Vers une résilience critique : dimensions politiques et sociales du travail dans les projets portés par la « communauté locale »

Towards critical resilience: political and social dimensions of work in community projects

Introduction

Introduction

Le Nord global est en apparence engagé dans une récession prolongée et, bien qu’il soit difficile de déduire s’il s’agit d’un état permanent, les signes d’une crise structurelle sont bel et bien écrits noir sur blanc (Kallis, Kerschner et Martinez-Alier, 2012). La dégradation accélérée de la biosphère (Rockström, Steffen, Noone et al., 2009) et du système climatique de la planète (IPCC, 2018) plaide en faveur d’une décarbonisation rapide de l’économie mondiale. L’échelle et la vitesse auxquelles cette évolution est tenue de s’accomplir exigent des changements systémiques, lesquels s’avèrent essentiels si l’on veut dépasser le paradigme de la croissance (United Nations, 2019) et s’orienter vers des moyens de subsistance qui ne dépendent pas des énergies fossiles et d’une consommation intensive des ressources. Certain·e·s commentateur·ice·s ont souligné le caractère central du travail et de l’emploi dans ce débat ainsi que le besoin de concevoir et de mettre en œuvre des approches alternatives du travail, dans l’espoir de voir aboutir un jour une justice sociale et environnementale (Cock, 2014). Repenser les objectifs et les stratégies implique d’aller au-delà d’une simple décélération du capitalisme de croissance, pour trouver les méthodes adéquates qui permettront d’instaurer des moyens d’existence justes, égalitaires et guidés par des principes écologiques (Brownhill, Turner et Kaara, 2019). Par ailleurs, les inégalités économiques croissantes et la marginalisation entravent la participation à une transformation durable en raison de la répartition injuste des coûts d’adaptation (Perkins, 2019).

The global North may have entered a prolonged recession, and while it is hard to judge whether this is a permanent state, signs of structural crisis are written on the wall (Kallis, Kerschner and Martinez-Alier, 2012). The accelerating unravelling of the biosphere (Rockström, Steffen, Noone et al., 2009) and planetary climatic systems (IPCC, 2018) call for a rapid decarbonisation of the global economy. The scale and speed at which this shift needs to happen require systemic changes beyond the growth paradigm (United Nations, 2019) and towards livelihoods which do not depend on fossil fuels and resource-intensive consumption. Commentators have pointed to the centrality of labour and work in this debate, and the need for alternative conceptions and enactments of work for any hope of achieving social and environmental justice (Cock, 2014). A reworking of the agenda entails going beyond simply the slowing of growth capitalism, and towards adequate means by which to enact just, egalitarian and ecologically informed livelihood practices (Brownhill, Turner and Kaara, 2019). At the same time, growing economic inequality and marginalisation hinders participation in sustainable transformation due to the unfairly distributed costs of adaptation (Perkins, 2019).

Face aux grands enjeux mondiaux, les efforts destinés à transférer l’agentivité et la responsabilité gouvernementales aux citoyen·ne·s et aux communautés locales[1] sont symptomatiques des ambitions néolibérales (MacLeod et Emejulu, 2014 ; Brownhill, Turner et Kaara, 2019). Ils transforment ainsi la « communauté locale » en un mécanisme qui sert à individualiser plutôt qu’à collectiviser. À la suite de la crise financière de 2008, les politiques d’austérité instaurées en Écosse et au Royaume-Uni ont occasionné des coupes sans précédent dans les budgets des pouvoirs publics et des collectivités locales, entraînant ainsi une baisse des niveaux de vie et une hausse des inégalités (Clarke et Newman, 2012 ; MacLeod et Emejulu, 2014). Une série de mesures de localisation[2] ont délégué les missions de santé, de protection sociale et de durabilité environnementale aux individus et aux communautés locales qui sont gouvernés à distance (Rose et Miller, 2010 ; Taylor Aiken, 2015). Les mesures du gouvernement écossais, dont le Climate Challenge Fund (CCF), ont mis l’accent sur les pratiques d’écoconsommation au niveau local, au nom du changement des comportements (Brook Lyndhurst et Ecometrica, 2011). Ces initiatives sont critiquées pour leurs logiques néolibérales top down qui font la part belle aux choix du « citoyen·ne-consommateur·rice » et aux responsabilités individuelles en matière environnementale (Barr, Gilg et Shaw, 2011 ; Webb, 2012). De tels arguments illustrent les limites de la fabrique des politiques dans une économie de marché néolibérale et confèrent un caractère d’urgence à des pratiques écologiques viables qui ne se réduisent pas à une simple affaire de responsabilité individuelle, de choix et de consommation. Il est important d’accorder une attention particulière aux différentes conditions sociales et matérielles dans lesquelles les citoyen·ne·s et les communautés locales vivent et travaillent, de même qu’aux questions et aux obstacles auxquels iels font face.

Governmental attempts to pass agency and responsibility for major global challenges to citizens and local communities[1] are symptomatic of neoliberal agendas (MacLeod and Emejulu, 2014; Brownhill, Turner and Kaara, 2019), paradoxically turning “community” into a mechanism that serves to individualise rather than collectivise. Following the financial crisis of 2008, the politics of austerity in Scotland and the UK brought unprecedented public and local government spending cuts, declining living standards and growing inequality (Clarke and Newman, 2012; MacLeod and Emejulu, 2014). A succession of localisation measures[2] have deflected responsibility for care, welfare, and environmental sustainability to individuals and communities governed at a distance (Rose and Miller, 2010; Taylor Aiken, 2015). The focus of the Scottish government’s policies, including the Climate Challenge Fund (CCF), has been on pro-environmental consumption practices at the local level under the banner of behaviour change (Brook Lyndhurst and Ecometrica, 2011). Critiques posit that these initiatives are framed within top-down neoliberal “citizen-consumer” logics, emphasising consumer choice and individual environmental responsibilities (Barr, Gilg and Shaw, 2011; Webb, 2012). Such arguments illustrate the limitations of policy making in a neoliberal market economy and instil urgency for ecologically sound practices beyond matters of individual responsibility, choice and consumption. Important here is due consideration of the divergent social and material contexts in which citizens and communities live and work, and the issues and barriers they face.

Issu d’une enquête ethnographique réalisée en Écosse sur les projets du CCF, cet article explore la manière dont ceux-ci sont gouvernés et mis en œuvre. Nous souhaitons ici problématiser le jeu subtil d’interaction entre ce que nous appelons la « résilience individuelle » et la « résilience critique » dans le contexte du travail au sein de projets portés par la communauté locale. La résilience individuelle est vulnérable face à l’exploitation par les modes de gouvernement néolibéraux, qui misent sur des individus autonomes et « empowered », prêts à assumer leur part de responsabilité dans l’atténuation du changement climatique et à œuvrer pour la communauté locale, mais sans l’articuler explicitement avec les inégalités matérielles et sociales. La résilience critique est quant à elle définie comme un moyen de porter atteinte aux structures systémiques actuelles, perçues comme disempowering, au profit de structures radicalement nouvelles. Concernant la résilience critique, nous reprenons les notions de champs de tâches et d’activités de subsistance proposée par Tim Ingold (2000) qui se distinguent du travail salarié pour inclure, notamment, la production de nourriture (Stern, 2000) ainsi que d’autres types de pratiques que les rationalités du marché ne peuvent pas aisément subsumer. La résilience individuelle et la résilience critique ne sont toutefois pas mutuellement exclusives : si nous les utilisons dans le cadre de cet article pour établir une distinction entre des pratiques compatibles avec les régimes économiques libéraux et celles qui leur échappent, il est préférable de les appréhender comme des tendances en évolution constante, tributaires du contexte dans lequel elles s’inscrivent – chacune pouvant porter en elle les racines de l’autre. Au nom de la désaliénation, du travail collectif et de la justice environnementale, nous explorons les trajectoires professionnelles de celles et ceux dont le travail relève, ou, au contraire, s’écarte, de discours descendants (« top down ») ayant pour but d’individualiser les problèmes environnementaux et économiques. Ce faisant, nous mettons en évidence le champ des possibles ouvert par une « résilience critique » par le bas (Barca, 2019 ; Brownhill, Turner et Kaara, 2019). Nos interrogations sont dès lors les suivantes : comment les projets CCF sont-ils gérés et mis en œuvre ? Que nous enseigne la relation des travailleur·se·s à ce qu’iels font dans les projets menés par et pour les communautés locales afin de réduire leurs émissions de carbone, et en quoi ceci peut-il nous aider à comprendre l’impact des inégalités sur le travail dans ce type de contexte ? Enfin, de quelle(s) manière(s) ces projets peuvent-ils faire preuve d’une plus grande résilience critique ?

Drawing on an ethnographic study of CFF projects in Scotland, this paper explores the manner in which these projects are governed and enacted. We problematise the nuanced interplay between what we term “individual resilience” and “critical resilience” in the context of community project work. Individual resilience is vulnerable to being exploited by neoliberal modes of rule: those that rely upon self-governing and “empowered” individuals who accept their share of responsibility for mitigating climate change and improving their communities, but without explicitly framing it in relation to unequal material and social circumstances. Critical resilience is framed as working against current systemic structures considered to be disempowering, and aims to foster the emergence of radically new structures. In relation to critical resilience, we discuss Tim Ingold’s (2000) notion of patterns of tasks and subsistence activities that are differentiated from wage labour and may include food production (Stern, 2000) and other activities that are not readily subsumed by market rationalities. Individual and critical resilience are not mutually exclusive, however: while we use these terms in this paper to differentiate between practices that are compatible with neoliberal economic modes and those who are not, they are best seen as context-dependent tendencies that are constantly in flux, and one may contain the seeds of the other. In the interests of dealienation, collective working, and environmental justice, we explore the working lives of those working in and beyond “top-down” discourses that seek to individualise environmental and economic problems. In doing so we highlight the potential for “critical resilience” from the ground up (Barca, 2019; Brownhill, Turner and Kaara, 2019). We ask, how are CCF projects governed and enacted? What can we learn from community workers’ relations to their work in low carbon community projects, and how can this help us understand the impact of inequalities upon work in community projects? How can community projects become more critically resilient?

Cet article est organisé comme suit. Nous discutons tout d’abord du concept de résilience et de la façon dont il est mobilisé pour définir le travail dans le contexte de projets portés par les communautés locales en Écosse. Nous examinons ensuite la place du « bon travailleur communautaire » ou de la « bonne travailleuse communautaire » dans les politiques sociales et environnementales écossaises, avant de nous intéresser plus particulièrement aux projets CCF correspondants aux études de cas que nous avons réalisées. Par la suite, notre analyse aborde les caractéristiques de la résilience que nous avons identifiées. Enfin, nous concluons sur la nécessité pressante (et la possibilité) de détourner notre attention des capacités d’adaptation dont doivent faire preuve les individus et la communauté locale pour réfléchir aux inégalités qui pèsent sur le travail dans le cadre de l’atténuation du changement climatique.

This paper is organised as follows. First, we discuss the concept of resilience and the manner in which it has been deployed to frame work in the context of community projects in Scotland. We discuss the subject of the “good community worker” in Scottish social and environmental policy, before turning to the CCF case studies at hand. Thereafter, we discuss the characteristics of resilience identified in our analysis. We conclude by discussing the pressing need (and possibility) to shift attention away from individual and community adaptive capacity, in order to meaningfully address the inequalities that foreshadow work in climate change mitigation.

 

 

Vers une résilience critique du travail et des moyens d’existence

Towards critically resilient work and livelihoods

Afin de mieux comprendre ce qu’apportent les projets portés par la communauté locale à leurs participant·e·s dans le cadre des processus d’atténuation et d’adaptation face au changement climatique, il est avant tout nécessaire de prendre en compte les éléments qualitatifs du travail qui caractérisent ces initiatives. Outre le fait que l’atténuation du changement climatique est une obligation légale à laquelle ne peut se soustraire le gouvernement écossais, il est désormais admis que le climat de l’Écosse et du reste de la planète est déjà en proie au changement : nous sommes en situation d’urgence climatique et cela requiert des mesures d’adaptation (Scottish government, 2019).

In order to better understand the contributions community projects can make to climate change mitigation and adaptation among their participants, we consider qualitative elements of the work that make up these projects. While climate change mitigation remains a legal requirement for the Scottish government, there is now an acceptance that Scotland’s and the planet’s climate has already changed: a climate emergency is unfolding and adaptation measures are needed (Scottish government, 2019).

Le concept de résilience a été adopté pour qualifier la façon dont les sociétés, les communautés locales et les individus apprennent à se préparer aux changements profonds et de grande ampleur nécessaires à la transition des économies vers l’abandon des combustibles fossiles. Issue de l’écologie et de la théorie des systèmes, la résilience renvoie à la faculté des systèmes naturels à réagir aux bouleversements et à s’adapter pour continuer à fonctionner. Aujourd’hui, le concept est volontiers appliqué, peut-être de manière quelque peu excessive, au champ social (voir Folke, Carpenter, Elmqvist et al., 2002 ; Gunderson, 2003).

The concept of resilience has been adopted to describe the future-proofing of societies, communities and individuals in the face of the profound, far-reaching changes required to transition economies away from fossil fuels. Derivative of ecology and systems theory, resilience refers to how natural systems may react to shocks and become adaptable in order to continue functioning. Yet, the concept is now readily applied, somewhat ubiquitously, to the social domain (Folke, Carpenter, Elmqvist et al., 2002; Gunderson, 2003).

« La résilience est souvent associée à la diversité – des espèces, des perspectives humaines et des possibilités économiques – qui cultive et encourage l’adaptation et l’apprentissage. » (Folke, Carpenter, Elmqvist et al., 2002, p. 438)

“Resilience is often associated with diversity—of species, of human opportunity, and of economic options—that maintains and encourages both adaptation and learning.” (Folke, Carpenter, Elmqvist et al., 2002, p. 438)

Les discours de résilience portés par les politiques gouvernementales, les think tanks et les agences environnementales influent sur la définition du travail, du bénévolat et du militantisme à l’échelle de la communauté locale (MacKinnon et Derickson, 2013 ; Monforte, 2019). Certains arguments soulignent l’approche gouvernementale « top down » de la résilience, qui fait invariablement peser sur l’individu, la communauté locale et le territoire la responsabilité de mieux se préparer à résister aux grandes catastrophes mondiales (Felli et Castree, 2012 ; MacKinnon et Derickson, 2013 ; MacLeod et Emejulu, 2014). Associée à l’exercice d’une mainmise sur la « communauté » (Taylor Aiken, 2015), la résilience vise, alors, à galvaniser l’agentivité de la population locale pour qu’elle modifie ses pratiques quotidiennes tout en restant globalement dans le cadre néolibéral actuel, suggérant ainsi que le bien-être de l’humanité n’est jamais mieux servi que par les libertés, les compétences et les comportements individuels nés d’un empowerment en tout point conforme aux rationalités du marché (MacLeod et Emejulu, 2014 ; Brown, 2015). L’accent mis sur la reconfiguration des comportements, des compétences et des capacités détourne l’attention dévolue aux inégalités structurelles et au rôle capital de l’action politique dans la crise actuelle. Les discours évoqués, surtout, tentent de dissocier les politiques du changement climatique de toute contestation plus vaste des relations entre social et environnemental (Featherstone, 2013).

Discourses of resilience propagated via government policy, think tanks and environmental agencies have been influential in framing community work, community volunteering and community activism (MacKinnon and Derickson, 2013; Monforte, 2019). Arguments point to the “top-down” governmental function of resilience, invariably placing the onus on individuals, communities and places to become more able to cope in the face of major global catastrophes (Felli and Castree, 2012; MacKinnon and Derickson, 2013; MacLeod and Emejulu, 2014). In combination with the harnessing of “community” (Taylor Aiken, 2015), then, resilience aims to animate the agency of local people to modify “everyday” practices largely within the current neoliberal framework, suggesting that human well-being is best advanced by empowering individual freedoms, skills and behaviours in alignment with market rationalities (MacLeod and Emejulu, 2014; Brown, 2015). An emphasis on reconfiguring behaviours, skills and capabilities, distracts attention away from structural inequalities and the critical role of politics in the current crisis. More profoundly, such discourse attempts to decouple the politics of climate change from any wider contestation of social and environmental relations (Featherstone, 2013).

Appliquer le concept de résilience aux systèmes sociaux sans se livrer à une nécessaire analyse de ses effets sociopolitiques le rend vulnérable à une utilisation abusive (O’Malley, 2010). L’économie capitaliste globalisée, axée sur l’accumulation des richesses, dépend des espaces qui sont réinventés périodiquement pour pouvoir répondre à l’évolution de la demande. La résilience face aux crises, dès lors, est avant tout définie dans le cadre du système capitaliste et de ses crises toujours plus fréquentes, où certains groupes portent injustement la responsabilité des coûts d’adaptation (MacKinnon et Derickson, 2013, p. 254). Bien que ces discours reconnaissent l’existence d’individus et de communautés locales extrêmement vulnérables, ils détournent l’attention accordée aux inégalités en présentant tous les acteurs sociaux comme ayant les mêmes intérêts et les mêmes aspirations (Felli et Castree, 2012). La résilience conçue comme diversité sans prendre en compte les inégalités renforce les structures sociales établies par l'inférence apolitique de stratégies d'adaptation contre un Autre menaçant et extériorisé (O’Malley, 2010).

Applying the concept of resilience to social systems without due analysis of its sociopolitical effects leaves it vulnerable to exploitation (O’Malley, 2010). A globalised capitalist economy centred on wealth accumulation requires spaces that are periodically reinvented to meet changing demands. Resilience to crises, then, is framed primarily within the capitalist system and its accelerating crises, where particular groups are unjustly burdened with the responsibility for the costs of adaptation (MacKinnon and Derickson, 2013, p. 254). While the existence of the most vulnerable people and communities are acknowledged through such discourse, attention is drawn away from inequalities by addressing all social actors as having the same interests and aspirations (Felli and Castree, 2012). Resilience framed as diversity without addressing inequality reinforces established social structures by apolitically inferring coping strategies against a threatening and externalised other (O’Malley, 2010).

Les contestations des discours néolibéraux et de leurs effets hégémoniques se sont intensifiées à mesure que l’obligation politique à rendre des comptes faiblit, que les inégalités augmentent et que l’urgence climatique se précise (Featherstone, 2013 ; MacKinnon et Derickson, 2013 ; Monforte, 2019). Les subjectivités alternatives et les pratiques collectives sont explorées, bien qu’elles soient imaginées et vécues de manière ambivalente. Par exemple, Danny MacKinnon et Kate D. Derickson (2013) mettent en avant une politique de la débrouillardise, à travers laquelle l’injustice, la répartition inégale des ressources et l’incapacité d’accéder aux mécanismes de la transformation sociale peuvent être remises en question. Les communautés locales témoignent en effet d’une capacité latente à s’engager dans le dialogue démocratique et à élaborer des formes de contestation constructives des relations de pouvoir. La reproduction de relations sociales inéquitables par des conceptions top down, idéologiquement délimitées, de la communauté locale et de la résilience est ainsi potentiellement évitée. Pour MacKinnon et Derickson (2013), la débrouillardise signifie que l’autonomie n’est pas une condition indépendante de relations sociales plus larges, mais plutôt un engagement à contester continuellement les relations de pouvoir et les institutions qui essayent de formater une localité donnée.

Contestations of neoliberal discourses and its hegemonic effects have heightened as political accountability decreases, inequality grows, and the climate emergency unfolds (Featherstone, 2013; MacKinnon and Derickson, 2013; Monforte, 2019). Alternative subjectivities and collective practices are being explored, even if they are imagined and experienced ambivalently. For example, Danny MacKinnon and Kate D. Derickson (2013) foregrounded a politics of resourcefulness, through which injustice, the uneven distribution of material resources, and an inability to access the mechanisms of social transformation could be challenged. Communities thus have latent capacity to engage in democratic dialogue and develop ways to meaningfully contest existing power relations. The reproduction of unequal social relations through top-down ideologically delineated forms of community and resilience are thus potentially averted. For MacKinnon and Derickson (2013), resourcefulness means that autonomy is not a condition independent of wider social relations, but rather a commitment to continually contest power relations and institutions that attempt to define a given locality.

Dans le même ordre d’idées, Pierre Monforte (2019) décrit la « résilience critique » comme la levée de subjectivités politiques critiques chez les bénévoles engagé·e·s dans le champ de la réduction de la pauvreté. Son travail examine la manière dont les bénévoles définissent leur engagement en opposition aux politiques d’austérité. La résilience critique perturbe les actes individuels de compassion énoncés par des discours néolibéraux destinés à « faire en sorte que les bénévoles se sentent mieux dans leur peau » (Monforte, 2019, p. 3). Monforte définit ainsi la résilience comme un ensemble de processus continus d’empowerment, plus collectif qu’individuel. La résilience critique s’appuie sur des pratiques de travail collectives alternatives, autrefois en usage, capables de contrecarrer les rationalités néolibérales (DeVerteuil et Golubchikov, 2016). Ces pratiques concernent des personnes plutôt peu enclines à concevoir le travail en pour ce qui est de logiques individuelles d’investissement, de carrière et de choix de vie (Read, 2019), faisant plutôt l’expérience d’une subsistance collective au travers de processus de production et de consommation localisés. La résilience critique est un précurseur « agentique » et actif d’une forme plus ostensible de transformation sociale (DeVerteuil et Golubchikov, 2016). Elle relève du social, dans le sens où les groupes peuvent utiliser ou construire des réseaux sociaux, ainsi que des formes d’apprentissage et de décision collectives (Monforte, 2019, p. 4).

Relatedly, Pierre Monforte (2019) describes “critical resilience” as the animation of critical political subjectivities among volunteers in the field of poverty alleviation. He examines how volunteers framed their engagement in opposition to the politics of austerity. Critical resilience disrupts individual acts of compassion framed through neoliberal discourses intended “to make volunteers feel better about themselves” (Monforte, 2019, p. 3), and instead defines resilience as ongoing processes of collective, rather than individual, empowerment. Critical resilience calls upon alternative and previous collective working practices that may contradict neoliberal rationalities (DeVerteuil and Golubchikov, 2016): where people are far less inclined to relate to work in terms of individualised logics of investment, career, and lifestyle choice (Read, 2009), instead experiencing collective subsistence through localised production and consumption processes. Critical resilience is an agentic and active precursor to a more conspicuous form of social transformation (DeVerteuil and Golubchikov, 2016). Resilience can also be social: groups can use or build social networks, collective learning, and leadership (Monforte, 2019, p. 4).

L’un des aspects de la résilience critique abordé dans cet article est celui de la subversion des rationalités économiques dominantes concernant le travail (en particulier le travail salarié) et l’émergence de valeurs et de pratiques économiques différentes. Ingold suggère ainsi d’appréhender « les tâches comme des actes constitutifs de l’habiter » (Ingold, 2000, p. 195). Similaires à la notion d’activités de l’habiter qu’il propose, les activités de subsistance telles que la production de nourriture, la fabrication d’outils et les travaux de réparation ou de surcyclage (le fait de réaliser des objets artisanaux à partir d’objets et de matériaux mis au rebut, aussi nommé upcycling) sont distinguées du travail salarié, bien qu’elles puissent en être dépendantes ou contraintes par celui-ci (Stern, 2000). Travail de subsistance et travail domestique partagent des caractéristiques communes : l’un et l’autre sont caractérisés par des tâches qui permettent d’avancer au quotidien, peuvent ne pas être rémunérés, peuvent être soumis, ou non, aux indicateurs de la productivité du travail. Le travail de subsistance désaliène les processus de production et de consommation dans la mesure où ces derniers sont localisés et peuvent être effectués par les mêmes individus (par exemple en cultivant et en consommant localement des fruits et légumes au lieu de les acheter au supermarché, en réparant ou en surcyclant des objets au lieu d’en acheter des neufs). En outre, les activités de subsistance réalisées au sein des projets collectifs menés par la communauté locale pour atténuer le changement climatique transposent des tâches habituellement accomplies dans la sphère domestique à la sphère de la communauté locale et peuvent de cette manière contribuer à une résilience critique.

One aspect of critical resilience we look at in this paper is the subversion of prevailing economic rationalities concerning work (in particular through wage labour) and the emergence of different values and economic practices. Ingold proposes that “tasks are the constitutive acts of dwelling” (Ingold, 2000, p. 195). Similar to Ingold’s notion of dwelling activities, subsistence activities such as food production, tool making, repair works or upcycling (making craft items from waste products) are differentiated from wage labour, although they may be dependent on and constrained by wage labour (Stern, 2000). Subsistence labour shares some characteristics with domestic labour: both are characterised by tasks to navigate everyday life, may not be remunerated, and may not be captured by labour productivity metrics. Subsistence labour also dealienates production and consumption processes in the sense that they are localised and may be performed by the same individuals (for example, food grown and consumed locally instead of bought in a supermarket; items fixed or upcycled instead of bought new). Beyond that, subsistence activities that are performed in the collective context of community projects for climate change mitigation extend tasks that may normally be performed domestically to the communal realm, and thereby can contribute to critical resilience.

Néanmoins, le jeu d’interactions qui se noue entre actes individualisés de compassion et formes plus critiques de résilience peut générer des expériences ambivalentes quant à la participation bénévole. Le travail de Monforte (2019) souligne par exemple que les bénévoles associent à leurs discours sur la justice sociale des propos plus conservateurs, dans lesquels les victimes de la pauvreté sont tenues pour responsables de leur condition. Dans la suite de cet article, nous examinons la façon dont les projets portés par la communauté locale définissent et établissent le travail au sein et en dehors des cadres néolibéraux dominants. Nous mettrons notamment en évidence la manière dont les activités de subsistance peuvent favoriser des processus collectifs d’empowerment et de résilience critique. Le concept de préfiguration, employé dans la stratégie et la pensée anarchistes, se révèle utile ici. Les pratiques préfiguratives cherchent en effet à « enraciner les moyens d’envisager l’avenir » (Ince, 2012, p. 1646) dans le temps présent. La notion de préfiguration implique d’admettre totalement le caractère nécessairement inachevé des processus de transformation (Ince, 2012).

Nevertheless, the interplay of individualised acts of compassion and more critical forms of resilience can produce ambivalent experiences in voluntary participation. In Monforte’s study (2019), for example, volunteers mixed discourses on social justice with more conservative discourses that blamed the victims of poverty for their own predicament. In the following sections, we consider how community projects frame and constitute work both within and outside of prevailing neoliberal frameworks. We note how subsistence activities can foster collective processes of empowerment and critical resilience. The concept of prefiguration, used in anarchist strategy and thought, is helpful here. Prefigurative practices seek to “embed envisioned future modes” (Ince, 2012, p. 1646) in the present. The notion of prefiguration implies the fundamental acknowledgement that transformative processes are necessarily incomplete (Ince, 2012).

Dans la partie qui suit, nous faisons tout d’abord le point sur le contexte politique et la façon dont les projets CCF ont été officiellement structurés en Écosse, avant d’aborder les cas ethnographiques réalisés.

In the following section, we discuss the policy context and the manner in which CCF projects are officially organised and envisioned in Scotland, before turning to the ethnographic cases at hand.

 

 

Le Climate Challenge Fund et le « bon travailleur communautaire » ou la « bonne travailleuse communautaire »

The Climate Challenge Fund and the “good community worker”

Ces dernières années, les communautés locales ont joué un rôle capital dans les politiques environnementales et sociales écossaises (Taylor Aiken, 2014 ; Creamer, 2015), et ce, notamment depuis l’entrée du Scottish National Party (SNP, le Parti national écossais) au sein d’un gouvernement minoritaire en 2007, alors supporté par le Scottish Green Party (le Parti vert écossais). Le CCF est né dans la période qui a précédé l’adoption du Climate Change (Scotland) Act 2009 (la loi sur le changement climatique de 2009) qui fixe un objectif intermédiaire ambitieux de réduction de 42 % des émissions en équivalent CO2 d’ici 2020 par rapport aux chiffres de référence et de 80 % d’ici 2050 (Scottish government, 2009). Le gouvernement écossais se distingue du gouvernement britannique au sens où il estime que les communautés locales doivent pouvoir décider de leur propre niveau d’empowerment, lequel peut d’ailleurs varier de l’une à l’autre (Rolfe, 2018, p. 8). L’approche localiste du gouvernement britannique part du principe que les communautés locales sont plus fortes sans intervention directe de l’État. Le gouvernement écossais, à l’inverse, affirme le pouvoir collectif et les partenariats entre communautés locales et gouvernement en étendant le droit des premières à contrôler leurs propres terres et leurs actifs grâce à l’adoption, en 2015, du Community Empowerment Act, ou loi sur l’empowerment de la communauté locale (Rolfe, 2018). Toutefois, les effets de l’austérité, et notamment les coupes budgétaires affectant les collectivités locales, aplanissent les différences à l’œuvre entre le localisme britannique et l’empowerment des différentes communautés locales prôné par l’Écosse. Bien que les inégalités soient reconnues par l’Écosse, elles ne peuvent toutefois être combattues efficacement en raison des restrictions imposées par les politiques d’austérité, politiques qui souvent se résument à augmenter l’empowerment des puissants et à réduire celui des démunis (Rolfe, 2018).

Communities have played a key role in Scottish environmental and social policy in recent years (Taylor Aiken, 2014; Creamer, 2015), and especially since the Scottish National Party (SNP) entered a minority government in 2007, then supported by the Scottish Green Party. The CCF emerged in the run-up to the Climate Change (Scotland) Act 2009, which set an ambitious interim target of 42% reduction of CO2 equivalent by 2020 from baseline figures, and 80% by 2050 (Scottish government, 2009). The Scottish government differs from the UK government in its emphasis that communities should be able to choose their own level of empowerment, which will vary between communities (Rolfe, 2018, p. 8). The UK government’s approach to localisation assumes that communities are stronger without direct state intervention. In contrast, the Scottish government affirms collective power and partnerships between communities and government, extending rights of communities to control their own land and assets through the Community Empowerment Act 2015 (Rolfe, 2018). However, the effects of austerity, especially cuts to local government budgets, even out the differences between UK Localism and Scottish Community Empowerment. Although the latter acknowledges inequalities, they cannot be tackled effectively under the restrictions imposed by austerity policies, often leading to empowering the powerful and disempowering the powerless (Rolfe, 2018).

Un autre exemple de la mise en œuvre de cette politique néolibérale est le Scottish Index of Multiple Deprivation (SIMD, ou indice de privation multiple)[3], l’outil comparatif mis en place par le gouvernement écossais pour évaluer le degré de privation à l’échelle des petites régions d’Écosse. Le SIMD s’appuie sur certains indicateurs comme les résultats scolaires, le temps de trajet nécessaire pour accéder aux services de santé, le taux de criminalité et celui de chômage afin de déterminer « où se situent les secteurs en situation de grande privation en Écosse, pour que les organisations identifient les lieux où leur travail pourra avoir le plus d’impact » (Scottish government, 2016, p. 2). Mais du fait de son échec à problématiser les causes profondes de la pauvreté et des inégalités, et de sa tendance à faire reposer la responsabilité de l’amélioration du territoire sur les « structures et individus concernés » (ibid., p. 1), le gouvernement écossais circonscrit les effets économiques structurels des politiques d’austérité de l’ensemble du Royaume-Uni à de simples questions locales que les institutions et les associations présentes sur place se chargeraient de corriger. Bien que cette approche soit intrinsèquement problématique, nous avons toutefois choisi de nous appuyer ici sur les déciles du SIMD en tant que marqueurs pour identifier les symptômes de la privation et ainsi mettre en lumière les disparités démographiques entre les structures des différentes communautés locales.

A further example of enacted neoliberal policy is the Scottish Index of Multiple Deprivation (SIMD)[3], the Scottish government’s relative measurement tool to identify levels of deprivation across small areas in Scotland. The SIMD measures indicators such as pupil performance, travel times to medical facilities, crime and unemployment to show “where Scotland’s most deprived areas are, so organisations know where their work can have the biggest impact” (Scottish government, 2016, p. 2). Nevertheless, by failing to problematise the root causes of poverty and inequality, and by placing the onus on “committed organisations and individuals” (ibid., p. 1) to improve places, the Scottish government frames structural economic impacts of UK-wide austerity politics as local issues that can be fixed by local organisations. Although this is inherently problematic, we have used SIMD deciles in this paper as a marker of identifying symptoms of deprivation in order to highlight demographic differences between community organisations.

Depuis la mise en place du CCF, « plus de 1 100 projets pour un ensemble de 32 collectivités locales ont bénéficié d’une subvention du CCF. Le total des financements alloués par le CCF depuis 2008 s’élève à plus de 104 millions de livres sterling » (Keep Scotland Beautiful, 2019). Pour être éligibles, les community groups, ou groupes locaux, intéressés doivent être établis en Écosse, sans but lucratif et disposer d’un statut légal. En définissant spécifiquement les communautés de lieu dans les critères de financement, puis en leur attribuant des subventions, une notion particulière de la communauté locale a été, du moins partiellement, construite (Taylor Aiken, 2015). Les groupes locaux sollicitent un financement CCF pour soutenir des projets qui s’engagent avant tout à réduire les émissions de carbone de manière tangible, mais le programme prend également en compte des objectifs plus larges qui doivent contribuer à la résilience, à l’émergence de capacités, à la sensibilisation et à des bénéfices sociaux et environnementaux supplémentaires, comme la transmission de compétences pour apprendre à cultiver des fruits et des légumes à l’échelle locale (Brook Lyndhurst et Ecometrica, 2011). Grâce au CCF, le gouvernement écossais exerce donc une forme de gouvernement indirect par l’intermédiaire des groupes locaux (Taylor Aiken, 2015), un processus qualifié de « responsabilisation » (Rolfe, 2018, p. 7581), ou ce que Rose et Miller (2010, p. 271) appellent « gouverner à distance ».

Since the launch of the CCF, “over 1,100 projects across all 32 local authorities have been awarded CCF grants. Total CCF funding since 2008 has exceeded £104 million” (Keep Scotland Beautiful, 2019). To be eligible, community groups need to be Scottish-based, legally constituted, not-for-profit community groups. By specifically defining in the funding criteria, and ultimately rewarding, communities of place, a particular notion of community was, at least partially, constructed (Taylor Aiken, 2015). Community groups bid for CCF funding to support projects that commit to measurable carbon emission reduction, but the programme acknowledged wider goals of building resilience, capacity, awareness and additional social and environmental benefits, such as teaching skills to grow food locally (Brook Lyndhurst and Ecometrica, 2011). Through the CCF, then, the Scottish government has governed indirectly through community groups (Taylor Aiken, 2015), a process described as “responsibilisation” (Rolfe, 2018, p. 581), or what Rose and Miller (2010, p. 271) term “governing at a distance”.

Taylor Aiken (2015) décrit la manière dont les projets portés par la communauté locale, sur fond de néolibéralisation sociale et économique croissante, témoignent d’une forme de gouvernementalité qui fait des comportements environnementaux promus une affaire de responsabilisation individuelle et de liberté de consommation. Le consentement à la diminution de ses émissions de carbone au quotidien est ainsi régi et intériorisé par l’intermédiaire de ces projets. En assimilant la liberté de choix des citoyen·ne·s à un rôle de consommateur·rice·s capables de négocier les enjeux environnementaux, la communauté locale fonctionne à l’instar d’une technologie du pouvoir gouvernemental (Taylor Aiken, 2015, p. 772). Considérer les personnes impliquées dans ce type de projets comme des sujets responsables et transformer les objectifs de réduction des émissions de carbone en normes privées choisies et discrétionnaires instaure une distance entre les institutions proprement dites et les acteurs locaux et les actrices locales.

Taylor Aiken (2015) describes how, against a backdrop of increasing social and economic neoliberalisation, community projects exemplify a form of governmentality that encourages environmental behaviours as individualised responsibilities and consumer orientated freedoms. Consent to low carbon living is governed and internalised through community projects. By delineating freedom of choice for citizens as consumers able to negotiate environmental challenges, community operates as a technology of government power (Taylor Aiken, 2015, p. 772). By conceiving of those involved in community projects as subjects of responsibility, and by turning public goals for carbon reduction into private norms of choice and discretion, a distance is created between formal institutions and local actors.

Si notre analyse, dans l’ensemble, corrobore la description des projets portés par la communauté locale comme des « niches d’innovation » (Seyfang et Smith, 2007), nous sommes toutefois parti·e·s du principe, et ce, dès la phase de conception de la recherche, qu’une telle prémisse privait les initiatives en question « de leur particularité sociale et spatiale » (Taylor Aiken, 2014, p. 767). Les trois projets que nous avons étudiés présentent des différences d’ordre démographique : le premier groupe local (GL1) fait partie d’une zone urbaine défavorisée (décile 1 du SIMD), le deuxième (GL2) opère dans une petite ville relativement aisée (décile 7 du SIMD) et ses environs, tandis que le troisième (GL3) est actif dans une ville dite « nouvelle », située à la périphérie d’une commune de grande taille (décile 3 du SIMD).

While our analysis by and large supports the description of community projects as “innovative niches” (Seyfang and Smith, 2007), the premise that such a view deprives community projects “of their social and spatial particularity” (Taylor Aiken, 2014, p. 767) was addressed at the research design stage. The three projects we investigate differed from each other demographically: community group 1 (CG1) was situated in a deprived urban community (SIMD decile 1), community group 2 (CG2) operated in a relatively affluent small-town community (SIMD decile 7) and the surrounding region, and community group 3 (CG3) was active in a so-called new town in the vicinity of a city (SIMD decile 3).

Le GL1 est créé en 2002 dans une ville de 592 820 habitant·e·s et se situe dans un secteur correspondant au plus haut décile de privations sociales enregistré (SIMD 2012). Outre une équipe composée d’une douzaine de membres permanent·e·s et de 15 travailleur·se·s rémunéré·e·s à la mission[4], le GL1 compte 80 bénévoles au moment où nous avons effectué la recherche. L’objectif de ce groupe local est de créer des aires de jeux protégées et des espaces de rencontres pour les jeunes et les adultes. Les activités environnementales du GL1 ont été intensifiées grâce au Grow Green, un projet financé par le CCF, et comprennent des rendez-vous hebdomadaires : une boutique de troc installée dans un magasin vacant, un groupe Environnement pour réfléchir aux questions de la durabilité ainsi que des rencontres Connecting Generations pour les jeunes et les personnes plus âgées autour de la mise en culture d’une parcelle de terrain. Deux jardins partagés et un jardin écologique ont été créés avec l’aide de bénévoles, organisé·e·s en comités qui incluent également des institutions partenaires, comme des établissements scolaires et des centres de santé.

CG1 was founded in 2002 and works in an area situated within the most upper decile of deprivation in a city with a population of 92,820. In addition to its team of around 12 core staff and 15 sessional staff,[4] CG1 had around 80 volunteers at the time of research. CG1 focused on creating safe play spaces and social meeting spaces for young people and adults. CG1’s environmental activities were intensified through the CCF-funded project Grow Green, and included regular weekly activities such as a swap shop in a previously unused shop, an Environment Group to study sustainability issues and Connecting Generations allotment meet-ups for older adults and young people. Two community gardens and a wildlife garden were developed with the help of volunteers, organised through committees that included partner organisations such as schools and health centres.

Le GL2 est issu d’une organisation locale fondée en 2007 dans une ville de 8 486 habitant·e·s (recensement de 2011). Plusieurs parties de la commune, ne font pas partie des 20 % les plus en difficulté de la région et de l’Écosse. Deux autres secteurs comptent parmi les 10 % des zones les moins en difficulté du territoire écossais (SIMD 2012). Au moment de la recherche, le GL2 compte sept employé·e·s à temps partiel et/ou rémunéré·e·s à la mission, ainsi qu’un nombre indéterminé de bénévoles et de collaborateur·ice·s en sus des membres du conseil d’administration. L’objectif du GL2 est de préparer les habitant·e·s de la ville et des environs aux enjeux sociaux et environnementaux à venir, en promouvant, par un Local Resilience Action Plan (plan d’action de résilience locale), une transition locale pour une dépendance réduite aux combustibles fossiles et une durabilité et une résilience accrues. Le groupe a également réalisé des cartes dans le but de repenser les espaces existants en fonction de paramètres durables en mettant l’accent sur les itinéraires piétons et cyclables locaux. Il travaille par ailleurs en étroite collaboration et en synergie avec d’autres groupes locaux aux vocations diverses, tels un collectif d’autopartage, un groupe de gestion des forêts locales[5] ainsi que des entreprises de proximité comme une boulangerie associative. Le GL2 a également mis en place de nouvelles initiatives, telle la création d’un nouveau potager, la promotion de la pratique du vélo (par exemple avec la création d’un local éphémère de réparation de bicyclettes) et la constitution de groupes d’entraide entre voisin·e·s pour réduire la consommation énergétique et son impact quotidien sur l’environnement.

CG2 was a community organisation founded in 2007 in a town of 8,486 residents (2011 census) which contained no data zones in the 20% most deprived in the surrounding region of Scotland, and two data zones within the 10% least deprived in Scotland (SIMD 2012). At the time of research, CG2 had seven part-time or sessional staff members, and in addition to its board of directors an unspecified number of volunteers and associates. CG2 existed to prepare people in the town and surrounding region for future social and environmental challenges by promoting a local transition to a reduced dependence on fossil fuels and increased sustainability and resilience through a Local Resilience Action Plan. CG2 also produced maps to rethink existing spaces along sustainable parameters, highlighting local walking and cycling routes. CG2 worked closely and synergistically with existing community groups with diverse purposes, such as a car-sharing club, the group managing the community-owned woodlands[5] and local businesses such as a community bakery. CG2 also started new initiatives such as a new food growing space, promoting cycling (for example, through a pop-up bicycle repair facility) and brought neighbours together in peer support groups to reduce their energy consumption and environmental impact at home.

Le GL3 est un fonds de développement créé en 2010 dans une ville nouvelle de 74 000 habitant·e·s (recensement de 2011). La plupart de ses tranches de données se situent dans les déciles moyens du SIMD 2012. Le projet pour lequel il a obtenu une subvention du CCF est entièrement géré par une équipe d’une douzaine de bénévoles qui bénéficient d’une aide sporadique. Il inclut notamment la gestion d’un site de démonstration pour la conservation des semences, un projet d’apiculture, l’organisation d’un événement annuel d’échange de graines, la création de jardins pédagogiques dans les écoles de la ville, ainsi que des ateliers de culture de fruits et de légumes à destination d’élèves du secondaire.

CG3 was a development trust founded in 2010 in a new town of 74,400 (2011 census). Most of its data zones are found in the middle deciles in SIMD 2012. CG3’s CCF-funded project was run entirely by a group of around twelve volunteers and some sporadic helpers. The project involved running a demonstration site for seed saving, an apiculture project, running annual seed exchange events, building gardens in schools around town and teaching food growing skills to college students.

Ces trois projets ont tous reçu une subvention substantielle de la part du CCF (supérieure à 100 000 livres sterling). Leurs caractéristiques démographiques reflètent une partie des inégalités existantes dans les différentes communautés locales d’Écosse. C’est ce que reflète également la diversité des besoins et des priorités locales, qu’elle concerne les types d’activités et les formes d’engagement au sein des projets ou encore les modes de travail des employé·e·s, des travailleur·se·s rémunéré·e·s à la mission et des bénévoles. Dans chacun de ces projets, les mesures relatives au changement climatique constituent un éventail de pratiques d’atténuation et d’adaptation illustrées par « une série de discours et de processus de construction de sens » (Russell, Greenaway, Carswell et al., 2013, p. 2).

All three community projects had received substantial CCF-funding (above £100,000). Their demographic characteristics reflected some of the inequalities present in communities across Scotland. This was not only echoed in differing local needs and priorities in relation to the types of project activities and methods of participant engagement, but also in relation to the work patterns of employees, sessional workers and volunteers. In all three community projects, climate change action consisted of a range of interlocking mitigation and adaptation practices which were constituted by “a range of discourses and meaning-making processes” (Russell, Greenaway, Carswell et al., 2013, p. 2).

Du point de vue du gouvernement écossais, le travail accompli par les groupes locaux et les travailleur·se·s qui les composent est incontestablement un remède efficace aux maux de la société, qu’il s’agisse de lutter contre la pauvreté et les privations dans les secteurs identifiés par le SIMD ou de réduire les émissions de carbone sur le terrain grâce au financement du CCF. Étant donné que l’idéalisation de la « communauté » locale est intrinsèquement problématique, la notion de « bon travailleur » ou de « bonne travailleuse » (MacKenzie et Forde, 2009) l’est également. Les motivations des personnes engagées dans les projets, de même que la manière dont le travail est mis en œuvre, s’avèrent en effet loin d’être homogènes. Façonnés par les trajectoires sociales inégalitaires des participant·e·s, les intérêts individuels et organisationnels s’inscrivent dans un jeu d’interaction avec les approches collectives et novatrices du changement social, que nous évoquons plus loin. Or c’est par le biais du travail (rémunéré ou bénévole) que les participant·e·s s’engagent dans ces projets de manière régulière. Les récits issus de nos études de cas sur ce sujet témoignent de la capacité des participant·e·s à embrasser ou rejeter des situations de précarité – que le travail soit un loisir, bénévole ou salarié. Par ailleurs, nous distinguons dans ces récits ce qui relève de la résilience individuelle, qui risque d’être exploitée par les modes de gouvernements néolibéraux, de la « résilience critique » (MacKinnon et Derickson, 2013 ; Monforte, 2019).

The Scottish government conceives of work undertaken by community groups and the workers that constitute them as an unequivocally good remedy for social ills, whether tackling poverty and deprivation in areas identified by the SIMD, or cutting carbon emissions on the ground with the help of CCF-funding. Given that the idealisation of “community” is inherently problematic, so is the notion of the “good worker” (MacKenzie and Forde, 2009). We found that project workers’ motivations for and enactment of work were far from homogenous. Shaped by the project workers’ unequal social histories, individual and organisational interests interplayed with collective and visionary approaches towards social change, which we will discuss further below. It is through work (both paid and unpaid) that participants engaged with the projects on a regular basis. Narratives that emerged in the case studies in relation to work include workers’ abilities to choose or reject precarious circumstances; from hobbies and volunteering to paid employment. In these narratives, we distinguish between individual resilience, which is vulnerable to being exploited by neoliberal modes of rule, and “critical resilience” (MacKinnon and Derickson, 2013; Monforte, 2019).

Les méthodes de recherche que nous avons adoptées reposent, entre autres, sur une phase d’observation de plus de 11 mois, durant laquelle l’une des auteur·rice·s, Svenja Meyerricks, a intégré les différents groupes au titre de bénévole à temps partiel. Elle a ainsi pris part à diverses activités : jardinage, entretien des ruches, construction de carrés potagers en bois, gestion d’une permanence de troc hebdomadaire, participation aux réunions et aux événements organisés. En tout, elle a conduit 51 entretiens semi-directifs auprès de bénévoles, de membres permanent·e·s et de proches collaborateur·rice·s issu·e·s des trois projets. La méthode de l’entretien semi-directif a été retenue, car celle-ci nous a paru bien adaptée pour « accéder “au monde” tel que le voient les personnes rencontrées dans le cadre de la recherche » (Stroh, 2000, p. 197). L’accent que nous avons mis sur les entretiens individuels a particulièrement souligné la résilience individuelle des participant·e·s, tandis que la résilience critique a davantage été mise en évidence par des notes de terrain.

Research methods adopted included participant observation over eleven months, during which time one autho, Svenja Meyerricks, joined the groups as a part-time volunteer. For example, she took part in activities such as gardening, bees keeping, raised bed construction, running a weekly swap shop and attending meetings and events. Overall, she conducted 51 semi-structured interviews with volunteers, staff members, and close associates across all three projects. Semi-structured qualitative interviewing was chosen as a research method well suited to “access the ‘world’ in terms of those people being researched” (Stroh, 2000, p. 197). Our emphasis on individual interviews may have particularly highlighted the individual resilience of project participants, while the evidence of critical resilience was primarily taken from field notes.

L’adoption de méthodes qualitatives a l’avantage de générer des données approfondies fondées sur le lieu, sans vocation à être représentatives (Burton, 2000) des autres projets CCF. Les récits qui en résultent sont nécessairement subjectifs et incomplets. Notre analyse a adopté une approche itérative impliquant un dialogue entre le matériel empirique et la théorie, dans le but d’explorer les perceptions que les participant·e·s ont de leur travail, des autres et d’eux ou d’elles-mêmes. Afin d’assurer l’anonymat des participant·e·s, nous avons utilisé des pseudonymes et avons évité de mentionner toute information particulière qui aurait permis de les identifier.

Adopting qualitative methods had the advantage of generating in-depth place-based data, and was not intended to be representative (Burton, 2000) across other CCF projects. The resulting narratives are necessarily subjective and incomplete. Our analysis adopted an iterative approach involving a dialogue between empirical material and theory to investigate how participants related to their work, others, and the self. In order to protect the anonymity of participants, we use pseudonyms and have avoided mentioning specific information that could make them easily identifiable.

 

 

Un jeu d’interaction entre résilience individuelle et résilience critique

An interplay between individual and critical resilience

Dans le cas du GL1, situé dans une zone urbaine défavorisée, certain·e·s permanent·e·s rémunéré·e·s évoquent une amélioration de leurs propres connaissances et compétences. Par exemple, Siobhan, une salariée de l’équipe, explique avoir apprécié que les conditions d’entrée pour pouvoir travailler dans la sensibilisation au recyclage et au surcyclage – un domaine qui la passionne – aient été suffisamment flexibles et avoir ainsi pu gagner en « capital humain » (Read, 2009), facteur nécessaire pour développer une carrière professionnelle dans le secteur de la durabilité environnementale après une période de chômage en Irlande.

In CG1, situated in a deprived urban community, some staff members reported improvements to their own learning and competence. For example, Siobhan, a paid staff member, appreciated that the entry requirements to work in recycling awareness and upcycling were flexible enough to enable her to work in an area she felt passionate about, and to gain the necessary “human capital” (Read, 2009) to develop a career in environmental sustainability after a period of unemployment in Ireland.

« Je suis arrivée [en Écosse] il y a deux ans sans aucune expérience environnementale sur mon CV, [et] grâce au bénévolat, je fais exactement ce que je voulais faire en ce moment. » (Siobhan, membre du projet)

“I came over [to Scotland] two years ago with no environmental experience on my CV, [and] through volunteering, I’m in exactly the position I would want to be in right now.” (Siobhan, project worker)

Les projets CCF ouvrent des perspectives d’accès aux emplois verts à des personnes qui, comme Siobhan, souhaitaient faire converger leur carrière avec leur passion pour les causes environnementales.

CCF projects offered entry opportunities into green jobs for people who, like Siobhan, wanted to align their career with their passion for environmental causes.

Dans le cas du GL2, situé dans un secteur plus prospère, la flexibilité, le choix et l’épanouissement personnel se sont révélés être au cœur des motivations des membres de l’équipe souhaitant travailler pour la structure. Les personnes engagées dans le projet sont toutes salariées à temps partiel sur des postes partagés ou rémunérées à la mission.

In CG2, located in a more affluent area, flexibility, choice and personal fulfilment were at the core of staff members’ motivations for wanting to work for the organisation. All project workers were employed part-time through job shares or as sessional workers.

« Je voulais arrêter de travailler cinq jours par semaine… Au moment où [le GL2] a déposé un dossier pour obtenir un financement CCF, j’ai candidaté pour le poste, tout en continuant à faire d’autres boulots pendant l’été pour pouvoir payer mon loyer. » (Tim, travailleur à temps partiel)

“I was looking to stop working five days a week… And at that point [CG2] applied for the CCF-funding, so I applied for the role and did some other work through the summer to help pay the rent.” (Tim, part-time worker)

Les personnes investies dans le projet déclarent qu’elles ont choisi de ne pas travailler à temps plein afin de pouvoir se consacrer à d’autres centres d’intérêt et engagements professionnels (la gestion d’une entreprise de poterie, le conseil dans la conception de projets participatifs ou encore la parentalité). Certaines sont venues s’installer dans la région, sans pour autant faire l’expérience des difficultés rencontrées dans d’autres groupes locaux. Par exemple, Bob et John ont tous deux quitté l’Angleterre pour l’Écosse. Leurs épouses ont un emploi à temps plein bien rémunéré, ce qui permet à Bob et à John de travailler moins et de manière plus flexible, et d’assurer la majorité des tâches éducatives à la maison.

Project workers stated that they chose not to work full-time so they could pursue other work interests and commitments—for example, running a pottery business, a consultancy for participatory project design, or parenting. Some had also migrated to the area, but did not share experiences of hardship reported in other community groups. For example, Bob and John had both migrated to Scotland from England. Their wives had well-paid full-time jobs, enabling them to work less and more flexibly and to take on the majority of childcare duties.

« Je n’ai pas beaucoup travaillé à plein temps dans ma vie [rires]. Ce qui est bien c’est que j’ai pu le faire, ou plutôt que j’ai eu le choix de le faire. » (Bob, travailleur à mi-temps)

“I haven’t worked full-time very much in my life [laughs]. Which is good that I’ve been able to do that, or have the choice to do it.” (Bob, part-time worker)

Grace, elle aussi membre du GL2, considère que l’emploi local fourni par CCF a amélioré sa qualité de vie : en tant que mère célibataire, la nature flexible de son travail est un avantage pour assurer sa responsabilité parentale et lui permet de s’impliquer dans une organisation locale. Devoir répartir son temps entre travail salarié et vie familiale l’aurait en effet empêchée de consacrer du temps bénévolement à cette organisation. Un travail à temps partiel, ayant du sens et fondé sur la communauté locale permet aux travailleur·se·s d’accroître leur résilience individuelle. C’est ce que Grace, Bob, John et Tim expriment lorsqu’iels mentionnent le gain de flexibilité, l’épanouissement au travail et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Grace, also part of CG2, stated that local employment provided through the CCF enriched her quality of life: as a single mother, the flexible nature of her part-time job was supportive of her parenting responsibilities and enabled her to be involved in a local community organisation. Given that she had to split her time between paid work and parenting, she would not have been able to dedicate time to the organisation on a voluntary basis. Part-time, meaningful community-based work led to increased individual resilience for workers, as expressed by Grace, Bob, John and Tim in relation to increased flexibility, job satisfaction and work-life balance.

Les travailleur·se·s des autres projets, en revanche, ne jouissent pas nécessairement du même degré de flexibilité et de choix que les membres permanent·e·s du GL2. Douglas, membre du GL1 rémunéré à la mission, est issu d’un milieu aussi défavorisé que les jeunes avec lesquel·le·s il a travaillé et a dû surmonter d’importantes barrières sociales pour obtenir un diplôme universitaire et un poste à temps plein dans une administration publique locale. Souhaitant changer de métier, il a candidaté pour travailler dans le jardin partagé du GL1. Mais lorsque le poste lui a été proposé, il a été obligé de décliner en raison de la pression financière qui s’exerçait sur lui en tant que seul travailleur salarié de sa cellule familiale. Il a donc conservé son travail administratif à temps plein.

In contrast, the degree of flexibility and choice enjoyed by CG2 staff members was not available to project workers in other contexts. Douglas, a sessional worker in CG1, was from a similarly deprived background to the young people he worked with, and overcame significant social barriers to obtain a college degree and a full-time position at the local authority. Douglas wanted to change jobs and applied for the community gardener position at CG1. When offered the job, he did not accept it due to the financial pressure he experienced as the only wage earner within his family unit. He kept his full-time job at the local authority instead.

Dans le GL3, Stuart, un ingénieur qui occupe en parallèle un poste à temps plein, considère que les salaires relativement bas du tiers secteur ne sont pas réalistes pour lui et, pour reprendre ses propres mots, il a « rigolé » en entendant le montant des salaires habituellement pratiqués dans les projets CCF.

In CG3, Stuart, an engineer with a full-time position, felt that relatively low third sector salaries were not a realistic option for him and, in his words, “laughed at” common CCF project worker salaries.

« J’ai deux enfants et un emprunt immobilier à payer, tout ça (il indique le site du projet) c’est du loisir. » (Stewart, travailleur bénévole)

“I have two kids and a mortgage, and all this (he pointed to the project site) is a hobby.” (Stewart, volunteer-leader)

Douglas et Stewart, tous deux hautement qualifiés et, selon eux, issus de la classe ouvrière, ne voient pas dans les métiers du tiers secteur dédiés à la communauté locale une perspective de carrière réaliste sur le long terme. Siobhan considère son travail pour le projet comme un tremplin pour changer de métier et d’endroit après une période de chômage. Les conditions personnelles favorables des membres du GL2 leur ont permis de choisir de travailler à temps partiel et dans des conditions professionnelles précaires.

Both Douglas and Stewart, who were both highly skilled and from self-reported working-class backgrounds, did not see third sector community jobs as realistic long-term career options. Siobhan saw the project work as an opportunity for a career move in a new place, after a period of unemployment. In CG2, on the other hand, project workers’ favourable personal circumstances allowed them to choose part-time and precarious work situations.

Si Douglas et Stewart sont motivés à l’idée de participer à des projets menés pour et par la communauté locale, c’est avant tout parce que ces derniers correspondent à leurs centres d’intérêt. Douglas a rejoint le GL1 sur un poste rémunéré à la mission afin d’animer un projet qui le passionne à destination des jeunes. La présence de Stuart dans le GL3 a été déterminante pour la phase de conception du projet CCF ; il a ensuite conservé un rôle moteur auprès des autres bénévoles et des bailleurs de fonds sans pour autant occuper de poste rémunéré. Il a supervisé les volets du projet ayant pour but d’améliorer la résilience critique dans sa communauté locale en la préparant aux enjeux à venir par la mise en place d’activités de subsistance, comme l’élevage d’abeilles sur place et la création d’un réseau de sauvegarde des semences par le troc. Le GL3 a continué à fonctionner exclusivement grâce au bénévolat et c’est d’ailleurs le seul groupe local subventionné par le CCF à avoir choisi de ne pas embaucher de permanent·e·s salarié·e·s.

Douglas and Stuart were motivated to participate in community projects because they aligned with their interests. Douglas joined CG1 as a sessional worker in order to run a youth project he felt passionate about. Stuart was crucial in designing the CCF project for CG3, and remained in a position of leadership in relation to the other volunteers and funders without taking on a paid position. Stewart led on aspects of CG3’s CCF project that were to improve critical resilience in his community by adjusting to future challenges through subsistence activities, such as keeping bees on site, and endeavouring to build up a seed saving network through seed swaps. CG3 continued to be run solely on a voluntary basis, and was at the time the only CCF-funded community group who opted not to hire any staff members.

« Je ne veux pas avoir des permanent·e·s ou rémunérer des gens […], car c’est un groupe bénévole. Le problème c’est que, dans ce que j’appelle le “secteur bénévole”, je vois trop de projets où il n’y a presque pas de bénévoles. Tout le boulot est fait par des permanent·e·s rémunéré·e·s. […] C’est aussi pour cette raison que les choses se cassent la figure quand on se retrouve à court de financements. […] Nos projets ne vont pas se casser la figure. » (Stewart, responsable bénévole)

“I don’t want a staff or to pay anybody. […] Cause it’s a voluntary group. The trouble is, I see too many projects in what I call the ‘voluntary sector’, and there’s hardly any volunteers in them. All the work’s done by staff that are paid. […] That’s also another reason why things fall on their arse if the funding dries up. […] Our projects won’t fall on their arse.” (Stewart, volunteer-leader)

La résilience critique intervient nécessairement hors du cadre des marchés de l’emploi. Inadaptés, ceux-ci ne permettent pas de pérenniser le travail dans le domaine de l’environnement. Environ quatre mois après l’entretien cité ci-dessus, la situation professionnelle de Stewart a évolué, si bien qu’il ne pouvait plus consacrer autant de temps au projet. Son absence n’est pas longtemps passée inaperçue : les autres bénévoles ont eu du mal à maintenir à flot les projets de sauvegarde des semences et d’apiculture. Le projet de Douglas au GL1 s’est quant à lui achevé lorsque le financement a pris fin, à la suite de quoi il a cessé de travailler pour l’organisation.

Critical resilience is necessarily located beyond ill-suited labour markets that are inadequate for the sustainability of environmental work in the long-term. Around four months after the interview cited above, Stewart’s work situation changed and he was no longer able to dedicate much time to the project. His absence soon became noticeable; the remaining volunteers struggled to maintain the seed saving and apiculture projects without him. In CG1, Douglas’s project finished when the funding ran out, and he ceased to work for the organisation.

Ces différents récits mettent en lumière la nature précaire du travail environnemental au sein de la communauté locale, au sens où il offre des perspectives à certain·e·s, mais présente des obstacles pour d’autres. On observe en effet une nette tension entre l’idéal du gouvernement écossais, pour qui ces initiatives doivent être portées par de « bonnes communautés locales » pour réussir à réduire les maux sociaux et environnementaux, et la négociation de parcours professionnels limitant la capacité des individus à s’engager – ou éventuellement à se retirer – de ce type de projets.

These stories of project workers highlight the precarious nature of environmental community work, which offers opportunities to some and presents barriers to others. There is a clear tension between the Scottish government’s ideal of projects conducted by “good communities” to improve social and environmental ills, and the negotiation of individual career paths that limit individual abilities to engage with and even retreat from these projects.

Au sein du GL1, les permanent·e·s salarié·e·s prennent en compte les préférences des bénévoles, mais se chargent finalement d’organiser les activités proposées. Iels cherchent à améliorer la résilience des bénévoles face aux défis plus larges auxquels ces derniers et ces dernières sont confronté·e·s en vivant dans un secteur marqué par de multiples privations. Pour certain·e·s, le bénévolat est une forme d’ergothérapie qui, en s’attaquant aux symptômes de multiple deprivation chez les individus, permet de prendre davantage confiance en soi.

At CG1, paid staff members were guided by volunteers’ preferences, but ultimately organised the activities on offer. Staff members sought to improve the individual resilience of volunteers in the face of the wider challenges they experienced from living in an area with symptoms of multiple deprivation. Volunteering was described like a form of occupational therapy that addressed the symptoms of multiple deprivation in individuals, by helping them to feel more confident.

« [Les bénévoles ont passé] leur vie entière à être exclus de la société, à s’entendre dire qu’ils ne sont pas assez bons, qu’ils ne vont pas réussir, qu’ils ne vont pas trouver de travail, sauf qu’on leur dit en même temps “vous devez trouver du travail !” même s’il n’y en a pas. Donc parfois, ceux qui viennent nous voir sont très timides et n’osent pas forcément parler, ou alors ils pensent que leurs idées ne valent pas grand-chose, ou que ça ne vaut pas le coup de les mettre en avant. Et il faut beaucoup de temps et de patience pour établir cette confiance avec les gens. » (Sam, coordinateur du projet)

“[Volunteers have spent] their whole life maybe excluded from society, always told that they’re not good enough, and they’re not gonna succeed, they’re not gonna get a job even though they’re being told at the same time, ‘You have to get a job!’—even though there’s no jobs. So they might come to us being really shy and not kind of daring to talk much necessarily, or not thinking that their ideas have much value, or they’re worth kind of putting out. And it takes a lot of time and kind of patience really to build up that confidence with people.” (Sam, project co-ordinator)

Selon Lynn, une permanente salariée également, travailler pour la communauté locale est une manière de permettre à d’autres individus de parvenir à l’empowerment, défini comme un processus de responsabilisation par l’accumulation de compétences transférables :

For Lynn, another staff member, community work was framed as a means to achieve individual empowerment in others, described as a process of responsibilisation through the accumulation of transferable skills:

« Tout le principe du travail communautaire, c’est d’aider les gens à devenir empowered et d’acquérir des compétences. Il ne s’agit donc pas ici de faire des choses pour les gens, mais de se servir de l’expérience pour les aider à faire les choses par eux-mêmes. » (Lynn, membre permanente salariée)

“The whole principle behind community work is that you support people to become empowered, and for them to gain the skills. So it’s not about doing things for people, it’s about helping them with the experience to do things themselves.” (Lynn, staff member)

Les bénévoles du GL1 affirment avoir pris davantage confiance en eux et en elles. Iels apprécient également le travail collectif (parfois intergénérationnel) comme solution de remplacement à la télévision ou à une consommation excessive d’alcool. Iels soulignent enfin que faire partie d’un groupe a renforcé leur capacité à agir.

CG1 volunteers also reported improvements in personal confidence, and enjoying communal work (at times intergenerational) as an alternative to watching television or excessively drinking alcohol. Volunteers also reported that being part of a group gave them more agency.

« On fait partie de quelque chose de plus grand que soi, c’est clair… En tant que personne, on n’a pas vraiment de pouvoir, mais avec un groupe de personnes, il y a une différence, je trouve, ensemble. » (Noemi, bénévole)

“You are part of something bigger than yourself, totally… As a person you don’t have much power, but with a group of people, there’s a difference, I find, together.” (Noemi, volunteer)

Parmi les exemples d’activités des communautés locales, citons : la culture de fruits et de légumes dans les jardins partagés et sur les terrains mis à disposition par la structure, la gestion d’une boutique de troc permettant aux habitant·e·s d’échanger vêtements et accessoires (dans une région où les vêtements d’occasion sont associés à un stigmate) et le surcyclage.

Examples of communal activities were growing food in the organisation’s community gardens and allotment, running a swap shop to enable residents to swap clothes and accessories (in an area where second-hand clothes were associated with a stigma), and upcycling.

Toutefois, si le fait de prendre part à des activités contribuant au bien-être personnel est clairement bénéfique à la communauté locale et aux bénévoles, le sentiment général est que l’amélioration de la vie des gens est le maximum qui puisse être accompli. Envisager des changements systémiques de plus grande envergure semble être hors de portée. C’est exactement ce qui ressort de l’expérience de Douglas face aux coupes budgétaires et à la diminution croissante des ressources au sein de la collectivité locale où il travaille.

However, although taking part in activities that improved personal well-being were clearly beneficial to the lives of volunteers and made improvements to the local community, there was a sense that aiming to make a difference in the personal lives of individuals was the most that could be achieved. More far-ranging systemic shifts towards critical resilience appeared to be out of reach. This was most obviously felt in what Douglas experienced of the local authority’s budget cuts and increasingly limited resources.

« [Dans la collectivité locale,] nous n’avons pas vraiment les ressources ou les infrastructures qui nous permettent d’aborder les questions qu’on devrait aborder. [Le GL1] vient combler un vide entre… les collectivités locales et la communauté locale sur le terrain. » (Douglas, travailleur rémunéré à la mission)

“[In the local authority,] we don’t really have the resources or the facilities to address the issues that need to be addressed. [CG1 are filling a] gap between … the local authority and the community at ground level.” (Douglas, sessional worker)

L’impact des politiques d’austérité s’est ressenti plus durement ici, et ce sont justement les pires répercussions de ces mesures sur la vie de la population locale que le CCF essaye de contrecarrer.

The impact of austerity policies was felt most harshly here, with the CCF project attempting to counteract the worst effects of the politics of austerity upon local people’s lives.

Les participant·e·s au projet du GL1 mené par Douglas pour les jeunes ont acquis un savoir-faire pratique dans le domaine de la sauvegarde de l’environnement ainsi qu’une éthique du travail do it yourself. Douglas a notamment souhaité leur apporter un sentiment d’autonomie et de compétence individuelle. Les jeunes ont eu besoin d’apprendre à s’occuper d’eux et d’elles-mêmes et acquérir des compétences pratiques dans le champ de la sauvegarde de l’environnement leur a permis de se doter d’« outils pour devenir adulte ». Même si Douglas a associé cette démarche à une forme d’empowerment individuel, le travail a consisté concrètement à former une partie des jeunes aux activités de subsistance, comme leur apprendre à tuteurer un arbre et à s’en occuper.

Douglas’s youth project in CG1 taught its participants a range of practical and conservation-related skills as well as a D.I.Y. work ethic. Douglas wanted to instil a sense of autonomy and individual competence in the young people he worked with. Young people needed to learn how to look after themselves, and gaining practical conservation-related skills and knowledge gave them “skills to be an adult”. Although Douglas aligned this with a form of individual empowerment, crucially, this involved the formation of subsistence activities for some of the young people he worked with, such as the task of staking and caring for a tree.

« [Ils] apprennent pourquoi ils font ça, ils apprennent qu’on doit prendre soin des choses – qu’on doit les nourrir, les cultiver. Et c’est un côté d’eux-mêmes qu’ils n’avaient jamais vu avant : tout tournait autour de la destruction, du fait de tirer sur des trucs, d’être dans la compétition. Là, c’est un mode de vie plus lent, sans doute moins axé sur la consommation que ce à quoi la société les destine. » (Douglas)

“[They’re] learning why they’re daein’ that, and learning that you’ve got to care for these things—to nurture them. And that was a side to their nature that they’d never seen before; it was all about destruction, shooting things, competing. It’s a slower way of life and it’s maybe no quite as consumptive a way of life as the aspirational society.” (Douglas)

Dans l’ensemble de ces trois projets, la résilience critique a émergé quand les travailleur·se·s remettaient en cause les structures systémiques impliquant un disempowerment et cherchaient à favoriser collectivement la mise en place d’activités de subsistance. Par exemple, dans le projet CG1, la notion de bénévolat n’était pas forcément considérée « bonne » par tou·te·s. Les jeunes ont ainsi pu subir la pression de leurs pairs sur le fait de travailler sans être rémunéré·e·s.

In all three projects, critical resilience was emerging when project workers challenged disempowering systemic structures and sought to collectively nurture the emergence of subsistence activities. For example, in CG1, the notion of volunteering was not universally regarded as “good”. Young people might be subjected to peer pressure against doing unpaid work.

« À moins que tu sois payé pour le faire, pourquoi bosser ? Eh bien justement, tu es payé : tu crées un environnement meilleur pour toi, tu rends plus agréable l’endroit où tu vis. Le but c’est d’essayer de leur expliquer ce changement de valeurs. » (Douglas)

“Unless you’re getting paid for it, what’s the point in daein’ it? Well, you are getting paid: you’re creating a better environment for yourself, you’re geein’ yourself somewhere nicer to live. And it’s about trying to explain that change in values to them.” (Douglas)

Le GL2 a très stratégiquement œuvré à la création d’emplois locaux. Au moment de notre enquête de terrain, il est engagé auprès d’une boulangerie communautaire et dans le rachat d’un magasin d’alimentation biologique par la communauté locale. L’objectif est de permettre aux commerces de proximité de s’approvisionner auprès d’entreprises agroalimentaires de la région et, par ce biais, de court-circuiter les supermarchés dans l’espoir de stimuler la demande de services locaux. Néanmoins, les valeurs des personnes impliquées dans l’organisation, en majorité issues de la classe moyenne, sont parfois entrées en conflit avec celles de la partie traditionnellement plus ouvrière de la communauté locale. Le GL2 a dû par exemple abandonner un projet de construction d’éolienne en raison du manque de soutien local.

CG2 worked most strategically towards local job creation. At the time of fieldwork, CG2 supported a Community Bakery, and the community buy-out of an organic wholefoods shop. The intention was that these local shops could source their produce from agribusinesses in the surrounding region, thus cutting out supermarkets in the hope of stimulating a wider demand for localised services. However, the organisation was made up mostly of middle-class participants whose values sometimes clashed with those of the traditionally more working-class part of the community. For example, CG2’s plans to erect a community wind turbine were shelved due to a lack of local support.

Les permanent·e·s et les bénévoles du GL1 ont, à titre personnel, une certaine idée de la manière dont la résilience individuelle et, par extension, la résilience critique de la communauté locale, peuvent être améliorées à l’échelle locale. Or, souvent, cette vision est décrite comme un rêve difficile à atteindre. Par exemple, l’ambition de Douglas, pour les projets de la communauté locale, était d’améliorer les compétences des jeunes, en particulier, pour leur permettre d’accéder à des emplois nouveaux et durables dans la production locale de nourriture, et de montrer aux résident·e·s comment cultiver leur propre nourriture en construisant de nouveaux espaces de culture dans des arrière-cours :

In CG1, individual staff members and volunteers held visions for improving local individual resilience and in turn the community’s critical resilience, but these visions were described as distant dreams. For example, Douglas had a vision for community projects that would upskill especially young people into new and sustainable employment pathways in local food production, and by building new growing spaces in back courts and teaching residents to grow their own food:

« On pourrait faire rentrer de l’argent en créant ces emplois. On pourrait aussi proposer à des jeunes au chômage, des jeunes qui ne sont pas qualifiés, de les former à la menuiserie, à la charpente, à l’horticulture, et leur permettre d’aller de l’avant. » (Douglas)

“We could have finance coming into us by creating these jobs. We could also take unemployed, unskilled young people, train them in joinery, woodwork, horticulture and develop them onwards and upwards.” (Douglas)

 

 

Discussion

Discussion

D’après nos résultats, le fait de travailler pour des projets de communautés locales améliore la résilience critique des membres rémunéré·e·s et non rémunéré·e·s, et ce de différentes manières. Dans ces trois groupes locaux, pourtant hétérogènes, les travailleur·se·s salarié·e·s ou bénévoles possédant les plus hauts degrés d’expertise et de qualifications professionnelles ont été soit favorisé·e·s soit freiné·e·s par leur positionnement social sur les questions de précarité et de richesse. Cela a influé sur leur liberté individuelle de choisir d’exercer des métiers précaires, assortis d’une rémunération plutôt faible, dans le tiers secteur. Les salarié·e·s du GL1 et du GL2 bénéficient à la fois d’un gain qualitatif, du fait du caractère flexible et local de leurs emplois (Bob et John du GL2), mais aussi de gains matériels individualisés, lorsqu’ils ont pu convertir leurs passions et leurs centres d’intérêt en carrière (Siobhan du GL1).

Our findings suggest that working in community projects improved the individual resilience of paid and unpaid project participants in different ways. In the three different community groups, those workers and volunteers who had the highest level of professional expertise and qualifications were enabled or restrained by their social positioning around deprivation and affluence, which influenced their individual freedom to choose precarious third sector jobs with relatively low pay. Paid workers in CG2 and CG1 experienced qualitative gains through the flexible or local nature of their jobs (Bob and John in CG2), as well as individualised material gains where they could turn their passions and interests into careers (Siobhan in CG1).

D’autres membres, issus de milieux pauvres ou ouvriers (Douglas dans le GL1 et Stewart dans le GL3), qui ont des emplois relativement stables, ne se sont pas investis dans les projets en vue d’une évolution professionnelle. Ils se sont en revanche positionnés de manière critique à l’égard des orientations néolibérales plus larges et ont promu les activités de subsistance dans leur communauté locale, malgré les obstacles de taille qui y entravent le développement de la résilience critique.

Participants from poor or working-class backgrounds (Douglas in CG1 and Stewart in CG3), who had relatively stable careers, did not participate in the projects for their professional development. Instead, they positioned themselves critically in relation to a wider neoliberal agenda and promoted subsistence activities in their communities, despite the significant barriers to developing critical resilience in these communities.

Le bien-être et la confiance en eux et en elles des bénévoles du GL1 ont été stimulés, contribuant à renforcer leur résilience individuelle. Participer à des activités de subsistance au sein d’un groupe permet en outre aux bénévoles de faire l’expérience du pouvoir de l’effort collectif qui préfigure (Ince, 2012) les modes de résilience critique. Cependant, la preuve de la « responsabilisation » (Rolfe, 2018) des bénévoles, dans le sens où l’on forme des gens à adopter durablement certains types de comportements individuels, implique que l’on attende, injustement, des habitant·e·s qui sont issu·e·s de communautés locales marquées par de multiples privations sociales qu’iels développent la capacité de s’adapter. Ce point de vue a pour effet d’invisibiliser les injustices structurelles sous-jacentes des politiques d’austérité néolibérales. Il est ici important d’établir une distinction entre les bénévoles adultes et les plus jeunes : « responsabiliser » des jeunes prend souvent la forme d’un accompagnement moral qui, à ce stade de leur existence, peut avoir un effet positif durable sur leur développement en tant qu’adultes. En revanche, procéder de même avec les habitant·e·s adultes des secteurs les plus défavorisés, qui ne peuvent pas changer leurs comportements en raison d’une agentivité limitée, relève d’un paternalisme déplacé. Dans un contexte plus large d’inégalités sociales, les objectifs de réduction radicale des émissions de carbone portés par le CCF laissent des questions difficiles concernant la justice environnementale en suspens. Ces résultats soulignent qu’il est en effet nécessaire de situer l’atténuation du changement climatique et environnemental dans un contexte plus large de relations sociales et matérielles inégales (Featherstone, 2013). Faute de quoi, la responsabilité de la résilience risque d’incomber à celles et ceux qui sont le moins en mesure de la mettre en œuvre.

Volunteers in CG1 experienced a boost in personal confidence and well-being, strengthening their individual resilience. By participating in subsistence activities as part of a group, volunteers also experienced the power of collective endeavours that prefigured (Ince, 2012) modes of critical resilience. However, evidence of the “responsibilisation” (Rolfe, 2018) of volunteers, in terms of the inculcation of individual behaviours, carries the implication that residents of multiply deprived communities are expected, unfairly, to develop the capacity to adapt. This view renders the underlying structural injustices of neoliberal austerity politics invisible. It is important here to differentiate between adult and young volunteers: “responsibilising” young people takes the shape of pastoral mentoring, which, at their stage, can have a lasting positive impact on their development into adults. Yet “responsibilising” adult citizens in the most deprived communities, where residents have limited agency to modify their behaviours, is a case of misplaced paternalism. In a wider context of social inequality, the CCF’s aim of cutting carbon emissions leaves us with difficult questions regarding environmental justice. These findings illustrate the necessity to place climate and environmental mitigation within a broader frame of unequal social and material relations (Featherstone, 2013). Failing to do so risks placing the onus of responsibility for resilience upon those least able to enact it.

Le refus du GL3 d’adopter une structure formelle autre que celle a minima prévue légalement renvoie aux observations de Taylor Aiken, selon qui « les signes d’une intégration aux grandes lignes directrices sont souvent rejetés catégoriquement par un grand nombre de bénévoles dans les communautés locales dites de niche » (2015, p. 767). L’objectif du projet d’établir un réseau de sauvegarde des semences et d’installer des ruches révèle, pour reprendre les termes de MacKinnon et Derickson (2013), des signes de débrouillardise, permettant aux participant·e·s de devenir plus autonomes sur le plan de la sécurité alimentaire. Cela s’articule en outre à la nécessité, du moins perçue ainsi, de se positionner au-delà de marchés du travail et de dispositifs de financement considérés comme restrictifs et contraignants. La capacité du projet à établir des pratiques de résilience critique a cependant souffert, car les conditions personnelles de certains membres du groupe ont limité leur possibilité de soutenir les activités du projet.

CG3’s refusal to adopt formal structures beyond the legally required minimum reflected Taylor Aiken’s findings that “indicators of growing into the mainstream are often outright rejected by many volunteers who constitute niche communities” (2015, p. 767). The project’s aims to establish a seed saving network and keep bees showed signs of resourcefulness in MacKinnon and Derickson view (2013), by enabling its participants to be more autonomous in their food security. This was coupled with a perceived need to move beyond what were viewed as restrictive and limiting labour markets and funding arrangements. However, the project’s capacity to establish practices of critical resilience suffered because individual group members’ personal circumstances limited their ability to sustain project activities.

En revanche, les membres du GL2, situé dans un secteur aisé, font preuve d’un assez haut degré de résilience individuelle qui se manifeste par une grande mobilité et un accès à des avantages et des ressources du point de vue personnel. Iels sont également capables de stimuler stratégiquement les entreprises locales et de travailler à établir des liens avec les entreprises agroalimentaires de la région. Compte tenu du niveau élevé de résilience individuelle au sein du GL2, il serait tentant d’en conclure que c’est là que réside la clef du « bon travailleur communautaire » ou de la « bonne travailleuse communautaire ». Néanmoins, les modalités dont bénéficient les permanent·e·s du GL2 – un travail porteur de sens, flexible et à temps partiel – ne leur assurent pas une sécurité de l’emploi à long terme dans la mesure où l’existence du projet repose uniquement sur l’attribution de subventions (Creamer, 2015). Il semble aussi aux membres des projets qu’il est difficile d’accéder à ces modalités, comme le suggèrent les exemples issus du GL1 et du GL3. Cette situation peut conduire à des perceptions et des conditions d’exclusivité qui risquent d’entraver les ambitions du GL2 de créer plus de perspectives d’emploi vert et durable pour les habitant·e·s de la région.

In contrast, in the affluently situated CG2, project workers displayed a relatively high degree of individual resilience expressed in high mobility and access to personal assets and resources. They were also able to strategically stimulate local businesses and work towards connecting with agribusinesses in the region. The high levels of individual resilience present in CG2 make it tempting to conclude that herein lies the key to what makes a “good community worker”. However, the kinds of meaningful, flexible and part-time work arrangements enjoyed by the CG2’s staff members do not provide long-term job security insofar as the project’s existence relies solely on grant funding (Creamer, 2015). They also are not perceived to be widely accessible, as examples from CG1 and CG3 suggest. This might create perceptions and conditions of exclusivity, which might hamper CG2’s goal of creating more green, sustainable work opportunities for people in the local region.

La résilience critique à l’œuvre dans ces trois projets reste, suivant Monforte (2019), latente ou inaccomplie. Certes, les bénévoles apprennent à cultiver leurs propres fruits et légumes, à sauvegarder des semences, à s’occuper des abeilles et à troquer des vêtements. Les jeunes se familiarisent aux pratiques de préservation de l’environnement et acquièrent des compétences utiles et nouvelles. Les projets, par le biais de ces pratiques, promeuvent le recours aux activités de subsistance. Si celles-ci portent en elles, grâce à une autosuffisance accrue, les racines de l’autonomie, elles restent toutefois trop modestes et manquent encore de cohérence pour prétendre constituer une contribution significative aux modes d’existence de la population.

In all three projects, critical resilience, following Monforte (2019), was latent or unfulfilled. For example, volunteers learned to grow their own food, learned about seed saving, looked after beehives and swapped clothes. Young people learned about practical conservation and gained valuable new skills. Through these tasks, the projects promoted subsistence activities. However, while these subsistence activities contained the seeds of local autonomy through increased self-sufficiency, they were too small in scale and lacked the coherence to make a meaningful contribution to people’s livelihoods.

Compte tenu des profondes inégalités qui existent dans la société écossaise, et qui sont manifestes dans les trois groupes locaux étudiés, l’équité est un principe cardinal pour améliorer la résilience critique de toutes les communautés locales. Elle implique que chacun·e ait les moyens d’assurer sa subsistance de façon digne et porteuse de sens, afin de favoriser le bien-être et de répondre aux besoins fondamentaux de tou·te·s. Des communautés locales telles que celles du CG1 continuent à faire face à un chômage et à un sous-emploi massifs qui constituent un obstacle à une participation pérenne à l’atténuation du changement climatique et aux mesures d’adaptation qui lui sont associées. Si le gouvernement écossais reconnaît que le bien-être doit désormais être un objectif économique majeur (Scottish government, 2020), il est cependant capital de mettre l’accent sur l’équité et la dignité dans le maintien des modes de subsistance dans les communautés locales écossaises pour adopter des pratiques de travail caractérisées par la résilience critique. Un Green New Deal, une décroissance et une économie écoféministe (Bauhardt, 2014) sont des voies possibles pour atteindre ces objectifs. Nous suivons un principe de précaution (Read et O’Riordan, 2017) en affirmant que les limites écologiques dues au changement climatique et à l’épuisement des ressources nécessitent une approche décroissante. Au lieu de chercher à rehausser le niveau de vie de la tranche la plus pauvre de la population écossaise vers celui de la minorité la plus riche, il faut mettre l’accent sur le partage et la redistribution des ressources disponibles et des différents types de travail (dont le travail rémunéré, domestique et de subsistance) afin de répondre aux besoins fondamentaux de tou·te·s. Dans un cadre « décroissant » (Kallis, Kerschner et Martinez-Alier, 2012), la participation économique peut être particulièrement localisée. L’idée de Douglas (GL1) de communautés locales vendant les fruits de leur labeur converge vers cette conception alternative de participation économique. Aussi suggérons-nous que les activités de subsistance soient mieux reconnues et soutenues comme participant à l’économie, laquelle peut contribuer à alimenter des modes d’existence durables, à la fois dans le cadre et au-delà de l’économie monétaire.

Given the profound inequalities in Scottish society, which were evident in the three community groups studied, the principle of equity is paramount in seeking to improve critical resilience across all communities. Equity requires the means for everyone to sustain their livelihoods in meaningful and dignified ways, to foster well-being and meet basic needs. Communities like CG1 continue to be affected by widespread unemployment and underemployment, which presents a barrier to long-term participation in climate change mitigation and adaptation. While the Scottish government acknowledges that well-being needs to be an important goal of the economy (Scottish government, 2020), a focus on equity and dignity in sustaining livelihoods is crucial to enacting critically resilient working practices in Scottish communities. A Green New Deal, degrowth and ecofeminist economics (Bauhardt, 2014) are possible pathways towards meeting these aims. We follow the precautionary principle (Read and O’Riordan, 2017) by arguing that ecological limits presented by climate change and resource depletion call for a degrowth approach. Instead of aiming to raise the living standards of the poorest part of the Scottish populace to that of the wealthiest minority, the emphasis must be on sharing and redistributing available resources and types of work (including waged, domestic and subsistence labour) to meet basic needs for all. Within a “degrowth” framework (Kallis, Kerschner and Martinez-Alier, 2012), economic participation may be very localised. Douglas’s (CG1) vision of autonomous community projects selling the fruits of their labour aligns with such an alternative form of economic participation. We suggest that subsistence activities become better acknowledged and supported as a part of economic participation that can help sustain livelihoods, both as part of and beyond the monetary economy.

 

 

Conclusion

Conclusion

L’analyse du jeu d’interactions qui, dans le cadre des projets CCF écossais, unit résilience individuelle et résilience critique témoigne de l’impact du contexte d’austérité sur la participation des travailleur·se·s et des bénévoles inscrit·e·s dans des situations sociales et matérielles de nature différente. Nous avons montré que les inégalités, de même que des marchés du travail mal ajustés, entravent les pratiques caractérisant les modes d’existence collectifs et écologiques sur la durée. Si l’on veut aller au-delà des expériences ambivalentes du bénévolat et du travail salarié (Monforte, 2019) en ce qui concerne l’atténuation et l’adaptation face au changement climatique, il est essentiel de s’éloigner radicalement des modes de gouvernement néolibéraux, lesquels assimilent la durabilité environnementale à la responsabilisation des individus et des communautés locales par « un changement des comportements » (Brook Lyndhurst et Ecometrica, 2011). La notion de résilience critique est pertinente pour aller au-delà des projets préfiguratifs (Ince, 2012) réalisés pour et par la communauté locale et vers une juste transition vers une économie décroissante qui tienne compte des limites de l’environnement. L’accélération rapide de la dégradation de la biosphère (Rockström, Steffen, Noone et al., 2009 ; IPCC, 2018 ; United Nations, 2019) fait de cette transition un impératif urgent. Pour passer de formes imaginées et localisées de résilience critique à leur mise en œuvre plus généralisée et sur le long terme, il faut que l’« empowerment » prenne appui sur des collectifs capables de subvertir, et non reproduire par inadvertance, les inégalités structurelles existantes (Barca, 2019). Cela semble d’autant plus important que les communautés locales défavorisées témoignent indéniablement d’un « besoin » plus immédiat de devenir « résilientes », sans pour autant visiblement bénéficier du soutien social et matériel qui leur permettrait d’y arriver. Pourtant ce sont précisément ces mêmes inégalités structurelles, à l’origine de privations sociales intenables, qui génèrent une prospérité à la fois gourmande en ressources et écologiquement intenable. Pour s’attaquer aux causes premières de ces inégalités, il faut procéder à des changements structurels profonds, telle la redistribution plus équitable du travail et des ressources. Des sociétés plus égalitaires tendent non seulement à offrir une meilleure qualité de vie, mais aussi à favoriser la responsabilité sociale, la coopération et un état d’esprit citoyen, lesquels sont des conditions préalables à la transition vers des sociétés à faibles émissions de carbone (Wilkinson et Pickett, 2009).

The analysis of the interplay between individual and critical resilience in CCF projects in Scotland illustrates the impact of a context of austerity upon the participation of workers and volunteers in different social and material positions. We have shown that inequality and ill-aligned labour markets impede collective ecological livelihood practices in the long-term. Moving beyond ambivalent experiences of volunteering and paid work (Monforte, 2019) in climate change mitigation and adaptation requires a dramatic shift away from neoliberal modes of rule that equate environmental sustainability with the responsibilisation of individuals and communities through “behavioural change” (Brook Lyndhurst and Ecometrica, 2011). The notion of critical resilience is pertinent to moving beyond prefigurative (Ince, 2012) community projects and towards a just transition to a degrowth economy within environmental limits. The rapidly accelerating degradation of the biosphere (Rockström, Steffen, Noone et al., 2009; IPCC, 2018; United Nations, 2019) renders this transition as a pressing imperative. Shifting from imagined and localised forms of critical resilience to a more widespread and long-term enactment of them requires that “empowerment” is aligned with collectives that are able to subvert, and not inadvertently reproduce, existing structural inequalities (Barca, 2019). This seems especially pertinent given that communities subject to deprivation have ostensibly a more immediate “need” to become “resilient”, yet without the apparent social and material support to do so. Yet the same existing structural inequalities that give rise to untenable social deprivation also enable resource-intensive affluence that is ecologically untenable. Tackling the root causes of these inequalities requires deep structural shifts such as redistributing work and resources more equally. More equal societies tend to not just offer a better quality of life, but foster the social responsibility, co-operation and public spiritedness that are a prerequisite for transitioning to low-carbon societies (Wilkinson and Pickett, 2009).

Notre article démontre que nous devons détourner le regard des effets du régime néolibéral pour au contraire l’orienter sur la production d’un contexte socio-environnemental qui fasse preuve de « résilience critique » et nous défaire de l’attention exclusive portée à « la capacité adaptative » (Felli et Castree, 2012, p. 2) que doivent cultiver un individu ou une communauté locale donnés. Les exemples de résilience critique mentionnés peuvent sans doute être vus comme des graines de bien-être et de différentes économies décroissantes (Kallis, Kerschner et Martinez-Alier, 2012). Or pour que ces graines poussent, l’État ne doit pas être considéré comme éloigné de la population (Felli et Castree, 2012 ; Rose et Miller, 2010). Une participation démocratique porteuse de sens doit être réalisée à travers, mais aussi contre l’État pour pouvoir s’attaquer aux inégalités, condition préalable à la mise en œuvre locale de l’atténuation du changement climatique. Pour ce faire, nous pensons qu’il est nécessaire d’élargir nos conceptions du travail et de repousser les limites de l’individualisation que promeuvent les modes néolibéraux d’appropriation, au profit de tâches collectives et étroitement imbriquées (Ingold, 2000) qui, en appuyant des modes d’existence durables, soutiennent l’équité, la résilience critique et in fine une planète vivante.

Our paper demonstrates that, contrary to the effects of neoliberal rule, our attention must shift towards producing a “critically resilient” socioenvironmental context and away from an explicit focus on nurturing a given individual’s or community’s “adaptive capacity” (Felli and Castree, 2012, p. 2). The examples of critical resilience we have alluded to can perhaps be envisioned as seeds of well-being and degrowth economies (Kallis, Kerschner and Martinez-Alier, 2012). Yet for such seeds to grow, the state cannot be considered distant to the population (Felli and Castree, 2012; Rose and Miller, 2010). Meaningful democratic participation must be realised through and against the state in order to address the inequalities that precede the local enactment of climate change mitigation. This, we argue, must involve broadening our conceptions of work and the individualising confines of neoliberal modes of appropriation, and towards collective and interwoven tasks (Ingold, 2000) that sustain livelihoods in ways that support equity, critical resilience and, ultimately, a living planet.

 

 

Remerciements (Svenja Meyerricks)

Acknowledgements (Svenja Meyerricks)

Cet article et la recherche qui le précède n’auraient pas été possibles sans le soutien de l’Economic and Social Research Council (Conseil de recherche économique et sociale) et du gouvernement écossais. J’exprime aussi ma reconnaissance à toutes les personnes rencontrées au sein des communautés locales des cas d’étude pour avoir partagé avec moi leur temps et leurs idées précieuses, ainsi qu’à mes directrices de recherche Jan Bebbington et Rehema White pour leur soutien généreux. De nombreux et nombreuses ami·e·s, parent·e·s, collègues ainsi que le chat Fruitcake (puisses-tu ronronner au paradis des chats !) m’ont aidée à conduire à son terme la thèse sur laquelle se fonde cet article. Je leur suis reconnaissante à tou·te·s.

This paper and the research behind it would not have been possible without the financial support of the Economic and Social Research Council and the Scottish government. I am also grateful to all informants of the community groups behind the case studies for volunteering their time and sharing their valuable insights with me, and for the generous support of my supervisors Jan Bebbington and Rehema White. Many friends, family members, colleagues and Fruitcake the cat (may you purr on in feline heaven!) have helped me get the thesis upon which this paper is based to the finish line. I remain grateful to all of them.

 

 

Pour citer cet article

To quote this article

Meyerricks Svenja, Mackenzie Ewan, “Towards critical resilience: political and social dimensions of work in community projects” [« Vers une résilience critique : dimensions politiques et sociales du travail dans les projets portés par la “communauté locale” »], Justice spatiale | Spatial Justice, no 17, 2022 (http://www.jssj.org/article/vers-une-resilience-critique-dimensions-politiques-et-sociales-du-travail-dans-les-projets-portes-par-la-communaute-locale).

Meyerricks Svenja, Mackenzie Ewan, “Towards critical resilience: political and social dimensions of work in community projects” [« Vers une résilience critique : dimensions politiques et sociales du travail dans les projets portés par la “communauté locale” »], Justice spatiale | Spatial Justice, no 17, 2022 (http://www.jssj.org/article/vers-une-resilience-critique-dimensions-politiques-et-sociales-du-travail-dans-les-projets-portes-par-la-communaute-locale).

[1] La notion de community, telle qu'elle est mobilisée par les institutions britanniques et écossaises, tend à être assimilée au local. Pour être compétente, elle doit a minima adopter la forme d'une association de fait et dans certains cas être dotée d'un statut légal. Voir notamment Taylor Aiken Gerald, 2015 (NdT).

[1] The notion of community, as mobilized by British and Scottish institutions, tends to be equated with the local in french. To be competent, it must at least take the form of a de facto association and in some cases have legal status. See in particular Taylor Aiken Gerald, 2015.

[2] Ces mesures s’inscrivent dans une approche localiste du gouvernement britannique, notamment dans la lignée du Localism Act 2011 qui entérine le transfert de certaines prérogatives étatiques aux individus et aux communautés locales (NdT).

[2] These measures are part of a localist approach of the British government, especially in line with the Localism Act 2011, which endorses the transfer of certain state prerogatives to individuals and local communities (note by the French translator).

[3] La notion de deprivation appartient au vocabulaire de l’action sociale de certains pays anglophones, dont la Grande-Bretagne. Conceptualisée en partie par le sociologue britannique Peter Townsend dans les années 1960, elle excède la notion, jusqu’alors prévalente, de pauvreté, tout comme celle de précarité. Traduite sous le terme de « défavorisation » au Québec (Institut national de santé publique du Québec), elle peine à s’ancrer dans le lexique des sciences sociales francophone. Les notions de privation relative et de frustration relative, pour relative deprivation, sont également en usage dans d’autres courants disciplinaires. Voir : Leloup Xavier, Apparicio Philippe, Séguin Anne-Marie, « Le concept de relative deprivation : survol des définitions et des tentatives de mesure appliquées à l’urbain », INRS/Document de recherche, 2005 ; Di Natale Isabelle, « Réformes et politiques éducatives au Royaume-Uni entre 1997 et 2010 : quel système d’enseignement secondaire pour le Royaume-Uni depuis la promulgation de “l’Education Reform Act” en 1988 ? », thèse de doctorat, université Sorbonne Paris Cité, 2019, p. 426 et Leydier Gilles, « Entre libéralisme, social-démocratie et intégration européenne : un modèle écossais ? », Observatoire de la société britannique, no 1, 2006 [NdT].

[3] The notion of deprivation belongs to the vocabulary of social action in certain English-speaking countries, including Great Britain. Conceptualised in part by the British sociologist Peter Townsend in the 1960s, it goes beyond the hitherto prevalent notion of poverty, as well as that of precariousness. Translated as “défavorisation” in Quebec (INSPQ), it is struggling to establish itself in the lexicon of the French-speaking social sciences. The notions of relative deprivation and relative frustration, for relative deprivation, are also in use in other disciplinary streams. See Leloup Xavier, Apparicio Philippe, Séguin Anne-Marie, “Le concept de relative deprivation : survol des définitions et des tentatives de mesure appliquées à l’urbain”, INRS/Research Paper, 2005; Di Natale Isabelle, “Réformes et politiques éducatives au Royaume-Uni entre 1997 et 2010 : quel système d’enseignement secondaire pour le Royaume-Uni depuis la promulgation de l’“Education Reform Act” en 1988 ?”, PhD thesis, Sorbonne Paris Cité University, 2019, p. 426 and Leydier Gilles, “Entre libéralisme, social-démocratie et intégration européenne : un modèle écossais ?”, Observatoire de la société britannique, no 1, 2006 (TN).

[4] Les sessional workers sont des travailleur·se·s rémunéré·e·s à la mission, pour lesquel·le·s il n’est pas obligatoire d’établir de contrat (NdT).

[4] Sessional workers are workers who are paid on an assignment basis, for whom it is not mandatory to establish a contract.

[5] Les community woodland groups sont des collectifs locaux de gestion des forêts riveraines dont ils ont la responsabilité soit en pleine propriété, soit à titre locatif ou d’usage. Il s’agit le plus souvent d’associations de fait. Pour plus d’informations, voir The Woodland Trust, Community ownership for woodland management and creation Research report, rapport de recherche, juin 2011 (NdT).

[5] Community woodland groups are local collectives for the management of riparian forests for which they are responsible, either on a freehold, leasehold or user basis. They are most often de facto associations. For more information, see The Woodland Trust, Community ownership for woodland management and creation Research report, June 2011 (ed.).

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