregation, it’s a real problem for the inner city ghettoes, because not only are they far removed from job growth areas, but they don’t have the means to get to them. That because they don’t have access to the automobile and sometimes -I recall the research that we were doing in Chicago – some of the inner city residents were complaining: it takes them two and a half hours to get to certain jobs. They spend more money on transportation than they do making. Well that’s an exaggeration! But they do spend a lot of money on transportation, trying to get to where the jobs are. So the spatial mismatch is a severe problem, and something has got to be done about that. Certainly, the lack of an adequate mass-transit system makes it extremely difficult for many inner-city ghetto residents.

JSSJ : Merci beaucoup pour cet entretien !

JSSJ: Thank you so much for this interview!

 

 

Pour citer cet article :

To quote this paper:

William Julius Wilson, Frédéric Dufaux : “Being black and poor in the Ghetto. An interview with William Julius Wilson(« Etre noir et pauvre dans le Ghetto. Un entretien avec William Julius Wilson », traduction : Frédéric Dufaux), justice spatiale | spatial justice, n° 5, déc. 2012-déc. 2013 | dec. 2012-dec. 2013, www.jssj.org

William Julius Wilson, Frédéric Dufaux: “Being black and poor in the Ghetto. An interview with William Julius Wilson(« Etre noir et pauvre dans le Ghetto. Un entretien avec William Julius Wilson », traduction : Frédéric Dufaux), justice spatiale | spatial justice, n° 5, déc. 2012-déc. 2013 | dec. 2012-dec. 2013, www.jssj.org

 

 

[1] William Julius Wilson, More than just Race: Being Black and Poor in the Inner City (Issues of Our Time), W. W. Norton & Company, 2010. (Toutes les notes sont du traducteur.)

[2] Voir l’entretien avec Marc Levine, dans le même numéro de JSSJ, pour plus de détails sur cette notion et pour des exemples détaillés.

[2] William Julius Wilson, More than just Race: Being Black and Poor in the Inner City (Issues of Our Time), W. W. Norton & Company, 2010.

[3] William Julius Wilson, The truly disadvantaged: the inner city, the underclass, and public policy, University of Chicago Press, Chicago, 1987.

[3] William Julius Wilson, The truly disadvantaged: the inner city, the underclass, and public policy, University of Chicago Press, Chicago, 1987.

[4] Moving to Opportunity (MTO) for Fair Housing Demonstration Program.

[4] Moving to Opportunity (MTO) for Fair Housing Demonstration Program.

Bibliographie

References